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INSTRUCTION SECONDAIRE.

RÉGLEMENT GÉNÉRAL DES ÉTUDES DANS LES COLLEGES.

Circulaire relative au nouveau réglement des études dans les colléges royaux et dans les colléges communaux de plein exercice.

Du 27 août 1840.

Monsieur le recteur, je viens appeler toute votre attention sur les modifications apportées au réglement des études des colléges par l'arrêté que je vous communique.

Il est incontestable que l'éducation n'est ni vraie ni complète, si elle n'embrasse pas, avec les études classiques proprement dites, de suffisantes connaissances de mathématiques, de physique, de chimie et d'histoire naturelle. Mais comment l'enseignement scientifique doit-il être combiné avec l'enseignement littéraire dans l'économie du collége? c'est un problème souvent agité et diversement résolu. Voici la pratique actuelle.

Dans les colléges de Paris, l'histoire naturelle est placée en sixième et en cinquième; dans les colléges de département, en troisième. L'arithmétique est enseignée à Paris

en quatrième, et en troisième dans les départements; la géométrie en troisième et en seconde à Paris, en seconde seulement dans les départements; la chimie en seconde, à Paris seulement; la cosmographie en rhétorique, dans tous les colléges. Enfin partout l'enseignement de la physique est renvoyé dans l'année de philosophie: car il ne vous échappera point, monsieur le recteur, que les classes de mathématiques élémentaires et de mathématiques transcendantes sont particulièrement réservées aux élèves qui se destinent aux écoles spéciales, et sont plutôt annexées qu'intimement unies au collége. A la rigueur, il ne faut donc pas les compter dans le cadre ordinaire des études, dont la fin commune est le baccalauréat ès-lettres. Or, il est évident, même en théorie, que cette combinaison des études scientifiques et des études classiques est entièrement défectueuse. La chimie enseignée deux années avant la physique est une véritable anomalie. L'histoire naturelle en sixième est au moins inutile, et elle est oubliée quand on arrive à la physique et à la philosophie. L'enseignement de l'arithmétique et de la géométrie en troisième et en seconde surcharge les études si variées de grec, de latin, de français, d'histoire et de langues vivantes, auxquelles ces deux classes suffisent à peine. Enfin, après la seconde, tout enseignement de mathématiques cesse, au moment même où l'âge des élèves et les forces croissantes de leur esprit leur rendraient cet enseignement convenable et utile.

Telles sont les objections solides que fait la théorie à la combinaison actuelle, et l'expérience de bien des années confirme ces objections. Deux points sont aujourd'hui mis hors de doute par les rapports de MM. les inspecteurs généraux et par ceux de MM. les proviseurs: 1o Les portions d'enseignement scientifique, réparties depuis la

sixième jusqu'à la rhétorique inclusivement, ne produisent aucun bon résultat; 2o cet enseignement accessoire, infructueux en lui-même, nuit considérablement aux études classiques. Il a donc fallu, monsieur le recteur, chercher une autre combinaison.

C'est un principe reconnu que les études doivent être proportionnées à l'âge des élèves. C'est un autre principe également reconnu que, dans un même âge, toutes les études doivent être analogues pour produire une impression forte et durable. Voilà pourquoi l'expérience générale a placé d'abord les études classiques, si bien appelées humanités, parce qu'elles forment l'homme et cultivent à la fois la mémoire, l'imagination, l'esprit et le cœur. La philosophie, les mathématiques, les sciences physiques et naturelles doivent venir après : elles s'adressent à la réflexion naissante. Tel m'a paru le plan vrai et régulier des études du collége. Je n'ai donc point hésité à supprimer tous les accessoires scientifiques répartis depuis la sixième jusqu'à la rhétorique, afin de fortifier par là l'enseignement classique; et j'ai rassemblé dans l'année de philosophie tout l'enseignement scientifique, qui alors devient lui-même plus important et plus sérieux. Les mathématiques auront trois classes par semaine; la chimie est annexée à la physique, ainsi que l'histoire naturelle; et ces divers enseignements, joints à celui de la philosophie, se prêteront un mutuel appui et prépareront directement au baccalauréat.

