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pour se rendre en voiture de Porto-Ferrajo à Marciana il Campo.

Toutes ces routes furent plantées d'arbres: comme ils sont extrêmement rares dans l'île, il en fit venir une grande quantité d'Italie, et surtout beaucoup de

mûriers.

Peu satisfait enfin s'il n'eût accompli sur son rocher stérile que la moitié du précepte de Zoroastre, qui ordonne de planter un palmier, et de conduire une source d'eau vive dans le désert brûlant, l'Empereur fut lui-même chercher une fontaine aux environs de Porto-Ferrajo, pour en diriger les eaux dans la ville qui en manquait. Les travaux étaient trèsavancés lorsque S. M. a quitté l'île.

Aussi, que de vœux! quels regrets touchans accompagnèrent son navire à son départ! et que d'anecdotes on pourrait citer, pour prouver à quel point l'intéressait ce bon peuple qu'il avait momentanément adopté, et dont la reconnais

sance le payait si franchement de tous ses soins!

:

Il ne faisait pas moins l'admiration des étrangers des négocians de divers pays débarquèrent un jour que l'Empereur était au port; il leur demanda ce qu'ils venaient faire. - Visiter le pays, voir les mines. Pourquoi, leur dit-il en sou

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riant, ne pas avouer tout de suite que c'est moi que vous venez voir ? Hé bien, me voilà.

Des différentes nations qui se rendaient à l'île d'Elbe, les Anglais surtout paraissaient attacher le plus haut prix à le contempler, à l'entendre. Souvent on les a vus se rendre sur la route de PortoFerrajo à Saint-Martin, y attendre pendant cinq et six heures S. M., et après l'avoir vue se rembarquer aussitôt.

D'autres s'arrêtaient d'abord à Ajaccio, visitaient la maison où S. M. vit le jour, se découvraient avec un sentiment de respect devant le portrait de celui qu'ils

regardaient comme un grand homme, et en s'en allant mettaient dans leur poche, emportaient un fragment de pierre ou de brique, enlevé à cette maison qui leur rappelait tout ce que l'histoire du siècle offrira de plus remarquable à la postérité.

Lord Benting, lord. Douglas, une infinité d'autres seigneurs furent reçus, recherchés, fêtés pour ainsi dire par S. M.; tous rapportaient chez eux les plus touchans souvenirs de l'accueil qu'ils avaient reçu.

L'un d'eux accompagnait un soir S. M. qui, après le déjeuner, visitait à pied les travaux de Porto-Ferrajo. L'Empereur rencontre le grand-maréchal, qui venait du port et marchait vers le palais, des papiers sous le bras. Sont-ce les journaux français? Oui, sire. Suis-je bien déchiré? Non, sire, il n'est pas question aujourd'hui de V. M. - Allons, ce sera pour demain : c'est une fièvre intermittente, mais les accès passeront.

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L'Empereur se plaisait à causer avec ses grenadiers, dont il avait si bien jugé le cœur. Comme tous les vieux militaires, ils ne paraissaient jamais tout à fait contens; et par une de ces expressions qui peignent au soldat l'affection qu'on lui porte, beaucoup mieux que les plus belles phrases, il les appelait ses grognards.

Un jour, vers les derniers temps, Eh bien! grognard, dit-il à l'un d'eux, tu t'ennuie? Non, sire, mais je ne m'amuse pas trop, toujours.-Tu as tort, il faut prendre le temps comme il vient : et de s'éloigner en faisant sonner son argent dans son gousset, où il avait la main, et en chantant entre ses dents, ça n'durra pas toujours.

Une autre fois il s'approche d'une vivandière : - Combien vends-tu ton vin, la bonne ?

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- Cinq kreutzers (1), sire. C'est trop cher, il faut ne le vendre que

(1) Le kreutzer vaut sept centimes.

quatre, et mettre un peu d'eau dedans. Mais que je suis bon! tu sais ton métier mieux que moi.

Jamais S. M. ne se refusa aux désirs de ses bons Elbois, toutes les fois qu'ils lui montraient à découvert leur âme franche et naïve. Comme les peuples d'Italie, c'est la coutume chez eux de faire des courses de chevaux du pays, et que l'on se figure quels chevaux et l'encolure du noble coursier qui remporte le prix ! Les habitans élevèrent un jour une espèce d'amphithéâtre sur la route de Porto-Ferrajo à Saint-Martin. Ils attendirent l'Empereur, le supplièrent de présider à leurs jeux, d'occuper avec sa suite les places qu'ils avaient embellies pour lui de fleurs et de feuillages. S. M. ne voulant pas les affliger par un refus, assista à toutes les courses, et couronna de sa main le vainqueur.

Les soldats de la garde dirigeaient de préférence leurs promenades du côté de

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