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La pensée de la mort nous trompe, car elle nous fait oublier de vivre.

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La plus fauffe de toutes les philofophies eft celle qui, fous prétexte d'afranchir les hommes des embarras des paffions, leur conseille l'oifiveté.

Nous devons peut-être aux paffions les plus grands avantages de l'efprit.

Ce qui n'offense pas la fociété, n'est pas du reffor t de la justice.

Quiconque eft plus févére que les loix, est un

tyran.

On voit ce me femble, par ce peu de penfées que je rapporte, qu'on ne peut pas dire de lui ce qu'un des plus aimables efprits de nos jours a dit de ces philofophes de parti, de ces nouveaux stoïciens qui en ont impofé aux faibles:

Ils ont eu l'art de bien connaître
L'homme qu'ils ont imaginé ;.

Mais ils n'ont jamais deviné
Ce qu'il eft, ni ce qu'il doit être.

J'ignore fi jamais aucun de ceux qui se sont mêd'intraire les hommes, a rien écrit de plus fage

que fon Chapitre fur le bien & fur le mal moral. Je ne dis pas que tout foit égal dans ce livre ; mais, fi l'amitié ne me fait pas illufion, je n'en connais guéres qui foit plus capable de former une ame bien née & digne d'être inftruite. Ce qui me perfuade encore qu'il y a des chofes excellentes dans cet Ouvrage que M. de Vauvernagues nous a laissé, c'est que je l'ai vû méprisé par ceux qui n'aiment que les jolies phrafes & le faux bel esprit.

DES

EMBELISSEMENS

DE PARIS.

UN feul Citoyen qui n'étoit pas fort riche, mais

qui avoit une grande ame, fit à fes dépens la Place-des-Victoires, & érigea par reconnaiffance une Statue à fon Roi. Il fit plus que fept cens mille Citoyens n'ont encore fait dans ce fiécle. Nous poffédons dans Paris de quoi acheter des Royaumes ; nous voyons tous les jours ce qui manque à notre Ville, & nous nous contentons de murmurer! On paffe devant le Louvre, & on gémit de voir cette façade, monument de la grandeur de Louis XIV. du zéle de Colbert & du génie de Perrault, cachée par des bâtimens de Gots & de Vandales. Nous courons aux Spectacles, & nous fommes indignés d'y entrer d'une maniére fi incommode & fi dégoûtan

te,

d'y être placés fi mal à notre aife, de voir des falles fi groffiérement construites, des théâtres fi mal entendus, & d'en fortir avec plus d'embarras & de peine qu'on n'y est entré. Nous rougiffons avec raison de voir les Marchés publics établis dans des rues étroites, étaler la mal-propreté, répandre

l'infection & caufer des défordres continuels. Nous n'avons que deux Fontaines dans le grand goût, & il s'en faut bien qu'elles foient avantageufement placées. Toutes les autres font dignes d'un village. Des quartiers immenfes demandent des Places publiques ; & tandis que l'Arc-de-Triomphe de la Porte S. Denis, la Statue équeftre de Henri le Grand, ces deux Ponts, ces deux Quais fuperbes, ce Louvre, ces Tuileries, ces Champs-Elisées égalent ou furpaffent les beautés de l'ancienne Rome; le centre de la Ville obfcur, refferré, hideux, repréfente les tems de la plus honteufe barbarie. Nous le difons fans ceffe; mais jufqu'à quand le dirons-nous fans y remédier?

A qui appartient-il d'embellir la Ville, finon aux habicans qui jouiffent dans fon fein de tout ce que l'opulence & les plaifirs peuvent prodiguer aux hommes ? On parle d'une Place, & d'une Statue du Roi; mais depuis le tems qu'on en parle, on a bâti une Place dans Londres, & on a conftruit un Pont fur la Tamize, au milieu même d'une guerre plus funefte & plus ruineufe pour les Anglais que pour nous. Ne pouvant pas avoir la gloire de donner l'exemple, ayons au moins celle d'enchérir fur les exemples qu'on nous donne. Il eft tems que ceux qui font à la tête de la plus opulente Capitale de l'Europe,la rendent la plus commode & la plus magnifique. Ne ferons-nous pas honteux à la fin de nous borner à des petits feux-d'artifice, vis-à-vis un bâ

timent groffier, dans une petite Place deftinée l'exécution des criminels? Qu'on ofe élever fon efprit, & on fera ce qu'on voudra. Je ne demande autre chose,sinon qu'on veuille avec fermeté. Il s'agit bien feulement d'une Place! Paris feroit encore très-incommode & très-irrégulier quand cette Place feroit faite. Il faut des Marchés publics, des Fontaines qui donnent en effet de l'eau, des carrefours réguliers, des falles de Spectacles; il faut élargir les rues étroites & infe&tes, découvrir les Monumens qu'on ne voit point, & en élever qu'on puiffe voir.

La baffeffe des idées, la crainte encore plus basse 'd'une dépenfe néceffaire, viennent combattre ces projets de grandeur que chaque bon Citoyen a fait cent fois en lui-même; on fe décourage, quand on fonge à ce qu'il en coutera pour élever ces grands Monumens, dont la plupart deviennent chaque jour indifpenfables, & qu'il faudra bien faire à la fin, quoi qu'il en coûte. Mais au fond, il eft bien certain qu'il n'en coutera rien à l'Etat. L'argent employé à ces nobles travaux ne fera certainement pas payé à des étrangers. S'il falloit faire venir le fer d'Allemagne & les pierres d'Angleterre, je vous dirois, croupiffez dans votre molle nonchalance, jouiffèz en paix des beautés que vous poflédez, & reftez privés de celles qui manquent. Mais bien loin que l'Etat perde à ces travaux, il y gagne; tous les pauvres alors font utilement employés ; la circulation de l'argent augmente; & le peuple qui tra

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