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ment, dont le résultat serait le bouleversement de l'Administration. Avant de supprimer une branche de l'Administration, il faudrait savoir comment elle serait remplacée.

(L'amendement de M. Jousselin est mis aux voix et rejeté.

Le chapitre V est adopté.)

Chapitre VI. Personnel du corps des ponts et chaussées, 2,866,000 francs. (Adopté.)

Chapitre VII. Personnel du corps et autres dépenses des mines, 450,000 francs. (Adopté.)

Chapitre VIII. Subvention à la caisse des retraites, 35,000 francs.

Sur ce chapitre, la commission propose une réduction de 25,000 francs. (Cette réduction est adoptée.)

(Le chapitre ainsi réduit est adopté.)

Chapitre IX. Travaux à entretenir ou à continuer. (Routes royales et ponts.) 21,350,000 fr.

M. Falguerolles. Messieurs, la centralisation a été inventée pour venir au secours des départements les moins riches du royaume.

L'impôt foncier s'élève annuellement, en France, à 211 ou 212 millions. Les 40 départements situés au delà d'une ligne qu'on tirerait de Nantes à Lyon, paient, pour leur part, sur cette somme, celle de 75 millions, et même plus, c'est-à-dire un tiers et davantage de cette contribution.

En 1830, les comptes de la dépense faite par les ponts et chaussées, soit pour des travaux neufs, soit pour l'entretien des ouvrages, se sont élevés, en totalité, à la somme de 49 millions, sur laquelle celle de 13 millions seulement, formant le quart de la dépense, est échue aux départements méridionaux.

Je ne discuterai pas en ce moment sur le fond de la question; peu de personnes croiront, comme on a voulu l'insinuer pour la navigation de la Garonne, que je soulève en ce moment, des intérêts de localité.

Quand, à diverses époques, on a signalé à l'opinion publique certaines résistances que je ne veux pas rappeler, on n'a jamais manqué de comprendre, dans cet anathème politique, les départements du Midi comme ceux de l'Ouest; cependant, aujourd'hui, on ne donne spécialement rien aux premiers sur le festin des travaux publics.

A côté de cette assimilation, et lorsqu'on vient de départir un grand nombre de bienfaits, car les routes stratégiques seront aussi de véritables bienfaits, j'ai lieu de m'étonner qu'on ait négligé d'en faire une petite part aux habitants du midi de la France.

Du reste, je ne présente ces courtes observations que pour avertir le ministre qu'il lui appartient, qu'il peut et qu'il doit réparer luimême le révoltant oubli qui, depuis longtemps, fait languir toutes les provinces situées au delà de la Loire.

M.Roul. Depuis bien des années le département de la Gironde réclame la construction d'un pont sur la Dordogne, au lieu de Cubzac. Cette construction est aussi réclamée par toutes les communes environnantes, par l'arrondissement de Blaye et toutes les contrées de l'Ouest.

La construction de ce pont fut ordonnée sous I'Empire, elle fut promise par la Restauration, et cependant le pont est encore à faire.

Des vœux ont été émis à ce sujet par le conseil général du département, par le conseil munici

pal de la ville de Bordeaux, par les conseils d'arrondissement de Bordeaux et de Blaye.

Une commission nommée pour examiner les réclamations présentées par la ville de Libourne a fait un rapport duquel il résulte que la construction d'un pont à travée mobile ne peut nuire au commerce de cabotage de la ville de Libourne.

Mais, Messieurs, toutes ces délibérations, je ne sais par quelle influence, sont restées sans effet; bien plus, il paraît qu'elles sont restées dans les cartons de la préfecture de la Gironde, car j'ai plusieurs fois fait des démarches au ministère du commerce et des travaux publics pour savoir quelles étaient les intentions de Î'Administration au sujet de la construction de ce pont si vivement réclamée, et l'on m'a toujours répondu qu'on n'avait reçu aucune délibération ni aucune demande à ce sujet.

