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lite constitue l'un des effets de la déclaration de faillite; or, le § 2 de l'article 8 dispose que : Les effets de la faillite déclarée dans l'un des deux pays par le tribunal compétent d'après les règles qui précèdent, s'étendent au territoire de l'autre..."

Lorsqu'un tribunal français sera saisi d'une action se rapportant à une faillite déclarée en Belgique, le juge aura à se demander si, d'après la loi belge, cette action rentre dans la compétence exceptionnelle du tribunal qui a prononcé la faillite. Si cette question doit recevoir une réponse affirmative, le juge français devra se déclarer incompétent.

La situation sera la même, mutatis mutandis, s'il s'agit d'une faillite déclarée en France.

LA GUERRE ITALO-TURQUE ET LE DROIT DES GENS

PAR

M. Andréa RAPISARDI-MIRABELLI,

Docteur agrégé de l'Université de Gênes.

TROISIÈME PARTIE. LES RAPPORTS DE NEUTRALITÉ.

Guillaume-Édouard Hall, dans la préface de la 3o édition de son traité bien connu de droit international (2), a mis en relief ce que seraient dans une prochaine grande guerre les intérêts des puissances neutres, du commerce mondial sur mer et combien toutes ces puissances seraient tentées de contribuer dans une certaine mesure à abréger les hostilités.

Ce tableau montre précisément, dans son essence, l'anachronisme que représente toujours davantage la guerre dans les conditions actuelles de la civilisation, qui ont internationalisé la vie de tous les États civilisés, au point que la guerre ne peut manquer de frapper d'une manière plus ou moins indirecte les intérêts des États étrangers à la lutte en tant qu'ils ont des rapports étroits avec les États belligérants, de nuire à la continuité et à la régularité des échanges internationaux, au mouvement qui entrelace et centuple les besoins et les avantages de la vie moderne et leur donne un caractère cosmopolite tel est le contraste profond qui existe entre l'état de paix et l'état de guerre, entre les intérêts simultanés des États qui veulent rester pacifiques et des États qui recourent aux armes (3). A cause donc de ce contraste qui est dans la nature même des choses et étant donné le peu de certitude et de clarté que l'on possède sur les droits et les devoirs des neutres, ce dernier fait étant du reste une

(1) Traduit de l'italien, sur manuscrit, par M. LÉON DEVOGEL, chef de division au département des affaires étrangères de Belgique.

Voir Revue de droit international et de législation comparée, 1912, p. 159 et 411. (2) A treatise on international law, p. ix et suiv.

(3) Cf. un tableau exact de ce conflit d'intérêts dans l'ouvrage de CH. DUPUIS : Le Droit de la guerre maritime d'après les conférences de la Haye et de Londres. Pédone, 1911, p. 8 et suiv.

conséquence de l'opposition d'intérêts qui vient d'être envisagée, les rapports de neutralité ont toujours, dans toute guerre, fourni ample matière aux contestations.

I

L'histoire du droit de neutralité atteste une lente et laborieuse

conquête des exigences des États pacifiques sur les exigences démesurées des États belligérants. Comme pierres milliaires de cette évolution, on peut citer les quelques règles du - Consulat de la Mer, des deux neutralités armées et de la Déclaration de Paris (). En sens inverse le droit de neutralité comprend aussi une part de concessions à certaines exigences des belligérants ou plutôt à certaines exigences des fins les plus essentielles de la guerre; comme étapes successives de cette autre évolution, ont été mentionnées les règles qui s'affirmèrent à la suite de la guerre de 1793, de la guerre de Sécession et de la guerre russo-japonaise (2). L'état de neutralité, en fait, est la coordination de l'état de guerre, selon les fins propres et légitimes (3) de la guerre, avec l'état de paix selon les fins propres de celui-ci. L'état de neutralité est donc essentiellement différent de l'état de paix pur et simple (1). Si l'idéal, dans ce sens, est que la neutralité continue le plus possible et aussi intégralement qu'il se peut les conditions de l'état de paix, l'idéal est aussi que l'état de paix ne soit jamais troublé par la guerre. En deçà de cet idéal éloigné de l'avenir international, existent encore les possibilités d'une guerre et conséquemment la notion de la neutralité telle que nous l'avons définie plus haut. Cette notion mène à une déduction absolument simple et conforme aux prémisses, bien que le principe qu'elle énonce soit souvent méconnu. Il est donc utile de

(1) Voir dans R. KLEEN, Lois et usages de la neutralité, vol. I, 1898, Introduction, p. 2-41.

(2) Voir CH. DUPUIS, op. cit., p. 475 et suiv.

(3) Nous entendons comme légitime ce qui est conforme aux usages et aux lois du droit de guerre.

