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et quoique d'après les états publiés annuellement, la balance du commerce parût lui être favorable, la disette de l'or et de l'argent s'y faisait sentir : les assignations de banque, papiermonnaie du pays, déjà tombées sous Catherine II, étaient au quart et quelquefois au cinquième de leur valeur nominale. Le gouvernement actuel, portant la plus sérieuse attention à l'administration de ses finances, une commission particulière avait été créée, dès l'an 1810, pour le règlement et l'acquit de la dette publique; mais la guerre de 1812, qui le réduisit encore à faire un emprunt en Hollande, avait retardé l'effet des opérations alors méditées. Mais l'issue glorieuse de cette guerre permettant d'espérer une longue paix, l'empereur Alexandre ordonna par un ukase, rendu à Pétersbourg le 16 avril 1817, 1o que le trésor impérial mettrait, pour cette année, de 30,000,000 roubles à la disposition du comité chargé du paiement de la dette; 2o qu'à dater de 1818, il serait annuellement affecté au même objet 30 millions des revenus des domaines de la couronne, jusqu'à l'extinction totale de la dette, et à la réduction du papier courant dans une proportion jugée nécessaire à la circulation. Le même ukase soumettait à la décision du comité d'amortissement toutes les mesures à prendre pour des emprunts postérieurs à l'extinction de la dette publique. Enfin le 7 mai suivant il a été créé une banque impériale du commerce, dont trente millions de roubles des capitaux de la couronne ont fait les premiers fonds. Cette banque, qui devait commencer ses opérations au 1er janvier 1818, a le privilége de prendre des fonds, en payant l'intérêt sur les mêmes principes que celui des emprunts de la banque; de transférer les dépôts qu'elle aura reçus, d'une personne à une autre, en marchandises; d'escompter des effets à un taux réglé. Les directeurs de cette banque doivent être choisis par moitié dans l'administration publique, et parmi les négocians; et pour en assurer le succès, sa majesté a pris sous sa protection particulière, et garanti sur sa parole impériale, l'intérêt juste des capitaux qui y seraient versés, et l'inviolabilité des droits de toutes personnes qui s'y seraient intéressées.

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Tandis que l'empereur visitait quelques-unes de ses provinces méridionales, le vice-roi de Pologne publia, le 30 septembre, au nom de Sa Majesté, une circulaire pour la convocation de la diète polonaise et des assemblées communales. Chaque district devait envoyer un nonce à la diète, chaque assemblée communale un député; ce qui donnait soixantedix-sept nobles pour représenter la bourgeoisie. Les élections se firent avec une tranquillité à laquelle la Pologne n'était pas accoutumée. L'histoire de 1818 offrira la suite de ses

travaux.

Jamais le cabinet russe n'avait entretenu de relations plus importantes; jamais sa politique n'avait embrassé des rapports plus étendus; son influence se faisait remarquer dans les affaires de la France; l'espoir de sa médiation suspendait les querelles de l'Espagne et du Portugal. Il venait d'envoyer en Perse une ambassade extraordinaire, dont les motifs n'étaient pas tant de renouer les anciennes liaisons d'amitié, que d'obtenir des résultats favorables au commerce, à l'industrie et aux sciences. Feth Ali-Schah parut oublier, en recevant l'assurance de la paix, le prix qu'elle lui avait coûté.

Les relations de la Russie avec la Porte Ottomane avaient aussi l'apparence la plus amicale; mais le traité de Bucharest qui avait enlevé à celle-ci la Bessarabie, et plus d'un tiers de la Moldavie, laissait encore surtout, après trois ans de négociations, quant à la situation politique de la Servie, et aux limites du Phasis dans l'ancienne Colchide, des difficultés à résoudre.

TURQUIE. Ce gouvernement a trop d'affaires chez lui pour se mêler activement des autres; un grand-visir qu'on supposait peu disposé en faveur du cabinet russe, et trop complaisant pour les janissaires, venait d'être remplacé par Dervisch pacha, ci-devant gouverneur de Broussa; le muphti par un simple ulema, et le grand-seigneur paraissait prendre une attitude ferme au milieu des dispositions séditieuses des janissaires.

L'Égypte lui offrait d'autres sujets d'inquiétudes dans l'ambition du pacha, homme entreprenant, courageux, pour 1818.

Annuaire hist.

éclairé, jaloux d'introduire les arts de l'Europe dans son gouvernement, et soupçonné de chercher à se rendre indépendant. Son fils était à la tête d'une armée dans les provinces de l'Yémen, où il venait de remporter plusieurs victoires sur les Wahabées ou Wéchabites, tribus d'Arabes qui se sont soustraites au joug ottoman depuis plusieurs années; espèce de méthodistes musulmans, ennemis acharnés des Turcs, qu'ils accusent d'avoir corrompu la religion du prophète.

Si, de la Turquie devenue presque étrangère à l'Europe, nous retournons sur nos pas, nous retrouvons d'abord l'Italie, jadis si redoutable par sa domination, aujourd'hui divisée, faible, inoffensive, enveloppée malgré elle dans les guerres précédentes, impuissante même pour se défendre des pirates d'Alger ou d'Albanie, mais toujours l'objet de l'ambition et des admirations de l'Europe.