Dans une pareille situation, je viens prier M. le ministre du commerce et des travaux publics de vouloir bien donner des ordres pour qu'il ne dépende pas de MM. les préfets de garder dans les cartons de leurs bureaux les Voeux qui leur sont adressés par les conseils généraux et d'arrondissement, et qui ont pour but d'appeler sa sollicitude sur des objets de la plus haute importance.

M. Martel. Les conseils généraux de la Gironde, de la Dordogne et du Cantal se sont opposés à la construction de ce pont. Nous demandons à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien peser, dans sa sagesse, les inconvénients de cette construction.

M. Roul. Suivant moi, la question a été éclairée autant qu'elle pouvait l'être, et il a été suffisamment reconnu qu'un pont à travée mobile ne pouvait nuire au commerce de petit cabotage que Libourne fait avec les ports de l'Ouest; mais ce dont je me plains, c'est que M. le ministre du commerce et des travaux publics ne soit pas mis à même de juger par luimême cette question. Et je le répète, je ne puis en vérité comprendre comment ni par quelle puissance les vœux des conseils généraux et d'arrondissement sont ainsi mis au néant dans des cartons qui me paraissent destinés à les recéler indéfiniment.

M. Martel. C'est à raison de la position des choses que je réclame la sagesse de M. le ministre du commerce. (Aux voix! aux voix!)

M. Jay. Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Roul est une question d'administration; la construction d'un pont à l'embouchure de la Dordogne intéresse plusieurs départements. La Chambre ne peut juger une telle question avec connaissance de cause. Elle sentira que la proposition de M. Roul est au moins intempestive. Il s'agit de fermer la Dordogne au commerce maritime. La chose est trop grave pour être traitée sans discussion. Je vote contre la proposition de M. Roul.

M. le Président. Je mets aux voix le Chapitre IX, s'élevant à 21,300,000 francs. (Adopté.) Chapitre X. Travaux à entretenir ou à continuer. (Navigation intérieure.) 5,740,000 francs. (Adopté.)

Chapitre XI. Travaux à entretenir ou à continuer. (Ports maritimes et services divers.) 4,210,000 francs. (Adoplé.)

Chapitre XII. Travaux à entreprendre, 695,000 f. (Adopté.)

l'entrée du Tage, obtiennent la réparation, et l'honneur du pays est vengé sans qu'il y ait guerre générale, sans que le pays se trouve compromis dans une longue lutte.'

Je m'étonne, Messieurs, que des amis de leur pays, des amis de la civilisation et de la paix viennent se plaindre de ces faits nouveaux, de ces nouveaux procédés entre les Etats, si honorables et si avantageux pour les peuples et pour la civilisation. Il faut, au contraire, s'en applaudir et les encourager. (Adhésion marquée.)

M. Mauguin. Je m'occupe de l'intérêt des capteurs, de l'intérêt de la marine. La marine s'est battue, pour elle il y a eu guerre momentanée; cette guerre doit, à son égard, avoir tous ses effets.

M. Barthe, garde des sceaux, ministre de la justice. L'honorable M. Mauguin a dit que, quoique une question fùt soumise au Conseil d'Etat qui doit délibérer avant que le gouvernement prenne un parti, la Chambre devait intervenir. Je ne saurais, Messieurs, admettre une telle doctrine.

Lorsque les lois, en matière de prises, ont déterminé les formes d'après lesquelles on statuera sur leur solidité, il est évident que toute intervention d'un corps de l'Etat, quel qu'il soit, serait intempestive. Je dirai même que plus ce corps de l'Etat est élevé, plus il doit s'interdire de faire peser sur les délibérations dans une question qui lui est étrangère. La loi dit que la validité des prises est soumise au gouvernement qui prononce après délibération du Conseil d'Etat. Tant que le Conseil d'Etat n'a pas délibéré, avant que l'opinion du gouvernement soit connue par une ordonnance qui décidera la question, P'intervention des Chambres doit être écartée.

M. Salverte. Je ne répondrai qu'un mot au dernier ministre qui a pris la parole dans cette discussion: c'est, si je ne me trompe, qu'il est juge, principal juge, et que par conséquent son opinion doit être entendue partout ailleurs que dans cette enceinte.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Je n'ai point exprimé d'opinion.

