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berté pour laquelle nous avons, mes compagnons d'armes et moi, versé tant de fois notre sang. (Marques prolongées d'adhésion.)

Je dis ces paroles pour qu'il demeure prouvé que si une insulte isolée peut partir de cette tribune, cette tribune peut, au nom de la Chambre, en faire une éclatante réparation.

Un très grand nombre de voix : Oui, oui!... Eclatante!... elle doit être éclatante!

M. le maréchal Lobau. J'espère que ce témoignage de mes sentiments, et la haute approbation que la Chambre voudra bien y donner, vengeront mon illustre frère d'armes d'un outrage auquel il devait si peu s'attendre.

Je demande qu'il ne soit pas fait mention du discours au procès-verbal de la séance.

(Un mouvement d'assentiment très vif et des marques presque unanimes d'adhésion succèdent à ce discours.)

M. Salverte. Messieurs, un brave guerrier, l'un des principaux artisans de la gloire de la France, réclame en faveur de cette gloire; il réclame lorsqu'il croit qu'on a blessé un de ses compagnons d'armes. Rien de plus juste, rien de plus légitime; que ses observations, déposées dans vos mémoires, soient consignées dans le procès-verbal; cela est de droit, nous le demanderons tous.

Mais là est posée la limite, là s'arrête toute autre espèce de droit. Je ne parlerai pas du discours qui a été prononcé hier par un de nos honorables collègues; c'est à lui d'en répondre, et l'on sait qu'il ne déclinera en aucune manière cette responsabilité... (Vive interruption... Murmures prolongés.) Ainsi que je l'ai dit, c'est à lui d'en répondre; mais c'est à nous, à nous tous, quelle que soit notre opinion, notre nuance politique, c'est à nous de prendre sous notre défense la liberté de la tribune...

Voix aux centres: Dites la licence! (Longue et vive agitation.)

M. Salverte. Messieurs, quand un orateur s'écarte de son devoir, le règlement est là, et le Président fait exécuter le règlement. (Réclamations diverses.) Le Président est en droit de le rappeler à l'ordre, de lui interdire la parole; tous les degrés sont prévus et indiqués dans votre règlement. Mais il est impossible de dire qu'un discours prononcé avec l'improbation d'une partie de la Chambre...

Voix nombreuses : De toute la Chambre!... Oui, oui, de toute la Chambre!

M. Salverte. Je prierai ceux qui m'interrompent de se rappeler que l'orateur auquel je succède n'a été interrompu que par des signes d'approbation. (Oui! oui!) La justice, la seule justice veut que je sois écouté sinon avec faveur, du moins en silence. (Le silence se rétablit.)

Je dis que le règlement ayant prévu tous les cas, vous ne pouvez pas décider qu'un discours qui a été prononcé ne l'ait pas été; vous ne pouvez pas plus ordonner qu'un discours ne sera pas mentionné dans le procès-verbal, qui doit être le tableau fidèle, exact et incontestable de Vos séances; autrement la liberté n'existerait plus; la majorité, quelle qu'elle fùt, ne laisserait insérer au procès-verbal que ce qui lui conviendrait... (Nouvelles réclamations.) Et dès lors il n'y aurait plus d'assemblée délibérante.

Prenez-y garde, Messieurs, des passions généreuses, nobles, légitimes, peuvent égarer. On ne croit que faire justice d'une attaque que l'on

regarde comme injuste, et on peut être entraîné dans une voie dangereuse dont il serait difficile de prévoir et même d'éviter l'issue. Certes, nous sommes loin du temps où un député de la France fut expulsé de cette enceinte par le vœu de ses collègues, ou du moins de la majorité. Nous nous rappelons trop bien quelles furent les conséquences de cette expulsion. Eh bien! Messieurs, le jour où la majorité s'attribuerait le droit d'effacer du procès-verbal les discours des membres de la minorité, la Chambre se rapprocherait de ce vote funeste; et l'on pourrait dire que le gouvernement représentatif, faussé dans son principe, aurait péri, et avec lui la liberté nationale... (Mouvement d'adhésion.)

