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Leur discussion n'est pas encore ici, comme en Angleterre, une occasion de censurer tout le système du gouvernement.

La chambre des députés ayant d'abord à s'occuper de la vérification des pouvoirs des nouveaux membres élus, il s'éleva à cet égard une difficulté sur la validité de l'élection de M. Casimir Perrier (de la Seine), et de M. Hernoux (de la Côte-d'or). L'un et l'autre n'avaient accompli leur quarantième année que dans l'intervalle de leur élection à l'ouverture de la session.

Il s'agissait de savoir si l'article 38 de la charte exigeait que le député eût accompli sa quarantième année au moment de son élection, ou seulement au moment de son admission dans la chambre. Cette difficulté s'était déjà élevée en 1816, à l'égard de M. le comte de Fargues, et la chambre avait déclaré l'élection valide: d'après lé même principe, elle admit MM. Casimir Perrier et Hernoux à siéger dans son sein. Mais une loi rendue sur la proposition de M. Duvergier de Hauranne a, dans la suite, interprété, d'une manière toute contraire, l'article 38 de la charte. En vain quelques membres du côté gauche, et surtout M. le Voyer d'Argenson, essayèrent de prouver qu'il n'y avait déja que trop de restrictions dans le choix des électeurs, qu'en retardant l'époque de l'admission on pouvait se priver de députés dans l'âge où l'indépendance du caractère et la force du talent étaient le plus utiles à leur pays, d'autres observaient que l'article 38 de la charte a dit : « Nul ne peut être admis, » et non: «< Nul ne peut être élu ». Des considérations tirées de la nécessité du calme, du danger des innovations, de la turbulence des passions, des manœuvres qu'une faction pouvait employer pour procurer, au moment des élections, à un candidat les moyens et les conditions d'éligibilité, ont fait décider l'adoption de cette loi, qu'on peut regarder comme le complément de celle des élections, et qui passa, le 2 mars suivant, dans la chambre des députés, le 17 dans celle des pairs, et dans toutes les deux à une grande majorité. Nous anticipons sur cet objet pour ne plus avoir à nous en occuper.

( 10 et 11 novembre. ) Les séances consacrées à la composition du bureau de la chambre des députés ne sont pas les moins suivies, par l'importance que les partis mettent à y porter leurs candidats.

Ceux que la chambre présenta au Roi pour la présidence, après plusieurs scrutins de ballottage, furent MM. de Serre, Royer-Collard, Beugnot, Camille Jordan et Roi, entre lesquels Sa Majesté nomma M. de Serre. Les vice-présidens ensuite élus par la chambre furent MM. Faget de Baure (1), Courvoisier, Bellart et le prince de Broglie. Elle choisit enfin pour secrétaires MM. Boin, Froe de la Boullaie, d'Hautefeuille et Bourdeau; et ceux qui cherchaient à pénétrer l'opinion de la majorité de la chambre, d'après ses premières nominations, en conclurent qu'elle était dans l'esprit qui avait dicté la loi des élections.

(14 novembre.) Quelques réclamations s'étaient élevées dans les sessions précédentes sur plusieurs articles du règlement arrêté par la chambre en 1814. On y avait à peine fait attention, parce que peu de personnes savent apprécier l'influence que le mode de délibérer peut avoir sur les délibérations; mais M. de Serre, mieux placé qu'un autre pour l'observer, avait eru devoir en faire l'objet d'une proposition qui, de sa part, attira plus d'attention. Il lui paraissait que la chambre de 1814, trop effrayée, en faisant son règlement, des dangers de la discussion publique, y avait mis trop de restric tions; que la formation actuelle des bureaux et des commissions, dont il était bien loin de nier l'utilité, offrait pourtant des incon→ véniens graves, et exerçait sur la chambre une influence, pour ainsi dire, inconstitutionnelle; que le mode de discussion entraînait du désordre et des longueurs interminables, sans mettre à l'abri: des décisions trop subites; que le régime actuel des pétitions n'offrait qu'une énumération presque toujours vide d'intérêt, quelquefois risible, de demandes la plupart étrangères aux attributions de la chambre; que les délibérations étaient souvent troublées, et pour, raient être suspendues au moyen d'une scission opérée par une minorité qui voudrait ainsi dominer ou paralyser la chambre... En conséquence il proposait, entre autres mesures, d'ôter aux bureaux, et de donner à la chambre le soin de nommer les commis

(1) Il mourut le 30 décembre suivant, et fut remplacé par M. Ravez, le 7 janvier 1818.

sions chargées de faire un rapport sur les propositions ou les pro-i jets de loi; d'assujétir leur discussion à trois débats successifs, sur. les articles ou amendemens, et sur l'ensemble définitif; de suppri mer l'usage de l'inscription pour la parole, et de laisser au président la faculté de l'accorder au premier qui se présente; de punir les manquemens graves ou insultes de la part d'un membre de la chambre envers un ou plusieurs membres, ou envers la chambres elle-même, d'un emprisonnement de quelques jours; de borner à i soixante le nombre des députés nécessaires pour délibérer; de donner i à chacun d'eux le droit de présenter ct de recommander une pé-J tition, sans préjudice des droits et coutumes de la commission or-> dinaire.