M. Salverte. C'est de M. le garde des sceaux que j'ai voulu parler.

Quant à M. le ministre de l'instruction publique, il a placé la question sur un terrain tout nouveau. Il a dit C'est un grand progrès de la civilisation, c'est un grand progrès de la morale des peuples, que d'éviter les guerres générales dans des querelles particulières.

Nous sommes tous d'accord là-dessus, mais vous remarquerez que M. le ministre a pris soin de se refuter lui-même, quand il a parlé des guerres générales. Nous ne disons pas qu'il y a eu guerre générale avec le Portugal, mais qu'il y a eu guerre particulière.

Que ce soit un progrès de nous être tirés de cette ornière, où nous avait plongés la SainteAlliance, de ne pouvoir faire un pas sans que toute l'Europe nous tombât sur le corps, ou du moins que le gouvernement nous en menaçât, je me félicite de voir qu'enfin nous avons le droit de suivre nos querelles particulières, sans armer contre nous l'Europe entière.

Mais que, parce qu'une guerre générale n'a pas eu lieu, il s'ensuive qu'il n'y a pas eu de guerre particulière, je crois que M. le ministre de l'instruction publique, avec toute son habileté, ne pourra le démontrer.

Le fait est que la décision porte qu'un attentat

:

à la dignité nationale a été commis à Lisbonne. Nous en avons demandé réparation, et pour l'obtenir, nous avons envoyé une flotte royale, comme l'a dit M. Mauguin. Cette flotte a été attaquée la première par les coups de canon partis des vaisseaux de don Miguel elle y a répondu, car bien constamment on n'aurait pu entrer dans le Tage sans user de ses batteries. Ainsi, il y a eu combat, il y a eu guerre particulière, très courte, il est vrai, mais je ne crois pas qu'il soit venu à l'esprit de personne que ce fut un état de paix.

Je citerai un fait honorable pour la marine qui s'est passé en 93. Le roi de Naples avait aussi cru qu'il pouvait impunément insulter la France. Le contre-amiral de Latorche-Tréville fut envoyé devant Naples, qu'il bloqua; il n'eut pas même besoin de combattre; il emmena tous les bâtiments qu'il trouva dans le port. Eh bien ! ce fut une courte guerre : elle eut toutes les conséquences de la guerre. Notre guerre avec le Portugal doit aussi avoir ses conséquences, c'est-à-dire, que les capteurs doivent être propriétaires, et que la caisse des invalides de la marine ne doit pas être frustrée.

Quant à la décision du Conseil d'Etat, il est bien entendu que le Conseil d'Etat décide comme tribunal. Mais toujours est-il que la question est celle-ci Y a-t-il eu guerre, ou n'y a-t-il pas eu guerre? Don Miguel avait commis un attentat; mais nous lui en avons demandé la réparation, il l'a refusée, nous l'avons obtenue par force; il y a donc eu guerre, conséquence de cette guerre; ces conséquences sont la prise des vaisseaux; ces vaisseaux appartiennent aux capteurs. Je ne pense pas qu'on puisse répondre à cet argument: mais enfin, quelle que soit la décision du Conseil d'Etat, nous prenons acte de ce qu'a dit M. le ministre des affaires étrangères, qu'aucune considération extérieure n'influera sur la décision du Conseil d'Etat, décision qui reposera uniquement sur la connaissance des faits passés, et sur la volonté que nous approuvons tous d'être justes, et parfaitement justes, même envers ceux qui ne le sont pas envers nous.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. J'ai besoin de rectifier ce que vient de dire l'honorable préopinant. Quand j'ai parlé de guerre générale, je n'ai pas entendu parler d'une guerre générale avec l'Europe; j'ai entendu parler d'une guerre générale, c'est-à-dire portant sur toutes les questions, avec le gouvernement portugais. Une autre idée n'aurait pas pu entrer dans mon esprit.

M. de Corcelles (de sa place). Je n'ai qu'un mot à dire. (A la tribune! à la tribune!)

M. de Corcelles, à la tribune. Le ministre a dit qu'il fallait chercher à isoler les questions particulières qui tendaient à amener une guerre, soit particulière, soit générale.

