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où ils se forment à la pratique de l'enseignement, et apprennent à considérer comme un heureux avancement le titre de premier maître dans une école de village.

III. En même temps que je conseille ces austères réformes, je prie qu'on s'applique à améliorer le sort des bons instituteurs. Après un stage nécessaire, ils ont droit à une situation entourée de convenables garanties. Ce n'est pas assez il faut que cette situation puisse tenter des hommes honnêtes et de quelque mérite, comme en Allemagne et surtout en Hollande. Sans augmenter le traitement fixe et uniforme des maîtres d'école, et en maintenant à un taux modéré la rétribution scolaire, il est indispensable d'y ajouter un traitement supplémentaire, variable suivant. les provinces, la population, le prix des subsistances, les ressources du pays, et chaque année délibéré et arrêté en conseil de département, sur le rapport des inspecteurs et des comités. Toute uniformité est ici impossible. On ne peut traiter le maître d'école d'un village de la Basse-Bretagne comme les instituteurs de Lyon ou de Paris. Des différences sont inévitables et utiles. Il importe de tenir compte dans ce traitement supplémentaire de la bonne conduite et des succès du maître, et ce serait là un heureux motif d'émulation, un puissant encouragement au travail et à l'honnêteté. Il faut arriver à ce résultat que nulle part un instituteur, recommandé par les autorités compétentes comme bien méritant, n'ait un revenu moindre de 500 à 600 francs, à l'aide de son traitement fixe, de la rétribution scolaire et du traitement supplémentaire. Ce revenu, avec le logement dans la maison d'école et le jardin annexé à cette maison dans les communes rurales, composerait à tout bon instituteur une existence humble, comme elle doit être, mais suffisante et convenable dans l'état présent des choses. J'adopte donc entièrement sur ce point

les combinaisons du projet de loi de M. de Falloux. La seule modification que j'y apporte est la condition que je mets à l'obtention du traitement supplémentaire. Selon moi, če traitement ne doit pas être accordé à tous les maîtres d'école qui ne seront pas révoqués de leurs fonctions, mais à ceux-là seulement qui les auront remplies à la satisfaction des diverses autorités. On doit pouvoir, chaque année, l'ôter ou le maintenir. C'est un prix perpétuellement offert au zèle et à la bonne conduite.

Ces mesures très-simples, et qui changent à peine quelques articles de la loi de 1833, ramèneraient en peu de temps l'ordre et le calme dans l'instruction primaire. En imposant aux instituteurs un noviciat nécessaire, elles leur laisseraient le pouvoir de conquérir eux-mêmes une condition meilleure. Elles exciteraient dans les cœurs, au lieu d'une folle ambition qui déclare la guerre à la société, l'espérance d'un avenir de plus en plus favorable, et l'espérance est une grande pacificatrice, tandis que la misère est une sinistre conseillère.

Loin donc de détruire la loi de 1833, affermissons-la en la perfectionnant; surtout n'oublions pas la grande maxime qui sort de toutes parts des cinquante dernières années de notre histoire : ce n'est pas par des mesures contre-révolutionnaires qu'on vient à bout de l'esprit de

révolution.

ÉCOLE NORMALE.

AVERTISSEMENT DE L'ÉCRIT INTITULÉ :

École Normale 1.

L'administration de l'école normale sentait depuis longtemps le besoin d'avoir sous la main, et réunies, toutes les pièces qui lui sont à chaque instant nécessaires et qui doivent la diriger, c'est-à-dire les trois réglements d'admission, de discipline et d'études, les programmes autorisés par le conseil royal, pour les diverses conférences des sciences et des lettres, les réglements de la licence èslettres et ès-sciences à laquelle préparent les deux premières années de l'école, et ceux des différents concours d'agrégation auxquels la troisième année aboutit. L'objet direct de cette publication est de satisfaire ce besoin.