(4) L'opinion contraire, à laquelle le baron DESCAMPS a donné une expression formelle, en substituant au mot neutralité celui de pacigérat (Voir Revue générale de droit international public, 1900, p. 630 652) ne paraît pas du tout soutenable. Cfr. la critique de cette opinion dans KLEEN, op. cit., vol. I, p. 203 et suiv.; PILLET, Les lois actuelles de la guerre, p. 274 et suiv.; G. OTTOLENGHI, Il rapporto di neutralità, Turin, 1907, p. 21 et suiv.

le rappeler ici l'activité des neutres ne peut prétendre en tout et pour tout à l'expansion ordinaire et normale de leurs intérêts et de leurs droits comme en temps de paix, car la nouvelle activité des belligérants se reflète, par la nécessité des choses, sur la situation des neutres et la modifie. Il n'y a pas en cela une idée de subordination quelconque de l'activité des uns à celle des autres; on ne vise qu'un tempérament des deux activités, en vue de leur coexistence. Dans l'ordre des faits, il est superflu de citer toutes les circonstances de la guerre qui contribuent à limiter l'activité des neutres le pouvoir d'offensive et de défensive des belligérants présente en effet des cas multiples. Que l'on songe seulement aux conséquences, pour le commerce des neutres, du blocus, du barrage au moyen de mines sous-marines d'une zone déterminée, de la contrebande de guerre. Dans l'ordre du droit, d'autre part, la condition de neutre implique, dans l'État qui l'a assumée, la volonté de conformer l'exercice de ses droits et la défense de ses intérêts aux exigences que l'action des belligérants comporte, dans les limites fixées par les coutumes et par les lois de la guerre et suivant les règles élaborées, en matière de neutralité, par le droit commun ou les droits particuliers et le droit conventionnel ou la coutume. La neutralité répétons-le n'est donc pas précisément la simple et pure continuation de l'état de paix.

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La guerre actuelle nous permet de préciser quelques points relatifs à cette notion succincte et élémentaire de la neutralité.

Nous avons rappelé en son lieu combien de fois l'Italie a été contrainte d'affirmer officieusement et officiellement son pouvoir incontestable, auquel il lui était impossible de renoncer comme État belligérant, de briser la résistance de l'ennemi partout où il lui semblerait utile de le faire. L'opportunité de pareille revendication du pouvoir le plus élémentaire et le plus fondamental du belligérant concerna surtout l'action de l'Italie dans la mer Égée, entreprise par le bombardement, rappelé plus haut, des forts extérieurs des Dardanelles.

Cette extension de fait () du théâtre de la guerre provoqua dans

(1) Je dis de fait parce que l'Italie ni dans sa déclaration de guerre, ni dans la notification qui en fut faite aux gouvernements étrangers, ni dans aucun autre acte, n'avait limité le théâtre de la guerre, sauf pour l'Adriatique et la mer Ionienne dans les circonstances et de la manière indiquées ci-dessus.

la presse européenne et dans certains parlements des affirmations. tout à fait erronées ou pour le moins assez équivoques. C'est ainsi que le vicomte Morley, dans la séance du 2 mai de la Chambre des lords, eut à répondre pour le gouvernement à certaines prétentions téméraires de lord Newton, qui ne demandait rien moins que de voir l'Angleterre mettre son veto aux opérations militaires de l'Italie dans la mer Égée; il fallut lui apprendre que c'eût été le renversement de tout principe de droit international, de toute coutume diplomatique (1). Il arriva fréquemment que le sous-secrétaire aux affaires étrangères d'Angleterre, M. Acland ou le ministre, sir Ed. Grey, répondant aux questions extravagantes du député King, qui parait avoir voulu se faire une spécialité de semblables interrogations (2), ont dù se réclamer du devoir essentiel de ne pas s'ingérer dans les opérations de guerre, devoir qui est une émanation du devoir général et synthétique de l'abstention, et que Kleen rapproche du devoir d'impartialité, en les définissant tous deux comme les devoirs cardinaux de la neutralité (3).

Mais en dehors de ces quelques exagérations, les organes les plus autorisés de l'opinion publique n'ont, en général, pas douté un moment du droit absolu de l'Italie de mettre en pratique ses projets d'opérations militaires dans la plénitude de ses pouvoirs souverains. Toutefois, la reconnaissance de cette faculté a été souvent entourée de certaines réserves, accompagnée de certaines insinuations et

(1) Cfr., dans le Daily Chronicle du 3 mai 1912, un commentaire favorable à cette réponse.

(2) Il s'agissait tantôt de faire comprendre au gouvernement italien qu'il ne lui était pas permis d'accomplir des opérations de guerre telles qu'elles puissent provoquer une nouvelle fermeture des Dardanelles (Chambre des communes, séance du 6 mai); ou de demander compte à l'Italie de la coupure des cables dans la mer Égée (Chambre des communes, séance du 7 mai); ou que l'Angleterre adoptât une politique de nature à circonscrire les opérations turco-italiennes dans les limites les plus restreintes (Chambre des communes, séance du 8 mai); ou enfin que l'Angleterre protestôt contre l'occupation de Rhodes (Chambre des communes, séance du 14 mai), etc.

(3) Ottolenghi (op. cit., p. 223 et suiv.) conteste l'existence des devoirs d'impartialité, soutenant que l'impartialité n'est que la cause accidentelle de certains devoirs, mais qu'elle n'en est pas l'essence même. Pour tous ces actes auxquels se rapportent les articles 9 des deux conventions de la Haye du 18 octobre 1907 concernant la neutralité, l'impartialité est leur condition d'existence fondamentale, attendu qu'ils peuvent être indifféremment défendus ou permis, et permis dans une certaine mesure plutôt que dans une autre, pourvu qu'ils soient accomplis impartialement. D'où il suit que l'impartialité est bien l'essence d'un certain nombre de devoirs des neutres.

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