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désormais dans la société nouvelle, ils s'y trouvent à l'aise.

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Nous avons bien eu le spectacle des Epiménides réveillés par le coup de tonnerre de 1870, qui, sans se douter des changements accomplis pendant leur sommeil, ont essayé de renouer le fil de l'histoire au point où ils le croyaient rompu en 89 maladie d'anachronisme qui ne pouvait être épidémique. Nous assisterons peut-être encore à des tressaillements du passé : ils n'arrêteront pas la marche régulière des choses, pas plus que n'y parviendront les folies barbares des impatients; ceux-ci, les malheureux, accroissent eux-mêmes le trouble dont ils souffrent.

Maintenant que la France a choisi sa forme définitive de gouvernement, le progrès se continuera sans secousses par l'action alternative des mœurs et des lois, se perfectionnant mutuellement.

Mais la Révolution française n'est pas française seulement on n'insistera jamais trop sur son caractère d'universalité, qui a frappé tous les esprits supérieurs :

« C'est le plus grand pas fait pour l'affranchissement total du genre humain », a dit l'Anglais Fox.

« C'est le premier chapitre de la Révolution nationale,» a dit l'Américain Jefferson; et Jeffer

son a ajouté : « Tout homme a deux patries, celle où il est né et la France. »

« Aujourd'hui s'ouvre une nouvelle époque de l'histoire du monde, » a dit l'Allemand Goethe.

L'ultramontain de Maistre qualifie la Révolution de satanique; le libéral de Tocqueville y voit quelque chose de providentiel; et il fait remarquer qu'elle a procédé à la manière des révolutions religieuses, ne se renfermant ni dans les limites d'un territoire, ni dans les intérêts d'un peuple, considérant l'homme en général, indépendamment du pays et du temps.

Tel fut en effet le premier acte de ce grand drame qui eut la France pour théâtre. L'Assemblée constituante, pénétrée du sentiment philanthropique, proclama les principes généraux sur lesquels repose la société moderne; elle les formula dans des lois qui font notre admiration.

Mais quand la nation se vit obligée de tenir tête à une coalition des monarchies européennes, acharnées à détruire son ouvrage, l'assemblée qu'elle avait élue pour la représenter dut faire appel surtout au sentiment patriotique; et celuici, par un suprême effort, sauva le berceau de la liberté.

Ce fut le travail de la Convention. Elle aussi a beaucoup créé, beaucoup organisé, mais selon les données de la Constituante: on pourrait dire que

les conventionnels ont fait la révolution politique pour défendre la révolution sociale accomplie par leurs prédécesseurs.

Ces deux œuvres successives se complètent l'une l'autre; nous avons essayé pourtant de les distinguer par une division historique nouvelle qui nous paraît devoir être maintenue dans ce résumé.

La Révolution a fondé solidement l'unité nationale, dès longtemps cherchée dans des intérêts divers: par les rois dans celui de leur pouvoir, par les parlements dans celui de leur influence, par le clergé dans celui de l'Eglise. Elle a fondé aussi l'indépendance individuelle, dont les progrès de la raison publique, éclairée par les philosophes, avaient fait comprendre le besoin; c'est ce que Victor Cousin a très heureusement exprimé dans ces paroles:

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<< Quand le travail fut terminé, il se trouva que la puissance nationale était centuplée, et que l'individu était émancipé. La plus puissante unité, et en même temps une liberté immense, tel est le principe, telle est la fin de la Révolution française.

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Le publiciste allemand Oelsner avait pu dire avant lui :

La réformation de Luther a moins atteint l'ensemble des relations sociales que ne l'a fait la Révolution française.

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Et pourtant notre nation n'est point révolutionnaire dès que les causes de son agitation ont cessé, elle s'éloigne des hommes qui voudraient la prolonger; elle s'empresse de rentrer dans l'ordre et de se remettre à l'ouvrage, même quand les conditions de cet ordre ne satisfont qu'à demi ses aspirations de réforme. Elle va vite aux réparations. Elle a hâte d'améliorer et d'embellir le séjour qui lui est assigné sur ce globe, comme si elle avait toujours devant les yeux cette prophétie qui date de vingt siècles :

<«< Il semble qu'une providence tutélaire éleva ces chaînes de montagnes, rapprocha ces mers, traça et dirigea le cours de tant de fleuves, pour faire un jour de la Gaule le lieu le plus florissant de la terre. » (Strabon.)

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