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fcule puiffance. Tous les Evêques Italiens, Espagnols, Flamands, & même quelques Français, fe nomment Evêques, par la permiffion Divine, & par celle du Saint Siége. Il n'y a point de Roïaume dans lequel il n'y ait beaucoup de Bénéfices à sa nomination; il reçoit en tribut les revenus de la premiére année des Bénéfices Confiftoriaux.

Les Religieux, dont les Chefs résident à Rome, font encore autant de fujets immédiats du Pape, répandus dans tous les Etats. La coutume, qui fait tout & qui eft caufe que le monde eft gouverné par des abus comme par des Loix, n'a pas toujours permis aux Princes de remédier entiérement à un danger, qui tient d'ailleurs à des chofes utiles & facrées. Prêter ferment à un autre qu'à fon Souverain eft un crime de Leze-Majefté dans un Laïque; c'eft dans le Cloître un a&e de Religion. La difficulté de favoir à quel point on doit obéir à ce Souverain Etranger, la facilité de fe laiffer fèduire, le plaifir de fecouer un joug naturel pour en prendre un qu'on fe donne à foi-même, l'efprit de trouble, le malheur des tems, n'ont que trop fou vent porté des Ordres entiers de Religieux à fervir Rome contre leur Patrie.

L'efprit éclairé, qui régne en France depuis un fiécle, & qui s'est étendu dans prefque toutes les conditions, a été le meilleur reméde à cet abus. Les bons Livres écrits fur cette matiére, font de vrais fervices rendus aux Rois & aux Peuples, & un des grands changemens qui fe foient faits par ce moyen

moïen dans nos mœurs fous Louis XIV. c'eft la per fuafion dans laquelle les Religieux commencent tous à être, qu'ils font fujets du Roi, avant que d'être ferviteurs du Pape. La Jurifdi&tion, cette marque effentielle de la Souveraineté, eft encore demeurée au Pontife Romain. La France même malgré toutes fes libertés de l'Eglife Gallicane, fouffre qu'on appelle au Pape en dernier reffort dans kes caufes Eccléfiaftiques.

Si on veut diffoudre un mariage, épouser fa coufine ou fa niéce, fe faire relever de fes vœux, c'elk à Rome (& non à fon Evêque) qu'on s'adreffe; les graces y font taxées, & les particuliers de tous les états y achetent des difpenfes à tout prix.

Ces avantages, regardés par beaucoup de perfonnes comme la fuite des plus grands abus, & par d'autres, comme les reftes des droits les plus facrés, font foutenus avec un art admirable. Rome ménage fon crédit avec autant de politique, que la République Romaine en mit à conquérir la moitié du monde connu.

Jamais Cour ne fut mieux fe conduire, felon les hommes & felon les tems. Les Papes font presque toûjours des Italiens, blanchis dans les affaires, fans paffions qui les aveuglent; leur Confeil eft compofé de Cardinaux, qui leur reffemblent, & qui font tous animés du même efprit. De ce Confeil émanent des ordres, qui vont jufqu'à la Chine & à l'Amérique ; il embraffe en ce fens l'Univers ; & on peut dire ce que disoit autrefois un Etranger du Sé❤ Tome II Bb

nat de Rome: j'ai vu un Confiftoire de Rois. La plûpart de nos Ecrivains fe font élevés avec raifon contre l'ambition de cette Cour; mais je n'en vois point qui ait rendu affez de juftice à sa prudence. Je ne fai fi une autre Nation eût pû conferver fi long-tems dans l'Europe tant de prérogatives toûjours combattues: toute autre Cour les eut peutêtre perdues, ou par fa fierté, ou par fa molleffe, ou par fa lenteur, ou par fa vivacité; mais Rome, emploïant prefque toûjours à propos la fermeté & la fouplesse, a confervé tout ce qu'elle a pû humainement garder. On la vit rampante fous CharlesQuint, terrible à notre Roi Henri III. ennemie & amie tour-à-tour de Henri IV. adroite avec Louis XIII. oppofée ouvertement à Louis XIV. dans le tems qu'il fut à craindre, & fouvent ennemie fecrette des Empereurs, dont elle fe défioit plus que du Sultan des Turcs.

Quelques droits, beaucoup de prétentions, encore plus de politique : voilà ce qui reste aujourd'hui à Rome de cette ancienne Puissance, qui fix fiécles auparavant avoit voulu foumettre l'Empire & l'Europe à la Thiâre.

Naples eft un témoignage fubfiftant encore de ce droit que les Papes furent prendre autrefois avec tant d'art & de grandeur,de créer & de donner des Roïaumes. Mais le Roi d'Espagne, poffeffeur de cet Etat ne laiffoit à la Cour Romaine que l'honneur & le danger d'avoir un vassal trop puissant.

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DU RESTE DE L'ITALIE.

Au refte, l'Etat du Pape étoit dans une paix. heureuse, qui n'avoit été altérée que par une peti-. te guerre entre les Cardinaux Barberin, neveux du Pape Urbain VIII. & le Duc de Parme; guerre peu fanglante & paffagére, telle qu'on la devoit attendre de ces nouveaux Romains, dont les mœurs doi vent être néceffairement conformes à l'efprit de leur Gouvernement. Le Cardinal Barberin, auteur de ces troubles, marchoit à la tête de fa petite armée avec des Indulgences. La plus forte bataille, qui fe donna, fut entre quatre ou cinq cens hommes de chaque parti. La Fortereffe de Piégaïa fe rendit à difcrétion dès qu'elle vit approcher l'artillerie; cette artillerie confiftoit en deux coulevrines. Cependant il fallut pour étouffer ces troubles, qui ne méritent point de place dans l'Histoire, plus de négociations que s'il s'étoit agi de l'ancienne Rome & de Carthage. On ne rapporte cet évenement que pour faire connaîtte le génie de Rome moderne, qui finit tout par la négociation, comme l'ancienne Rome finiffoit tout par des victoires.

Les autres Provinces d'Italie écoutoient des intérêts divers. Venife craignoit les Turcs & l'Empereur; elle défendoit à peine fes Etats de TerreFerme, des prétentions de l'Allemagne & de l'invafion du Grand-Seigneur. Ce n'étoit plus cette Ve nife autrefois la maîtreffe du commerce du monde

qui cent cinquante ans auparavant avoit excité la jaloufie de tant de Rois. La fageffe de fon Gouvernement fubfiftoit; mais fon grand commerce anéanti lui ôtoit prefque toute fa force, & la Ville de Venise étoit, par fa fituation, incapable d'être domprée, & par fa faiblesse, incapable de faire des conquêtes.

L'Etat de Florence joüiffoit de la tranquillité & de l'abondance fous le Gouvernement des Médicis ; Les Lettres, les Arts, & la politefle, que les Médicis avoient fait naître, floriffoient encore. Florence alors étoit en Italie ce qu'Athènes avoit été en Gréce.

La Savoye, déchirée par une guerre civile & par les troupes Françaifes & Efpagnoles, s'étoit enfin réünie toute entiére en faveur de la France, & contribuoit en Italie à l'affaiblissement de la puiffance Autrichienne.

Les Suiffes confervoient, comme aujourd'hui, leur liberté, fans chercher à opprimer perfonne. Ils vendoient leurs troupes à leurs voifins plus riches qu'eux ; ils étoient pauvres ; ils ignoroient les fciences & tous les arts que le luxe a fait naître ; mais ils étoient fages & heureux.

DES ETATS DU NORD.

Les Nations du Nord de l'Europe, la Pologne ; la Suéde, le Dannemarck, la Mofcovie, étoient Comme les autres Puiffances, toûjours en défiance

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