Images de page
PDF
ePub

NOTICES DIVERSES.

I. L'INTERPRÉTATION DU TRAITÉ HAY-PAUNCEFOTE RELATIF AU CANAL DE PANAMA. LETTRE DE M. THOMAS WILLING BALCH AU - NEW YORK SUN -.

Nous avons eu connaissance récemment d'une lettre adressée à l'un des grands journaux de New-York, le New York Sun, par M. Thomas Willing Balch, de Philadelphie, un des collaborateurs habituels de la Recue. Cette lettre, bien antérieure à la publication par M. le professeur Kaufmann de son article sur la loi américaine du 24 août 1912 relative au canal de Panama ('), répond en quelque sorte d'avance à l'invitation adressée par M. Kaufmann à ses collègues de l'Institut de droit international et notamment à ses collègues américains, de bien vouloir donner leur opinion sur le dissentiment existant entre les États-Unis d'Amérique et la GrandeBretagne au sujet du régime des taxes à percevoir pour la navigation du canal de Panama. M. Balch fournit, à ce qu'il nous semble, la meilleure réponse publique que puissent faire les citoyens de chacun des pays en cause et qui est de conseiller le recours à l'arbitrage international.

Les amis de l'arbitrage international liront avait plaisir la lettre de M. Balch dont nous publions ci-dessous la traduction :

[blocks in formation]

Il y a un demi-siècle, les Américains croyaient fermement qu'ils avaient un juste sujet de plainte contre la Grande-Bretagne parce qu'elle avait, durant notre guerre civile, autorisé l'usage de ses ports pour l'armement d'une flotte de croiseurs confédérés,

(1) GUILLAUME KAUFMANN, La loi américaine du 24 août 1912 et le droit international. (Cette Revue, t. XIV, 1912, p. 581 et suiv.).

lesquels furent cause qu'à ce moment notre pavillon disparut presque entièrement de la haute mer. Nous avons alors pressé la Grande-Bretagne d'accepter que nos réclamations, connues sous le nom générique d'affaire de l'Alabama, fussent soumises pour règlement à un arbitrage international. Finalement, et non sans objection, la Grande-Bretagne accéda à notre demande.

66

Et, comme conséquence, les deux nations parurent comme plaideurs à la barre de la cour de justice internationale, communément désignée sous le nom de tribunal de Genève.

Le résultat fut un triomphe pour les États-Unis, mais ce fut aussi un triomphe plus grand encore pour la cause de la civilisa

tion.

Aujourd'hui, notre gouvernement et celui de la GrandeBretagne en sont arrivés une fois de plus à une impasse qui concerne cette fois l'interprétation du traité Hay-Pauncefote au sujet de Panama. Notre gouvernement a formellement accordé le libre passage par le canal de Panama à ceux de nos navires employés dans le commerce de cabotage. Et comme conséquence, la Grande-Bretagne a protesté et a donné avis qu'elle demanderait que la convention internationale Hay-Pauncefote füt soumise pour interprétation à la sentence judiciaire du tribunal de la Haye. Bien que fort peu de temps se soit écoulé depuis que le bill concernant le canal de Panama est devenu loi ('), des insinuations se sont fait entendre au sujet de la possibilité pour les États-Unis de rejeter la demande de la Grande-Bretagne de soumettre le point en discussion au tribunal de la Haye. Il serait toutefois fort peu sage de la part des États-Unis de se prêter à une semblable politique. On ne pourrait trouver de moyen plus efficace de porter atteinte à notre commerce étranger et à nos relations internationales. Et, au surplus, en dehors des aspects matériels de la question, notre honneur national et notre crédit souffriraient si nous nous refusions à soumettre le différend au tribunal international de la Haye pour qu'il y soit réglé juridiquement, et cela d'autant plus que nous avons précisément un traité avec la Grande-Bretagne en vertu duquel nous avons accepté de soumettre au tribunal de la Haye toute une série de litiges internationaux qui pourraient se présenter

(1) La loi date, comme on le sait, du 24 août 1912.

dans le cas où les moyens ordinaires d'arrangement viendraient à manquer. En se prètant à cette solution d'une divergence de vues entre les deux puissances, l'honneur des États-Unis et celui de la Grande-Bretagne seraient certainement aussi bien sauvegardés dans les mains de leurs conseils respectifs, que l'honneur d'un particulier reste sauf dans les mains de son conseil à l'occasion d'un procès devant un tribunal ordinaire.

[ocr errors]

L'arbitrage pour l'affaire de l'Alabama qui englobait une part considérable des droits et des devoirs des neutres et des belligérants à l'égard les uns de autres, fut un pas considérable dans l'affermissement du pouvoir et de l'autorité du droit international parmi les nations du monde. Le dissentiment actuel concerne l'interprétation correcte d'un traité au sujet duquel diverses parties en cause et diverses personnes ont indiqué des manières de voir différentes. Il semble donc que ce soit évidemment le cas d'avoir recours à une décision judiciaire.

[ocr errors]

Quand le moment sera venu, acceptons que la question soit portée devant le tribunal de la Haye et quelle que soit là décision qui advienne, décision que les deux parties se seront d'abord engagées à accepter, ce sera là un nouveau triomphe pour le droit des gens. On aura fait ainsi un pas de plus -- et le droit international et la justice ne peuvent avancer que pas à pas vers le but éloigné de la paix universelle par l'expansion du droit des gens au profit bien évident de la civilisation et de l'humanité. Un nouveau titre d'honneur et de gloire en résultera pour les États-Unis qui Toujours, depuis la signature du traité Jay en 1794, ont tant fait, et probablement plus que toute autre puissance, pour la cause de la justice parmi les nations.

