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prochaine. A l'époque où l'on était arrivé, celle-ci n'avait plus pour objet que la loi de finances.

Nous avons vu comment elle fut adoptée à la chambre des pairs; dès le lendemain de son adoption elle reçut la sanction royale, et le jour d'après (le 16 mai 1818), une ordonnance prononça la

clôture de la session.

CONCLUSION. Si l'on ne jugeait de cette session que par le petit nombre des lois qu'elle nous a laissées, on n'en aurait qu'une idée imparfaite. Il faut en étudier l'esprit pour en apprécier justement les travaux.

Tant que le ministère crut avoir à fortifier le principe démocratique de la charte, et le parti populaire de la chambre, il n'avait vu ses adversaires que d'un côté; mais à peine eut-il obtenu sur celui-ci un avantage décidé, qu'il parut inquiet des suites de sa victoire. Du centre du système constitutionnel où il s'était établi, il pouvait, sans s'épouvanter, se voir entre les ressentimens d'un parti et les empiètemens de l'autre; et cependant il n'arriva sur le terrain de la nouvelle session qu'avec une incertitude qui trahit tout d'abord quelque crainte, un peu de faiblesse et de secrets dissentimens.

Ce n'est pas qu'on doive confondre cette incertitude avec la réserve prudente qui tient un gouvernement sage en garde contre l'exagération des doctrines ou les prétentions des partis. Cette réserve, que certaines personnes veulent flétrir du nom de bascule politique, n'est, quand elle a pour base la fixité des principes, que la balance de la modération, de la sagesse et de la fermeté. Le gouvernement doit prendre pour règle, dans sa faculté législative, l'esprit de la charte; et dans sa puissance exécutive, l'exécution des lois; il ne peut aller ni pour les intérêts, ni par la volonté de quelques-uns; il doit à tous la sûreté; il est institué pour le bonheur de tous. Alors que des discordes ont déchiré le corps politique, aigri des passions, froissé des individus, soulevé des partis l'un contre l'autre, il n'y a que la route du milieu qui soit sûre: il faut que le ministère y marche avec la véritable force, avec l'immense majorité qui veut l'y soutenir; et les opinions extrêmes sont des fanaux placés pour l'éclairer sur les abîmes qui bordent la bonne voie.

Il y a en France des intérêts d'aristocratie et des intérêts de démocratie. Ce sont deux élémens nécessaires de notre société. D'ailleurs, hors d'une crise qui ne peut pas durer long-temps, les doctrines aristocratiques ne sont ni séduisantes ni bien redoutables dans l'état actuel de la civilisation. Leurs beautés fantastiques ne plaisent qu'à la petite classe dévouée d'avance à s'en laisser séduire. Il faut que les réseaux de cette puissance soient comme invisibles et dans les ténèbres. Les doctrines, populaires plus flatteuses, peuvent se montrer à découvert : elles frappent au cœur de la société, s'adressent à des intérêts mille fois plus nombreux, font chaque jour des prosélytes, lancent des rayons de lumière au fond des ateliers et des hameaux. Le système démocratique enfin a des réalités contre lesquelles l'éloquence aristocratique ne peut rien avec tous ses prestiges. Mais aussi le système constitutionnel a des boulevarts où la sagesse et la fermeté peuvent résister à toutes les attaques.

Le ministère a été effrayé, au commencement de cette session, de marcher si laborieusement entre deux oppositions, et de ne se voir qu'une majorité douteuse. N'est-ce pas qu'il était arrivé sur la scène avec un plan mal arrêté? N'est-ce pas qu'il a plus pris garde aux passions des hommes qu'à l'état réel des choses, et qu'il s'est plus inquiété des intentions que des faits? On n'est pas fort sans avoir la conscience de sa force. Quand on adopte un principe, on doit en avoir vu toutes les conséquences, sinon on se sent arrêter à chaque pas; on s'embarrasse dans ses raisonnemens; on cède au moindre choc : il est telle position où un Hercule ne tiendrait pas contre un Pygmée.

