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à présent, il fallait prendre l'initiative. Napoléon, dans une lettre que je tiens à la main, dit que son projet était de vendre ceux des canaux déjà faits pour en construire de nouveaux. Il ajoute Mon but est de faire, etc...

Il pensait qu'on ne pouvait faire en France ce qu'on fait en Angleterre. Ce que M. Molé sait mieux que moi, c'est qu'en Angleterre, les canaux ont peu de longueur, les biefs de partage sont peu élevés, tandis qu'en France nos canaux ont quelquefois jusqu'à 60 lieues de longueur, et les biefs de partage sont très élevés.

(Aux voix! aux voix !)

M. le maréchal de Grouchy. J'avais cependant demandé la parole!

M. le comte Molé. Laissez parler!...

M. le Président. La parole est à M. le maréchal de Grouchy.

M. le maréchal de Grouchy. Messieurs, puisque vous voulez bien avoir la bonté de m'entendre, je n'abuserai pas longtemps de cette marque de bienveillance.

J'étais loin de prévoir qu'une discussion relative à l'emploi des troupes à des travaux d'utilité publique dût avoir lieu aujourd'hui dans cette enceinte. Je n'émettrai donc point d'opinion sur cette question susceptible de tant de controverses; je me bornerai à exprimer le regret que l'essai de l'emploi des soldats français à des travaux de cette espèce ait lieu dans la Vendée, où viennent à peine de s'éteindre les torches de la guerre civile, qui ont embrasé si longtemps ce malheureux pays.

Je remarquerai, en m'appuyant de l'autorité de Napoléon, que, dès que les mesures militaires y eurent mis un terme à la guerre, il reconquit les populations vendéennes à son gouvernement, en leur témoignant une confiance entière, je dirais presque sans bornes. Les troupes furent retirées de la Vendée, et certes il ne crut pas à la possibilité de ramener une population égarée, en lui montrant des baïonnettes, naguère dirigées contre elle. Il leur tendit les bras, et il reconquit les cœurs.

Messieurs, je le répète, si vous employez des troupes à des travaux d'utilité publique dans les départements vendéens vous aurez à craindre que leurs habitants ne voient dans cette mesure une disposition de méfiance qui aliénerait pour longtemps encore tout retour à des sentiments d'affection pour le gouvernement actuel.

J'ai encore à vous présenter, Messieurs, quelques autres considérations, qui ont trait aux canaux non moins qu'à la Vendée. Je suis peu au fait de ce qui est du domaine des ponts et chaussées cependant je me permettraí de dire que si l'essai d'employer les troupes à des travaux devait être fait, ce serait à la frontière qu'il devrait l'être, et lorsqu'ils auraient pour but la défense du pays et l'accroissement de ses ressources militaires. Ils leur deviendraient plus plaisants; pardonnez-moi ce mot, car il rend ma pensée.

Je demanderais que si le gouvernement croyait devoir dévier du système adopté quant à la canalisation de la France, les canaux fussent divisés en deux classes. Je désirerais que ceux qui sont réellement utiles au commerce, et qui ne peuvent conséquemment manquer d'être profitables à ceux qui les entreprennent, fussent laissés ou abandonnés à des compagnies; mais que ceux qui ont pour objet d'accroître la dé

fense du royaume, en la rendant plus complète, et en facilitant le transport des munitions, des matériaux et de tous les objets nécessaires aux armées et aux flottes, restassent à la charge du gouvernement, et que les troupes fussent appelées à leur achèvement. C'est en les employant ainsi, qu'elles égaleront sous tous les rapports, qu'elles surpasseront même les légions romaines, dont les gigantesques travaux ont, comme l'a dit mon collègue, M. le marquis de Laplace, fatigué le temps, qui n'a pu parvenir à en effacer les mémorables traces.