Cependant, M. le ministre de l'instruction publique vient de nous expliquer sa pensée d'une manière plus positive. Eh bien! je dirai que le gouvernement devrait savoir qu'il est en présence de certaines puissances en Europe qui n'ont pas la même délicatesse : témoin la Russie, témoin l'Autriche, qui ont passé par le fer et le feu pour venger des querelles particulières. Je vois avec peine que ces paroles excitent un rire sardonique sur les lèvres MM. les ministres. (Mouvement.) Il n'est pas moins vrai que c'est là un système qui tourne à la honte et au préjudice de la France. (L'ordre du jour !)

M. Glais-Bizoin. Je demande à MM. les ministres quel sera le sort des capteurs, si dans le Conseil d'Etat se trouvent des juges selon la doctrine du ministère, et qu'ils viennent à déclerer que le fait dont il est question n'appartiendra ni à l'état de paix ni à l'état de guerre.

M. le Président. Il résulte de la très longue discussion qui a eu lieu, que la prise doit être jugée, que le juge compétent est le Conseil d'Etat. Il n'y a pas à s'occuper des suites d'un jugement qui n'est pas encore rendu. Alors comme alors. Revenons au budget des invalides. (Réclamations au centre.) Chaque année on l'a voté pour ordre.

(Le budget des invalides est adopté sans discussion.)

M. le Président Nous passons au budget du ministère du commerce et des travaux publics. Personne n'est inscrit contre.

Chapitre 1er. Traitement du ministre et personnel de l'administratien centrale, 662,000 francs. (Adopté.)

Chapitre II. Pensions et indemnités temporaires aux employés supprimés, 86,000 francs. (Adopté.) Chapitre III. Matériel et dépenses diverses des bureaux, 182,000 francs. (Adopté.)

Chapitre IV. Archives du royaume, 80,000 francs. (Adopté.)

Ponts et chaussées.

Chapitre V. Administration centrale, 200,000 fr. M. Jousselin. Dans la dernière session, j'ai en l'honneur de proposer à la Chambre quelques modifications sur Torganisation actuelle de l'administration centrale des ponts et chaussées. Ces modifications consistaient à lui donner un état plus légal, en la ramenant aux dispositions de la loi de 1791 et du décret de 1804, qui s'y rapporte. Les motifs de ma proposition étaient puisés dans le bien du service et dans le mal qui se fait aujourd'hui avec une organisation entièrement illegale. Je ne rappellerai pas les motifs que j'ai donnés dans la séance du 13 mars 1833. Mais je crois, pour appuyer ce que j'ai dit, devoir placer sous les yeux de la Chambre les fautes principales que cette administration a commises depuis 15 années. Je ne citerai que les plus graves elles vous mettront à même de juger des autres. Ces fautes n'auraient pourtant pas été commises, si l'on eût suivi les dispositions légales de l'organisation.

Je vais parler d'abord des canaux, et comme il y a dans cette Chambre plusieurs de mes honorables collègues qui ont des intérêts dans les canaux, j'attends d'eux un peu d'attention et de l'impartialité.

La première faute commise par l'administration l'a été en 1821. Après avoir annoncé en 1820 qu'elle allait donner une multitude de canaux à l'industrie, et sans consulter le conseil des ponts et chaussées, cette administration a fait en 1821, sans publicité et sans concurrence, plusieurs conditions extrêmement onéreuses. Je citerai seulement celle du canal du Rhône au Rhin, et je rappellerai à la Chambre quelques-unes des commissions de transaction. Il s'agissait d'emprunter 10 millions, et les projets n'étaient pas encore faits. Je vous demande s'il y avait urgence d'emprunter 10 millions qui devaient être dépensés en 6 ans. Il n'y avait pas de nécessité, car alors les finances de la France étaient pros

pères. Les ennemis s'étaient retirés; on avait soldé depuis 2 ans la dette de l'occupation; 18 mois après on avait fait la guerre d'Espagne, pour laquelle on avait bien su trouver 400 millions; et 3 ans après on avait dépensé 1 milliard pour l'indemnité des émigrés. Ainsi, il n'y avait pas urgence à emprunter 10 millions pour les dépenser en 6 ans.

