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romain dans le théâtre de Flaute et de Térence sont connus de tous les romanistes. Voici qu'il s'attaque à l'œuvre de Cicéron, pour en extraire tous les enseignements que peut y puiser le jurisconsulte. La tâche est lourde et ne pouvait être abordée que par un savant très averti, que ne rebutent point les longues et patientes recherches. L'auteur ne se borne pas à inventorier les passages de Cicéron, qui visent les diverses institutions juridiques, mais il les commente, en faisant son profit des innombrables travaux, dans lesquels les historiens du droit ont tiré parti des paroles de Cicéron. Pareille entreprise implique, on le devine, une très vaste érudition. Certes, le résultat obtenu est précieux, et M. le professeur Costa sera récompensé de sa peine par la reconnaissance que lui voueront tous les travailleurs soucieux du progrès de l'histoire du droit romain. Sans relever ici tel ou tel point de détail, sur lequel il serait toujours possible de chercher chicane à notre auteur, bornons-nous à constater que son beau livre nous fournit un aperçu magistral très vivant du droit privé des Romains au temps de Cicéron, tracé sur le plan méthodique suivant: 1° notions générales de Cicéron sur le droit, ses divisions et ses sources; 2° la famille et les personnes; 3o la propriété et les jura in re; 4o les obligations; 5° les successions.

Apulée n'est certainement pas aussi riche en enseignements juridiques que Cicéron. Le livre de M. Fritz Norden n'a donc pas l'ampleur de celui de M. Costa; mais s'il est forcément moins étoffé que celui-ci, il est cependant conçu selon la même méthode, et ses révélations ont peut-être un plus grand attrait de nouveauté. D'autre part, tandis que M. Costa est plus juriste que philologue et que son livre est fait pour les jurisconsultes, par contre M. Norden est plus philologue que juriste et son livre s'adresse principalement aux philologues. Il s'est assigné la tàche de montrer aux philologues tous les fruits qu'ils retireraient de la connaissance du droit romain, dans l'interprétation des œuvres d'Apulée; mais il se devine que les jurisconsultes feront, eux aussi, leur profit d'aperçus juridiques, auxquels les récits d'Apulée prêtent une intensité de vie que des sources purement juridiques ne sauraient leur communiquer. Qu'on songe, par exemple, à un tableau du droit matrimonial ou de la condition juridique des esclaves, illustré par le texte d'Apulée. L'écueil, dont un philologue juriste aura peine à se garder dans un travail du genre de celui de M. Norden, c'est de prêter parfois avec trop de complaisance une inspiration juridique à telle ou telle expression. Est-il permis de dire, par exemple, que les expressions maritus momentarius et venenum momentarium, qui se rencontrent dans Apulée, s'inspirent de l'expression juridique momentaria possessio, dont l'apparition dans le langage juridique semble postérieure de plus d'un siècle à la mort d'Apulée? Quoi qu'il en soit de ces exagérations très légères et très excusables, le livre de M. Fritz Norden reste précieux pour l'historien du droit autant que pour le philologue.

G. C.

28.

Concetto e origini dell' « Obligatio romana ». Gli effetti della « Litis contestatio » nelle obligazioni solidali passive. Appendici al volume primo delle Obligazioni di FEDERICO CARLO DI SAVIGNY, par le prof. GIOVANNI PACCHIONI. In-8° de 261 pages. Torino, Unione tipografico-editrice torinese, 1912.

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Voici deux importantes monographies, qui certes ne passeront point inaperçues. La première surtout retiendra l'attention, non pas seulement des romanistes, mais aussi de quiconque s'intéresse à l'histoire du droit en général.

Naguère, ici même, en signalant la publication du beau livre de GIERKE, Schuld und Haftung, j'eus l'occasion de montrer la portée générale considérable de l'analyse que les germanistes entreprenaient de faire du concept obligation (1). Ensuite, j'essayai ailleurs de réunir quelques indices de l'existence, dans le droit romain, de la distinction relevée, dans les ar ciennes sources germaniques, entre Schuld et Haftung (2). Dans ces circonstances, la lecture de la substantielle étude de M. le professeur Pacchioni, sur l'obligatio romana, a été pour moi particulièrement réconfortante, car elle m'a permis de croire que je n'avais peut-être pas fait fausse route dans mes recherches puisque, sans concert préalable, je me trouvais en communion d'idées avec mon distingué collègue, sur des points essentiels.