On vient de parler, Messieurs, du canal de Nantes à Brest, entrepris par Napoléon, frappé de l'immense avantage d'approvisionner ce port important avec lequel les croisières anglaises interceptaient toute communication par mer, et, voulant y faire parvenir les bois de construction, les machines de guerre et tout l'attirail militaire que versait sur Nantes la Loire et ses affluents, il ordonna son ouverture. Continuez, achevez l'œuvre voulue par le plus grand de vos capitaines; employez les troupes à ce canal, plutôt que de montrer de nouveaux bataillons aux champs vendéens, où ils rappelleraient de douloureux souvenirs.

Si le commerce nécessite un accroissement de routes dans les départements de l'Ouest, gardezvous de les appeler stratégiques. Effacez ce mot, on en induirait que vous y présagez de nouveaux embrasements, et loin de là vous devez persuader que vous ne sauriez y croire. Napoléon ne balança pas à en retirer les troupes qui y avaient combattu, et ses prévisions sur l'utilité de ce témoignage de confiance ne furent point trompées; les ressentiments s'éteignirent, la paix s'affermit, et le dévouement, le respect et l'affection des Vendéens lui furent acquis, et justifièrent ses mesures. J'exprime donc le vœu que vous les imitiez.

(L'article 6 est adopté.)

(Les articles 7, 8, 9, 10 et 11 sont adoptés sans discussion.)

<«< Art. 12. Une somme de 500,000 francs sera consacrée à des études de chemins de fer. »>

M. le comte Molé. Cet article est encore un de ceux qui m'avaient donné à penser que le gouvernement tendait à rester dans la même position. Ainsi, on vous a dit qu'on souhaitait qu'il se présentât des compagnies qui voulussent entreprendre des chemins de fer; alors pourquoi ne pas leur abandonner l'étude des projets? Ce qui importe à l'industrie particulière, c'est que ce soient ses propres idées et non celles du gouvernement qu'elle exécute. J'ai peine à com prendre, je l'avoue, cette dépense de 500,000 fr. J'abuse peut-être des moments de la Chambre... (Non, non! parlez!) Ces études de chemins de fer me paraissent perdues, à moins que le gouvernement ne se réserve ultérieurement de les faire lui-même exécuter.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Je vais expliquer comment le gouvernement a été amené à demander une somme de 500,000 francs, pour faire des études de chemins de fer. Ce n'est nullement que dans cette matière le gouvernement ait l'intention de se substituer aux compagnies; voici quelle a été sa raison. Tous les jours on se plaint que l'Administration entrave l'exécution des grands travaux. Je pourrais citer plusieurs compagnies qui sont en ce moment en instance auprès de la direction

[Chambre des Pairs.]

des ponts et chaussées, pour qu'on approuve leurs projets.

Presque tous les projets sont faits d'une manière insuffisante; en effet, pour faire un bon projet, il faut dépenser beaucoup d'argent; or, cette dépense, qui peut la faire? ce ne sont pas les compagnies, car pour qu'il y ait lieu à former une compagnie, il faut qu'on sache quel sera l'objet sur lequel portera l'entreprise, ce que le travail coûtera, ce qu'il pourra produire. On roule dans un cercle vicieux; il faut que le projet soit déjà fait et approuvé pour avoir des capitaux, et il faut avoir des capitaux pour faire des études. C'est là ce qui fait que beaucoup d'entreprises sont arrêtées. Nous avons pensé que le gouvernement résoudrait cette difficulté, en dépensant quelque argent pour faire lui-même les études, en laissant l'exécution aux compagnies. Il y aurait un autre avantage. Les études faites des particuliers se font sans ensemble. Si les par études étaient faites par le gouvernement, elles pourraient se faire dans une certaine direction, de manière qu'en mettant en quelque sorte bout à bout les travaux entrepris par des compagnies distinctes, on pourrait réaliser le projet d'un chemin de fer de Paris à Lyon et de Lyon à Marseille. Si un projet peut s'exécuter, il n'y a pour cela qu'un seul moyen, c'est que le gouvernement, en faisant les études lui-même, dirige les efforts des compagnies sur une ligne directe.