(Signé) ..THOMAS WILLING BALCH.

[blocks in formation]

LE PARTAGE DE LA TURQUIE D'EUROPE ET LES PRÉVISIONS
DE M. ENGELHARDT EN 1906.

Il a été rendu compte dans la Rerue, en 1908 (p. 457), d'un petit ouvrage remarquablement documenté, publié à cette époque par un de nos collaborateurs attitrés, M. Engelhardt, sous ce titre plus

particulièrement suggestif à l'heure actuelle: La question macédonienne. État actuel. Solution (').

Très au courant des rivalités des peuples slaves des Balkans entre eux, d'une part, et avec le royaume hellénique, d'autre part, M. Engelhardt a prévu dès cette époque leur entente finale, alors que jusqu'à ces derniers temps la diplomatie des grandes puissances restait inébranlablement fidèle à la doctrine funeste et inhumaine du statu quo. L'histoire dira plus tard avec certitude quels ont été les principaux artisans de l'entente prévue par M. Engelhardt : il paraît dès à présent établi, du reste, qu'à côté du souverain exceptionnellement avisé qui règne sur la Bulgarie et qui est parvenu a s'imposer comme tel à la fois dans sa patrie d'adoption et devant l'Europe, M. Venizelos, l'éminent homme d'État que la Crète a donné à la Grèce, a joué dans les négociations préliminaires un rôle prépondérant. Mais ce que nous tenons à signaler aujourd'hui, c'est que les grandes lignes de l'entente balkanique, à mesure que celles-ci se révèlent par la suite des événements de ces derniers mois, paraissent singulièrement en harmonie avec les prévisions fournies en 1906 par M. Engelhardt.

Contrairement aux idées dominantes, M. Engelhardt considérai dès lors que l'entente se ferait au sujet de Salonique et que la question de la possession de ce grand port et des territoires voisins serait tranchée en faveur de la Grèce. De même, se basant sur des arguments historiques et ethniques, il estimait que l'entente devai se faire entre Serbes et Bulgares.

Nos lecteurs nous sauront gré certainement de reproduire ici un passage du livre de M. Engelhardt dans lequel celui-ci résume luimème les principales considérations par lesquelles il cherche à élucider et surtout à simplifier les diverses questions qui constituent le problème macédonien :

La difficulté essentielle à dénouer, écrivait en 1906 M. Engelhardt, porte sur la répartition entre Grecs et Bulgares des territoires compris dans les deux vilayets de Saloniqué et de Monastir.

Les Grecs se désintéressent de la destination du vilayet de Cossovo auquel leur nationalité est étrangère; mais, si je ne me

(1) Un volume de 78 pages à la Librairie générale de droit et de jurisprudence. Paris, 1906.

trompe, ils se montrent particulièrement favorables aux Serbes dont la domination dùment reconnue dans cette partie de la Turquie d'Europe et leur annexion éventuelle au royaume de Serbie contribueraient à l'équilibre jugé désirable entre les États balkaniques.

- Il semble qu'une entente ne peut manquer d'intervenir à ce sujet entre les deux familles slaves voisines. Ainsi que je l'ai exposé, en effet, la plus grande étendue du territoire provincial dont il s'agit rentre dans les limites de la Vieille Serbie et de l'ancien patriarcat autocéphale serbe d'Ipek et sa population est en grande majorité serbe.

- Il est vrai que, sur les trente cazas qui le composent, les Bulgares entendent s'en assurer douze exclusivement habités par - leurs congénères » (1).

[ocr errors]

- Les futurs négociateurs serbes auront sans doute à tenir compte de cette revendication dans la mesure où une constatation contradictoire la justifiera (2).

- Il est probable aussi qu'ils renonceront à soutenir toute prétention sur la région septentrionale du vilayet de Salonique, convoitée par les annexionnistes extrêmes et où l'élément serbe est notoirement en infime minorité.

Il y a là matière à transaction.

Pour ce qui est du partage entre Grecs et Bulgares des deux vilayets de Salonique et de Monastir, j'ai fait une distinction entre les districts de ces provinces qu'il y a lieu de classer dès à présent comme des dépendances éventuelles des patrimoines respectifs et ceux qui, par suite du mélange des populations, ne peuvent être alloués à l'une ou à l'autre des deux nationalités que sur la base d'un recensement préalable.

Les premiers comprendraient au profit des Grecs tous les cazas de la Macédoine méridionale; les seconds, réservés aux Bulgares, seraient formés d'un groupe de cazas situés dans la Macédoine septentrionale. Les uns et les autres ont été nominalement désignés dans les notes précédentes.

(1) Ces cazas seraient les suivants : Uskub, Kuprulu (Velès), Tetovo, Costivar, Koumanovo, Kratovo, Kotchani, Ichtib, Radovitch, Petchevo, Palanka, Prechevo.

(2) La statistique bulgare de M. Brancoff accuse elle même dans ce groupe de cazas la présence de plus de 37,000 Serbes. Il n'y a que deux cazas où elle représente la population serbe par des zéros.

« PrécédentContinuer »