L'étude de M. Pacchioni montre clairement combien le problème des origines de l'obligation romaine s'éclaire à la lumière de la distinction tracée par les germanistes entre Schuld et Haftung. L'obligation juridique romaine s'analyse, elle aussi, en deux éléments : le devoir qui incombe au débiteur et l'engagement ou enchaînement qui garantit l'accomplissement du devoir. Or, ces deux éléments, dont la fusion s'est réalisée dans l'obligation du droit classique romain, n'ont-ils pas eu originairement une existence indépendante. Il est permis de le croire, quand on étudie de près l'ancien nerum et que l'on recherche les origines de la stipulatio. Pour ce qui est du nexum, M. Pacchioni trace en quatre-vingts pages un aperçu tout à fait remarquable de l'état actuel de la question. Et l'on sait combien la question du nerum est devenue complexe, depuis que le système, généralement adopté autrefois à la suite de Niebuhr et de Huschke, a été battu en hrèche par Mitteis! Notre auteur classe parfaitement toutes les variétés d'opinions, qui se sont fait jour dans les controverses suscitées par le nexum, et les résume en termes excellents. De l'examen critique des théories émises au sujet du nexum, M. Pacchioni déduit cette conclusion, que le nexum devait être un acte juridique solennel, par lequel une personne, qui était déjà débitrice, pouvait engager sa personne ou ses biens en garantie de l'accomplissement de sa dette. Ceci nous reporte donc à une époque où, dans le droit romain aussi, la notion de la dette

() Voir Revue, année 1911. p. 102-104. () Mélanges P.-F. Girard.

- Paris, Rousseau, 1912, t. I, p. 199-263.

(debitum) aurait été parfaitement distincte de la notion de l'engagement ou enchaînement (obligatio).

Dans la recherche des origines de la stipulatio, M. Pacchioni croit découvrir aussi la trace de la distinction tranchée entre la dette ou devoir et l'engagement ou enchaînement. Ici aussi il résume excellemment l'état actuel du problème des origines de la stipulatio; et il se déclare disposé à adopter les conjectures de Mitteis, qui placent dans la procédure judiciaire le point d'irruption de la stipulatio. Seulement il modifie et complète les conjectures de Mitteis pour notre auteur, sponsio aurait été le terme générique, et l'ancienne sponsio n'aurait engendré qu'une dette ou devoir (debitum); quant à la stipulatio, elle aurait été d'abord une espèce particulière de sponsio, à savoir la sponsio d'une somme d'argent (stips = aes signatum; et lorsque la lex Silia eut introduit un nouveau modus agendi per conditionem de certa credita pecunia, l'exécution de la stipulation fut assurée grâce à la legis actio per conditionem : dès lors, la stipulation engendrait, non pas un simple debitum, mais une véritable obligation. Ainsi se rencontrerait, dans les origines de la stipulation ou plus exactement dans la différenciation de la stipulatio d'avec la sponsio, une nouvelle trace de la distinction entre la dette ou devoir (debitum) et l'engagement ou enchaînement (obligatio). Sur ce point, les déductions de M. le professeur Pacchioni sont assurément très suggestives; mais nous avouerons cependant en toute sincérité que son argumentation nous paraît ici plus fragile que sur le terrain de nexum. Sur ce dernier terrain, ses conclusions me paraissent inattaquables; mais ses conjectures sur la sponsio et la stipulatio auront-elles le même sort? Je n'ose l'affirmer.

M. Pacchioni a une prédilection pour les questions les plus délicates et les plus discutées après s'être attaqué, dans sa première monographie, à la matière si épineuse du nexum, il aborde, dans la seconde, le grave problème de la distinction entre la corréalité et la simple solidarité. Il n'hésite pas à nier l'existence de deux catégories distinctes d'obligations solidaires passives. Pour lui, à part quelques exceptions insignifiantes, tous les cas de solidarité passive étaient soumis au même régime; seulement ce régime a varié du droit classique au droit de Justinien : en droit classique, le procès engagé avec l'un des débiteurs (litis contestio) avait un effet libératoire général; tandis que, dans le droit de Justinien, la libération générale de tous les débiteurs ne résultait plus que d'un paiement ou d'une satisfaction équivalente fournie au créancier. Cette transformation est due à une constitution de Justinien ( 28 C., 8,40), qui a la portée d'une réforme générale; et c'est par voie d'interpolations que les textes du droit classique ont été mis en concordance avec cette disposition nouvelle. Telle est la thèse que notre auteur étaie d'une critique très serrée des textes du corpus juris. A-t-il réussi à détruire la distinction traditionnelle entre l'obligation corréale et l'obligation simplement solidaire? L'avenir nous l'apprendra. Mais, telle qu'elle est résumée par exemple dans Dern

hurg-Sokolowski, System des römischen Rechts, p. 695 ss., la doctrine communément admise conserve encore une grande puissance d'attraction. G. C.

29. Römische Rechtsgeschichte, von Dr. ROBERT VON MAYR, Prof. an der deutschen Universität Prag. I. Buch: Die Zeit des Volksrechtes. 1. Hälfte : Das öffentliche Recht. II, Hälfte : Das Privatrecht. Deux volumes in-12 de 150 et 117 pages..- Leipzig collection Göschen, 1912.