M. le comte Molé. Voilà M. le ministre du commerce et des travaux publics qui retombe dans le grandiose; et le grandiose, si désirable lorsqu il s'agit de monuments tels que le Louvre, je le regarde comme le fléau des travaux de pure utilité.

Comme l'a dit M. le ministre des travaux publics, l'idée de faire des chemins de fer ne vient pas tout d'un coup, il faut qu'elle germe d'abord dans la tête d'un homme de l'art; c'est presque toujours un ingénieur en rapport avec des capitalistes qui leur suggérera l'idée d'une entreprise de cette espèce. Pourquoi ne laissez-vous pas ces capitalistes, et l'ingénieur qui a leur confiance, étudier et rédiger le projet? M. le ministre des travaux publics craint que ce projet ne soit pas suffisamment étudié, et qu'il n'entraîne des dépenses qui excéderont les moyens de l'homme qui veut former une compagnie.

Messieurs, n'ayons pas tant de sollicitude pour l'industrie particulière, et laissons-lui plus de liberté; surtout ne prétendons pas la tenir en tutelle, et savoir mieux qu'elle ce qui lui convient. Si elle se présente avec un projet dont le le succès vous paraisse douteux, laissez-lui en tous les risques; et croyez-moi, elle ne s'en plaindra pas. En vous réservant sur elle un contrôle dont vous paraissez si jaloux, vous la dégoûterez sans retour. Elle seule a le secret du juste rapport des avantages et des dépenses; elle seule sait approprier les travaux à leur fin; elle seule sait éviter les folles dépenses où entraîne précisément le grandiose dans les travaux qui ne le réclament pas.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Un gouvernement est heureux lorsqu'on ne peut lui reprocher que trop de sollicitude pour l'industrie du pays. L'utilité de cette sollicitude a été reconnue dans un grand nombre d'occasions. Beaucoup de crises commerciales n'auraient pas eu lieu, si le gouvernement avait eu le droit d'intervenir. Ainsi, vous vous rappelez les désastres qu'amena, il y a

quelques années, la fureur des constructions. Si
le gouvernement avait pu exercer, à cet égard,
la sollicitude qu'il lui est permis d'exercer dans
les travaux publics, beaucoup de ruines eussent
été épargnées, beaucoup de travaux qui sont
devenus inutiles, n'auraient pas été entrepris.

Il me semble que lorsque le gouvernement
peut éclairer l'industrie particulière, il a raison
de le faire.

Je citerai deux faits qui sont à votre connaissance. Deux hommes honorables, très capables, très actifs, ont voulu faire les études de 2 grands canaux. Qu'en est-il arrivé? Ils ont dépensé des sommes énormes, et aujourd'hui ils ne trouvent pas de capitalistes pour venir à leur secours, pour exécuter les entreprises dont ils ont étudié les projets à leurs frais; car une compagnie ne se forme pas pour faire des études, une compagnie se forme pour accepter des projets déjà étudiés.

De tels faits ne sont propres qu'à décourager l'industrie et empêcher de grands travaux.

J'ai l'honneur d'appartenir à un gouvernement qui a pour devise le possible, qui n'a jamais combattu ses adversaires qu'en leur disant: Je veux le possible, et vous me demandez l'impossible. Ce n'est pas moi qui me laisserai séduire par le grandiose; mais ne m'est-il pas permis de faire remarquer, que de même que le sol de la France permet d'avoir des canaux beaucoup plus étendus qu'en Angleterre, de même aussi nous pourrions avoir des chemins beaucoup plus fongs que ceux qui ont été construits dans ce dernier pays. Je n'ai pas l'espérance de voir bientôt un chemin de fer aller du Havre à Marseille; cependant, tout en laissant à l'avenir le temps d'exécuter de si grandes choses, il n'en faut pas moins diriger ses efforts suivant certains plans qui, s'ils sont possibles, les rendront un jour exécutables.

