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pour l'artillerie et le génie, et alors chercher un mode d'organisation meilleur et qui réponde mieux aux besoins du service. Ce sera le moment de refondre les comités et d'examiner s'il conviendrait d'en créer un moins nombreux que ne le sont les trois comités actuels, et plus propre à satisfaire au but de l'institution.

Si, quand il s'agit de faire passer l'armée au pied de paix, il peut y avoir assez de besogne pour que le comité soit occupé toute l'année, quand cette besogne aura cessé, 6 mois chaque année seront suffisants pour la besogne courante. C'est la pensée de la commission.

Ainsi donc là commission a jugé que 6 mois suffisent, et que le contentieux doit appartenir au conseil d'Etat.

M. le général Laidet. En défendant le comité d'artillerie et de cavalerie, je ne défends pas les personnes. Ce comité est une garantie pour ce qui se fait dans l'administration de la guerre. En effet, si un fournisseur se présente à M. le ministre, demandant à fournir telle ou telle chose, que sa demande lui soit accordée, et qu'ensuite vous reconnaissiez que la dépense est inutile, vous sentirez l'utilité d'un comité composé de plusieurs personnes éclairées, auxquelles le ministre puisse se fier.

On parle d'inspecteurs, et on dit qu'ils doivent faire les affaires du comité. Si la commission avait mieux connu la question, c'est à ces inspecteurs qu'elle aurait dù s'attaquer. Ces inspecteurs sont insignifiants et coûteux.

Une voix Allons donc! allons donc !

M. le général Laidet. Comment, allons donc! (On rit.)

Ces inspecteurs, qui couvrent la France à une époque donnée et qui sont attendus dans les régiments, ne voient pas tout ce qui est vicieux, tout ce qui n'est pas dans l'ordre. Pour être réellement utiles, ils devraient arriver à l'improviste dans les corps où ils seraient jugés nécessaires pour passer une sévère inspection.

Je recommande ce comité comme une garantie pour les personnes et les choses quand il sera chargé, comme ceux du génie et de l'artillerie, des droits et des titres de chacun à l'avancement. Enfin, c'est sans intérêt personnel, c'est convaincu que ce comité doit être utile sous tous les rapports que j'en recommande aux Chambres l'existence et la permanence.

M. le maréchal Soult, ministre de la guerre. J'aurais cru qu'il était inutile de revenir sur les observations que j'ai présentées à la Chambre dans une des dernières séances où il a été question de la guerre. Mais, après ce qui vient d'être dit par l'honorable général qui a ouvert la discussion, et par le rapporteur, je crois devoir donner quelques explications à la Chambre.

La Chambre n'aura pas oublié que, dans les deux dernières sessions, le budget de la guerre a été principalement attaqué et réduit en ce qui touche les allocations des officiers généraux et l'état-major de l'armée.

On a réduit les traitements d'activité, de disponibilité, de réserve et d'emplois de toute nature. Ces réductions se sont élevées à une somme qui a dépassé 1,300,000 francs. Je crois qu'on a dépassé les bornes du possible; toutefois, il en est résulté que, ne pouvant plus prendre sur les allocations, on s'est attaché aux emplois. C'est sur cette question d'emplois que je ne crois pas pouvoir donner mon adhésion. Les emplois sont essentiels, ils sont une suite de la responsabilité

ministérielle. La responsabilité s'efface du moment où la Chambre ordonne la suppression d'un emploi quelconque. Le gouvernement est tout à fait dans son droit quand il détermine le nombre d'emplois nécessaires, car il s'agit d'exécution; l'exécution serait impossible s'il n'était pas libre de nommer aux emplois; et il ne serait pas libre du moment où la Chambre viendrait prononcer la suppression des traitements. C'est contre ce principe que je réclame.

Si la commission avait proposé à la Chambre une réduction nouvelle de 52,500 francs, en laissant au ministre la faculté de se mouvoir, dans le chapitre sous sa responsabilité, un sacrifice nouveau serait possible; mais dire: On vous impose cette réduction, pour que tel emploi soit supprimé, c'est ce que je ne puis admettre, car il faudrait que cet emploi fût rempli nécessairement, si le service l'exigeait.

