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EXAMEN CRITIQUE

DES COMÉDIENS,

PAR M. Év. DUMOULIN.

EXAMEN CRITIQUE

DES

COMÉDIENS.

FAUT-IL s'étonner si, depuis quelque temps, la poésie dramatique comme la haute littérature sont tombées en France, à un petit nombre d'exceptions près, dans une sorte de discrédit, et si Melpomène et Thalie semblent exilées de la patrie de Corneille et de Molière? Après les secousses terribles qu'elle a éprouvées, la France pouvait espérer de se reposer enfin de ses conquêtes, de sa gloire et de ses malheurs; les beaux-arts, enfans de la paix et de la liberté, allaient reprendre leur empire; les poètes al

laient monter leur lyre; lorsqu'au moment même où nous pouvions espérer tant de paisibles dédommagemens, de nouvelles tribulations viennent nous assaillir; lorsqu'après tant de oubliés la nation se trouve me

revers presque nacée de perdre le fruit de ses pénibles et glorieux sacrifices; lorsqu'on veut lui ravir ses droits toujours reconnus et jamais consolidés; lorsqu'enfin les paisibles habitans des chaumières, comme les plus opulens citadins, sont également troublés dans leur sécurité, menacés dans leur avenir, dans leurs intérêts les plus chers et les plus sacrés. On se plaint de ce que la politique occupe tous les esprits, absorbe toutes les idées ; c'est que la politique, telle que l'entendent aujourd'hui la plupart des gouvernemens, est hostile contre les peuples; que les peuples instruits et éclairés sentent les dangers qu'ils courent; que tous leurs vœux,

toutes leurs pensées, doivent tendre exclusivement à éviter les écueils sans nombre, les pièges funestes qu'on sème partout sur leurs pas, et qu'ils veulent avant tout s'affranchir du despotisme qui les menace et du jésuițisme qui les envahit.

Tout semble conspirer, d'ailleurs, à la ruine de ce bel art, qui réjouissait la France, selon la naïve expression du bon, de l'inimitable La Fontaine ; les ridicules des grands sont privilégiés par les suppôts de la police; leurs vices, leurs travers sont saisis comme des marchandises de contrebande par les douaniers de la pensée, et les tartufes de religion et de politique sont protégés partout, même sur la scène. Certes c'est aujourd'hui, plus encore qu'à l'époque où LES COMÉDIENS furent joués pour la première fois, qu'on peut dire :

Le théâtre français marche à sa décadence.

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