M. le baron de Barante, rapporteur. Messieurs, la commission a partagé jusqu'à un certain point l'opinion de M. le comte Molé, et j'ai été chargé par elle d'en déposer l'expression dans le rapport qui vous a été fait; mais il lui a semblé en même temps que cette allocation de 500,000 francs pouvait cependant être employée de telle manière qu'elle aurait une très grande utilité, et en conséquence elle n'a pas cru devoir en proposer le rejet; mais elle a demandé que les études ne fussent faites que sur la demande des compagnies qui voudraient se rendre concessionnaires; cela lui a paru une espèce de garantie.

Si, au contraire, l'Administration étudiait ses propres projets, j'avoue avec M. le comte Molé, que nos 500,000 francs seraient très aventurés, surtout si elle se préoccupait de cette idée que de proche en proche les chemins de fer, s'ajustant les uns aux autres, pourraient conduire de Paris à Marseille.

Ce qu'il importe surtout, avant de construire un chemin de fer, c'est de savoir si, lorsque les frais de transport entreront pour beaucoup dans le prix des marchandises, la spéculation est bonne; si, comme je l'ai entendu dire, le charbon de terre qui viendrait de Saint-Etienne, devait coûter à Paris 50 francs, tandis que le prix intrinsèque n'est que de 33 francs, il serait évident qu'on ne transporterait pas de charbon de terre sur le chemin en fer de Lyon.

J'ai cité une marchandise du grand poids; du plus ou moins, ce que j'ai dit de cette marchan

1

dise, serait vrai pour toutes les autres. Voilà donc un chemin de fer qui ne servirait qu'aux voyageurs; c'est là-dessus qu'il faut établir les calculs; et je le demande, qui sait s'il n'y en aura un grand nombre.

Pour résumer cette discussion, je dirai que nous avons pensé que l'Administration, pour rassurer, à cet égard, les Chambres, devrait nous donner quelques détails dans le prochain budget, et surtout indiquer que les études doivent être faites sur la demande des compagnies, et non par avance pour tracer des routes.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Il est certain que lorsqu'une compagnie voudra elle-même faire des études sur tel ou tel point où elle apercevra un profit certain et immédiat, le gouvernement n'ira pas se substituer à elle; mais il y a à faire. dans des vues d'ensemble, des études très importantes et qui préviendront les erreurs des compagnies.

M. Dupleix de Mézy, rapporteur. Avant de savoir par où il faudra faire passer un chemin de fer, il faut savoir s'il est utile au commerce que le chemin de fer existe. Si cette utilité n'est pas démontrée, il ne servira à rien de faire des études.

M. Thiers, ministre du commerce et des traraux publics. Pour ne citer qu'un fait, je dirai qu'il y a deux siècles qu'on songe à un canal de Provence. Eh bien! je puis affirmer que ceux qui s'en occupent aujourd'hui trouvent un grand profit à consulter les études qui ont été faites autrefois.

Lors donc qu'on n'exécuterait pas aujourd'hui tous les projets dont on fera des études, ces études n'en seraient pas moins acquises pour l'avenir. Dans tous les cas, on aura toujours fait l'étude du sol, et c'est une étude qu'il appartient à un grand gouvernement de faire.

(L'article 12 est adopté.)

(Les articles 13, 14, 15, 16, 17 sont adoptés sans discussion.)

« Art. 18. Sur les crédits ouverts par la présente loi, les fonds suivants seront mis, à titre de crédit supplémentaire pour l'exercice 1833, à la disposition du ministre du commerce et des travaux publics :

Pour les monuments de Paris..
Pour l'entretien des routes...
Pour les lacunes des routes...
Pour les routes de l'Ouest.