Voici quelles étaient les conditions de la réparation. le prêt de 10 millions devait être fait en 10 ans et 3 mois; les travaux devaient être achevés dans le même temps; l'intérêt était fixé à 6 0/0 par an; et si, à cette époque, tous les travaux n'étaient pas achevés, il était convenu que la compagnie recevrait pour dédommagement une prime de 2 0/0 pour la première année de retard, et pour les années suivantes une prime de 2 0/0.

Je vous demande si, lorsqu'on accorde à une compagnie un intérêt de 6 0/0, que son remboursement doit être fait en 24 ans, si cette compagnie n'a pas tout ce qu'elle peut désirer. L'année d'après, de 1828 à 1829, les travaux n'étant pas terminés, on a payé une prime de 2 0/0; et comme les travaux ne sont pas encore finis, il' s'ensuit que cette prime se paye probablement

encore.

Au bout de 24 ans, au moyen de l'amortisse-ment qui se fait à raison de 2 0/0 par an, la compagnie devait être remboursée de toutes ses avances, et les charges de l'Etat devaient se borner là. Mais il n'en est pas ainsi : il existe: une condition singulière; non seulement la compagnie demande un dédommagement pour chaque année de retard et pour une perte prétendue qu'elle n'a pas subie, mais elle ré lame encore 15,000 francs pour ses frais annuels d'administration. Je dois avouer que toutes ces transactions déplorables me sont venues à l'esprit en pensant à ces 15,000 francs: il me semble voir Harpagon qui, mariant ses enfants sans dot et frais, exige encore de son partner un habit pour assister aux noces. Au bout de 24 ans, cette compagnie est remboursée de son capital et des intérêts, mais jouit encore pendant 75 ans de la moitié du produit net de ce canal.

Ce produit est estimé 800,000 francs, cette compagnie recevra donc pendant 75 ans 400,000 fr. Cette annuité, appréciée à l'intérêt composé et à 5 0/0 l'an, s'élève au bout de 75 ans à plus de 300 millions. Eh bien! cette faute immense a été faite par l'Administration, sans consulter les conseils des ponts et chaussées. Si ce conseil eût été consulté, elle n'aurait pas eu lieu; car aucun membre n'aurait consenti à des transactions aussi déplorables. Vous voyez ce qu'est cette espèce d'administration: le chef y décide tout sans savoir, assez et le plus souvent sans consulter personne.

Je passe maintenant au canal de Nivernais, dont on a souvent parlé. Au moment où l'adminis ration l'a proposé en 1822, elle l'a présenté aux Chambres et à la France comme un canal de grande navigation, dont le souterrain, déjà commencé au bief de partage, avait, disait-elle, 24 pieds de largeur. Cependant il n'en etait rien, et l'Administration donnait pour motif d'achever ce misérable canal qu'on y avait dejà dépensé 5 millions, et qu'ainsi il était convenable d'achever le canal pour ne pas les perdre.

Toutefois, Messieurs, l'Administration avait reçu de si ma vais renseignements sur l'état de ses premiers travaux, qu'au fait et au prendre, au

cune partie de ces ouvrages n'a pu servir, et qu'ainsi ces 5 millions ont été perdus.

C'est de la sorte, et par cette suite de déceptions, qu'on a été conduit à achever un canal qu'il fallait abandonner, qui coûtera plus de 30 millions, intérêts compris, et dont le produit net ne sera peut-être pas de 60 mille francs chaque année; et sur toutes ces belles choses, le conseil n'a point été consulté.

Si j'examine ensuite le canal de la Somme, je trouve que de pareilles fautes y ont été faites. Sans parler des conditions de la transaction même, qui sont très onéreuses et que j'ai rappelées à la Chambre il y a peu de jours, à propos du canal des Ardennes, je me bornerai à dire à la Chambre qu'on avait joint aux transactions de la compagnie Sartory, 2 portions de canal qui n'étaient que facultatives. Ce sont la navigation de l'Oise et de l'Aisne, de Semny en remontant vers Vouziers. Il eût été désirable que l'Etat eùt exécuté directement ces deux parties de navigation, afin de se soustraire aux exigences de la transaction Sartory; mais l'Administration a fait la faute de prendre les fonds de cette compagnie pour l'une et l'autre partie du canal, et cela sans y être obligée.