M. Martin (du Nord). Je demande la parole. M. le Président. La parole est à M. Martin (du Nord).

M. Martin (du Nord). Ce n'est pas seulement une passion généreuse qui m'appelle à la tribune, c'est un sentiment de justice qui me force à y monter. Je n'ai pas l'honneur de faire partie de l'armée; c'est comme citoyen, comme député jaloux de notre gloire nationale, que je viens hautement improuver les insinuations qui ont été dirigées dans la séance d'hier contre l'une de nos plus grandes illustrations militaires. (Marques d'adhésion.) Puisque cette tribune a retenti d'attaques aussi violentes, que la Chambre retentisse à son tour de protestations que me dicte mon amour pour mon pays. (Nouvelle adhésion.) L'honorable maréchal Lobau vous demande qu'il ne soit pas fait mention au procès-verbal du discours qui a été prononcé dans la séance d'hier. Je n'insisterai pas sur une pareille proposition. Peut-être le règlement ne le permet pas; il se tait du moins: pourquoi ce silence? c'est parce qu'on n'a pas pu prévoir des écarts semblables à ceux que nous déplorons tous.

Dans cet état de choses, je ferai une autre proposition à la Chambre, et je suis sûr qu'elle atteindra le même but. C'est une improbation non équivoque qui doit être prononcée. (Oui! oui !) Cette improbation a été noblement exprimée par le compagnon de gloire du vainqueur de Toulouse, du major-général de l'armée de Waterloo. Je demande qu'il soit ordonné par la Chambre que le discours entier de M. le maréchal Lobau soit inséré au procès-verbal. Cette décision, prise dans une occasion aussi solennelle, sera à coup sur une manifestation éclatante, et de la volonté de la Chambre, et des sentiments pénibles qu'elle a éprouvés.

De toutes parts: Très bien! très bien! Aux voix! aux voix!

M. le Président. Je regrette ou plutôt je déplore ce qui s'est dit à la séance d'hier. Les discussions doivent porter sur les choses et jamais sur les personnes cette règle n'admet pas d'exceptions.

La vieille gloire militaire de M. le maréchal Soult, et les hautes fonctions dont il est revêtu, devaient le mettre à l'abri de telles attaques. Si elles sont demeurées hier sans réponse, celle qu'elles viennent de recevoir de la part d'un des plus anciens frères d'armes de M. le maréchal, et l'adhésion éclatante que la Chambre a donnée à ses paroles, seront pour M. le maréchal une première réparation. Je suis même convaincu que si M. de Briqueville, en qui la générosité peut s'allier avec une certaine fougue, était présent (Quelques

voix Il est ici!), il exprimerait à la Chambre le regret d'avoir à ce point affligé ses collègues et manqué aux convenances parlementaires. C'est au nom de la dignité de la Chambre, de son caractère personnel, auquel il sait bien que je rends hommage, que j'aimerais à le voir donner ce témoignage de la bonté de son cœur.

Dans tous les cas, je mettrai aux voix la proposition qui vient d'être faite. (Très bien ! très bien!... Aux voix la proposition!)

M. de Briqueville. Monsieur le Président... Voix à gauche. Non! non !... Ne parlez pas!

M. le Président. Que ceux qui sont d'avis que le discours de M. le maréchal Lobau soit imprimé dans le procès-verbal, en entier, comme expression des sentiments de la Chambre, veuillent bien se lever.

(La Chambre se lève en masse... 5 ou 6 membres se lèvent à la contre-épreuve. La proposition est adoptée. Le discours de M. le maréchal Lobau sera inséré au procès-verbal.)

M. de Briqueville. J'ai demandé la parole... (M. de Briqueville manifeste l'intention de parler de sa place; il en est dissuadé par ses collègues qui siègent auprès de lui.)