5,750,000 fr. 1,000,000

2,000,000

500,000

Pour les études relatives aux

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M. le duc Decazes. Il est de mon devoir d'appeler l'attention de la Chambre et celle du gouvernement sur la situation où se trouve le Midi par suite de l'oubli où on le laisse depuis longtemps, et par le résultat de la décision de la Chambre des députés, qui a repoussé la propotion qui avait été faite par sa commission, d'accord avec le gouvernement, en faveur des travaux à exécuter dans le bassin de la Garonne. Il en résulte que, sur la somme si considérable que vous allez voter, les provinces du Midi, c'està-dire cette moitié de la France située au midi de Paris, ne participent pas pour un vingtième dans les allocations.

Loin d'avoir des reproches à faire au gouver

nement, je remercie M. le ministre du commerce des efforts qu'il a faits, soit auprès de la commission, soit auprès de la Chambre elle-même.

Je serais rassuré pour cette partie de la France si je croyais, comme mon honorable ami M. le comte Molé, que l'intérêt public est toujours d'accord avec l'intérêt particulier, et que ce dernier trouvera toujours des avantages à entreprendre des travaux qui seraient d'une utilité réelle pour le pays; mais je pense malheureusement, avec M. le ministre du commerce, qu'il en est trop souvent autrement et qu'il est souvent indispensable que le gouvernement intervienne pour doter certaines localités de communications qui ne pourraient être établies par des entreprises particulières, et qui, cependant, sont d'un intérêt immense pour les portions de pays qui doivent en profiter. Les départements pour lesquels je réclame en offrent une preuve incontestable et récente. Vous avez voté l'an dernier deux lois qui autorisaient à ouvrir un canal le long des Pyrénées et un autre latéral à la Garonne. Je me suis élevé avec force contre ce dernier, convaincu que j'étais, indépendamment de ce qu'il dépouillait les villes et les populations situées sur la rive droite de la Garonne, convaincu, dis-je, qu'il était aussi inexécutable que l'autre, et que les concessionnaires ne trouveraient jamais les 40 millions dont ils avaient besoin.

Je n'avais que trop raison: le projet n'a pu avoir de suite et la loi que vous aviez votée s'est trouvée périmée au bout de six mois faute de dépôt du cautionnement qui aurait dû être versé dans ce délai. Il en a été de même de la loi sur le canal des Pyrénées. Et je ne puis m'empêcher de signaler ici, en passant, l'abus du système adopté dans ces deux circonstances et l'inconvenance de donner aussi facilement des lois à des soumissionnaires qui n'ont pas préalablement justifié de leurs moyens de les mettre à exécution. Par une singulière contradiction, lorsqu'on exige un cautionnement préalable pour les adjudications autorisées par ordonance, on accorde des concessions par loi, sans demander la moindre garantie, à ceux à qui on a donné inutilement ce privilège.

Quoiqu'il en soit, il reste démontré par ces deux preuves incontestables que l'intérêt particulier ne peut pourvoir seul à l'exécution de ces deux navigations, dont l'utilité est cependant incontestée et incontestable, et qu'il est indispensable que l'Etat s'en charge.

Il en est de même d'un projet d'une haute importance dont le gouvernement a autorisé depuis plusieurs années une compagnie respectable de faire des études, je veux parler du canal des Landes. Ce canal qui créerait une vallée de 60 lieues et donnerait la vie à un pays aujourd'hui désert, dépeuplé, si je peux me servir de cette expression, d'arbres, d'habitants et de culture, ne pourrait offrir d'avantages à une compagnie exécutante qui n'aurait que le péage pour intérêt de ses fonds, car il faudra vingt années, ou au moins dix, avant que les produits qui devront rapporter ce péage puissent euxmêmes être créés.