Ceci est un petit chef-d'œuvre de concision. En deux petits volumes, l'auteur a réussi à nous tracer un tableau saisissant du droit public et du droit privé des Romains, au temps où le droit national romain régnait seul et sans partage, c'est-à-dire avant la création de la préture pérégrine et les extensions territoriales considérables de la bourgade romaine. L'étude de cette période primitive est à la fois très suggestive et très délicate. Le problème des origines sollicite aujourd'hui tout particulièrement l'attention des historiens du droit, et il n'est plus possible de l'aborder avec fruit sans une connaissance approfondie de l'histoire comparative des législations primitives. Or, M. le professeur von Mayr, qui n'ignore aucun des résultats acquis par les travaux les plus récents de l'histoire comparative du droit, est merveilleusement outillé pour nous faire remonter autant que possible jusqu'au point d'irruption des institutions juridiques. Aussi le fait-il avec un rare bonheur, en dissimulant sa grande érudition sous une forme simple et claire. Son livre est destiné aux étudiants; mais peut-être sera-t-il plus utile encore aux maîtres, aux yeux desquels il situera toujours très heureusement les principales controverses de l'histoire du droit romain, en en indiquant exactement l'état actuel et la solution préférable. Tout cela tient en quelques lignes, sans aucune référence bibliographique; mais tout romaniste quelque peu averti, lira aisément entre les lignes et profitera des précieux enseignements de M. le professeur von Mayr. G. C.

30. Les avocats du roi depuis les origines jusqu'à la Révolution, par EUGÈNE LEFEVRE, docteur en droit, licencié ès lettres. Un volume de 298 pages. Paris, Rousseau, 1912.

L'auteur nous offre, dans cette intéressante étude, une histoire détaillée des avocats du roi. Il a suivi pas à pas l'évolution qu'ont subie ces magistrats, et s'est servi, à cet effet, des monographies récentes sur les parlements et sur les bailliages et les sénéchaussées.

Les avocats du roi, qui ne se distinguaient d'abord des autres avocats qu'en ce qu'ils avaient la clientèle du roi, devinrent peu à peu des fonctionnaires et des magistrats. Ils ne furent d'abord pour les procureurs du roi que de simples conseillers, mais finirent par se constituer à titre distinct en face de ces derniers. Leur fonction propre consista, avec le temps, à délibérer des affaires avec le procureur du roi et à parler en son nom. En même temps, ils se détachèrent de plus en plus des autres

clientèles que celle du roi. L'auteur étudie en détail l'évolution des rapports des avocats du roi avec les procureurs du roi et avec les justiciables. Le travail de M. Lefèvre comprend trois chapitres consacrés respectivement à l'histoire générale des avocats du roi, aux avocats du roi et procureurs du roi, et aux avocats du roi et les justiciables. D. C.

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31. Kommentar zum Automobilgesetz, von Dr MARTIN ISAAC, Rechtsanwalt in Berlin. Erste Hälfte. Un volume de 697 pages. Berlin, Otto Liebmann, 1912.

Le grand développement qu'a pris la circulation des automobiles a nécessairement augmenté les difficultés que l'on rencontre dans l'application des dispositions de la loi du 3 mai 1909, qui règle la matière en Allemagne, des prescriptions des ordonnances d'exécution émanées du Conseil fédéral et des différents États, ainsi que des mesures prévues par la convention internationale.

L'auteur s'est proposé d'examiner et d'expliquer, dans le commentaire qu'il nous présente, toutes les dispositions réglementaires relatives à l'automobilisme, en les envisageant au point de vue théorique et pratique. Nul mieux que M. Isaac n'était préparé à remplir cette tâche avec succès, puisqu'il a été chargé, en 1906, par l'Automobile Club d'Allemagne, de rédiger un contre-projet de loi, dont plusieurs dispositions ont été reprises dans le projet du gouvernement.

L'auteur ne perd pas de vue, au cours de son exposé, les grandes questions de droit civil ou pénal, qui se rattachent à sa matière (causalité, responsabilité, réparation, etc...), ni les enseignements de la jurisprudence, dont il emprunte des éléments aussi bien aux décisions des tribunaux étrangers (Autriche, France, Italie, Belgique, etc.), que de l'Allemagne. D. C.

32.

Mémoires et documents pour servir à l'histoire du commerce et de l'industrie, publiés sous la direction de JULIEN HAYEM. Deuxième série, avec 9 gravures hors texte. Un volume de vin-287 pages. et Cie, 1912.

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Paris, Hachette

Ce volume, comme celui qui l'a précédé et qui a paru en 1911, comprend une série d'articles dus à des chercheurs, qui ne se sont pas contentés de scruter les archives et les bibliothèques pour publier des documents inédits, mais qui se sont efforcés de pénétrer la pensée de ceux dont ces actes émanent et de se placer dans le milieu où ils ont vu le jour. « Nous demeurons surpris, dit à ce propos M. Hayem dans sa préface, par le degré de civilisation qu'ont atteint les hommes d'autrefois, et nous nous demandons si le présent, sur certains points, n'est pas semblable ou même inférieur au passé! Nous reconnaissons, à la vérité, que la science a vraiment progressé... mais, pour les faits de la vie politique, économique et sociale, est-il bien sûr que notre civilisation soit de beaucoup meilleure et plus estimable que celle des Chinois, des Egyptiens ou des Grecs?

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