M. le Président. L'ordre du jour est le rapport de la commission chargée d'examiner divers projets de loi d'intérêt local.

1er RAPPORT. (Indre-et-Loire.)

M. de Chastellux, rapporteur. Messieurs, dans votre dernière session, il vous a été présenté un projet de loi tendant à autoriser le département d'Indre-et-Loire à emprunter une somme de 750,000 fr. reconnue nécessaire pour l'achèvement de routes départementales. Il n'a point été adopté par vous, pour ne pas grever les contribuables des charges d'un emprunt: vous avez seulement autorisé le prélèvement, pendant l'année 1833, d'une imposition extraordinaire de 5 centimes additionnels aux contributions directes, qui avait été aussi votée par le conseil général.

Cette décision, consacrée par la loi du 17 avril dernier, a nécessité une convocation extraordinaire du conseil général de ce département, à l'effet de pourvoir aux moyens de se procurer les sommés nécessaires pour l'achèvement des routes autrement que par un emprunt. Le conseil, dans sa séance du 15 mai dernier, a demandé que les centimes additionnels, autorisés par la loi du 17 avril précédent, fussent continues sur les mêmes contributions pour l'année 1834.

Le produit de cette contribution extraordinaire montant, comme en 1833, à la somme de 112,000 francs, sera employé à la continuation des travaux des routes départementales.

Nous avons l'honneur de vous proposer l'adoption du projet de loi ci-joint, tendant à approùver la délibération du conseil général :

Article unique. Le département d'Indre-etLoire est autorisé, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général dans sa session extraordinaire de 1833, à s'imposer extraordinairement 5 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle et mobilière, portes et fenêtres et patentes.

« Le produit de cette imposition sera exclusivement affecté aux travaux des routes départementales pendant le cours de ladite année. »>

2e RAPPORT.

(Ville de Lyon.)

Messieurs, la ville de Lyon, d'après la demande faite par son conseil municipal, a été autorisée par la loi du 7 février 1832, à emprunter une somme de 2,050,000 francs, applicable en grande partie au remboursement d'emprunts antérieurs.

L'article 5 de cette loi a prescrit au conseil municipal l'obligation de voter les taxes à établir dès le 1er janvier 1833, pour concourir avec les revenus ordinaires, en 10 ans, à l'amortissement graduel de la dette,qui s'élève à 5,876,350 fr. En exécution de cette disposition, le conseil municipal s'est occupé de créer les moyens de payement d'une somme de 584,450 francs qui forme la portion de la dette exigible cette année. Les revenus ordinaires pouvant fournir une somme de 349,090 francs, la ville n'a besoin de recourir que pour une somme de 235,360 francs à des ressources extraordinaires. Elle y pourvoira:

1° En prélevant une somme de 60,000 francs sur le contingent payé sur l'octroi pour la contribution personnelle et mobilière;"

2o En s'imposant extraordinairement, en 1833, 20 centimes additionnels au principal de la contribution foncière, et 3 centimes un quart additionnels aux droits fixe et proportionnel des patentes.

Le projet de loi ci-joint ayant pour objet d'autoriser cette imposition, la commission ma chargé de vous en proposer l'approbation :

Article unique. La ville de Lyon (Rhône) est autorisée à s'imposer extraordinairement en 1833: «1° 20 centimes additionnels au principal de la contribution foncière;

«2°3 centimes un quart additionnels aux droits fixe et proportionnel des patentes, perçus dans ladite ville.

« Le produit de ces nouvelles perceptions, votées par le conseil municipal dans ses séances des 15 décembre 1832 et 7 mars 1833, sera employé, concurremment avec les autres ressources de la caisse municipale, au payement des dettes exigibles de la ville pendant ledit exercice, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 7 février 1832, qui a autorisé cette ville à faire un emprunt de 2,050,000 francs. »>

3o PROJET.

