Images de page
PDF
ePub

rendus coupables d'abus de pouvoir, et ont perdu la confiance publique. >>

Deux autres pétitions firent quelque sensation peu de temps avant la clôture de la session: l'une de lord Kinnaird à la chambre des pairs, sur l'arrestation du sieur Marinet, qu'il avait amené avec lui de Bruxelles à Paris, quoique condamné à mort par arrêt d'une cour prevôtale, sous prétexte que ledit sieur Marinet avait des révélations importantes à faire au sujet de l'assassinat tenté contre le duc de Wellington. D'après les renseignemens pris auprès du ministère de la police, la chambre des pairs a passé à l'ordre du jour, motivé sur ce que le sieur Marinet, qui était venu sans sauf-conduit ni de M. le duc de Wellington, ni de la police de France, et qui n'avait à peu près rien révélé sur le complot, avait été lui-même arrêté comme prévenu d'avoir pris part à ce complot.

[ocr errors]

Enfin la dernière pétition présentée à la chambre des députés au nom de M. Régnault de Saint-Jean-d'Angély (le 12 mai), réclamait l'intervention de la chambre auprès du gouvernement français, pour que celui-ci obtînt des puissances que les exilés, frappés comme lui par l'ordonnance du 24 juillet 1815, fussent traités comme des Français voyageant en pays étranger, et jouissent du bénéfice du droit des gens, dont ils étaient entièrement privés. Plusieurs membres appuyèrent cette pétition, qui fut recommandée au président du conseil, ministre des affaires étrangères, bien que combattue par M. Cornet d'Incourt et quelques membres du côté droit. M. Saulnier, de la Meuse, avait, à cette occasion, vivement représenté comme un modèle à suivre, la conduite que le gouvernement français tient lui-même à l'égard des exilés espagnols, et il aimait à espérer «< que l'amélioration des circonstances et des institutions permettrait l'oubli de toutes les fautes, et que, malgré les soupçons d'une ombrageuse prévoyance, tous les Français seraient bientôt rendus à la France. »

En général, s'il y a quelque induction à tirer des pétitions adressées pendant cette session aux deux chambres, il semblerait que, malgré la divergence des opinions, des intérêts et des pas

sions qui nous agitent, l'administration publique a été plus douce, plus active et plus équitable que des esprits chagrins ne sont disposés à le croire, puisqu'il s'est fait entendre un si petit nombre de plaintes, en proportion de l'immensité de cette administration; car il serait trop affligeant de penser que le silence des opprimés n'est que le désespoir d'obtenir justice de l'oppression.

Objets divers. La charte, en refusant aux deux chambres le droit d'initiative des lois pour les préserver de l'esprit d'innovation, si funeste aux Etats et si naturel aux assemblées délibérantes, leur a pourtant laissé tout ce qu'il a d'utile, en leur permettant de manifester des vœux auxquels il est difficile que le ministère se refuse toujours, sans qu'il s'ensuive une lutte où la puissance exécutive perdrait bientôt de la confiance et du respect qu'elle doit inspirer. La dernière session a offert plusieurs propositions faites en vertu de ce droit, telles que celle d'un code rural, faite par M. le baron Brun de Villeret (5 et 26 janvier.), dont personne ne conteste l'utilité, mais dont l'honneur paraît encore réservé à une session prochaine, ainsi que l'abolition du droit d'aubaine proposée, en dernier lieu, par M. le duc de Lévis, dans la chambre des pairs; celle de M. Cassaignoles (5 et 17 janvier) sur l'abrogation ne l'article 11 de la loi sur les cris séditieux, qui ne fut pas accueillie malgré la nécessité reconnue d'adoucir le régime des lois d'exception; celle de M. Laîné de Villevesque (5 janvier), qui proposait de restituer aux émigrés les rentes qu'ils avaient, au moment de leur émigration, sur l'Hôtel de Ville de Paris, en les réduisant au tiers, comme toutes les autres l'avaient été en 1797. Cette proposition était fondée sur le principe de la loi qui avait ordonné la restitution aux émigrés de leurs biens non vendus. Mais soit que la restitution des rentes fût une charge trop onéreuse dans l'état actuel des finances (on l'évaluait à 2 millions réduits au tiers), soit qu'on les regardât comme éteintes par confusion, soit qu'il parût politique de mettre un terme à des espérances ou à des inquiétudes que la charte avait voulu faire cesser, la proposition long-temps agitée, défendue et repoussée, avait été écartée ( le 24 février) dans la chambre des députés, à une forte majorité.

Il n'en fut pas ainsi de la proposition faite par M. de Chabrillant (5 janvier), d'accorder aux émigrés débiteurs une prolongation de sursis. Elle fut débattue dans les deux chambres avec l'intérêt qu'elle méritait.-D'une part on regardait toute mesure législative de ce genre comme une atteinte au droit sacré de la propriété, comme le sacrifice des intérêts des créanciers à ceux des émigrés, tandis que la loi ne devait avoir en vue que l'intérêt public; de l'autre on invoquait le droit de tous les temps, l'usage immémorial du sursis dans la législation judiciaire, pour des circonstances extraordinaires; faveur d'autant plus juste en ce cas, disait-on, que plusieurs créanciers avaient négligé ou refusé les moyens qui leur étaient offerts d'être remboursés, et que les émigrés, ne rentrant que dans une partie de leurs biens, se trouvaient ainsi seuls punis de cette négligence. Ces considérations l'emportèrent, et la prorogation du sursis, d'abord demandée jusqu'au 1er janvier 1820, restreinte par la résolution de la chambre des députés, au 1er janvier 1819, reportée par la chambre des pairs au premier terme proposé, pasŝa (31 mars et 4 avril) dans les deux chambres, à une très-grande majorité.