:

Je ferai remarquer, en outre, que c'est en 1818 que l'Administration s'est occupée de continuer le canal de Bourgogne. Ce canal sera fini sous 2 ou 3 ans. Les bateaux y trouveront 5 pieds d'eau mais arrivant dans l'Yonne près de Joigny, et dans la Seine, de Montereau à Paris, ils n'y trouveront, pendant la moitié de l'année, que 2 pieds 1/2 d'eau, et il en sera de même dans la Saône de Saint-Jean-de-Losne à Lyon; de telle sorte que ce canal sera pendant longtemps encore beaucoup moins utile qu'il ne devrait l'être. Ce reproche a déjà été adressé plusieurs fois à l'Administration, et il révèle sa profonde incurie.

Toutes ces fautes ont déjà été justement révélées et critiquées en 1828 par la grande commission des ponts et chaussées formée à cette époque. Les membres les plus marquants étaient MM. Casimir Périer, Molé, Laisné, Pasquier, etc.; et l'on peut voir dans le rapport de M. Molé, du 6 octobre 1828, comment cette assemblée a jugé les opérations des canaux. Enfin, Messieurs, un de nos honorables collègues, M. Charles Dupin, a soumis à cette Chambre un rapport sur le même sujet en février 1831; et si la Chambre se le rappelle, elle verra que le jugement porté par M. Dupin n'est pas moins sévère que celui porté par M. le comte Molé, et l'un et l'autre ont fait sans doute remarquer que, sur toutes ces opérations, le conseil n'avait pas été consulté.

Laissant maintenant les canaux, je rappellerai la statistique des routes faites en 1824, sans le concours des inspecteurs généraux, ni du conseil. Son inexactitude est trop reconnue pour qu'il soit utile d'insister à ce sujet. Il en est de même de la prétendue rectification faite en 1828. Ce travail, tout à fait incohérent, a failli entraîner l'Administration à faire pour les routes un emprunt de 200 millions, somme à laquelle on avait évalué les ouvrages à y faire. Heureusement de meilleurs renseignements ont arrêté l'Administra tion dans ses devoirs.

Voici un tableau suffisant de cette Administration. J'ajouterai encore un coup de pinceau. (On rit.)

A l'occasion de la loi d'expropriation qui a passé tout récemment sous vos yeux, vous avez entendu l'Administration se plaindre de l'énormité des indemnités payées aux propriétaires

pour prix des terrains cédés, et le chiffre de 22 millions, comme excès sur les indemnités dues, a été cité plusieurs fois. Je dirai que si cette somme de 22 millions a été payée, faute en est à l'Administration, qui a tout au plus tort de s'en plaindre. En effet, l'exigence des propriétaires lui a été signalée dès 1824, et elle l'a reproduite elle-même dans le rapport qu'elle a fait à cette époque, au roi et aux Chambres. Prévenue, comme elle l'était, elle avait dès lors le rigoureux devoir de réclamer la nouvelle loi d'expropriation, comme elle l'a fait depuis peu. Vous n'avez sans doute pas oublié que, lors de la discussion de la nouvelle loi d'expropriation, quand une disposition du projet de loi était en péril, aussitôt, des bancs ministériels, se levait un orateur qui engageait la Chambre à sévir contre les propriétaires, en donnant pour considération ces 22 millions arrachés par eux à la fortune publique; et cependant le tort était à l'Administration seule, puisque c'est sa faiblesse et son incurie qui a en quelque sorte autorisé les exigences des propriétaires.