(Ville de Nevers).

Messieurs, la ville de Nevers (Nièvre), qui se trouve grevée de diverses dettes arriérées, dont le montant s'élève à une somme de 155,948 fr. 50, et provenant de l'exécution de divers travaux entrepris par l'ancienne administration municipale, demande, par l'organe de son conseil municipal, à être autorisée à emprunter une somme de 154,000 francs, à l'effet de parvenir au payement de toutes ses dettes. Cet emprunt sera fait à 5 0/0, et remboursable en 10 ans, à partir de décembre 1834, au moyen des taxes additionnelles à l'octroi, dont le produit annuel, montant à 20,000 francs, servira au payement du capital et des intérêts de cet emprunt.

Le budget de la ville, pour 1833, n'offre qu'un modique excédent de recettes, absolument nécessaire pour assurer les services ordinaires.

Déjà un emprunt a été autorisé pour l'achèvement des travaux du pont sur la Loire; mais son amortissement ayant été assuré au moyen d'un péage, il ne peut nuire en rien à celui qui vous est maintenant demandé.

D'après ces considérations, nous avons l'honneur de vous proposer l'adoption du projet de loi ci-joint :

"Article unique. La ville de Nevers (Nièvre) est autorisée à faire un emprunt de 154,000 francs avec l'intérêt annuel de 5 0/0, à l'effet de pourvoir à diverses dépenses arriérées, à la charge de la caisse municipale.

« Cet emprunt sera remboursé, en capital et intérêts, en dix années, à compter de décembre 1834, suivant les dispositions de la délibération du conseil municipal du 22 mars 1833. »

4° PROJET. (Jura.)

Messieurs, le conseil général du département du Jura, auquel il a été rendu compte de l'état dans lequel se trouvaient divers travaux à la charge du département, commencés depuis longtemps, pour la construction de la cour d'assises, des prisons et de la caserne de gendarmerie à Lons-le-Saulnier, ainsi que des sommes dues à l'entrepreneur de la route départementale de Lons-le-Saulnier à Dijon, par Bellevêvre, dont les travaux sont terminés et non entièrement payés, ayant reconnu qu'il était impossible de pourvoir, par les ressources ordinaires, à l'acquittement de ces diverses dépenses, montant au total à une somme de 123,704 fr. 17, a voté, da s la séance du 30 janvier, une imposition extraordinaire de 3 centimes et demi sur les contri butions directes pendant les années 1834 et 183 5, dont le produit, devant former une somme de 1 29,618 fr. 74, sera exclusivement employé à cette destination.

Le prompt achèvement de ces travaux est d'autant plus important pour le département que déjà des sommes assez considérables ont été dépensées sans aucun résultat utile, et que plus on attendra pour les terminer, plus on augmen. tera les sommes nécessaires à cet objet, et, par conséquent, les charges départementales.

L'entrepreneur de la route ayant rempli fidèlement toutes les conditions de l'adjudication, il est de toute justice d'en solder le montant.

En conséquence, votre commission des intérêts locaux a l'honneur de vous proposer l'adoption du projet de loi ci-joint:

« Article unique. Le département du Jura est autorisé à s'imposer extraordinairement, conformément à la délibération prise par le conseil général le 30 janvier dernier, 30 centimes et demi additionnels aux contributions directes des années 1834 et 1835, pour le produit être employé dans les proportions indiquées par ladite délibération à l'achèvement des travaux de construction de la cour d'assises, des prisons et de la caserne de gendarmerie de Lons-le-Saulnier, et au payement des sommes dues, tant en principal qu'intérêts, à l'adjudicataire des travaux pour l'achèvement de la route départementale n° 22, de Lons-le-Saulnier à Dijon, par Bellevêvre. »

5o PROJET. (Eure-et-Loir.)

