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dépêche, et les représentations de la minorité qui proposait du moins le renvoi de cette affaire à un examen plus réfléchi, le décret fut emporté dans la même séance, et la compagnie de Jésus fut rétablie dans le collége de Saint-Michel, de Fribourg, pour y suivre la vie religieuse, et y donner l'enseignement public, d'après un plan qu'elle doit présenter au gouvernement, et conformément à l'institut de son saint fondateur, approuvé par la bulle du souverain pontife, sous la date du 7 août 1814. - Elle a été remise en possession des biens du collége, mais elle ne peut aliéner, ni disposer d'aucun fonds sans autorisation du gouvernement, auquel elle doit rendre un compte annuel de l'administration de ces biens.

Ce décret fut, on le pense bien, l'occasion des plus amères censures et des plus chaudes apologies. Des adresses sollicitées ou inspirées par le sentiment de la conviction arrivèrent de plusieurs communes. L'évêque de Fribourg avait en quelque sorte devancé le décret par un mandement épiscopal qui fut adressé le 15 septembre au conseil souverain en faveur de l'ordre, dont il rappelait les services, déplorait la suppression, et exaltait enfin le nouveau rétablissement pour le bien de l'Eglise catholique; dix jours après parut une protestation de six membres du grand conseil contre cette mesure, protestation motivée sur l'illégalité des formes qu'on avait suivies, et sur la crainte des conséquences désastreuses qu'elle pouvait avoir pour l'existence constitutionnelle et l'union du corps helvétique.

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La publication de cette note fit une sensation prodigieuse; dans la ville même de Fribourg, une foule considérable se rassembla sous les fenêtres des conseillers d'Etat. On leur donna des sérénades qui furent interrompues par la force armée. Des placards menaçans et injurieux aux jésuites furent affichés à la porte des conseillers qui leur avaient été favorables. La police fit cesser les rassemblemens; le conseil d'Etat supprima la protestation de six conseillers comme illégale et inconvenante, et défendit sous des peines sévères d'écrire contre les jésuites, qui se sont toujours mis en possession du collége, ont fait de nombreux novices, et se proposent, dit-on, de ramener toute la Suisse à l'unité catholique.

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CHAPITRE VI.

ESPAGNE. Situation du royaume en 1818, influence du clergé,

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affaire de Som

- rétablissement des tribunaux de compétence ecclésiastique, exécution de la loi de recrutement, - réduction de l'armée, arrivée de la flotte russe, - départ de l'expédition de Lima, mesures et projets de finances, bulles arrivées de Rome, — changement du ministère espagnol, — embarras nouveaux troubles, Cosaques ou Guerillas de la Sierra Morena, - mort de la reine, préparatifs de l'expédition de Cadix. — Colonies espagnoles. État de Cuba, du Mexique et de la nouvelle Grenade. VENEZUELA, Campagne des indépendans, — marche de Bolivar sur Calaboso, brero, retraite du général espagnol Morillo sur Valencia, - prise de San Fernando de Apure par les indépendans, — succès et revers balancés, : situation respective des parties belligérantes à la fin de la campagne, — nouvelle administration de Venezuela. BUENOS-AYRES et CHILI. État des factions et du gouvernement,-débarquement du général espagnol Osorio dans la baie de la Conception, sa marche sur San-Iago, victoire remportée à Maïpo par les indépendans, cuation de Talcahuano par les Espagnols, agitation et conspiration à Buénos-Ayres, Artigas, campagne des Portugais.

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- préparatifs pour envahir le Pérou, évacraintes répandues à Lima, état de la république sous PORTUGAL et BRÉSIL. Affaires de

Monte-Video, - campagne contre Artigas, acclamation de Jean VI à Rioamnistie,- décret contre les sociétés secrètes,

→ Janeiro,

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Brésil,

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La situation de l'Espagne était déjà difficile en 1817. Elle s'est encore détériorée en 1818. Le clergé, seul riche au milieu de la misère générale, rentré en possession de tous ses biens, se mêlait, par la puissance de l'inquisition, à toutes les affaires politiques; il était exclusivement chargé de l'instruction publique, de la censure sur les productions littéraires; et quand la méthode de l'enseignement mutuel vint à pénétrer en Espagne, il se hâta de l'adopter pour en pouvoir diriger l'usage. Rien ne prouve mieux l'influence dont il jouit que le rétablissement du tribunal des compétences ecclésiastiques (contenciones) dans la ville de Valence, comme il avait eu lieu l'année dernière à Barcelonne, avec toutes ses anciennes attributions, tribunal que les cortès avaient supprimé, dont l'institution remonte au quatorzième siècle, et qui donne à l'Eglise le droit d'asile et ses vieux priviléges et sa juridiction particulière pour les

défendre. Il obtint encore au commencement de cette année, malgré la rigueur annoncée dans l'exécution de la cédule de recrutement, qu'on étendit le droit d'exception accordé aux ecclésiastiques, in sacris, de manière à en restreindre de beaucoup les effets.