L'honorable général qui a parlé le premier a trouvé que les divisions actives qui se trouvent employées dans les divisions militaires donnaient lieu à une source d'abus de commandements. Toutefois, il a reconnu que les ordres du ministre avaient quelquefois été utiles et étaient intervenus à propos pour remédier aux conflits qui pouvaient résulter des commandements.

Lorsque ces commandements ont été établis, le gouvernement avait reconnu qu'ils étaient utiles en raison de ce qui se passait à l'intérieur, en raison même de la nécessité qu'il y avait de concentrer les troupes sous un même commandement.

Ce sont les excitations parties de cette Chambre qui ont porté le gouvernement à organiser l'armée en divisions et en brigades. On trouve aujourd'hui cette organisation mauvaise, et l'on voudrait que nous abandonnions un système qui est suivi dans toute l'Europe. En effet, il n'est aucune puissance qui n'ait reconnu la nécessité de maintenir dans des commandements toutes les troupes de leur armée. On trouve chez nous que cela est tout à fait superflu; j'avoue que je ne partage nullement cette manière de voir.

Il y a, dans une telle organisation utilité, pour le service et garantie pour le maintien du bon ordre, qu'il y ait des commandements.

Le même général a encore trouvé que dans certains départements il était inutile d'avoir des officiers généraux; que même pour le recrutement il serait tout au plus nécessaire d'en appeler. Il pense qu'à la rigueur le service pourrait être fait par des officiers de gendarmerie. Il a oublié que la loi exige la présence d'officiers supérieurs dans les conseils de revision, où l'on doit prononcer sur tous les cas d'exception qui peuvent se présenter.

L'honorable général a oublié que, depuis la Révolution de 1830, il n'y a pas de département qui n'ait demandé instamment d'avoir un officier général pour donner une direction à l'emploi de la force armée, même de la garde nationale, lorsque la tranquillité publique ou le maintien du bon ordre le réclamait. Je ne crois pas qu'il y ait un seul département, et MM. les députés sont à même de savoir si je me trompe, qui trouvât bon qu'on lui retirât l'officier général qui s'y trouvé employé.

Le premier orateur n'a pas réfléchi qu'il est question d'une réserve, et que cette réserve se trouvera dispersée dans la totalité des départements de la France. Il faut nécessairement des officiers généraux et pour en avoir le comman

dement et la surveillance, et pour en diriger l'emploi.

Dans un tel état de choses, je ne crois pas que les observations qui vous ont été présentées soient fondées.

Le même officier général s'est récrié sur l'ordonnance royale qui a déterminé une limite d'âge pour les officiers généraux appelés à la retraite. Sans doute, il est très fâcheux que les réductions qui ont été imposées au département de la guerre nous aient mis dans la nécessité de procéder de la sorte; mais la Chambre a trouvé avec raison que le nombre d'officiers généraux à entretenir excédait les besoins du service. Dès lors, il y avait nécessité d'en réduire le nombre. Comment fallait-il procéder dans cette circonstance? Etait-ce par l'arbitraire? J'avoue que la proposition m'en a été faite plusieurs fois, et que j'ai repoussé de toutes mes forces le moyen qu'on m'indiquait; car s'il s'agit de désigner un officier général qui a 50, 55, 60 ans pour le mettre à la retraite de son propre mouvement, il n'y a pas un seul ministre qui voudra se charger de ce pénible et dangereux devoir. Il n'y a rien de plus naturel, selon moi, que d'établir une limite d'âge et pour les maréchaux de camp et pour les lieutenants généraux.

Il peut arriver que parmi ceux que le sort désigne ou que l'âge indique, il y en ait qui puissent encore nous rendre d'utiles services; mais j'ai eu déjà l'honneur de dire à la Chambre, et je saisis cette occasion de le répéter, que le gouvernement n'a pas entendu se priver de la faculté de conserver ces officiers généraux tout en maintenant la règle.