Messieurs, le département d'Eure-et-Loir, sur les demandes de son conseil général, a déjà été autorisé, par les lois du 21 février 1827, à s'imposer pendant 8 années, à partir de 1828, 3 centimes extraordinaires; et par celle du 16 avril 1832, à emprunter une somme de 216,000 francs.

T. LXXXV.

Le produit des 6 premières années de la contribution extraordinaire de 1827, et la totalité de l'emprunt de 1832, ont été entièrement consacrés aux travaux de 12 routes départementales classées.

Ces charges, toutes considérables qu'elles sont pour le département, se trouvent au-dessous des dépenses que nécessitent les travaux de ces routes.

Le conseil général, dans sa dernière session, a reconnu la nécessité de recourir à de nouveaux moyens extraordinaires qui permettent de réaliser les améliorations les plus urgentes dans le système de viabilité départementale, sans cependant faire peser sur les contribuables des charges trop pesantes. Il a, en conséquence, voté pour 5 années, à partir de 1834, une imposition extraordinaire de 3 centimes additionnels à la contribution foncière.

Nous avons l'honneur de vous proposer d'approuver le vote du conseil général, qui est d'un intérêt général, tant pour ce département que pour ceux qui l'avoisinent.

«Article unique. Le département d'Eure-et Loir est autorisé, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général dans sa dernière session, à s'imposer extraordinairement pendant 5 années à partir de 1834, 3 centimes additionnels au principal de la contribution foncière.

« Le produit de cette imposition extraordinaire sera spécialement affecté aux travaux des routes départementales. »

6o PROJET.

(Loiret.)

Messieurs, le conseil général du département du Loiret, dans sa dernière session, à reconnu la nécessité d'accélérer l'achèvement des communications départementales; et d'après l'insuffisance des ressources ordinaires il a voté une imposition extraordinaire de 3 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle et mobilière de 1834.

Le produit de cette contribution extraordinaire, montant à la somme de 68,888 fr. 88, sera employé aux travaux de 2 routes départementales classées, et de deux autres dont le classement est proposé.

Nous avons l'honneur de vous proposer l'adoption du projet de loi ci-joint, qui approuve la délibération du conseil général.

Article unique. Le département du Loiret est autorisé, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général dans sa session de 1833, à s'imposer extraordinairement, pendant 1834, 3 centimes additionnels au principal des contributions foncière, personnelle et mobilière.

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Le produit de cette imposition extraordinaire sera employé aux travaux de 4 routes départementales, classées et à classer, dans la proportion indiquée par la délibération du conseil général du département.

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(La Chambre fixe à lundi prochain la discussion de ces projets de loi.)

M. le Président. L'ordre du jour est la demande de M. de Podenas à fin de reprise du projet de loi sur les attributions départementales.

M. de Podenas. Pendant la présente session, à la séance du 3 avril, vous avez entendu le rapport de votre commission chargée de l'examen

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du projet sur les attributions départementales. Ce rapport n'a été suivi d'aucune discussion.

Depuis cette époque, la Chambre des pairs et la Chambre des députés ont voté la loi d'organisation départementale; elle a besoin maintenant de la sanction royale pour être loi de l'Etat. Vous avez vous-mêmes voté la loi sur les attributions municipales, et l'autre Chambre en est saisie dans ce moment.

Il ne manque donc plus, pour compléter les promesses de la Charte, que la loi sur les attributions départementales. Je sens que vous ne pouvez pas vous en occuper dans le cours de cette session; mais en vertu de votre règlement, et afin que vous puissiez avoir la faculté de la reprendre au commencement de la session prochaine, je demande à la Chambre de vouloir bien ordonner la reprise de ce projet de loi.

Voix diverses: Il n'y a pas d'opposition! M. le Président. N'importe, il faut que la proposition soit mise aux voix.

(La Chambre décide que le projet de loi sur les attributions départementales sera repris.) L'ordre du jour est la suite de la discussion du budget du ministère de la guerre.