Dès le premier moment, au contraire, le gouvernement recueillera les fruits de la canalisation, soit par l'augmentation qu'éprouveront immédiatement les propriétés, et par les droits de mutation, d'enregistrement et autres qui en seront la suite, soit par l'accroissement des consommations. Lorsque l'on fut informé, il y a cinq

à six ans, que la compagnie, dont j'ai parlé tout à l'heure, était autorisée à faire les études de ce canal, le prix de l'arpent de landes s'éleva presque immédiatement de 1 franc à 5 francs; il s'élèverait à plus de 10 francs si le canal s'exécutait. Le fisc trouverait avant peu, dans cette élévation seule et toutes ses conséquences, j'en suis convaincu, l'intérêt du capital, d'ailleurs peu considérable, qu'il aurait à dépenser pour cette belle entreprise, tandis qu'une compagnie particulière serait obligée d'attendre du temps seul les avantages que le Trésor trouverait dès le commencement des travaux et avant même leur confection.

Au nombre et en première ligne de ces avantages, il faut placer ceux que l'Etat retirerait de ce canal en cas de guerre, par les communications avec les Pyrénées et avec l'Espagne, et aussi celui de fournir un aliment et une occupation utile à l'industrie et à l'activité de cette portion assez considérable d'habitants aventuriers, qui vont chercher au loin des moyens de colonisation, qu'ils trouveraient facilement le long du canal qui lierait Bayonne à Bordeaux.

Ce projet mérite toute l'attention du gouvernement; mais j'appelle sa sollicitude, plus particulièrement encore, s'il est possible, sur les travaux indispensables de la Garonne et de ses affluents; cette navigation intéresse 20 départements dont la propriété est liée à une amélioration. Il est du devoir des Chambres et du gouvernement, je ne crains pas de le répéter, de ne pas abandonner des intérêts qui ont à sa sollicitude un droit égal à celui des portions de la France si largement dotées par le vote que vous allez rendre, et qui n'auront pas réclamé en vain leur justice, j'en suis assuré.

M. le comte Molé. Pour combattre le principe que j'ai soutenu, il me semble que M. le duc Decazes a admis comme prouvé ce qui restait à prouver. Il a dit : Voilà tel projet qui serait trèsutile; mais une compagnie ne pourra l'exécuter, parce que les avantage sont éloignés. Ce sont précisément ces éventualités dont je n'aime pas que le gouvernement coure la chance.

M. le duc Decazes a parlé du canal des Landes, dont je me suis occupé il y a longtemps. Le résultat de cet examen a été qu'il y avait bien du roman dans les avantages qu'on attendait de l'exécution de ce projet, qui était loin de présenter au gouvernement et au pays des avantages proportionnés aux sacrifices qu'il nécessiterait.

Comme ces travaux, Messieurs, se font aux dépens des contribuables, qu'il faut toujours s'adresser à l'impôt pour les exécuter, et qu'il est question de 20, de 40, de 50 millions, if en résulte que les erreurs sont chose considérable, et que le devoir est de les éviter.

C'est donc le principe même de M. Decazes que je conteste. Je regarde que le gouvernement est juge très insuffisant des projets. En effet, comment se font-ils? sans autre avis. sans contrôle réel que ceux des ingénieurs. Voilà pourquoi je n'ai cessé de demander dans la commission de 1828, comme à présent, des enquêtes préalables. J'ai toujours demandé que les populations fussent entendues; c'est le seul moyen de se préserver de séductions, d'illusions trop fréquentes.

Vous voyez tous les jours l'Administration admettre des projets que l'industrie particulière repousserait sous le prétexte des grands avantages que le pays en retirera plus tard.

Eh bien! Messieurs, ce sont ces avantages que bien souvent il conteste et dont il soutient surtout que le ministre, dans son cabinet et entouré de ses ingénieurs, n'est pas juste appréciateur.

Je le répète, si les erreurs d'imagination n'entrainaient pas d'aussi graves conséquences, s'il ne fallait pas toujours recourir à la bourse des contribuables, j'insisterais moins; mais comme il n'en est pas ainsi, je crois que les moyens de contrôle ne peuvent être trop multipliés."

