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ensuite. La postérité pensera comme les juges; elle hésitera comme les hommes d'Etat. Mais, l'arrêt prononcé, fallait-il user de clémence envers le condamné ou laisser la justice suivre son cours? La clémence n'eût pas désarmé les ennemis de la révolution : préoccupés du rétablissement de la royauté, ils se montraient assez indifférents pour la personne du roi; témoin le peu d'efforts des Prussiens pour le sauver; quant à ses partisans à l'intérieur, ils n'en firent

aucun.

L'Assemblée reçut des adresses de félicitation de tous les départements, qui voulaient s'associer à sa juste sévérité. Quant à l'armée, dans la prévision d'un redoublement d'attaques de la part des ennemis, elle s'exprima en ces termes : « Nous vous remercions de nous avoir imposé la nécessité de vaincre. » Ces manifestations du sentiment national eurent un caractère d'universalité qui frappa vivement Joseph de Maistre; il lança aux Français cet anathème plein d'amertume : <«< Jamais un si grand crime n'eut tant de complices.

Peu de jours après la mort de Louis XVI, les princes ses frères reconnurent pour héritier de la couronne l'enfant qu'il avait laissé dans la prison du Temple; le comte de Provence prit le titre de régent, le comte d'Artois celui de lieutenant général du royaume; et Marie-Antoinette rendit à son fils les hommages réservés aux rois : autant de protestations du droit divin contre la souveraineté nationale.

Huit mois plus tard, l'épouse et la sœur de Louis XVI furent immolées à leur tour. L'une et l'autre l'avaient encouragé dans ses résistances et dans ses trahisons. Marie-Antoinette était abhorrée du peuple elle périt au temps où les étrangers, qu'elle avait ameutés contre la France, témoignaient le plus d'acharnement. Cependant on aurait dû tenir compte à ces malheureuses femmes de leur éducation pre

mière et du milieu dans lequel elles avaient vécu, Quelle inquiétude politique pouvaient d'ailleurs inspirer deux prisonnières? Si leur condamnation ne fut pas une injustice, leur supplice fut certainement une cruauté.

CHAPITRE II

LES GIRONDINS ET LES MONTAGNARDS

La révolution française, en dressant un échafaud pour le dernier roi, venait de rompre avec tous les vieux gouvernements de l'Europe; et le combat engagé entre les deux principes opposés ne pouvait se terminer que par la victoire définitive de l'un ou de l'autre. Cette suprême conviction s'exhale d'un appel aux armes, où les républicains, sans dissimuler aucun danger, glorifient noblement la grandeur morale de leur mission; jamais un tel langage n'avait été parlé aux masses populaires :

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Vainqueurs de Valmy, de Spire et de Jemmapes, vous ne laisserez point périr une patrie que vous avez sauvée. Votre défaite couvrirait la terre de deuil et de larmes; la liberté fuirait de l'Europe, et avec elle s'évanouirait l'espérance de l'univers. Mais si vous triomphez, les peuples s'embrassent, vous proclament les régénérateurs du monde, et l'histoire ne trouve plus dans ses fastes rien qui ressemble à vos succès. »

Le courroux des cabinets étrangers ne causa donc aucune surprise à la Convention. Celui de Londres signifia à notre ambassadeur l'ordre de quitter l'Angleterre sous huit jours; la Hollande insulta nos

nationaux; Catherine de Russie expulsa ceux qui refusaient d'abjurer les principes républicains; les Bourbons d'Espagne ne nous ménagèrent point leurs témoignages de haine. Harcelée par tant de provocations, qui équivalaient à des déclarations de guerre, la République française déclara la guerre elle-même, à l'Angleterre d'abord, à la Hollande ensuite, puis à l'Espagne, après avoir exposé ses griefs publiquement, pour éclairer les esprits sur la justice de sa résolution. Un assassinat avait été commis à Rome, dès le 13 janvier, sur notre secrétaire de légation Basseville, au moment où il substituait l'écusson républicain au blason royal: la Convention ordonna qu'une éclatante vengeance fût tirée de cette insulte.

Nous n'avions pourtant que 200 000 soldats à opposer à près du double, et 66 vaisseaux de ligne à mettre en face des 158 de l'Angleterre, renforcés par toute la marine hollandaise. « La machine désorganisée de la coalition était remontée,» suivant l'expression du ministre prussien Hardenberg; sept traités d'alliance avaient été conclus, et six traités de subsides, par lesquels l'Angleterre s'engageait envers les princes allemands qui prendraient part à la guerre.

L'infériorité de nos ressources militaires et financières ne fit pas hésiter l'Assemblée. On eut recours à une nouvelle émission d'assignats: il en fut créé pour huit cents millions. Leur gage s'accroissait par les biens qu'abandonnait chaque jour l'émigration et qui devenaient domaines nationaux; mais cet accroissement même en rendait la vente presque impossible et en faisait un capital mort. Une nouvelle organisation de l'armée fut décrétée, avec une levée immédiate de 300 000 hommes; tous les Français de dix-huit à quarante ans furent déclarés en état de réquisition permanente.

Le Stathouder, sous l'influence du ministère anglais,

s'était particulièrement signalé par ses démonstrations hostiles. C'est contre lui que les premiers coups furent dirigés on résolut l'envahissement de la Hollande. Dumouriez, trop impatient de succès (il en avait besoin pour ses vues personnelles), entreprit l'expédition avec des forces insuffisantes. Le 17 février, il s'aventura sur le territoire batave, en se faisant accompagner de proclamations rassurantes pour les populations. Mais bientôt quelques échecs éprouvés par ses lieutenants l'obligèrent de revenir vers la Meuse; et lui-même, le 18 mars, fut complètement défait à Nerwinde.

On le vit alors s'en prendre à tout le monde de ses revers: aux généraux qui l'avaient mal secondé; aux commissaires de la Convention, qui, par leurs procédés révolutionnaires, lui avaient aliéné les sympathies du pays; au gouvernement lui-même, qui n'avait pas mis à sa disposition des moyens assez grands. Il se lança éperdûment dans des projets d'ambition coupable qui semblent l'avoir préoccupé avant même l'ouverture de la campagne : il rêva de réunir dans ses mains toutes les forces des Pays-Bas et d'être le chef d'une nouvelle république; il rêva de se faire l'arbitre de la situation par un concert avec les coalisés, de marcher sur Paris pour y écraser les partis, dissoudre la Convention nationale, et rétablir la monarchie de 1791, au profit du duc de Chartres, fils aîné de Philippe-Egalité.

La Convention, avertie de ces trahisons, chargea cinq de ses membres de se rendre au camp de Dumouriez, pour le sommer de venir se justifier ou le suspendre de son commandement. Le général les fit arrêter et les livra aux Autrichiens. Mais il avait espéré trouver des prétoriens dans ses soldats, il trouva en eux des citoyens : ce chef, naguère idolâtré, eut peine à échapper à leur indignation. Il rejoignit les Impériaux, fut froidement accueilli, et alla terminer dans

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