ITALIE. En observant attentivement l'état moral et politique des contrées de l'Europe où la domination française a passé, on voit qu'elle y a créé plus que des opinions, je veux dire des intérêts. C'est surtout en Italie, qu'on en verra long-temps les traces.

DEUX-SICILES. Naples avait été long-temps séparé de la Sicile. Il fallait rattacher ensemble deux parties essentielles d'un même tout; d'un côté l'esprit de révolution avait saisi la noblesse et la bourgeoisie, mais le gouvernement trouvait dans ses classes inférieures du peuple un appui : de l'autre, on s'était habitué au régime constitutionnel.

les

Dès que le royaume de Deux-Siciles eut été affranchi de la garde des Anglais et des Autrichiens, le gouvernement s'occupa des moyens d'y rétablir l'ordre, interrompu par variations de sa fortune. L'administration de la Sicile demandait des soins particuliers; on y avait publié, dès le 12 du mois de décembre 1816, une espèce de constitution, dont l'objet principal était de concilier les priviléges accordés précédemment aux Siciliens, avec l'unité des institutions. po. litiques du royaume. D'après cette constitution le gouvernement est dans la personne du roi : il ne peut envoyer pour

le remplacer en Sicile qu'un prince de sa famille, ou un personnage de la plus haute distinction. Toutes les grandes dignités sont partagées entre les deux nations, en proportion de la population respective; mais les emplois de l'administration de la Sicile ne peuvent être confiés qu'à des Siciliens. Chacun des deux peuples a ses tribunaux séparés : les droits féodaux sont supprimés dans l'un et l'autre État; mais en Sicile, les impôts ne peuvent, sans le consentement d'un nouveau parlement, excéder la somme votée en 1813 (1). Un autre édit rendu sur la fin de 1817, a divisé la Sicile en sept intendances organisées comme les départemens français, avec des conseils provinciaux et communaux, qui ont presque anéanti l'ancienne autorité des juridictions féo

dales.

Des difficultés d'un autre genre, nées de la révolution. avaient suspendu l'exercice de l'autorité légitime à Naples. Le gouvernement, instruit par l'expérience du danger des réactions, s'est heureusement appliqué à les prévenir. Il a rappelé à faire partie de l'armée les jeunes gens au-dessous de vingt-cinq ans, qui avaient été destinés à marcher dans les deux levées de 1813, avec exception pour ceux qui se seraient mariés avant le 24 décembre 1816, ou qui pourraient fournir un remplaçant ou un cheval. Il a ouvert avec la cour de Rome des négociations pour faire un nouveau concordat, et pour purger ses provinces limitrophes des brigands qui l'infestaient. La suite fera voir l'effet de ces démarches.

ROME. Le gouvernement pontifical, remis en possession du domaine de saint Pierre, signala son retour à Rome par des actes propres à ramener la sécurité. Il publia des bulles conciliatoires; il abolit la torture, la confiscation et les procédés les plus rigoureux de l'inquisition. Il proclama la garantie donnée aux acquéreurs de domaines nationaux, dont la vente aurait été légalement faite, garantie qui fut encore

(1) C'est-à-dire, 1,847,687 onces, dont il doit être appliqué au moins 150,000 au paiement du capital et des intérêts de la dette.

confirmée dans la légation de Bologne, par une déclaration du 10 décembre 1817. Mais en même temps il annonça la résolution de rendre au saint Siége tous ses droits; il rappela les jésuites, et manifesta l'intention de les rétablir dans toute la chrétienté; il protesta contre la détention par la France du comtat Venaissin; contre la cession du Ferrarois et contre les actes du congrès de Vienne, relatifs aux intérêts de l'Église catholique en Allemagne; il remit l'administration des États romains dans les mains des ecclésiastiques, ce qui parut avoir excité des mécontentemens dangereux, et n'a point fait cesser les brigandages. Toutes les réclamations élevées par la cour de Rome ne furent pas heureuses; mais l'Église romaine trouva, dans plusieurs États séparés d'elle depuis long-temps, des dispositions plus amicales. On ne vit point sans surprise, arriver jusqu'au trône pontifical une lettre respectueuse du prince-régent d'Angleterre. Les anciennes querelles religieuses parurent céder un moment à la nécessité de prévenir des dangers qui avaient menacé tous les autels et tous les trônes.

Le rétablissement de quelques souverainetés en Italie, comme le grand-duché de Toscane, celui de Parme, et la principauté de Lucques, n'offrent que des détails d'adminis tration intérieure peu importans à remarquer dans une histoire générale. Ces peuples, pour la plupart soumis à l'influence de l'Autriche, devenus comme étrangers au mouvement des affaires de l'Europe, seraient peut-être plus heureux sous cette domination obscure, si l'Italie entière n'était agitée d'une inquiétude sourde, dont la première guerre qui éclatera peut révéler le danger.

SARDAIGNE. Ce royaume a été agrandi des États de Gènes, à dessein d'en faire la barrière de l'Italie contre la France. Il est douteux qu'il puisse remplir sa destination. Il a recommencé son existence par des contestations avec l'Autriche, dont le voisinage lui semble déjà plus importun que celui de la France.

Le roi a reconstruit son gouvernement sur les anciennes bases. Sans égard pour les améliorations faites sous l'admi

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