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niftre. Enfin, ce Prince, qui avoit défendu l'Etat contre les Ennemis, & la Cour contre les Révoltés; Condé, au comble de la gloire, s'étant toujours conduit en Héros, & jamais en homme habile, fe vit arrêté prifonnier avec le Prince de Conty & le Duc de Longueville. (a) Il eût pû gouverner l'Etat, s'il avoit feulement voulu plaire ; mais il fe contentoit d'être admiré. Le peuple de Paris, qui avoit fait des barricades pour un Confeiller-Clerc. prefque imbécile, fit des feux de joye lorsqu'on mena au Donjon de Vincennes le Défenseur & le: Héros de la France.

Un an après, ces mêmes Frondeurs qui avoientvendu le Grand Condé & les Princes à la vengeance timide de Mazarin, forcérent la Reine à ouvrir leurs prifons & à chaffer du Royaume fon Premier Miniftre. Condé revint aux acclamations de ce même peuple, qui l'avoit tant hai. Sa préfence renouvella les cabales & les diffentions.

Le Royaume refta dans cette combuftion encore quelques années. Le Gouvernement ne prit jamais que des confeils faibles & incertains: il fembloit devoir fuccomber: mais les Révoltés furent toujours défunis, & c'est ce qui fauva la Cour. Le Coadjuteur, tantôt ami, tantôt ennemi du Prince de Condé, fufcita contre lui une partie du Parlement & du peuple : il ofa en même-tems fervir la Reine, en tenant tête à ce Prince, & l'outrager, en la forçant d'éloigner le Cardinal Mazarin, qui fe retira (e) Le 18 Janvier 1659..

à Cologne. La Reine par une contradiction trop ordinaire aux Gouvernemens faibles, fut obligée de recevoir à la fois fes fervices & fes offenfes, & de ́nommer au Cardinalat ce même Coadjuteur, l'Auteur des Barricades, qui avoit contraint la Famille Royale à fortir de la capitale & à l'affiéger,

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CHAPITRE IV.

Suite de la Guerre Civile, jufqu'à la fin de la Rébellion en 1654.

ENfn Condé fe réfolut à une guerre,* qu'il eûc;

dû commencer du tems de la Fronde, s'il avoit voulu être le maître de l'Etat, ou qu'il n'auroit dû ja-, mais faire, s'il avoit été Citoyen. Il part de Paris il va foulever la Guyenne, le Poitou & l'Anjou, & mendier contre la France le fecours des Espagnols, dont il avoit été le fleau le plus terrible.

&

Rien ne marque mieux la mamie de ce tems, le déréglement, qui déterminoit toutes les démarches, que ce qui arriva alors à ce Prince. On lui envoya un Courier de Paris, avec des propofitions qui devoient l'engager au retour & à la paix. Le Cou rier se trompa, & au lieu d'aller à Angerville, où étoit le Prince, il alla à Augerville. La lettre vinc trop tard. Condé dit que s'il l'avoit reçûë plûtôt, il auroit accepté les propofitions de paix ; mais puifqu'il étoit déja affez loin de Paris, ce n'étoit pas la peine d'y retourner. Ainfi l'équivoque d'un Cou lier & le pur caprice de ce Prince, replongea la France dans la guerre civile,

* 1651.

Alors le Cardinal Mazarin * qui du fond de fori -exil à Cologne avoit gouverné la Cour, rentra dans de Royaume, moins en Ministre, qui revenoit reprendre fon pofte, qu'en Souverain qui fe remettoit en poffeffion de fes Etats; il étoit conduit par une petite armée de fept mille hommes levés à fes dépens ; c'est-à-dire, avec l'argent du Royaume, qu'il s'étoit approprié.

On fait dire au Roi dans une Déclaration de ce tems-là,que le Cardinal avoit en effet levé ces troupes de fon argent ; ce qui doit confondre l'opinion de ceux qui ont écrit, qu'à fa premiére fortie du Royaume, Mazarin s'étoit trouvé dans l'indigence. Il donna le commandement de fa petite armée au Maréchal d'Hoquincourt. Tous les Officiers portoient des écharpes vertes ; c'étoit la couleur des livrées du Cardinal. Chaque Parti avoit alors fon écharpe. La blanche étoit celle du Roi, l'ifabelle celle du Prince de Condé. Il étoit étonnant que le Cardinal Mazarin, qui avoit jufques alors affe& tant de modeftie, eût la hardiesse de faire porter fes livrées à une armée, comme s'il avoit un parti différent de celui de fon Maître ; mais il ne put réfifter à cette vanité. La Reine l'approuva. Le Roi, déja majeur, & fon frére, vinrent au-devant lui.

Aux premiéres nouvelles de fon retour, Gaston Orléans, frére de Louis XIII. qui avoit demandé Péloignement du Cardinal, leva des troupes dans Paris, fans trop favoir à quoi elles feroient em Décembre 165.1.

ployées. Le Parlement renouvella fes Arrêts; il profcrivit Mazarin, & mit sa tête à prix. Il falluc chercher dans les Regiftres, quel étoit le prix d'une rête ennemie du Royaume.On trouva que fous Charles IX. on avoit promis par Arrêt cinquante mille écus à celui qui représenteroit l'Amiral Coligny mort ou vif. On crut très-férieufement procéder en régle, en mettant ce meme prix à l'affaffinat d'un Cardinal Premier Miniftre. Cette profcription ne donna à perfonne la tentation de mériter les cinquante mille écus, qui après tout n'euffent point été payés. Chez une autre Nation & dans un autre tems, un tel Arrêt eut trouvé des exécuteurs ; mais il ne fervit qu'à faire de nouvelles plaifanteries. Les Blocs & les Marigny, beaux efprits, qui portoient la gayeté dans les tumultes de ces troubles, firent afficher dans Paris une répartition de cent cinquante mille livres; tant pour qui couperoit le nez au Cardinal, tant pour une oreille, tant pour un œil, tant pour le faire eunuque. Ce ridicule fut tout l'effet de la profcription. Le Cardinal, de fon côté, n'employoit contre fes ennemis, ni le poison, ni Paffaffinat ; & malgré l'aigreur & la manie de tant de Partis & de tant de haines, on ne commit pas beaucoup de grands crimes. Les Chefs des Partis furent pen cruels, & les Peuples peu furieux, car ce n'étoit pas une guerre de Religion.

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L'efprit de vertige qui régnoit en ce tems; pofféda fi bien tout le Corps du Parlement de Pa *Décembre 1651.

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