Qu'on observe les discussions les plus orageuses de cette session; on voit les ministres sortir victorieux des attaques personnelles les plus virulentes. On applaudit souvent à leur courage, à leur adresse dans cette lutte nébuleuse, où, suivant une expression ingénieuse, <«<les Troyens ont combattu quelquefois sous l'armure des Grecs. » Ils ont presque toujours repoussé avec avantage et les inculpations sur les excès d'un temps qu'ils ont fait oublier, et les objections sur les résultats nécessaires de la loi de recrutement; mais partout où les principes n'étaient pas bien entendus, où les

conséquences étaient maladroitement éludées, on les a vus faiblir, et cette faiblesse a d'abord ébranlé les réputations les mieux établies. D'ailleurs, si d'excellens esprits se sont divisés, tantôt sur des abstractions politiques, tantôt sur des questions où l'esprit de caste se voilait de sophismes pour échapper à l'éclat d'une vérité trop vive, il est juste de reconnaître qu'ils se sont franchement ralliés à l'étendard de la charte, dans des circonstances et sur des points où le salut de l'État était compromis, où la décision était urgente, et la raison constitutionnelle évidente. Alors le ministère n'a plus éprouvé qu'une seule et faible opposition.

Il y a peu d'assemblées délibérantes où tant de membres aient pris une part active aux discussions, et il n'est point de discussion où quelque nouveau talent ne se soit révélé. On a eu encore trop de discours écrits et bien des redites à subir; mais que de fois il est sorti d'un sujet qu'on croyait épuisé des vérités nouvelles et des clartés inattendues! Nous nous sommes plaints des divergences d'intérêts et d'opinion; mais qu'il y ait une opposition, quelquefois deux, et encore des scissions dans un même parti, c'est une raison de croire que personne n'y est indifférent à la chose publique. Cette variation est, ce nous semble, une preuve de notre aptitude au gouvernement représentatif; c'est le symptôme le plus favorable et le mieux assuré de la franchise et de l'indépendance des opinions. La raison qui domine dans cette nation, en apparence si légère et si frivole, mais au fond si délicate et si passionnée pour l'honneur, ne supporterait pas l'idée d'une opposition dont on pourrait d'avance calculer toutes les voix. De là doit résulter dans nos assemblées délibérantes plus de véritable indépendance et de probité politique qu'on ne peut en trouver là où la fabrique des lois est une machine dont on serait honteux de faire voir les ressorts.

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Aussi, dans ces débats où la violence des partis a failli briser le gouvernail de l'État, dans cette lutte d'où le ministère est sorti fatigué, mécontent, peut-être déjà désuni, et sans doute effrayé du moment qui la renouvellerait, les principes constitutionnels ne se sont que plus solidement établis. On a fait peu de lois; mais on a

encore posé une des colonnes de l'édifice politique. On a dans la discussion du budget allumé le flambeau qui doit éclairer les sessions prochaines, déchiré le voile des abus, mis toute la machine financière et la fortune publique à découvert. La certitude des doctrines a triomphé de la variabilité des embarras, des circonstances; le crédit public s'est fortifié de jour en jour au milieu des désastreuses confidences qu'on avait à faire ; et les deux chambres ont, à la fin de la session, donné un des plus beaux spectacles que l'histoire puisse offrir à la postérité. Appelées à faire un grand sacrifice, à remplir une immense obligation, il ne leur convenait ni de se plaindre, ni d'applaudir, ni de différer. Leur silence a été l'expression d'une fierté noble ; leur résignation un sublime discours : elles ont prouvé la vérité de cette parole royale, « qu'avec des Français il ne faut désespérer de rien; et la France, dont l'esprit général domine pourtant au-dessus de tous les partis, la France doit des remercimens aux ministres pour n'avoir point désespéré de son salut, et aux deux chambres pour n'avoir point marchandé sa rançon.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

HISTORIQUE UNIVERSEL

POUR 1818.

SECONDE PARTIE.

HISTOIRE GÉNÉRALE.

CHAPITRE PREMIER.

FRANCE. - Marche du gouvernement. créances étrangères

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Négociations pour la liquidation des Emprunts ouverts. Hausse des effets publics. Mort du prince de Condé. — Ordonnances sur l'organisation de l'armée. Bruits d'une conspiration. Note secrète. Rétablissement de la statue d'Henri IV. Suppression de l'état-major général de la garde nationale. État de l'instruction publique. Des colonies françaises. Des rapports de la France avec les puissances étrangères.

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Au milieu des discussions orageuses des deux chambres, des plaintes, des reproches ou des conseils plus amners que des accusations, le ministère déjà divisé sembloit toujours suivre la marche qu'il s'était tracée. L'autorité publique exerçait son action sans changement apparent, ni dans son système ni dans sa composition.

Plusieurs individus condamnés à des peines plus ou moins graves, par des cours prevôtales, dans les troubles de Lyon, recurent au mois de février des lettres de grâces ou des commutations de peines. Le gouvernement jugeant qu'il ne pouvait avouer ni qu'on l'avait trompé, ni qu'il avait pu se tromper, voulait du moins effacer la trace sanglante de ces discordes; mais des officiers

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