Cependant les classes de mathématiques élémentaires et spéciales continueront d'offrir, à côté de ce collége normal, des cours particuliers dont la destination a déjà été indiquée. On y pourra arriver, comme cela se fait aujourd'hui, sans avoir achevé les humanités et la rhétorique. Il pourra même être formé, pour les élèves qui se destinent spécialement aux mathématiques, une conférence prépa

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ratoire car il importe qu'il y ait dans nos colléges tout ce qui conduit les jeunes gens non-seulement au baccalauréat ès-lettres, mais aux écoles spéciales et aux grands services publics.

La suppression des annexes scientifiques, depuis la sixième jusqu'à la rhétorique inclusivement, laissera libres un assez bon nombre d'heures par semaine. Comme je vous l'ai déjà dit, une partie de ce temps sera rendu aux études classiques. Ainsi à Paris, en sixième et en cinquième, et partout, en troisième et en seconde, les langues anciennes auront une leçon de plus; dans les colléges des départements, il y aura désormais, comme à Paris, deux classes d'histoire en quatrième; et partout une deuxième leçon sera ajoutée à l'enseignement de l'histoire de France en rhétorique. Mais l'avantage que je veux surtout procurer par la suppression indiquée, c'est le sérieux enseignement des langues vivantes. Cet enseignement aura désormais sa place en quatrième, en troisième et en seconde. Chaque leçon sera de deux heures, comme les leçons de langues anciennes et d'histoire. Des langues différentes pourront être enseignées suivant les différentes localités. Dans les colléges de Paris et dans les grands colléges de département, il y aura toujours deux maîtres, l'un de langue anglaise, l'autre de langue allemande, entre lesquels les élèves choisiront. Mais, une fois leur choix fait, l'enseignement commencé deviendra obligatoire pour tous; et il aura ses prix dans chaque collége.

Ainsi, monsieur le recteur, le plan nouveau fortifie à la fois l'enseignement scientifique, l'enseignement classique et l'enseignement des langues vivantes, en les mettant à leur véritable place et en les disposant dans l'ordre qui leur convient. Ce plan constituera, je l'espère, les études de nos colléges sur des fondements durables. Il préviendra

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la confusion des idées, la dispersion et l'affaiblissement de l'attention; car le meilleur système d'étude ne consiste pas à enseigner le plus de choses à la fois, mais à enseigner chacune d'elles en son temps. Accumuler des enseignements dissemblables, c'est fatiguer et énerver l'esprit, ce n'est pas le féconder. Le nouveau programme exercera l'intelligence des élèves par une culture mieux appropriée à chaque âge et à la nature de l'esprit humain; et il est permis d'espérer qu'il préparera à l'État et au pays des générations plus fortes. L'université est un grand service public; elle ne doit pas se laisser entraîner par des besoins factices et des modes passagères : elle doit rechercher la plus solide culture de l'intelligence et du caractère, la discipline qui peut rendre l'esprit plus juste et plus ferme, instruit sans doute, mais surtout capable de perfectionner sans cesse son instruction par l'habitude de l'attention et du travail.

Ce plan, monsieur le recteur, serait achevé et définitif, s'il instituait deux années de philosophie, au lieu d'une seule. Alors les divers enseignements rassemblés dans cette seule année se développeraient mieux et pourraient devenir obligatoires pour tous les élèves. Cette addition d'une année pourrait être utilement compensée par le retranchement d'une de ces classes élémentaires dans lesquelles on apprend peut-être le latin de trop bonne heure. Il me paraît que six années d'études, depuis la sixième jusqu'à la rhétorique, avec la classe préparatoire de septième, sont parfaitement suffisantes. Les classes qu'on a établies dans plusieurs colléges sous le nom de huitième, de neuvième même, doivent être complétement dégagées de toute étude latine, et offrir une instruction primaire d'un ordre élevé pour les familles qui ne veulent pas envoyer leurs enfants aux écoles primaires ordinaires. Je vous engage, monsieur

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