M. Génin a la parole.

M. Génin. M. le ministre de la guerre a reconnu que l'adjudication publique pouvait être appliquée aux traités à passer avec les entrepreneurs des manufactures d'armes du gouvernement. Déjà, l'année dernière, une adjudication a eu lieu suivant ce mode pour la manufacture royale de Châtellerault, à des conditions fort avantageuses pour l'Etat.

Les traités avec les entrepreneurs des manufactures de Saint-Etienne et de Tulle expirant à la fin de 1833, je pense que M. le ministre est dans l'intention d'adopter pour les nouveaux marchés la même forme d'adjudication. Les entrepreneurs actuels sollicitent la prolongation de leurs traités pour une année. J'ignore quels motifs ils font valoir, mais l'on doit espérer que M. le ministre ne consentira à cette prolongation qu'autant que des raisons puissantes l'y détermineraient; car il est hors de doute qu'une nouvelle adjudication amènerait une réduction dans les prix; ainsi, donner aux traités actuels une année de plus, ce serait imposer un sacrifice effectif au Trésor.

Le traité passé avec l'entrepreneur de Châtellerault lui garantit un minimum de fabrication annuelle pour une somme de 500,000 francs. Cette condition pouvait être nécessaire pour assurer l'établissement de cette manufacture, qui vient d'être entièrement créée mais aucune clause de ce genre n'existe dans les engagements pris jusqu'à présent par l'Etat envers les entrepreneurs des autres manufactures. Il serait fâcheux qu'elle fût introduite dans les nouveaux traités, car le gouvernement se trouverait ainsi engagé pour des sommes considérables : quelle que fût la situation des arsenaux, la fabrication devrait toujours continuer, et le vote des Chambres ne serait plus libre. Je ne doute pas que M. le ministre, reconnaissant combien cette innovation serait grave, ne laisse à cet égard les choses dans l'état où elles sont.

Les mêmes motifs qui ont porté l'Administration à assurer à Châtellerault un minimum de fabrication, l'ont aussi déterminé à donner au traité une très longue durée. Il est de 20 ans. Je crois qu'il faut s'en tenir pour les autres traités au terme ordinaire de 5 ou 6 ans; car, je le

répète, on doit engager le moins possible l'avenir, et M. le ministre actuel regrette souvent, j'en suis certain, d'être lié par les engagements de ses prédécesseurs.

La fourniture des projectiles pour le service de l'artillerie a lieu en vertu de commandes directes faites par le ministre à un certain nombre de maîtres de forges dont les établissements offrent la garantie d'une bonne fabrication. Chacun d'eux est admis à faire une soumission, et la moins élevée sert de règle au ministre pour fixer les prix.

Je reconnais qu'un système de concurrence absolue ne peut être appliqué à cette fabrication, qui exige beaucoup de soin; mais ne pourrait-on pas changer le mode actuel de soumission de manière à obtenir des conditions plus favorables. Maintenant un maître de forges n'a pas d'intérêt à baisser ses prix, puisqu'en ré sultat il n'obtient pas pour cela une commande plus considérable. Un moyen certain d'obtenir une réduction serait, ce me semble, d'accorder une plus forte part de fournitures aux soumissions les moins élevées. Ainsi, par exemple, si 10 maîtres de forges dans un arrondissement doivent se partager la fourniture d'une certaine quantité de projectiles, au lieu d'en donner une part égale à chacun, il me paraîtrait convenable d'attribuer, par exemple, le quart de la fourniture totale à celui qui aurait présenté la soumission la moins élevée, le cinquième, le sixième, à la soumission suivante, et ainsi de suite de manière à ce que les plus élevées n'en obtinssent qu'une très petite fraction. Il serait bien entendu que la moindre soumission formerait la base du prix.

En résumé, je réclame, pour les manufactures d'armes, adjudications avec publicité et concur

rence.

Je demande qu'on ne garantisse aux entrepre neurs aucun minimum de fabrication; tel est l'état actuel.

