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Enfin l'ordonnance du 30 septembre ramena par toute la France la garde nationale au premier principe de son institution. En conservant au prince colonel général ses honneurs et prérogatives, et au maréchal commandant de la garde nationale parisienne ses rapports existans, elle abrogea tout ce qui donnait au grand étatmajor l'organisation, la direction et l'inspection de la garde nationale; elle supprima tous les emplois d'officiers généraux et supérieurs, et remit aux autorités civiles, sous l'autorité du ministre de l'intérieur, l'entier exercice des attributions qui leur avaient été précédemment confiées.

Une instruction, sortie quelques jours après des bureaux du ministère de l'intérieur, recommanda aux autorités locales de n'adopter pour base du contrôle nominal de la garde nationale, dans l'organisation faite ou à faire, que le rôle de tous les imposés et fils d'imposés établis suivant le taux décroissant des contributions directes, sans aucun examen des opinions politiques, sans autre exclusion que celle des individus qui se seraient rendus indignes de faire partie de ce corps par des condamnations afflictives et infamantes, et en se bornant au nombre d'hommes suffisans pour faire le service habituel, strictemént nécessaire à la police locale.

Ainsi disparut une puissance nouvelle introduite dans l'Etat, étrangère au gouvernement, source de mille vexations particulières et d'un danger évident pour l'ordre constitutionnel, mais dont la chute excita d'un côté des plaintes presque aussi amères que la loi de recrutement, de l'autre un désir plus ardent de voir cette institution à l'abri des caprices du pouvoir par une bonne loi définitive.

On voudrait pouvoir consigner ici toutes les améliorations que recurent dans le cours de cette année plusieurs branches de l'administration publique, le régime des prisons et le service des hôpitaux. Il est à remarquer que les dons faits pour ces établissemens se sont élevés en 1818 à la somme de 2,640,827 fr.; ils n'avaient été en 1814 qu'à 812,801 fr.

L'instruction publique, qu'un pouvoir arbitraire avait si bien organisée dans ses intérêts, n'a encore qu'une existence provi

soire; et dans la chaleur des discordes politiques il est peut être heureux qu'on n'ait pas eu à délibérer sur une institution qu'il faut fonder pour les générations, et non pour les partis.

Des dissentimens singuliers ont éclaté à l'occasion de l'établissement des écoles élémentaires; on a déjà pu le voir par quelques discussions de la session. Les services rendus autrefois par les frères de la doctrine chrétienne les avaient fait rappeler, sous le gouvernement impérial, à la tête des écoles primaires, et ils s'étaient soumis sans répugnance apparente à sa dircction. Ils semblaient maintenant, sous le gouvernement du Roi, vouloir se soustraire à l'autorité de la commission de l'instruction publique ; d'ailleurs ils n'ont pas cru que la loi fondamentale de leur institut leur permit de changer leur méthode ancienne pour adopter l'enseignement mutuel jadis inventé en France, ensuite perfectionné dans l'étranger, et enfin naturalisé dans sa première patrie; et dans la lutte des opinions à cet égard, il s'était établi presque partout des écoles rivales ; les unes préconisées au nom de la morale et de la religion, les autres regardées comme le moyen le plus efficace de répandre les lumières dans la classe du peuple. Le clergé favorisait celles-là, où l'on comptait au milieu de 1818 quatre cent quinze frères enseignans. Le parti libéral soutenait avec ardeur celles-ci, où le nombre des instituteurs s'accroît tous les jours, et qui se sont établies avec le plus heureux succès dans nos légions. Enfin les deux modes avaient leurs patrons et leurs protecteurs spéciaux jusqu'après du trône; tous deux ont reçu des encouragemens du ministère, qui a cru la concurrence utile, et a fait décerner des médailles, dans une séance solennelle, à ceux des frères et des instituteurs dont on avait distingué les

travaux.

Un arrêté de la commsision provisoire de l'instruction publique (du juin) a créé dans les colléges une chaire d'histoire. Cette création annonce le dessein de donner aux études la direction la plus conforme à l'état de la civilisation; mais on n'en attend pas avec moins d'impatience la loi qui doit remplir une lacune importante dans l'administration d'un grand empire.

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Le pavillon français a reparu depuis la restauration dans toutes les mers du monde. Des expéditions ont été entreprises pour faire des découvertes; la science et le commerce en ont recueilli quelques avantages.

Les colonies françaises offrent peu d'événémens à remarquer dans l'histoire de l'année. Les établissemens de l'Inde sont à peine formés, et ne peuvent plus être que des comptoirs. On a cherché à introduire à Cayenne la culture des épices des Moluques, et à y étendre celle du cotonnier et de la canne à sucre. Les administrateurs de l'île de Bourbon ont fait avec le gouverneur de l'île Maurice (Ile de France) un traité d'après lequel les relations commerciales sont établies entre ces deux îles sur un pied parfaitement égal. - Quant aux Antilles, le général baron Donzelot, chargé récemment du gouvernement de la Martinique, s'occupait avec succès de réparer les désastres de cette colonie que les ouragans avaient désolée l'année dernière, et où la fièvre jaune a paru dans le cours de celle-ci.