Quant à la permanence du comité d'infanterie et de cavalerie, je regrette infiniment de voir la commission revenir sur ses observations. Dans ma conviction la plus profonde, l'organisation du comité d'infanterie et de cavalerie, et surtout sa permanence, est une chose nécessaire et indispensable; ce serait commettre une faute très grande que de réduire à 6 mois la durée de l'existence de ce comité, et ne pas reconnaître un président.

Malgré l'examen que l'honorable rapporteur de la commission a bien voulu faire des registres du comité, je puis répéter à la Chambre qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'administration de la guerre, ni surtout dans l'intérêt du service, que ce comité n'existe point. Ce serait un grand malheur s'il venait à cesser par une circonstance quelconque; je ne dis pas par une réduction de chiffre, parce que le ministre, s'il croit le comité utile, se trouverait dans l'obligation de le maintenir, quand même sa responsabilité devrait être compromise.

M. le rapporteur veut bien admettre que, pendant 2 ou 3 ans, le comité aura beaucoup à faire pour expédier la masse des affaires dont il est déjà saisi. Est-ce donc que nous devons prendre des mesures pour un avenir aussi long? Si dans 2 ou 3 ans il est démontré que le comité n'est plus nécessaire, la Chambre pourra s'en occuper.

Je n'ai rien à ajouter en ce qui concerne les sous-intendants. Je me résume en disant que si la Chambre ou la commission ne fait de la réduction qu'une question de chiffres, en laissant au ministre la faculté de chercher dans le chapitre de quoi couvrir la dépense du comité, je n'ai rien à dire; mais il était de mon devoir de réfuter le principe qui appuie la proposition de la commission.

T. LXXXV.

M. Passy, rapporteur. Je prends la parole, non pour rentrer dans le fond de la discussion, mais pour témoigner mon étonnement que M. le ministre vienne reproduire les doctrines émises dans la séance de vendredi dernier sur les droits de la Chambre et des commissions. Il résulterait de l'adoption de ces doctrines que toutes les fois que le gouvernement croirait un emploi nécessaire, il pourrait l'inscrire sur le budget, et qu'il serait défendu de s'en occuper. Je ne comprendrais nullement quels pourraient être les droits de la Chambre, s'ils ne consistaient pas à déclarer que telle fonction demandée par le budget lui paraît inutile, et dès lors à supprimer l'allocation demandée par cette même fonction.

Je proteste hautement contre les doctrines que vous venez d'entendre, et je désire que M. le ministre de la guerre, dans son budget, tout en conservant la liberté de se mouvoir dans le chapitre, ait égard au vou de la Chambre.

M. le maréchal Soult, président du conseil, ministre de la guerre. J'ai protesté contre le principe émis par la commission, c'était mon devoir comme ministre. Mais que la Chambre impose au ministre une réduction, en lui laissant la faculté de se mouvoir dans le chapitre, je n'ai pas de raison pour m'y opposer.

M. le général Demarçay. Je n'ai qu'une seule idée à émettre. Je ne veux pas abuser de la patience de la Chambre. Il me suffit de citer un seul exemple pour faire sentir combien la doctrine professée par M. le ministre de la guerre est dangereuse, surtout pour les droits de la Chambre.

Presque tous les militaires et à plus forte raison ceux qui ne le sont pas, sont d'avis que l'organisation de l'armée devrait être réglée par la loi. C'est ainsi que l'Assemblée constituante en avait usé. Je demande si ce que tout le monde croit nécessaire était introduit, ce que dirait M. le ministre de la guerre? Cela serait beaucoup plus contraire à ses prétentions, que ce que demande la commission.

M. le Président La commission a proposé une réduction de 52,550 francs, qui se dívise ainsi Traitement d'activité, 47,970 francs; intendance militaire, 4,580 francs.

:

M. Charles Dupin et M. le général Delort demandent la division de la première somme de 47,970 francs. La Chambre consent-elle à cette division? (Oui! oui!)