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Le raisonnement pourrait s'appliquer à toute l'administration de la France; tout cela se réduit à M. le ministre dans son cabinet, à M. le le secrétaire général dans son cabinet. Je sais que M. le comte Molé est partisan de la belle administration que l'empereur a créée en France. Eh bien! cette administration, on la détruirait tout entière au moyen du raisonnement qu'on vient de faire.

Ce tête-à-tête dont on a parlé se change, au moyen des enquêtes, en une grande publicité qui permet à chaque pays de donner son avis : ce n'est plus un tête-à-tête, c'est un dialogue entre le gouvernement et la nation entière.

Quant à ce qu'on a dit, relativement au Midi, le gouvernement, reconnaissant que cette partie de la France a été très maltraitée dans tous ces projets généraux imaginés depuis quarante ans, se propose de faire, l'aunée prochaine, des propositions relatives à l'amélioration du cours des rivières. Le Midi se trouvera, au moyen des travaux qui seront faits, largement dédommagé des privations qu'il a éprouvées jusqu'à ce jour.

M. le duc Decazes. Je remercie M. le ministre du commerce; je n'en attendais pas moins de sa justice et de son patriotisme.

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Pairs présents
Majorité absolue.
Pour..
Contre..

(La Chambre a adopté.)

85

104

53

96

8

M. le Président. La Chambre va passer à la blique. (1). discussion sur le projet de loi sur l'instruction pu

M. le comte de Montlosier. Si le rapport que vous avez entendu avait été imprimé et distribué, j'aurais en ce moment à opposer à M. le rapporteur les paroles mêmes qu'il y a insérées. Elles m'ont convaincu. Ce qu'il a dit sur les inconvénients de la loi amendée par la Chambre des députés m'a paru si fort et si juste que, m'appuyant de cette autorité, je suis tout à fait d'avis de rejeter les amendements et de renvoyer la loi à la session prochaine.

Cette proposition me paraît d'autant moins susceptible d'éprouver de difficulté que le rapporteur a insisté avec plus de force sur la nécessité du fameux article qui introduit de droit les

(1) Voy. plus haut, Chambre des pairs, séance du 20 juin, p. 279, le texte des articles du projet de loi.

pasteurs et les curés dans l'instruction primaire: je ne partage cependant pas cette opinion. Mais la commission attache à cet article une telle importance, qu'elle devrait éprouver peu de regret du renvoi à la session prochaine.

En les rappelant devant la Chambre, je craindrais d'affaiblir ou d'exagérer les objections qu'a présentées M. le rapporteur sur les suites funestes de l'amendement proposé par la Chambre des députés. D'un autre côté, dans les 2 rapports qui vous ont été faits successivement, on s'est étendu sur l'heureuse influence de l'intervention des pasteurs dans l'instruction religieuse, intervention sur laquelle il faut prendre garde de ne pas faire équivoque. Il est bien entendu que l'intruction doit toujours être morale et religieuse. Si vous n'admettez pas les curés dans l'instruction primaire, on vous dira: Vous ne voulez pas que l'instruction soit religieuse; si fait, nous voulons que l'instituteur soit religieux dans ses actes, mais non pas dans ses préceptes, dans ses explications. L'explication est ce qui appartient au pasteur; l'acte, le bon exemple, sont ce qui appartient à l'instituteur.

La Chambre, à cause de l'importance des questions que peut soulever cette discussion, ne croirait-elle pas convenable de la remettre à lundi, pour que l'on puisse prendre connaissance du rapport, à moins que dès à présent M. le rapporteur veuille bien consentir à ce que cette loi, si fortement dénaturée par la Chambre des députés, soit renvoyée à la session prochaine?

M. Cousin, rapporteur. La Chambre va décider si elle veut renvoyer la discussion à lundi, ou si, comme elle est parfaitement éclairée sur la matière, elle ne préférerait pas passer immédiatement au vote. Il y a déjà eu une discussion approfondie sur tous les points en litige, les articles 17 et 22 controversés ne peuvent pas ne pas être suffisamment présents à la mémoire de la Chambre; d'ailleurs si elle le désirait, je lui rappellerais très brièvement le petit nombre de points qui peuvent donner lieu à discussion, au fur et à mesure des articles auxquels ces difficultés se rattachent.