Le Sénégal n'a jusqu'ici été que le champ de quelques spéculations malheureuses. Nous déplorons avec raison la perte de nos anciennes richesses; mais il nous reste en ce genre des conquêtes à faire. Les colonies ne nous manqueront pas, si la paix peut nous donner un bon système de colonisation.

Quant aux rapports extérieurs de la France, l'attention publique était tout entière aux négociations relatives à l'évacuation du territoire; on ne s'occupait guère que dans le gouvernement, dans le clergé, et dans quelques salons, des négociations reprises avec le saint-siége sur la nouvelle circonscription des diocèses. M. Portalis, chargé de cette mission délicate auprès d'une cour qui ne revient guère de ses décisions que quand on se montre fort ou indifférent avec elle, avait été présenté le 24 juin à sa Saintetě. dit-on, fortement insisté sur la répugnance que la chambre des députés avait manifestée à voir porter le nombre des diocèses au delà de celui des départemens; mais la fin de l'année est arrivée sans qu'on ait rien appris du résultat de cette mission.

Il a,

Il a été conclu avec le roi des Deux-Siciles (28 février 1818),

un traité portant abolition des anciens priviléges dont les Français avaient joui dans les deux royaumes; mais ce même traite stipule en leur faveur une diminution de 10 pour 100 sur les marchandises importées, avantage plus solide que tous les priviléges restant du pacte de famille mal assorti à l'état actuel de l'Europe.

A peine le public a-t-il su qu'il existait des négociations pour la démarcation de nos nouvelles limites, d'après la convention faite avec la Suisse, la vallée de Dappes a été remise au Valais. Dans les négociations avec le grand-duché de Bade, il a été reconnu en principe que le Thalweg du Rhin ne formerait la frontière des deux États que relativement à la souveraineté; mais pour la propriété des îles, il a été décidé qu'on prendrait pour base le traité de Lunévillle. Le règlement des limites avec les Pays-Bas était encore soumis à l'arbitrage d'une commission mixte. L'histoire doit remarquer que sur tous les points de notre frontière nouvelle, depuis les côtes de la Méditéranée jusqu'à celles de l'Océan, il se manifestait des regrets de la part des peuples que le sort des armes et la rigueur des traités avaient séparés de la France, quoique sous son empire ils eussent des impôts plus considérables à payer.... Mais ce n'était plus pour elle le temps de tracer avec son épée victorieuse la ligne de ses frontières ; il ne s'agissait plus de disputer quelques pouces de terrain à ses voisins, lorsque son existence pouvait encore être mise en question à ce congrès, dont les travaux seront l'objet d'un autre chapitre.

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- Plan

ALLEMAGNE. Affaires générales. -Travaux de la diète germanique. de la confédération militaire. AUTRICHE. État de ses finances, — administration intérieure.- PRUSSE. Ses agitations, demandes et travaux pré

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paratoires d'une constitution, - emprunt de 30 millions, voyages du roi en Russie, changement dans le ministère, -traité de cominerce avec le Danemarck, BAVIÈRE. Constitution donnée par le roi, opposition de la noblesse immédiate, concordat et difficultés à cet égard.-BADE. Querelle avec la Bavière, avec la cour de Rome, constitution nouvelle, mort du grand-duc régnant. WURTEMBERG. Divisions entre le prince et les États. HANOVRE. - HESSE. Système politique adopté dans l'électorat, changemens préparés dans le grand-duché de Hesse-Darmstadt. — SAXE. - gouvernement libéral des duchés.

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États du royaume,
NASSA. - VILLES LIBRES.

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-

MECKLEMBOURG

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Il a été reconnu que le rétablissement de la confédération germanique intéressait toute l'Europe. L'expérience du passé en a prouvé l'importance; mais les travaux de la diète de Francfort en ont encore mieux démontré les difficultés. Si cette grande association n'était composée que d'un certain nombre d'États, tels que les Cantons Suisses, ou les États-Unis d'Amérique, rattachés comme eux par des intérêts identiques, par des constitutions fédérales analogues, et par l'habitude de se regarder comme les parties d'un même tout, le corps germanique n'éprouverait pas tant de peine à se constituer; tous les membres, n'ayant une existence solide que par leur union, èn sentiraient la nécessité; ils se presseraient d'exister. Mais tel n'est point le principe de cette confédération; les puissances qui la composent ne sont pas habituées à la regarder comme la garantie de leur vie politique. L'avantage qu'ils y cherchent n'est pour la plupart qu'un objet secondaire. Un grand danger commun pourrait encore les réunir, mais des intérêts privés doivent souvent les séparer. Hors quelques accidens bien rares, l'intérêt commun n'excite que de l'indifférence. C'est d'après la situation forcée des choses, c'est dans la nature des passions communes aux gouvernemens comme aux individus qu'il faut chercher l'explication des lenteurs et des difficultés dans les travaux de la diète de Francfort.

Annuaire hist. pour 1818.

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