Cette somme de 47,970 francs se divise ainsi : 1° 31,980 francs pour cessation d'activité de 2 lieutenants généraux commandants supérieurs à l'intérieur; 2° 15,990 francs excédent du traitement alloué au lieutenant général, président du comité d'infanterie et de cavalerie.

(Ces 2 réductions sont successivement mises aux voix et adoptées.)

(La réduction de 4,580 est également adoptée.) M. Larabit. Je viens répondre à une observa tion de la commission, relative aux gardes du génie.

D'après de justes réclamations qui ont été portées à cette tribune, M. le ministre de la guerre a cru devoir augmenter un peu leur solde en les assimilant aux gardes d'artillerie, comme ils l'étaient déjà pour le rang.

La commission blâme cette assimilation, et forme le vœu que l'ancien ordre de choses soit rétabli.

Il est vrai que les gardes du génie n'ont pas à 6

conserver un matériel aussi précieux que ceux d'artillerie.

Mais, sous d'autres rapports, leur responsabilité est au moins aussi importante que celle des gardes d'artillerie.

Ils ont des constructions très importantes et souvent très délicates à surveiller; ils en font le toisé sous la surveillance des officiers du génie; ils tiennent tous les détails de la comptabilité de ces travaux, et ces détails sont bien aussi minutieux que ceux des gardes d'artillerie. Ils sont même quelquefois gérants de ces tra

vaux.

Ils ont à faire des dessins qui exigent beaucoup d'habileté et d'intelligence.

Enfin, ils sont chargés de surveiller l'exécution rigoureuse et pénible des lois sur les servitudes militaires autour des places fortes. Pour l'exercice de ces fonctions, ils sont assermentés, et leurs déclarations font foi en justice.

Vous voyez donc que leurs attributions sont nombreuses, et plus importantes que ne le pense la commission.

Presque toutes nos commissions nous proposent à l'envi des augmentations de traitement pour les sommités administratives; ce sont tantôt les ambassadeurs, tantôt les premiers présidents et procureurs généraux.

Je m'étonne qu'après avoir demandé ces augmentations, la même commission blâme une légère faveur de 46,000 francs, répartie entre 500 bons serviteurs qui remplissent avec zèle des fonctions difficiles et délicates, et subissent toutes les intempéries des saisons, et souvent le feu de l'ennemi, presque sans espoir de récompense.

Je ne comprends pas cette partialité, et je remercie au contraire M. le ministre de la guerre de l'acte de justice qu'il a fait en faveur des gardes du génie.

Pour moi, je désire des économies sur les services publics; mais ce n'est pas sur le faible que je veux les voir peser uniquement; je ne veux pas qu'elles portent sur ceux-là seuls qui se trouvent sans défense.

M. Passy, rapporteur. Je dois donner quelques explications à la Chambre au sujet des gardes du génie.

Lors de la discussion du budget de 1832, un député demanda que les gardes du génie fussent assimilés aux gardes d'artillerie. C'est ce qui a eu lieu, et les gardes du génie sont traités comme les gardes d'artillerie.

Il est certain que le corps des gardes du génie est actuellement composé d'hommes d'un savoir et d'une capacité très distingués; il est certain que, dans beaucoup de cas, ils suppléent les officiers, et sont chargés de lever des plans, de surveiller l'exécution des lois sur les servitudes militaires, en un mot, que leurs attributions sont d'un ordre tellement élevé que beaucoup d'officiers, dans les rangs de l'armée, n'ont leurs connaissances.

Voici ce qui a frappé votre commission. Autrefois les gardes du génie sortaient des régiments du génie, c'étaient des sous-officiers dans une position d'attente de la retraite depuis on a exigé des examens, on a fait du corps des gardes du génie un des corps les plus distingués; mais les gardes du génie ne peuvent devenir officiers, l'épaulette leur est interdite, et ils ne doivent plus rentrer dans les régiments du génie. La situation de ce corps est celle d'un corps de sous-officiers, ce qui, selon moi, est tout à fait injuste.