Je dois dire que si, sur 2 articles, la Chambre des pairs a préféré le système qu'elle avait déjà adopté, cette dissidence ne doit pas entraîner la suspension d'une loi réclamée et attendue depuis si longtemps avec impatience, et dans laquelle d'ailleurs se trouvent des parties excellentes, des dispositions qui peuvent en quelque sorte parer aux inconvénients qui nous semblent devoir être la conséquence des 2 amendements.

Je ne veux en rien préjuger la décision de la Chambre. Elle fera ce qu'elle jugera convenable; mais quant à moi, je pense qu'on peut aujourd'hui même passer au vote.

M. le Président. La Chambre l'a déjà décidé lorsque je lui ai proposé de mettre la discussion de cette loi à l'ordre du jour.

(Les divers amendements introduits par la Chambre des députés sur les articles 17, 19, 20, 21, 22 et 23 sont adoptés sans discussion.)

La Chambre passe au scrutin sur l'ensemble du projet; en voici le résultat :

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CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON PASQUIER.

Séance du lundi 24 juin 1833.

La séance est ouverte à deux heures.

M. le secrétaire-archiviste donne lecture du procès-verbal, dont la Chambre adopte la rédaction. Tous les ministres sont présents.

M. le Président. M. le président Boyer, aux termes du règlement, a déposé sur le bureau une proposition de loi sur les effets de la séparation de corps.

Cette proposition est ainsi conçue :

« A l'avenir, la séparation de corps prononcée entre époux pour cause d'adultère de la femme fera cesser de plein droit la présomption de paternité résultant du mariage, aux termes de l'article 312 du Code civil.

«En conséquence, les enfants dont la femme, séparée pour cette cause, serait accouchée plus de 300 jours après la séparation, seront réputés étrangers au mari, à moins que celui-ci ne les reconnaisse dans la forme voulue par l'article 334 du même Code.

«Seront, au surplus, observées, jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé, les autres dispositions du Code civil relativement à la séparation de corps.» (Appuyé! appuyé!)

M. le Président. Aux termes du règlement, cette proposition sera renvoyée dans les bureaux de la Chambre, et après l'examen des bureaux il sera délibéré sur son opportunité.

La parole est à M. le comte de Germiny, rapporteur de la commission qui a eu à s'occuper de l'examen de divers projets de loi d'intérêt local (1)

DIEPPE (Seine-Inférieure).

M. le comte de Germiny, rapporteur. Messieurs, la ville de Dieppe (Seine-Inférieure) est dans la plus heureuse situation financière; elle ne doit rien, et elle demande seulement à emprunter une somme de 30,000 francs pour l'établissement d'un marché couvert qui augmentera son revenu, et aussi l'établissément d'une école d'enseignement mutuel qui sera très utile à la classe populeuse de cette cité si féconde en bons marins.

On n'a pas besoin de rappeler ici que l'habileté de ces hommes de mer est due aux difficultés que présentent les abords de ce port et des côtes de la Manche qui l'avoisinent. Les dépenses que l'on propose sont trop évidemment raisonnables pour avoir besoin de raisons étrangères à celles qui les font solliciter.

CASTRES (Tarn).

La ville de Castres, département du Tarn, n'a pas toujours été aussi prudente que celle dont nous venons de vous entretenir. Elle s'est livrée, depuis 7 ans, à des embellissements qui ont ab

(1) Cette commission était composée de MM. le duc de Crillon, le comte de Germiny, le comte de Labriffe, le comte Lanjuinais, le comte Lemercier, le comte de Montguyon, le comte de Saint-Sulpice, le comte de Ségur et le comte de Vogüé.

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