En voyant et en relisant sans cesse la règle qui nous est imposée à tous, nous apprendrons et à la mieux comprendre et à la pratiquer avec une fidélité scrupuleuse. Je me flatte donc que ce petit recueil ne sera point inutile à l'ordre, et qu'il accroîtra, s'il est possible, notre respect à tous, maîtres et élèves, pour la constitution de l'école.

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Il est vrai que ce recueil aura pour effet d'introduire l'œil

Paris, chez Hachette, 1837.

du public dans l'école normale. Mais loin de redouter une certaine publicité pour nos travaux, je la recherche, je l'appelle. Un peu d'estime ne s'y peut attacher qu'autant qu'ils seront connus; et il est impossible d'être un grand établissement national, en restant un mystère pour tout le monde. Sans doute, notre juge est d'abord le ministre et le conseil, dont les yeux sont sans cesse ouverts sur nous. Mais ne travaillons-nous pas aussi pour toute l'université! Et puisque nous formons des sujets pour les colléges royaux et communaux, les directeurs de ces établissements ne peuvent-ils pas avoir d'utiles remarques à adresser au directeur de l'école normale? En Allemagne, il n'y a pas une grande école qui, de loin en loin, ne publie un rapport, non-seulement sur ses réglements, mais sur ses travaux et sur les résultats qu'ils produisent; et ce rapport entre dans des détails de choses et de personnes qui mettent à nu l'état de l'école. J'ai suivi de très-loin cet exemple, et je n'ai point hésité à publier ici une pièce qui découvre le véritable état de l'école normale, je veux dire mon rapport de la fin de l'année scolaire 1836 tel qu'il a été lu, à la rentrée de l'école, devant le ministre, devant l'école entière assemblée, et devant l'élite des fonctionnaires de l'université et des professeurs de Paris.

Ainsi, ce recueil expose non-seulement ce que l'école doit être, mais ce qu'elle est, non-seulement sa constitution, mais les résultats qu'elle donne; et c'est par ces résultats, sachons-le bien, maîtres et élèves de l'école normale, que l'autorité et le public nous jugeront.

Enfin, pourquoi ne le dirais-je pas ? l'instruction publique est la grande affaire du XIXe siècle, et de toutes parts on me demande des renseignements précis sur l'école normale de Paris. Je réponds ici à cette demande qui m'est

venue de Munich et de Berlin, de La Haye et d'Édinburgh, de Saint-Pétersbourg et de Philadelphie.

Déjà la nécessité d'écoles normales pour l'instruction primaire pénètre dans tous les esprits. Je ne doute pas que bientôt ceux qui s'occupent sérieusement de l'organisation de l'instruction publique, ne reconnaissent cette même nécessité pour l'instruction secondaire. Il n'y a encore que deux pays en Europe qui aient senti ce besoin, et qui l'aient satisfait, la Prusse et la France, c'est-à-dire les deux pays où l'instruction secondaire est le plus fortement constituée. En Prusse, il y a quatre écoles normales secondaires, sous le titre de Séminaires pour les écoles savantes (Seminarien für gelehrte Schulen); et j'ai donné ailleurs le réglement de l'un de ces quatre séminaires, celui de Berlin. Il serait curieux de comparer le réglement de ce séminaire avec celui de l'école normale de Paris, ainsi que le réglement prussien sur les examens des candidats à l'enseignement 2, avec le réglement français des concours de l'agrégation. Ce n'est point ici le lieu d'instituer en détail cette comparaison, qui ne serait rien moins que celle des deux systèmes d'instruction secondaire de la Prusse et de la France. Du moins les pièces qui peuvent servir de base à ce parallèle sont maintenant entre les mains du public; et les divers gouvernements, qui reconnaîtront que, pour l'instruction secondaire comme pour l'instruction primaire, le point essentiel est la préparation et la formation de bons maîtres, pourront choisir entre le mode prussien et le mode français, ou peut-être même, par des emprunts judicieux faits à l'un et à l'autre, les améliorer tous les deux.

Rapport sur l'instruction publique en Allemagne et particulièrement en Prusse, troisième édition, t. II, page 209.

3 Ibid.

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