Entin, je repousse les marchés à long terme.

Pour la fourniture des projectiles, je désire qu'on adopte un système tel que sans perdre la garantie nécessaire d'une bonne fabrication, on provoque une concurrence effective entre les fournisseurs.

M. Larabit. Aux observations du préopinant, j'en ajouterai quelques-unes sur des marchés que je crois abusifs.

Le marché de l'entrepreneur de la manufacture d'armes de Saint-Etienne renferme une clause contraire au principe de notre loi de recrutement. Voici cette clause:

« Le directeur de la manufature sera autorisé à y retenir les jeunes ouvriers appartenant aux départements de la Loire et de la Haute-Loire. qui peuvent être appelés sous les drapeaux, et qui seront jugés par l'entrepreneur en état de travailler à cette fabrication. Ces ouvriers, ainsi entretenus et enregistrés, feront à la manufacture royale leur temps de service. »

Cette clause est un grand avantage pour l'entrepreneur; il peut conserver et faire travailler à très bas prix les jeunes gens qu'il dispense ainsi de la loi du recrutement.

Elle est contraire à l'esprit de cette loi, qui doit peser également, ou du moins dans des proportions égales, sur tous les départements; car elle dispense du recrutement un grand nombre de jeunes gens des environs de Saint-Etienne.

Elle est contraire à l'intérêt de l'armée, où il

est utile de faire entrer des jeunes gens qui connaissent la fabrication de différentes pièces d'un fusil.

Elle est contraire à l'intérêt de la manufacture même; car il est bon qu'elle renferme un grand nombre d'ouvriers qui aient été soldats.

Je prie M. le ministre d'avoir égard à ces observations, et de faire disparaitre cette clause quand le marché sera renouvelé.

Autres observations sur les fournitures de petits nécessaires d'armes.

Ce sont de petits outils avec lesquels les soldats démontent et nettoient leurs fusils; ils leurs sont fournis une première fois par l'Etat sur leurs premières mises, et ensuite quand les soldats les perdent, ce qui arrive assez souvent à cause de leur petitesse, on les remplace à leurs frais sur leurs masses de petit équipement. A cette occasion, je demande à M. le commissaire du roi s'il n'y aurait pas là des sommes à porter en recettes; car si ces petits nécessaires sont fournis par l'Etat et payés par le budget, et s'ils sont ensuite remboursés par le soldat, que deviennent les fonds ainsi remboursés?

Quoi qu'il en soit, ces petits nécessaires se payent actuellement 1 fr. 72 à un fournisseur qui est en possession de les fournir depuis longtemps.

Mais un autre fournisseur offre un nouveau modèle, que je trouve bien préférable, à 1 fr. 25; il y aurait donc une économie du quart.

Čes petits nécessaires étaient compris dans le dernier budget pour 80,000 francs.

Comme l'article où ils sont compris est porté pour 1834 à 260,000 francs au lieu de 250,000 fr., je suppose qu'ils y sont compris pour 200,000 fr.; l'économie serait donc de 25,000 francs.

Je prie M. le ministre de faire examiner ces marchés de nécessaires, ainsi que le nouveau modèle, et de faire faire une adjudication avec publicité et concurrence.

M. Martineau, commissaire du roi. Je répondrai à l'observation faite par l'honorable préopinant sur les petits nécessaires d'armes, et le moyen de les obtenir à des conditions plus avantageuses. Ces observations ont déjà été produites par

lui au sein de la commission qui a examiné le budget de la guerre pour l'exercice 1833; elles ont été recueillies avec soin, et lorsque les marchés actuellement existants pour les petits nécessaires d'armes auront cessé, on aura égard aux indications qu'il aura données. L'Administration ne négligera aucun moyen; elle mettra à profit ces indications, et tâchera d'obtenir ces fournitures à des conditions meilleures.