De deux choses l'une, ou il faut qu'ils soient rendus à leur ancienne destination, qu'ils soient des sous-officiers attendant leur retraite; et alors les anciens traitements leur suffiront, ou si ce qui vaut mieux, les gardes du génie doivent être un corps savant, il faut leur offrir une carrière et leur ouvrir les régiments de l'armée.

Je suis persuadé qu'il serait très avantageux que des gardes du génie pussent entrer comme officiers dans les régiments d'infanterie; leurs connaissances y seraient fort utiles. C'est là le veu que forme votre commission, qui n'a pas proposé de réduction. Il est réellement fâcheux que des hommes aussi capables que les gardes génie n'aient pas de perspective d'avancement. Je crois que la certitude d'avoir un jour l'épaulette aurait fait qu'ils se seraient contentés de leur solde.

M. Larabit. M. le rapporteur vient d'examiner la question sous son véritable point de vue. Il est certain que les gardes du génie sont dans une espèce de cul-de-sac, sans aucune espérance d'avancement. Cette position est tout à fait contraire à la Révolution de Juillet (Interruption), qui devait donner à toutes les classes de citoyens l'espoir d'avancer en raison de la durée de ses services. Cette observation vous a déjà été présentée par M. le général Demarçay, lors de la discussion de la loi sur l'avancement. Je suis content de voir que M. le rapporteur se trouve d'accord avec nous.

(Le chapitre Il réduit de 52,550 francs, est adopté.)

Chapitre IV. Gendarmerie, 15,935,000 francs. (Adopté.)

Chapitre V. Recrutement, 455,000 francs. (Adopté.)

Chapitre VI. Justice militaire, 250,000 francs. (Adopté.)

Chapitre VII. Solde et entretien des troupes, 125,362,000 francs.

Sur ce chapitre la commission a proposé une réduction de 192,235 francs, qui porte, savoir: 33,700 francs sur les premières mises aux sous-officiers d'infanterie promus officiers; 9,450 francs sur les premières mises aux sous- officiers d'artillerie promus officiers; 2,250 francs sur les abonnements des compagnies du train des équipages; et enfin 246,835 sur les vivres-pain (rendement.)

M. de Briqueville. J'aurais voté pour la solde et l'entretien des troupes, si M. le ministre de la guerre n'avait pas résolu une organisation d'armée que je repousse. J'avais résolu de laisser se dérouler silencieusement sous mes yeux cette série d'arbitraire, d'humilité extérieure, d'usurpations hardies que le gouvernement appelle son système. Je craignais que l'amertume de mes paroles ne fit éclater trop vivement l'amertume de mes impressions. A l'aspect de ce que nous voyons depuis 6 mois surtout, je trouvais difficile d'être parlementaire.

Mais en présence d'une mesure qui ne tend à rien moins qu'à compromettre le salut du pays et la défense de son territoire, le dégoût est bien encore permis, mais le silence ne l'est plus.

Je doute que la France ait jamais rien eu de désorganisateur comme ce système funeste qui se masque toujours avec les mots d'ordre et de pouvoir. Il a désorganisé l'esprit public, la nation de Juillet, la garde nationale, et le voilà qui parle de désorganiser l'armée. (Murmures.)

Ah! vous avez raison, affaiblissez les forces du

pays, car toutes elles vous sont antipathiques; brisez les instruments nationaux, car tous sont ou seront rebelles dans vos mains. Accomplissez la Restauration (Nouveaux murmures.), c'est là votre tâche, et probablement votre fin. Rappelezmoi à l'ordre, si vous trouvez que je ne dis pas la vérité; mais ayez la bonté de m'écouter jusqu'à la fin.

L'armée, telle qu'elle est formée, ne remplit plus les intentions et les vues du pouvoir. Il veut la refaire.

Il veut la composer d'hommes plus dociles contre l'intérieur, moins dangereux contre l'étranger.

Le conscrit ignorant qui sort de son village a peu d'idées, obéit sans savoir ce qu'il fait, exécute machinalement, et n'a pas encore cet esprit militaire et national de nos régiments. Dans 3 ans il l'aura pris, dans 3 ans on le renvoie, et l'armée ainsì formée sera un instrument beaucoup plus souple et beaucoup moins éclairé.