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« Peut-être est-ce à ces exceptions étendues dans la suite à des classes privilégiées, autant qu'à la diminution de la population, qu'il faut attribuer le décret royal du 1er juin qui reforma ou plutôt recomposa l'armée, dont les cadres donnaient une fausse idée de sa force, sur le pied de quarante-sept régimens d'infanterie de ligne ou légère, vingt-deux régimens de cavalerie, avec un corps d'artillerie de cinq mille hommes, deux régimens d'infanterie de la garde, dont l'ensemble devait offrir une force effective de soixante-cinq à soixante-dix mille hommes, à laquelle on peut joindre quarante-trois régimens de milices provinciales, où les officiers réformés dans l'armée doivent être placés; les compagnies franches à établir pour la sûreté publique et les régimens suisses que le roi se réserve d'employer en tel nombre qu'il jugera à propos. Quant à la marine espagnole, un seul fait en donne l'idée. C'est l'impatience avec laquelle on attendait l'escadre achetée l'année dernière à la Russie; partie depuis einq à six mois du port de Cronstadt, elle avait relâché à Plymouth pour s'y réparer. Elle arriya enfin dans la baie de Cadix le 21 février, « en parfait état d'armement, dit alors la gazette officielle, et prête à entreprendre les navigations les plus longues. » La générosité de l'empereur Alexandre y ajouta dans la suite trois frégates de trente-six à quarante-quatre canons qui entrèrent au même port vers la fin d'octobre. Une partie de cette flotte était destinée à convoquer l'expédition, qui mit à la voile le 21 mai, pour porter environ deux mille cinquante hommes à Lima. L'autre devait servir à protéger le commerce espagnol contre les corsaires indépendans qui venaient atta¬ quer les convois jusqu'à la vue des côtes d'Espagne. On verra comment l'un et l'autre objet ont été remplis.

Personne n'ignore que des milliers d'Espagnols ont été, par l'effet des discordes civiles et pour des cas mal définis, exilés de leur patrie. Plusieurs de ces infortunés y avaient été rappelés et remis dans

la possession de leurs biens. Il parut convenable à S. M. catholiqué de fondre, dans une résolution unique et définitive appelée cédule d'amnistie ( 15 février), toutes celles qui avaient été prises antérieurement sur cette matière; en conséquence elle déclara, d'après l'avis du conseil de Castille, que l'entrée du royaume était interdite généralement (sauf le cas d'ané grâce particulière ou pardon spécialement accordé par S. M.) à ceux qui auraient servi, par commission nouvelle ou continuation de l'ancienne, le gouvernement intrus, comme conseillers, ministres, ambassadeurs, secrétaires d'ambassade, consuls ou résidens, généraux ou officiers, jusqu'au grade de capitaine inclusivement, employés dans le ministère de la police, préfets, sous-préfets, membres de junte ou tribunaux criminels, personnes titrées, prélats ou personnes revêtues de dignités ecclésiastiques, journalistes et tout autre qui, par dés écrits, proclamations, exhortations, et autres moyens de ce genre, auraient coopéré aux vues du gouvernement intrus, etc. « Quoiqué les biens des personnes comprises dans ces catégories dussent être appliqués au fisc, porte la cédule, comme un juste châtiment des propriétaires, » S. M. ordonnait qu'ils fussent remis aux parens et successeurs immédiats, et qu'ils en eussent l'administration, mais à la charge par eux de verser annuellement la moitié des revenus dans les caisses du crédit public (caisse d'amortissement), de donner une pension alimentaire convenable au propriétaire émi→ gré, en tant que celui-ci, par sa conduite ultérieure, ne se rendrait point indigne de cette faveur. - De rendre compte de leur gestion chaque année audit établissement, et de présenter avec ces comptes dés certificats des agens et consuls du pays où résident les émigrés, lesquels attesteront que ceux-ci sont toujours dans les lieux où lesdits consuls et agens sont établis; qu'ils ne prennent aucune part aux troubles de l'Amérique, et qu'ils n'ont de relations d'aucune espèce qui puissent directement ou indirectement être contraires aux intérêts du royaume.

A ces exceptions près, le roi permit à tous les autres fugitifs de rentrer, mais dans le délai de six mois seulement. Il ordonna que leurs biens leur fussent rendus dans l'état où ils se trouveraient,

sans qu'il pût être admis la moindre réclamation de leur part relativement aux aliénations qui auraient eu lieu dans les formes légales ; — sans qu'ils pussent prétendre aux emplois, titres et priviléges qu'ils avaient auparavant, ni porter leurs anciennes décorations. — Ils devaient jouir de leurs droits civils, mais non de celui d'exercer des emplois municipaux.—Comme ceux déjà amnistiés, ils étaient forcés de fixer leur domicile dans un lieu déterminé et à une distance prescrite de la capitale et des maisons royales de S. M. — Peu d'exilés profitèrent, on le pense bien, de cette étrange amnistie.

De tous ces maux, le plus sensible à la masse du peuple était la stagnation du commerce et l'embarras progressif des finances. L'Espagne, si jalouse d'ôter aux étrangers le commerce de ses colonies, était depuis long-temps exploitée par le génie des autres nations plus industrieuses qu'elle; mais la révolution d'Amérique ayant tari la source principale de sa richesse, elle était devenue plus avare de ses métaux, et au lieu de chercher à compenser par son industrie la perte énorme du produit de ses mines, elle resserrait insensiblement l'entrée de ses ports et de ses frontières par des droits dont le fisc profitait peu et dont le commerce national et le commerce étranger souffraient également.

Enfin le gouvernement cédant aux plaintes du dedans et du dehors, ouvrit quatre ports francs (Saint-André, la Corogne, Cadix et Alicante). Cette résolution annoncée dès le mois de janvier, arrêtée dans une cédule du 30 mars, ne reçut son exécution qu'à compter du 15 juillet, du moins quant à la libre circulation des denrées déjà si difficile par le défaut de routes, de canaux et d'argent dans l'intérieur. Toute l'habileté du ministre des finances (don Martin de Garay) ne pouvait surmonter tant de difficultés.

Il y avait en Espagne une dette publique énorme dont on n'avait pas même encore bien positivement reconnu l'étendue et la légitimité. Les Hollandais réclamaient le remboursement d'un emprunt de 72 millions de fr. qui leur avait été fait en 1807, sous un ministère dont on hésitait à reconnaître les engagemens. Des Français, dont on avait séquestré ou même confisqué les biens, en demandaient la restitution ou la valeur; mais la liquidation réciproque à

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