Images de page
PDF
ePub

L'Allemagne n'étoit point alors auffi floriffante qu'elle l'eft devenue depuis ; le luxe y étoit inconnu, & les commodités de la vie étoient encore très-rares chez les plus grands Seigneurs. Elles n'y ont été portées que vers l'an 1686. par les réfugiés François, qui allérent y établir leurs Manufactures. Ce païs fertile & peuplé manquoit de commerce & d'argent; la gravité des mœurs & la lenteur particuliére aux Allemands, les privoient de ces plaifirs & de ces arts agréables, que la fagacité Italienne cultivoit depuis tant d'années, & que l'induftrie Française commençoit dès-lors à perfe&tionner. Les Allemands, riches chez eux, étoient pauvres ailleurs ; & cette pauvreté, jointe à la difficulté de réunir en peu de tems fous les mêmes étendarts tant de Peuples différens, les mettoit à-peu-près comme aujourd'hui dans l'impoffibilité de porter & de foutenir long-tems la guerre chez leurs voisins. Auffi c'eft prefque toujours dans l'Empire que les Français ont fait la guerre contre l'Empire. La différence du Gouvernement & du génie rend les Français plus propres pour l'attaque, & les Allemands pour la défense.

DE L'ESPAGNE..

L'Espagne gouvernée par la Branche ainée de la Maison d'Autriche, avoit imprimé, après la mort de Charles-Quint, plus de terreur que la Nation Germanique. Les Rois d'Efpagne étoient

incomparablement plus abfolus & plus riches. Les Mines du Mexique & du Potofi fembloient leur fournir de quoi acheter la liberté de l'Europe. Ce projet de la Monarchie Universelle de notre Continent Chrétien, commencée par Charles-Quint, fut d'abord foutenu par Philippes 11. Il voulut du fond de l'Efcurial affervir la Chrétienté par les négociations & par la guerre. Il envahit le Portugal. Il défola la France; il menaça l'Angleterre ; mais plus propre peut-être à marchander de loin les efclaves, qu'à combattre de près fes ennnemis, il n'ajouta aucune conquête à celle du Portugal, il facrifia de fon aveu quinze cens millions, qui font aujourd'hui en 1745. plus de trois mille millions de notre monnoye pour affervir la France & pour regagner la Hollande. Mais fes tréfors ne fervirent qu'à enrichir ces Pays qu'il voulut dompter.

Philippes III. fon fils, moins guerrier encore & moins fage, eut peu de vertus de Roi. La fuperftition, ce vice des ames faibles, ternit fon régne & affaiblit la Monarchie Espagnole. Son Royaume commençoit à s'épuifer d'habitans, par les nombreuses Colonies que l'avarice tranfplantoit dans le Nouveau Monde ; & ce fut dans ces ; circonftances que ce Roi chaffa de fes Etats plus de huit cens mille Maures, lui qui auroit dû au contraire en faire venir davantage, s'il eft vrai que le nombre des fujets foit le vrai tréfor des Rois; l'Espagne fut prefque déferte depuis ce tems. La fierté oifive des habitans laiffa paffer en d'autres

[ocr errors]

mains les richeffes du Nouveau Monde; l'or du Pérou devint le partage de tous les Marchands de l'Europe. En vain une Loi sevére & presque toûjours exécutée ferme les Ports de l'Amérique Efpagnole aux autres Nations; les négocians de France, d'Angleterre, d'Italie chargent de leurs marchandises les gallions, en rapportent le principal avantage : & c'est pour eux que le Pérou & le Mexique ont été conquis.

La grandeur Efpagnole ne fut donc plus fous Philippes III. qu'un vafte corps fans fubftance, qui avoit plus de réputation que de force.

Philippe IV. héritier de la faibleffe de fon pere, perdit le Portugal pat fa négligence, le Rouffillon par la faibleffe de fes armes, & la Catalogne par l'abus du Defpotifme. C'est ce même Roi, à qui le Comte Duc d'Olivarès, fon Favori & fon Miniftre, fit prendre le nom de Grand à fon avénement à la Couronne, peut-être pour l'exciter à mériter ce titre, dont il fut fi indigne, que tout Roi qu'il étoit, perfonne n'ofa le lui donner. De tels Rois ne pouvoient être long-tems heureux dans leurs guerres contre la France. Si nos divifions & nos fautes leur donnoient quelques avantages, ils en perdoient le fruit par leur incapacité. De plus, ils commandoient à des peuples que leurs priviléges mettoient en droit de mal fervir; les Caftillans avoient la prérogative de ne point combattre hors de leur patrie. Les Arragonais difcutoient fans eeffe leur liberté contre le Confeil Roïal, & les

Catalans

Catalans qui regardoient leurs Rois comme leurs ennemis, ne leur permettoient pas même de lever des Milices dans leurs Provinces. Ainfi ce beau Koïaume étoit alors peu puiffant au-dehors & miférable au-dedans ; nulle induftrie ne fecondoit dans ces climats heureux, les préfens de la nature; ni les foïes de la Valence, ni les belles laines de l'Andaloufie & de la Caftille, n'étoient préparées par les mains Espagnoles. Les toiles fines étoient un luxe très-peu connu. Les Manufactures Flamandes, reftes des monumens de la Maifon de Bourgogne, fourniffoient à Madrid ce que l'on connaiffoit alors de magnificence. Les étoffes d'or & d'argent étoient défendues dans cette Monarchie, comme elles le feroient dans une République indigente qui craindroit de s'ap pauvrir. En effet, malgré les Mines du No veau Monde, l'Espagne étoit fi pauvre, que le Ministére de Philippes IV. fe trouva réduit à la néceffité de faire de la monnoie de cuivre, à laquelle on donna un prix prefque auffi fort qu'à l'argent ; il fallut que le Maître du Mexique & du Pérou fit de la fauffe monnoïe pour païer les Charges de l'Etat. On n'ofoit, fi on en croit le fage Gout, ville, impofer des taxes perfonnelles ; parce que ni les bourgeois ni les gens de la campagne, n'aïant prefque point de meubles, n'auroient jamais pu être contraints à païer. Tel étoit l'état de l'ELpagne, & cependant réünie avec l'Empire, elle Tome II.

A a

mettoit un poids redoutable dans la balance d P'Europe.

DU PORTUGAL.

Le Portugal redevenoit alors un Roïaume. Jean, Duc de Bragance, Prince qui paffoit pour faible, avoit arraché cette Province à un Roi plus faible que lui; les Portugais cultivoient par néceffité le commerce que l'Espagne négligeoit par herté; ils venoient de fe liguer avec la France & la Hollande en 1641. contre l'Espagne. Cetre révolution du Portugal valut à la France plus que n'euffent fait les plus fignalées Victoires. Le Ministére Français, qui n'avoit contribué en rien à cet événement, en retira fans peine le plus grand avantage qu'on puiffe avoir contre fon ennemi; celui de le voir attaqué par une Puissance irréconciliable.

Le Portugal fecouant le joug de l'Espagne, étendant fon commerce & augmentant fa puiffance, rappelle ici l'idée de la Hollande, qui jouïffoit des mêmes avantages d'une manière bien différente.

DE LA HOLLANDE.

Ce petit Etat des fept-Provinces-Unies, païs stériJe, mal fain, & prefque fubmergé par la mer, étois depuis environ un demi-fiécle un exemple presque

« PrécédentContinuer »