Peut-être pense-t-on qu'une armée ainsi faite fournirait d'excellents défenseurs pour les forts détachés.

Pour ma part, je ne crois pas à un tel succès dans les conceptions de génies qui ne sont pas à leur apprentissage d'antinationalité, et qui semblent chercher à faire exhumer leurs souvenirs de 1814. Mais ils doivent se rappeler que leurs essais d'alors redoublèrent la haine de l'armée, et amenèrent la chute du maître légitime qu'ils servaient si maladroitement.

Si l'armée, d'après le plan nouveau, serait meilleure contre l'intérieur, en revanche elle serait plus mauvaise contre l'étranger.

Dans son exposé, M. le ministre de la guerre a fort au long parlé de lui, et renvoyé à son mémoire au roi pour y étudier ce qu'on appelle le système du gouvernement. J'ai éprouvé une sensation difficile à dire quand j'ai vu un des hommes qui ont le plus vu et le plus fait, venir renverser en un instant tout ce que l'expérience a appris aux militaires. Dès lors j'ai pensé que le gouvernement ne voulait pas une véritable armée, car son système n'en peut donner que le simulacre. Elle sera onéreuse pour nos finances et sans nerf pour les combats. Les hommes qui ont fait la guerre ne peuvent reconnaître comme noyau d'armée que les soldats de 6 ans de service et de 25 à 36 ans. Des soldats de 3 ans de service et au plus de 24 ans d'âge! Mais ce n'est pas possible, et M. le maréchal peut d'avance préparer pour elle plus d'ambulances que de munitions.

Oui, tout ce qu'on aura obtenu c'est une nombreuse réserve inutile, et des régiments sans esprit de corps, sans force physique, sans habitude de la marche et des fatigues, sans confiance les uns dans les autres. Vous aurez une armée à payer, une armée sur le papier; mais une armée sur le terrain, non, cent fois non.

Pour recommander son système, M. le ministre de la guerre nous reporte au lendemain de Waterloo. L'exemple est on ne peut plus mal choisi, car jamais armée ne fut composée d'éléments aussi puissants et aussi braves. Les vieux soldats y abondaient, et ce n'est pas elle qui a manqué à la France, à l'empereur et à ses chefs, mais ses chefs qui lui ont manqué. Ses chefs étaient las de la guerre, et n'étaient plus, au physique et au moral, en état de la faire. L'état-major était garni de traitres qui portaient à l'ennemi les ordres qu'ils avaient à transmettre au nom de l'empereur. La perte de la bataille fut princi

palement due à cette négligence inconcevable qui fit que les ordres essentiels n'arrivèrent pas au maréchal Grouchy, ce qui fit dire à tout le monde que la victoire eût été à nous si le maréchal Berthier eût été le major général. (Violents murmures, et interruption prolongée.)

Par malheur celui qui le remplaçait avait en 1814, au service des Bourbons, maltraité plus que personne la vieille armée. (Murmures.) Il venait de faire connaissance intime avec les Vendéens et les chouans de Quiberon, et ses affections nouvelles l'aveuglèrent, sans doute, sur le zèle de ces dangereux amis.

Qu'on ne nous parle donc pas de Waterloo, car il prouve le contraire de ce qu'on veut prouver, et il éveille des souvenirs de plus d'une nature.

Je crois qu'il y a 6 mois nous avions la meilleure armée possible, de laquelle on pouvait tout espérer, si on avait eu le courage de la purger de tout ce qui ne peut pas faire la guerre. Mais je vois avec peine donner à nos jeunes soldats des congés d'un an qui sont funestes à l'esprit militaire. (Interruption.)

Cet esprit, au reste, le gouvernement fait tout pour l'étouffer. On dédaigne, on néglige les vieux services, et par là on tue l'émulation. Les récompenses les plus enviées des soldats sont livrées à la corruption civile, et une vie nationale et pure est rarement un titre aux faveurs du pouvoir.