Par une conséquence du même principe, on prorogea presque dans le même temps (31 mars et 2 avril), en faveur des colons de Saint-Domingue, le sursis qui leur avait été accordé par plusieurs lois successives, En vain représentait-on que ces sursis indéfiniment prolongés réduisaient les créanciers à désespérer de leurs créances, tandis que des colons débiteurs avaient recouvré par d'autres moyens une grande fortune. Les exceptions étaient trop rares pour arrêter l'effet d'une mesure qui parut nécessaire.

On avait jugé tout autrement des réclamations élevées un mois auparavant (26 février) par les nombreux débiteurs des Juifs de l'Alsace, où l'on attendait avec anxiété la même décision, mais prolongée pour dix années. Les adversaires des mesures d'exception combattirent les prétentions des débiteurs alsaciens avec plus de succès qu'ils n'avaient fait celles des émigrés et des colons.

Entre les actes qui peuvent honorer la politique moderne, la postérité comptera la résolution généreuse des souverains d'abolir

la traite des noirs, et les mesures prises dans plusieurs Etats pour en assurer l'exécution. Ainsi une loi, votée comme d'enthousiasme dans les deux chambres (27 mars et 4 avril ), prononça des peines rigoureuses (la confiscation des bâtimens, l'interdiction des capitaines, etc.), contre les Français qui continueraient à faire cet odieux trafic. En donnant leur suffrage à cette mesure, des orateurs philanthropes (M. le comte Lanjuinais, etc.) ont souhaité que les puissances s'occupassent de mettre un terme à la traite des blancs, encore faite sous les yeux de l'Europe civilisée: sur quoi M. le duc de Richelieu a observé que ces vœux avaient été devancés par la politique éclairée des souverains, et qu'il s'était ouvert à Londres, entre leurs ministres, des conférences dont on peut es-*, pérer un heureux résultat.

Au milieu des grandes questions qui tenaient la France et l'Europe attentives, on aperçoit à peine la discussion et l'adoption de quelques lois qui n'affectaient que 'des intérêts d'individus ou de localités, comme la loi qui assimile les échangistes des domaines de l'État aux engagistes (4 et 11 mai), celle qui détermine la circonscription nouvelle de quelques arrondissemens ( 7 mai), et celles qui réglèrent les conditions des marchés faits pour la construction d'un pont à Bordeaux et à Libourne, et pour la continuation des travaux du port du Havre, du canal de l'Ourcq et de la Sensée (27 avril et 2 mai), vastes spéculations faites par des compagnies, preuves irrécusables de la confiance que le gouvernement inspire; travaux immenses dont le commerce, l'industrie et l'agriculture attendent les plus heureux résultats.

Un projet de loi sollicité par le commerce, sur la contrainte par corps, avait été proposé par le gouvernement et adopté avec de légères modifications par la chambre des députés (30 mars); mais à la chambre des pairs, soit qu'il fût jugé insuffisant dans les intérêts des créanciers, ou trop rigoureux quant au traitement des débiteurs, le projet fut rejeté (28 avril ) à la majorité de 52 voix contre 42, et le commerce est resté sous l'empire de la loi de 1798 jusqu'à ce qu'on vienne à bout d'en faire une nouvelle, inutilement discutée dans les deux dernières sessions.

Enfin un dernier projet de loi qui n'intéressait pas moins le haut commerce de la capitale, mais d'une nature moins urgente, sur l'organisation de la banque de France, avait été d'abord envoyé à la chambre des pairs, comme pour l'occuper, tandis que celle des députés était vivement agitée des discussions du budget.

Ce projet avait pour but de donner un régime plus libéral à la banque, de la rendre plus indépendante, de diminuer un capital accru au delà de ses besoins, de borner le nombre des actions à soixante-dix mille (1), de les réduire à leur valeur primitive, en répartissant les fonds de réserve entre tous les actionnaires; de porter l'escompte de 4 à 5 pour cent. On se flattait que la répartition des fonds accumulés rendrait les capitaux plus utiles dans la circulation que dans les coffres de la banque, et que les dividendes n'en seraient pas diminués. La hausse successive des actions a justifié la conjecture.

Le rapport fait à cet égard offrait des détails intéressans à connaître sur la situation florissante de la banque. Le montant des sommes escomptées par elle en 1817, tant au commerce qu'au trésor, a été de 620 millions de francs; ses bénéfices nets, de 9,165,000 fr. La masse moyenne de ses billets circulans était alors de 100,000,000 de fr., pour la conversion desquels on jugeait nécessaire d'avoir un capital en argent du au, attendu que, dans les temps les plus ordinaires, le mouvement de l'échange n'avait pas excédé le dixième.

D'ailleurs nous n'entreprendrons point de donner cette année les détails de science financière et de haute politique que cette discussion a développés; ils feront partie de l'histoire de la session

(1) Le capital de la banque, fixé dans l'origine à trente

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Dans la suite le gouvernement permit qu'on en rachetât vingt-deux mille sur les réserves.

Il est résulté du capital et des réserves une somine ḍe 113,000,000 fr. que le projet devait réduire à 70,000,000, en répartissant les autres 43,000,000.

« PrécédentContinuer »