On aurait pu supposer que depuis la Révolution de 1830, l'administration des ponts et chaussées aurait cherche à se perfectionner, et à mettre moins d'arbitraire dans sa conduite. Mais il en a été autrement. L'arbitraire, au contraire, a été plus grand, et on a pris pour cela les meil leurs moyens c'est en quelque sorte d'annuler le conseil. Cela s'est fait en vertu de deux ordonnances, l'une du 19 octobre 1830, l'autre du 8 juin 1832. Par l'une et par l'autre, et surtout par la dernière, le conseil a été en quelque sorte annulé. Il a été divisé en plusieurs sections où trois inspecteurs divisionnaires, c'est-à-dire trois personnes seulement ayant vu les localités, se trouvent répartis.

Pour chaque affaire, l'inspecteur qui a fait le rapport n'est presque jamais présent. I se trouve, soit en tournée, soit dans une commission, où son travail n'est pas examiné, de telle sorte qu'il n'y a pour le bien des décisions aucune garantie que les intérêts publics ne sont pas compromis.

Dans quelles vues cet arbitraire a-t-il été organisé? Il est difficile de le deviner; mais le résultat, on peut le dire, c'est qu'il mène évidemà la corruption, et que la corruption est la fille légitime de l'arbitraire.

Il est donc nécessaire de revenir à un meilleur ordre de choses, et cela ne peut se faire qu'en supprimant la direction des ponts et chaussées, qu'en confiant chaque service à des inspecteurs généraux, dont un d'eux serait président; mais les uns et les autres ne seraient employés de la sorte que pendant un an, et ne pourraient être réélus qu'après un intervalle d'une année, afin d'éviter les commérages des bureaux et les inconvénients des administrations collectives.

j'avais proposé une réduction de 76,000 francs. C'est dans cette vue que l'année dernière Je persiste à la demander pour cette année, et je remets mon amendement sur le bureau de M. le Président.

M. de Rambuteau, rapporteur. L'amendement est-il appuyé? (Voix nombreuses. Non, non! D'au tres voix. Oui, oui!) L'amendement proposé par l'honorable M. Jousselin n'est que la répétition de celui qu'il a présenté l'année dernière; comme à cette époque, de nombreux détails ont été donnés à la Chambre pour repousser l'amende

ment, dont le résultat serait le bouleversement de l'Administration. Avant de supprimer une branche de l'Administration, il faudrait savoir comment elle serait remplacée.

(L'amendement de M. Jousselin est mis aux voix et rejeté.

Le chapitre V est adopté.)

Chapitre VI. Personnel du corps des ponts et chaussées, 2,866,000 francs. (Adopté.)

Chapitre VII. Personnel du corps et autres dépenses des mines, 450,000 francs. (Adopté.)

Chapitre VIII. Subvention à la caisse des retraites, 35,000 francs.

Sur ce chapitre, la commission propose une réduction de 25,000 francs. (Cette réduction est adoptée.)

(Le chapitre ainsi réduit est adopté.)

Chapitre IX. Travaux à entretenir ou à continuer. (Routes royales et ponts.) 21,350,000 fr.

M. Falguerolles. Messieurs, la centralisation a été inventée pour venir au secours des départements les moins riches du royaume.

L'impôt foncier s'élève annuellement, en France, à 211 ou 212 millions. Les 40 départements situés au delà d'une ligne qu'on tirerait de Nantes à Lyon, paient, pour leur part, sur cette somme, celle de 75 millions, et même plus, c'est-à-dire un tiers et davantage de cette contribution.

En 1830, les comptes de la dépense faite par les ponts et chaussées, soit pour des travaux neufs, soit pour l'entretien des ouvrages, se sont élevés, en totalité, à la somme de 49 millions, sur laquelle celle de 13 millions seulement, formant le quart de la dépense, est échue aux départements méridionaux."

Je ne discuterai pas en ce moment sur le fond de la question; peu de personnes croiront, comme on a voulu l'insinuer pour la navigation de la Garonne, que je soulève en ce moment, des intérêts de localité.

Quand, à diverses époques, on a signalé à T'opinion publique certaines résistances que je ne veux pas rappeler, on n'a jamais manqué de comprendre, dans cet anathème politique, les départements du Midi comme ceux de l'Ouest; cependant, aujourd'hui, on ne donne spécialement rien aux premiers sur le festin des travaux publics.