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Cette proposition, abandonnée pendant près d'un mois à la més ditation des bureaux, y trouva peu d'appui, Soumise à la discussion générale du 12 février, elle fut combattue dans tous ses points, d'abord par M. Maine de Biran, qui s'attacha surtout à montrer l'utilité du travail et des discussions intérieures des bureaux, où le mérite modeste apportait sans faste le tribut de ses lumières et de ses réflexions. Il voyait d'ailleurs plus que de l'inconvénient à faire des innovations si brusques, surtout dans la forme à suivre pour la présentation des pétitions; article que M. de Chauvelin avait vivement défendu dans le sens de M. de Serre. La plupart des membres avaient été choqués de l'article sur l'emprisonnement; enfin la question préalable invoquée sur la proposition principale et ses amen-. demens divers, l'assemblée déclara, comme la commission qu'elle avait chargée d'examiner le projet, qu'il n'y avait lieu à délibérer;: mais M. de Serre n'en persistant pas moins dans la conviction où, il était de l'utilité des mesures qu'il proposait, en appela à l'expé rience de l'avenir, « parce qu'il est dans l'intérêt de la vérité, di-: sait-il, de lui laisser le temps de se faire jour.

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CONCORDAT.

Un des objets le plus vivement attendus de cette session, était la présentation du concordat, dont la conclusion avec le saint Siége était connue depuis plusieurs mois. L'état intérieur de la France,

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les difficultés où le dernier gouvernement s'était lui-même embar rassé, la vacance de plusieurs siéges, par suite du refus ou de la suspension des bulles d'institutions, Pinquiétude générale qui s'accroissait par des espérances ou des craintes également chimériques sur les clauses et les effets du concordat, en faisaient désirer la prompte publication. M. le duc de Richelieu, ministre des affaires étrangères, fut chargé de le communiquer à la chambre des députés le 22 novembre; et M. le ministre de l'intérieur présenta le même. jour un projet de loi organique, nécessaire pour donner la sanction législative à celles dés dispositions du nouveau concordat qui en seraient susceptibles, et suivant l'expression littérale du discours du trône, «< pour les mettre en harmonie avec la charte, les lois du royaume et les libertés de l'Église gallicane. »

-Le ministre de l'intérieur entrant d'abord dans le détail des faits qui ont amené la nécessité de conclure un nouveau traité avec le saint Siége, en assigne l'origine à la promulgation des articles organiques publiés en 1801, et les représentations auxquelles ils donnèrent lieu de la part du saint Siége; il rappelle d'autres sujets de mésintelligence qui s'élevèrent entre le saint Siége et le gouvernement impérial, sur les institutions canoniques, et ce prétendu concordat du 13 février 1813, signé à Fontainebleau, publié comme loi de l'État dans une forme insolite, et les protestations du souverain pontife, qui se regarda dès ce moment comme délié des engagemens qu'il avait contractés envers le gouvernement alors existant.

Ces motifs, joints à d'autres raisons tirées des changemens survenus et, «par-dessus tout le désir de faire cesser les maux d'un schisme qui affligeait l'Église et qui menaçait l'État, avaient fait ouvrir, dès 1814, des négociations, dont le traité du 11 juin 1817 est l'heu reux résultat. » Il renouvelle la filiale alliance qui a existé de tout temps entre le souverain pontife et la France.

<< Aux termes de l'article 4 de la charte, dit son excellence, le Roi fait les traités de paix, d'alliance et de commerce. Que l'on considère le pape ou comme souverain temporel, ou en sa qualité de chef de l'Église universelle, un concordat a tous les caractères d'un traité proprement dit : c'est un pacte formé entre deux puissances

en vue du bien public... Mais celui-ci n'a pas seulement pour objet de régler les relations de l'État avec les États voisins, des nations avec les étrangers, il règle encore cette partie de l'économie intérieure d'une église nationale; et, d'après notre droit public, ces nouvelles règles on besoin d'être converties en lois.

α

« Le nouveau projet présenté a été conçu dans le double objet de donner force de loi aux dispositions de cette transaction diplomatique, qui ne peuvent devenir obligatoires pour les citoyens, et prendre place parmi les monumens publics du royaume qu'avec le concours des trois branches du pouvoir législatif, et de les accompagner en même temps de dispositions explicites et solennelles, qui mettent à couvert tous les droits et toutes les libertés, assurés par nos lois et par nos maximes nationales. >>

Ici le ministre parcourant successivement les articles du concordat, en fait remarquer l'esprit et les avantages: le droit de nommer aux évêchés consacré en France, et reconnu par le concordat de François Ier et de Léon X, était le seul point essentiel de ce concordat jusqu'en 1789. « Personne n'a la pensée de le rappeler que sous ce rapport. Il est manifeste qu'il ne peut être invoqué que selon les traditions françaises, et en ce qu'il a de compatible avec l'ordre de choses actuel; les bénéfices et les ordres religieux n'existent plus, et s'il y a des gradués en Francé, ils n'ont rien de commun avec ceux dont cet ancien concordat s'est occupé.

>>

Quoique le traité du 11 juin 1817 fasse disparaître la convention de 1801, il a trouvé l'Église de France constituée, il en conserve les établissemens, il en complète le nombre, il a pour base l'état actuel des choses, et il confirme tous les effets et toutes les conséquences de la convention antécédente.

<< Mais l'article 13 de cette convention de 1801 contenait une disposition qui était d'une grande importance pour la tranquillité publique. Le pape y déclarait que ni lui, ni ses successeurs ne troubleraient en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés; et qu'en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeureraient incommutables entre les mains des acquéreurs, ou celles de leurs ayant cause.

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