Il est des hommes qui, en pays ennemi, ont par leurs exactions fait abhorrer le nom français. J'en pourrais citer qui ne perdirent pas dans leur déroute une pièce de l'or que leur avait procuré la victoire; qui, amis des beaux-arts, il faut leur rendre cette justice, apportèrent en France d'admirables chefs-d'œuvre, ramenèrent enfin des trésors à dos de mulet, mais pas un caisson ni une roue de leurs canons.

D'autres, Richepanse, Decaen, etc., etc., refusaient de l'or, revenaient pauvres comme ils étaient partis des plus hautes missions, et mouraient comme les hommes de Plutarque, sans laisser de quoi se faire enterrer.

Les premiers sont honorés, applaudis et puissants; les autres.... vous venez de refuser à leurs yeuves un peu de bien-être pour leurs vieux jours. (Nouvelle interruption.)

Comment, par une telle conduite, peut-on espérer de créer des vertus militaires, du désintéressement, du dévouement?

Aussi l'armée qu'en faites vous? Vous la faites assister l'arme au bras aux protocoles, aux insolences de l'étranger (Murmures.), ou bien vous l'envoyez conquérir, contre des proscrits qui vous ont préservés de cette guerre, votre effroi, les indulgences du dieu de la guerre, ou bien vous l'enrôlez dans la gendarmerie du pape. (Nouvelle interruption.)

Oui, tout ce qui se sent quelque force et quelque nationalité répudie et repousse ce système flétrissant, ce système qui rejette les requêtes des Daumesnil et des Decaen, et, par une compensation logique, conserve les pensions des chouans.

Mais rassurons-nous. Toutes les fois que le pays a été opprimé ou que ses sympathies ont été violentées, l'honneur national s'est retiré dans les armées. Aujourd'hui, pas plus que sous la Terreur et la Restauration, l'armée ne manquera à ce glorieux privilège.

Je vote contre le crédit de 125,362,000 francs pour solde et entretien de troupes, si le projet

d'organisation développé par le ministre était adopté.

(Des murmures prolongés succèdent à ce discours.)

Plusieurs membres: Aux voix l'article !... (M. le ministre de la guerre se lève.)

Un grand nombre de membres Non... non! ne répondez pas!... Aux voix l'article!.....

M. le Président. M. le général Tirlet propose, sur le même chapitre, une augmentation dé 2,930,000 francs. M. le général Tirlet a la parole pour développer son aniendement.

M. le général Tirlet. Messieurs, d'après le projet énoncé dans le rapport de M. le ministre de la guerre, du 1er mai 1833, les réductions en hommes, pour arriver au pied de paix, porteraient principalement sur l'infanterie, l'artillerie et les équipages militaires; elles ne seraient que très faibles pour le génie et la gendarmerie, presque nulles pour la cavalerie.

Cette dernière exception est motivée sur ce qu'il faut du temps pour former la cavalerie, soit à raison de l'instruction nécessaire aux cavaliers, soit par la nécessité d'habituer les chevaux aux manœuvres et de les rompre aux fatigues. On lit dans le même rapport que l'instruction pratique nécessaire au corps du génie ne permettrait pas de réduire davantage l'effectif des régiments de cette arme, sous peine de n'avoir, en cas de guerre, que des sapeurs et des mineurs qui ne pourraient en totalité faire un bon service, tandis qu'il importe que cette arme conserve la supériorité qu'elle s'est acquise en Europe.

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Nous ne contesterons pas l'importance des armes spéciales que M. le ministre de la guerre juge devoir soustraire aux réductions à opérer dans l'armée; mais nous ne concevons pas par quels motifs l'artillerie ne fait pas partie de cette exception. L'expérience des dernières guerres nous semble démontrer que, sur les champs de bataille, son rôle ne le cède pas à celui de la cavalerie et des régiments du génie, et nous ne voyons pas que l'instruction des canonniers se soit tellement simplifiée de nos jours, qu'on puisse espérer les former en quelques mois aussi bien que des fantassins avec lesquels ils sont confondus dans une même catégorie.