A côté de cette assimilation, et lorsqu'on vient de départir un grand nombre de bienfaits, car les routes stratégiques seront aussi de véritables bienfaits, j'ai lieu de m'étonner qu'on ait négligé d'en faire une petite part aux habitants du midi de la France.

Du reste, je ne présente ces courtes observations que pour avertir le ministre qu'il lui appartient, qu'il peut et qu'il doit réparer luimême le révoltant oubli qui, depuis longtemps, fait languir toutes les provinces situées au delà de la Loire.

M.Roul. Depuis bien des années le département de la Gironde réclame la construction d'un pont sur la Dordogne, au lieu de Cubzac. Cette construction est aussi réclamée par toutes les communes environnantes, par l'arrondissement de Blaye et toutes les contrées de l'Ouest.

La construction de ce pont fut ordonnée sous l'Empire, elle fut promise par la Restauration, et cependant le pont est encore à faire.

Des vœux ont été émis à ce sujet par le conseil général du département, par le conseil munici

pal de la ville de Bordeaux, par les conseils d'arrondissement de Bordeaux et de Blaye.

Une commission nommée pour examiner les réclamations présentées par la ville de Libourne a fait un rapport duquel il résulte que la construction d'un pont à travée mobile ne peut nuire au commerce de cabotage de la ville de Libourne.

Mais, Messieurs, toutes ces délibérations, je ne sais par quelle influence, sont restées sans effet; bien plus, il paraît qu'elles sont restées dans les cartons de la préfecture de la Gironde, car j'ai plusieurs fois fait des démarches au ministère du commerce et des travaux publics pour savoir quelles étaient les intentions de I'Administration au sujet de la construction de ce pont si vivement réclamée, et l'on m'a toujours répondu qu'on n'avait reçu aucune délibération ni aucune demande à ce sujet.

Dans une pareille situation, je viens prier M. le ministre du commerce et des travaux publics de vouloir bien donner des ordres pour qu'il ne dépende pas de MM. les préfets de garder dans les cartons de leurs bureaux les Vœux qui leur sont adressés par les conseils généraux et d'arrondissement, et qui ont pour but d'appeler sa sollicitude sur des objets de la plus haute importance.

M. Martel. Les conseils généraux de la Gironde, de la Dordogne et du Cantal se sont opposés à la construction de ce pont. Nous demandons à M. le ministre des travaux publics de vouloir bien peser, dans sa sagesse, les inconvénients de cette construction.

M. Roul. Suivant moi, la question a été éclairée autant qu'elle pouvait l'être, et il a été suffisamment reconnu qu'un pont à travée mobile ne pouvait nuire au commerce de petit cabotage que Libourne fait avec les ports de l'Ouest; mais ce dont je me plains, c'est que M. le ministre du commerce et des travaux publics ne soit pas mis à même de juger par luimême cette question. Et je le répète, je ne puis en vérité comprendre comment ni par quelle puissance les vœux des conseils généraux et d'arrondissement sont ainsi mis au néant dans des cartons qui me paraissent destinés à les recéler indéfiniment.

M. Martel. C'est à raison de la position des choses que je réclame la sagesse de M. le ministre du commerce. (Aux voix! aux voix!)

M. Jay. Messieurs, la question soulevée par l'honorable M. Roul est une question d'administration; la construction d'un pont à l'embouchure de la Dordogne intéresse plusieurs départements. La Chambre ne peut juger une telle question avec connaissance de cause. Elle sentira que la proposition de M. Roul est au moins intempestive. Il s'agit de fermer la Dordogne au commerce maritime. La chose est trop grave pour être traitée sans discussion. Je vote contre la proposition de M. Roul.

M. le Président. Je mets aux voix le Chapitre IX, s'élevant à 21,300,000 francs. (Adopté.) Chapitre X. Travaux à entretenir ou à continuer. (Navigation intérieure.) 5,740,000 francs. (Adopté.)

Chapitre XI. Travaux à entretenir ou à continuer. (Ports maritimes et services divers.) 4,210,000 francs. (Adoplé.)

Chapitre XII. Travaux à entreprendre, 695,000 f. (Adopté.)

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