M. Larabit. Je prie M. le commissaire du roi de nous dire s'il n'y a pas ici une recette pour les petits nécessaires d'armes, et comment on en rend compte.

M. Martineau, commissaire du roi. Le dépar tement de la guerre ne fait aucune recette. D'après les principes qui régissent la comptabilité de ce département et en général la comptabilité publique, il est défendu à tout ministre ordonnateur de faire aucune espèce de recette. Cependant quelques objets matériels sont fournis en nature aux soldats; ils se précomptent sur leur solde, et donnent lieu à un versement d'égale somme au Trésor public. Dans le compte annuel publié par le département de la guerre, un tableau spécial comprend le détail exact de toutes les recettes de cette nature procurées au ministère des finances; et ces recettes s'élèvent, année commune, à un million environ.

Elles donnent lieu tous les ans à une vérification. C'est au ministre des finances à les comprendre dans les comptes qu'il est chargé de présenter à la Chambre; le département de la guerre ne peut que donner des indications qui servent à vérifier l'exactitude du compte présenté par le ministre des finances. La Chambre peut compter sur le soin qu'on apporte à ce que toutes les recettes généralement quelconques soient effectuées par le ministre des finances; le ministre de la guerre n'en fait aucune; les retenues faites aux soldats donnent lieu à des ordonnances dont le montant est versé dans les caisses publiques.

(La réduction de 375,000 francs, proposée par la commission, est adoptée.)

(Le chapitre XIII, réduit à 3,437,000 francs, est adopté.)

M. le Président. Chapitre XIV, Matériel du génie, 12 millions.

La commission propose de réduire sur ce chapitre 80,000 francs.

M. Martin (du Nord). Je m'étonne que l'un des commissaires du roi ne monte pas à la tribune pour réclamer contre l'ajournement proposé par la commission. Le gouvernement à demandé l'autorisation d'acquérir les bâtiments dits des Grands-Anglais, à Douai. La commission ne propose pas le rejet de cette allocation, mais elle a cru devoir, à une faible majorité, ajourner cette dépense. J'espère que la Chambre me permettra de lui soumettre de courtes observations, afin de faire voir que cet ajournement pourrait être préjudiciable.

L'allocation de 80,000 francs destinée à l'acquisition des bâtiments des Grands-Anglais avait été demandée au budget par le ministre de la guerre; mais cette demande a été présentée d'une manière inexacte, lorsqu'on a dit qu'elle avait pour but principal de placer à Douai un hôpital militaire, et que, dans le cas où cet hôpital militaire ne serait pas établi, on ferait des bâtiments des Grands-Anglais une caserne. La commission a pensé que ce bâtiment ne devait pas être employé à un hôpital militaire je partage à cet égard, et sans aucune hésitation, l'opinion de la commission.

Messieurs, depuis plus de 20 ans les hospices civils de Douai sont chargés du service des militaires malades; jamais on n'a élevé la moindre réclamation, et lorsque l'armée du Nord est dissoute, pourquoi admettre une innovation qui conduirait à des dépenses considérables en pure perte? D'ailleurs, les bâtiments des Grands-Anglais ne pourront jamais être consacrés sans imprudence à un hôpital militaire, puisque l'eau, qui est d'une indispensable nécessité à un établissement de cette nature, est à une distance très éloignée; aussi n'est-ce pas là la pensée du ministre de la guerre: sa pensée est de faire servir les bâtiments des Grands-Anglais à une augmentation de casernement, et sous ce rapport il y a intérêt évident à en faire prochainement l'acquisition.

La ville de Douai a une garnison d'artillerie très importante; le casernement est tellement insuffisant qu'on est obligé de cantonner une grande partie du régiment dans les campagnes. Je n'ai pas besoin de dire combien cette mesure nuit à la discipline, et quelle dépense elle entraîne. Il faut donc que le régiment d'artillerie soit caserné dans la ville même; le bâtiment des Grands-Anglais convient, sous tous les rapports,

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