Qu'on se souvienne des premières campages de la Révolution! N'est-ce pas l'artillerie qui fit la force de nos armées jusqu'à ce que l'infanterie fût aguerrie? Qu'on se rappelle fes batailles d'Austerlitz, de Wagram, de la Moscowa, de Leipsick, et on verra que les coups décisifs ont été portés par l'artillerie.

Il est de notoriété militaire que, dans ces mémorables journées, qui décidèrent du sort des Empires, l'artillerie française ne démentit pas sa vielle renommée. C'est vraiment de cette arme qu'on peut dire qu'elle conserva la supériorité que lui avaient dès longtemps acquise, en Europe, les talents de ses officiers et les soins prévoyants de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis Louis XIV.

Ce n'est pas la première fois que justice n'a pas été rendue aux services de l'artillerie. Dans un ordre du jour qui rendait compte de la conduite des troupes pendant le siège de Dantzick, l'empereur avait omis d'y comprendre l'artillerie. Le général comte La Riboisière, premier inspecteur général de l'artillerie, dont la glorieuse mémoire sera toujours chère à cette arme, s'est

empressé de faire connaître à Napoléon combien l'artillerie avait été blessée de cette omission. Voici la réponse de l'empereur à M. le comte de La Riboisière :

« Finkenstein, le 29 mai 1807.

« Au général La Riboisière.

<< Vous avez mal saisi l'ordre du jour, général, en éprouvant des regrets sur ce que, ditesvous, l'artillerie n'a pas été citée honorablement à l'occasion de la prise de Dantzick; mais, général, l'artillerie se couvre de gloire tous les jours, dans les batailles comme dans les actions partielles et dans les sièges. L'empereur a cité les sapeurs, parce qu'ils n'ont que cette occasion remarquable.

« L'ordre du jour, qui paraît affliger l'artillerie, n'a pas non plus parlé de l'infanterie, qui s'est distinguée au siège. Depuis longtemps le corps de l'artillerie n'est-il pas au-dessus de tout éloge particulier?

« Le prince de Neuchâtel, major général,

MARECHAL ALEXANDRE BERTHIER. »

« P. S. Au surplus, général, dans la relation du siège, l'artillerie y trouvera tout ce que vous dites dans votre lettre, dont la vérité est si gèneralement reconnue. »>

Pour que l'artillerie puisse paraître avec succès à la guerre, il faut, plus peut-être que pour toute autre arme, qu'elle soit composée d'éléments bien choisis, d'hommes possédant une instruction qui se complique d'un nombre infini de détails. Il est bien reconnu que, pour acquérir cette instruction, 4 années sont nécessaires. Cette règle s'applique aussi bien aux canonniersconducteurs qu'aux canonniers-servants, car les premiers doivent non seulement être instruits comme conducteurs, c'est-à-dire comme charges des soins nombreux à donner aux chevaux de la batterie et de la conduite des attelages, mais encore comme artilleurs. Sans cette instruction, il n'y aurait, en campagne et sur le champ de bataille, que désordre et confusion dans les batteries perte imminente du matériel et des chevaux.

Ces considérations conduisent à reconnaître que la force du corps de l'artillerie, dans l'état de paix, doit être suffisante pour permettre de passer promptement au pied de guerre. Dans un corps dont le service exige des connaissances acquises qu'on ne saurait improviser au moment du besoin, et dont les traditions doivent être précieusement conservées, l'effectif de paix doit être réglé avec prudence et sans parcimonie, attendu que le sort de l'artillerie et le service en général seraient gravement compromis si les batteries entraient en campagne avec un nombre trop considérable d'hommes non entièrement formés.

On doit donc bien se garder de porter trop bas le pied de paix de l'artillerie. A cet effet, on doit conserver et maintenir au complet tous les cadres reconnus nécessaires au pied de guerre. Quant au nombre des canonniers, soit servants, soit conducteurs, l'expérience a fait connaître qu'il devait être des deux tiers du complet de guerre.

Il y a d'autant plus de motifs pour ne pas rester au-dessous de cette limite, que l'artillerie

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