Images de page
PDF
ePub

Que je t'aime toujours, et que tu dois m'en croire?

LISETTE.

Je ne me pique pas d'avoir de la mémoire.

Mais que veux-tu ?

FRONTIN.

LISETTE.

Je veux que, sans autre façon,

Si tu veux m'épouser, tu laisses là Cléon.

FRONTIN.

Oh! le quitter ainsi, c'est de l'ingratitude;
Et puis, d'ailleurs, je suis animal d'habitude.
Où trouverais-je mieux?

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll

LISETTE.

Ce n'est pas l'embarras.

Si, malgré ce qu'on voit, et ce qu'on ne voit pas,

La noce en question parvenait à se faire,

Je pourrais, par Chloé, te placer chez Valère.

Mais, à propos de lui, j'apprends avec douleur
Qu'il connaît fort ton maître, et c'est un grand malheur.
Valère, à ce qu'on dit, est aimable, sincère,

[ocr errors]
[ocr errors]

Plein d'honneur, annonçant le meilleur caractère ;
Mais, séduit par l'esprit ou la fatuité,

Croyant qu'on réussit par la méchanceté,

Il a choisi, dit-on, Cléon pour son modèle;
Il est son complaisant, son copiste fidèle...

FRONTIN.

Mais tu fais des malheurs et des monstres de tout.
Mon maître a de l'esprit, des lumières, du goût,
L'air et le ton du monde; et le bien qu'il peut faire
Est au-dessus du mal que tu crains pour Valère.

LISETTE.

Si pourtant il ressemble à ce qu'on dit de lui,

Il changera de guide; il arrive aujourd'hui :
Tu verras; les méchants nous apprennent à l'être;
Par d'autres, ou par moi, je lui peindrai ton maître.
Au reste, arrange-toi, fais tes réflexions:

Je t'ai dit ma pensée et mes conditions:

J'attends une réponse, et positive, et prompte.

Quelqu'un vient, laisse-moi... Je crois que c'est Géronte.
Comment! il parle seul!

808

SCÈNE II.

GERONTE, LISETTE.

GÉRONTE, sans voir Lisette.

Ma foi, je tiendrai bon.

Quand on est bien instruit, bien sûr d'avoir raison,
Il ne faut pas céder. Elle suit son caprice:

Mais moi, je veux la paix, le bien et la justice:
Valère aura Chloé.

LISETTE.

Quoi! sérieusement?

GÉRONTE.

Comment! tu m'écoutais?

LISETTE.

Tout naturellement.

Mais n'est-ce point un rêve, une plaisanterie?
Comment, monsieur! j'aurais, une fois en ma vie,
Le plaisir de vous voir, en dépit des jaloux,
De votre sentiment, et d'un avis à vous?

GÉRONTE.

Qui m'en empêcherait? je tiendrai ma promesse;

Sans l'avis de ma sœur, je marierai ma nièce :

C'est sa fille, il est vrai; mais les biens sont à moi :

Je suis le maître enfin. Je te jure ma foi

Que la donation, que je suis prêt à faire,

N'aura lieu pour Chloé qu'en épousant Valère:
Voilà mon dernier mot.

LISETTE.

Voilà parler, cela !

GÉRONTE.

Il n'est point de parti meilleur que celui-là.

Assurément.

LISETTE.

GÉRONTE.

C'était pour traiter cette affaire

Qu'Ariste vint ici la semaine dernière.

La mère de Valère, entre tous ses amis,
Ne pouvait mieux choisir pour proposer son fils.
Ariste est honnête homme, intelligent et sage:
L'amitié qui nous lie est, ma foi, de notre âge;
Il est parti muni de mon consentement,
Et l'affaire sera finie incessamment;

[ocr errors]

Je n'écouterai plus aucun avis contraire;

Pour la conclusion l'on n'attend que Valère:
Il a dû revenir de Paris ces jours-ci ;

Et ce soir au plus tard je les attends ici.

LISETTE.

Fort bien.

llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll

GÉRONTE.

Toujours plaider m'ennuie et me ruine:

Des terres du futur cette terre est voisine,
Et, confondant nos droits, je finis des procès
Qui, sans cette union, ne finiraient jamais.

LISETTE.

Rien n'est plus convenable.

GÉRONTE.

Et puis d'ailleurs, ma nièce

Ne me dédira point, je crois, de ma promesse,
Ni Valère non plus. Avant nos différends,
Ils se voyaient beaucoup, n'étant encor qu'enfants;
Ils s'aimaient; et souvent cet instinct de l'enfance
Devient un sentiment quand la raison commence.
Depuis près de six ans qu'il demeure à Paris
Ils ne se sont pas vus : mais je serais surpris

12

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »