Images de page
PDF
ePub

sera accueilli par nous avec la plus vive sollicitude; ainsi la nouvelle législation sur les douanes, impatiemment attendue, sera de notre part l'objet des plus sérieuses méditations et du plus consciencieux examen. »>

Sur ce paragraphe, M. Caumartin propose un amendement qui s'applique à la première partie. Je vais en donner lecture:

« Dans notre sincère amour du bien public, Sire, nous seconderons avec empressement vos efforts pour ouvrir de nouvelles sources de prospérité à notre industrie, à notre commerce, et surtout à notre agriculture, pour laquelle il reste beaucoup à faire. »

La parole est à M. Caumartin.

M. Caumartin. Messieurs, l'amendement que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre a pour objet d'attirer d'une manière plus particulière l'attention du gouvernement sur les intérêts de l'agriculture. Le commerce prospère en France, et tous les amis du pays se réjouissent de sa situation actuelle sous ce rapport. L'industrie manufacturière a fait des progrès immenses, obtenu d'heureux développements; mais l'industrie agricole est loin d'avoir recueilli les mêmes avantages. L'industrie agricole est restée en arrière de toutes les autres, je pourrais dire qu'aujourd'hui elle est dans un véritable état de souffrance.

Cependant, Messieurs, cette industrie est depuis longtemps reconnue comme la plus utile. L'industrie agricole occupe la majeure partie des habitants du pays; elle est, de toutes, la plus pénible, la plus laborieuse, la plus exposée aux risques, aux mécomptes, parce qu'elle est soumise à l'influence capricieuse des saisons. Elle est aussi la moins lucrative relativement aux avances qu'elle exige, aux peines, aux inquiétudes auxquelles elle expose ceux qui s'y adon.

nent.

:

Sous tous ces rapports donc, l'industrie agricole est de toutes, celle que le gouvernement devrait le plus encourager et protéger. Eh bien, Messieurs, c'est tout le contraire qui arrive la plupart de nos lois d'économie politique, qui ont plus ou moins de rapport avec l'agriculture, sont loin d'être favorables à ses progrès, à ses développements. Les lois spéciales, les mesures administratives qui devraient avoir particulièrement pour objet l'encouragement et la protection de l'agriculture, sont toujours ajournées, et notre législation, sous tous ces rapports d'un si haut intérêt, est encore dans un état d'imperfection véritablement déplorable.

L'agriculture, Messieurs, est un art difficile qui a besoin d'enseignement, comme toutes les sciences et tous les arts qui tendent au bien-être général. Eh bien! de tous les enseignements, celui de l'agriculture est le plus négligé. Nous possédons bien pour l'enseignement théorique et pratique de cet art quelques fermes-modèles d'une utilité généralement reconnue, mais leur influence ne s'étend que dans un rayon rétréci, et tous les conseils généraux de départements, convaincus depuis longtemps de leur utilité, ont presque tous demandé à être dotés d'établissements semblables. Cependant le nombre des fermes-modèles ne s'est pas augmenté.

Dans une de vos dernières séances, un honorable membre de cette Chambre a proposé l'allocation de quelques fonds, pour l'établissement de comices agricoles qui offrent quelques-uns des avantages des fermes-modèles, en propa

geant les résultats les plus certains de leurs expériences et leurs procédés les mieux éprouvés. Eh bien! ces fonds ont été refusés.

Des communications faciles, des exploitations rurales avec les marchés publics, seraient pour l'agriculture d'une immense utilité. La plupart des cultivateurs sont séparés des routes départementales par des distances plus ou moins considérables, et pour arriver à ces grandes voies de communication, ils sont exposés à des transports presque impraticables dans les saisons où ils doivent avoir lieu; ils sont ainsi obligés de vendre, au lieu de production, leur récolte, et trop souvent à vil prix.

L'élève des chevaux, des bestiaux, des bêtes à laine, qui est une des principales branches de notre industrie agricole, et qui est susceptible de tant d'accroissement, n'a pas reçu jusqu'à présent les encouragements dont le besoin se fait généralement sentir. Sous tous ces rapports, nous payons encore à l'étranger un tribut qui, réparti sur l'industrie agricole du pays, produirait les résultats les plus avantageux.

Enfin, Messieurs, une nouvelle culture s'est introduite en France depuis quelques années. Je veux parler de la culture de la betterave. Les produits précieux qu'on en extrait n'ont été obtenus qu'au prix d'immenses sacrifices, qu'à force d'essais dispendieux, ruineux même pour la plupart de ceux qui s'y sont adonnés les premiers. A peine cette industrie commencet-elle à prospérer, et déjà l'année dernière la fabrication du sucre de betterave a été menacée d'un impôt. Les eaux-de-vie, les alcools, qu'on en obtient, ont été jusqu'à présent exempts de tout droit. Mais depuis cette année, si je suis bien informé, sans que la législation soit changée, quelques produits de la betterave sont frappés d'un droit, par pure analogie, qui double la valeur de ces produits, et porte la perturbation dans cette industrie naissante, d'un si grand intérêt pour nos départements du Nord et pour toute la France.

Vous voyez, Messieurs, que, sous tous ces rapports, nous ne saurions trop appuyer dans l'adresse sur la nécessité de ces améliorations, que réclament les intérêts dé l'agriculture.

Ainsi qu'on le disait dans une de nos dernières séances, nos ouvriers industriels ont recueilli des avantages immenses de notre situation actuelle. Mais, Messieurs, le laboureur est loin d'être dans une position aussi favorable. L'existence de nos agriculteurs, de cette classe si nombreuse, si intéressante, si digne de notre sollicitude, est encore aujourd'hui la plus misérable sous le rapport du logement, de la nourriture et des premières nécessités de la vie. Il est bien temps, Messieurs, de s'occuper d'une classe d'hommes qui a tant de droits aux encouragements, à la protection du gouvernement.

Ces développements suffisent sans doute, Messieurs, pour vous faire sentir l'intérêt de l'amendement que je propose, et pour en déterminer l'adoption.

Je crois donc, Messieurs, que ces considérations seront suffisantes pour nous déterminer à adopter mon amendement qui a seulement pour but d'appeler d'une manière plus spéciale sur une des classes les plus importantes de la société l'attention du gouvernement. (Appuyé!)

M. Duboys (d'Angers). Je ne pense pas que l'amendement de notre honorable collègue rencontre d'adversaire dans cette Chambre. Nous

savons tous que dans plusieurs parties de la France, et notamment dans le département de l'Ouest, l'agriculture est encore soumise à l'empire d'une aveugle routine. On réclame de toutes parts des enseignements et des encouragements. Je ne citerai point de faits pour ne pas abuser des moments de l'Assemblée, et j'aurais peu de chose à ajouter à ce qui a été si bien exposé par l'honorable préopínant; je me bornerai à appuyer l'amendement qui a pour but d'appeler l'attention du gouvernement sur l'agriculture.

M. Pétou. J'accepte avec empressement les espérances contenues dans le cinquième paragraphe soumis en ce moment à votre délibération.

J'appelle de tous mes vœux la réalisation des efforts qui seront tentés pour ouvrir à l'agriculture, au commerce et à l'industrie de nouvelles sources de prospérité. Je désire d'autant plus que la Chambre s'occupe le plus tôt possible de ces grands intérêts, qu'à entendre certains orateurs, le commerce et l'industrie seraient dans l'état le plus florissant; que dis-je, d'après leur pompeux langage, nous regorgerions de prospérités; enfin ils veulent à toute force nous laisser sous le charme d'une prospérité qui décroît chaque jour.

Oui, Messieurs, cette prospérité que l'on proclame si haut n'est plus la même. Prenez vos renseignements dans les villes manufacturières, demandez aux fabricants d'Elbeuf et de Louviers si, depuis trois mois, les transactions commerciales n'ont pas reçu la plus rude atteinte.....

Ils vous diront qu'ils conçoivent les inquiétudes les plus fondées, non seulement pour le présent, mais encore pour l'avenir puisqu'il serait impossible d'assigner un terme à ce décroissement de prospérité.

Ils vous diront enfin qu'ils ne peuvent plus entretenir leurs nombreux ouvriers; en effet, la plupart de ces ouvriers cherchent du travail sans pouvoir en trouver. Voilà, Messieurs, l'exacte vérité.

Il est donc nécessaire que MM. les ministres connaissent mieux l'état actuel des choses, afin que l'on cesse de se prévaloir de cette prospérité que l'on présente sans cesse sous l'aspect le plus favorable, pour maintenir le fardeau des impôts qui surchargent les contribuables.

Je souhaite que la loi projetée sur les douanes change, s'il est possible, un état de choses si menaçant pour l'industrie manufactière, je dirai plus, menaçant pour tous les intérêts.

M. Larabit. J'appuie l'amendement de M. Caumartin, et j'espère que les députés des pays agricoles, des pays de labour, n'oublieront pas que la culture de la vigne est aussi une partie importante de l'agriculture, qu'elle fait vivre quatre ou cinq millions de Français.

J'espère qu'ils ne lui refuseront plus de lui accorder de justes encouragements par de bons traités de commerce pour favoriser l'exportation des produits de la vigne, et par un meilleur système d'impôts pour favoriser et généraliser la consommation intérieure, qui est aujourd'hui grevée de charges et d'entraves trop onéreuses. (L'amendement de M. Caumartin est mis aux voix, et adopté à une forte majorité.)

M. de Tracy. Au lieu de cette phrase:

<< Tout ce qui intéresse les classes laborieuses, tout ce qui a pour but de répandre et d'honorer le travail," je propose celle-ci :

« Tout ce qui tend à accroître les moyens

[ocr errors]

d'existence et les ressources des classes ouvrières, en augmentant la demande du travail et sa juste rétribution. »

M. de Tracy. Messieurs, ce que j'ai l'honneur de vous proposer est moins un amendement qu'une nouvelle rédaction. J'ai cru que cette rédaction répondait à la pensée de la commission, et surtout à la pensée du discours de la Couronne. Si la Chambre en juge de même, j'épargnerai ses moments. Dans le cas contraire, je demande à développer mon amendement. (Parlez! parlez!)

M. le Président. On ne peut vous dire d'avance si votre amendement sera adopté ou rejeté. Cet amendement est-il appuyé? (Oui! oui! Non! non!)

M. de Tracy. Je demande la parole. Messieurs, je sais que l'adresse que vote la Chambre, ainsi que le discours de la Couronne, sont des actes d'une nature grave, et qui doivent être traités avec une réserve convenable en pareille circonstance. Je sais que procéder autrement serait manquer à la dignité que la Chambre doit conserver. Mais je désire aussi, lorsque la Chambre s'explique, que ce soit avec netteté et précision.

Or, je ne trouve point dans la rédaction de la commission ce que je désirerais.

En effet, Messieurs, je vois avec plaisir, dans le discours de la Couronne, que le gouvernement vous prie de seconder ses efforts pour répandre l'aisance avec le travail dans toutes les classes de la population. Je trouve cette expression, partie du ministère, excellente.

Qu'a répondu la commission? Elle répond que tout ce qui intéresse le sort des classes laborieuses, tout ce qui pourra répandre le travail et l'honorer, sera l'objet de sa sollicitude.

D'abord, Messieurs, je ferai une observation: c'est que cette expression, classes laborieuses, me paraît vague, j'oserais presque dire peu convenable. En effet, toutes les classes doivent être laborieuses chacune dans leur sphère. Il n'est permis à personne de ne pas être laborieux: le magistrat sur son siège, l'homme de lettres dans son cabinet, le général à la tête d'une armée, tous doivent être laborieux.

M. Lherbette. Je demande la parole.

M. de Tracy. Mais il est certain qu'il existe dans un pays des classes ouvrières.

Ensuite on dit que l'on veut répandre le travail et l'honorer. Comment! en serions-nous venus au point de sentir la nécessité d'honorer le travail? Il est impossible que la commission y ait sérieusement pensé. Certes, nous n'avons pas besoin de prouver que le travail doit être honoré. Nous n'en sommes plus au temps où l'on disait que le travail déroge. Je ne vois rien dans la réponse de la commission qui soit applicable à ce que le gouvernement a dit, et le gouvernement avait beaucoup mieux dit que la commission n'a répondu.

Que dis-je, moi? Me saisissant de ce que le gouvernement adresse à la Chambre, je l'explique, je le développe, et j'exprime le vœu que les classes ouvrières obtiennent de leur travail les plus grandes sommes de rétribution possible; et il n'y a pas d'autre moyen pour cela que la demande du travail, et cette demande est le résultat d'une foule de circonstances qui doivent être l'objet de la sollicitude la plus active de la part des représentants de la nation.

en votant? Ayez quelque confiance dans nos concitoyens, dans leur courage.

Je reconnais tout le premier qu'il faut du courage pour être juré, je reconnais que le banc de la cour d'assises est un véritable banc de douleur réellement plus endolorant que celui qui est devant moi. Pourquoi ne pas croire que les jurés se conduisent comme réellement ils se conduisent?

Permettez-moi de citer un fait. Je présidais la chambre dans laquelle on a porté le dernier procès des républicains. J'ai été d'avis que 32 individus devaient être mis en prévention; la cour royale a cru, dans sa sagesse, devoir écarter de la prévention 5 individus. Ai-je poursuivi ces individus de mon indignation, parce que la cour royale avait cru devoir les écarter de la prévention? Nullement; j'ai béni la cour royale d'avoir réparé mon erreur. Le jury les a tous acquittés, je me suis soumis au verdict du jury. C'est un principe élémentaire en matière criminelle; l'accusé est réputé innocent jusqu'au moment de la condamnation. Lors donc que la cour royale écarte la prévention, elle remplit son devoir comme le jury remplit le sien, comme nous avons rempli le nôtre. Je crois qu'il n'est pas d'objection raisonnable contre mon amendement. (Aux voix! aux! voix !)

M. Gillon (Jean-Landry.) Il me paraît excessivement dangereux de mettre en opposition et la magistrature et le jury, en se servant à l'égard de tous deux d'expressions différentes. Tous deux doivent être compris dans un même sentiment, le besoin de les voir se consacrer de toutes leurs forces à la défense des libertés du pays, à la conservation de l'ordre public, au maintien du gouvernement.

Ainsi l'indépendance, la sagesse, la fermeté, ne sont pas plus les devoirs du jury que du magistrat. Tous ces devoirs sont également imposés et à ceux-là qui remplissent par accident les hautes fonctions de jurés et à ceux-là qui sont revêtus pour toujours des honorables fonctions de magistrats Je vous le dis, s'il n'y a pas alliance parfaite de la magistrature et du jury, l'une des plus solides garanties du repos et de la tranquilité sociale se trouve compromise. Unis de pensée et d'action, ces deux corps prêtent à notre gouvernement un appui qui le rend inébranlable car ils sont à eux deux les plus nobles forces sociales; mais, divisés, ils exposent la paix publique à des convulsions sans cesse renaissantes.

Or, croit-on que ce soit favoriser une alliance si chère au cœur des bons citoyens, aux véritables et sincères amis de la monarchie de Juillet, que de louer la magistrature aux dépens du jury? et, d'ailleurs, il s'agit bien moins d'éloges que de conseils, d'approbation que d'avis de direction, et du présent que de l'avenir. Pourquoi? parce que personne ici n'a le droit de juger ni la magistrature ni le jury. Pourquoi encore? parce qu'il ne s'agit pas seulement de Paris, mais de la France tout entière. Ce sont les magistrats de tous les tribunaux, ce sont les jurés répandus sur toute la surface du royaume qui ont besoin de fermeté, d'indépendance, de sagesse. Que l'adresse confonde pour eux tous l'expression de ce vou, comme les honnêtes gens confondent dans un même sentiment l'espérance qu'ils en conçoivent pour le bonheur du pays.

En combattant les deux amendements pro

[blocks in formation]

M. Salverte. J'adhérerai au sous-amendement de l'honorable M. Gillon avec une légère addition; je demande que l'on dise : « La fermeté et l'indépendance de la magistrature et du jury. » (Mouvements divers.)

M. Gillon (Jean-Landry). J'accepte volontiers le sous-amendement, et je rends grâce à mon collègue de m'avoir fourni l'occasion d'achever le développement de ma proposition.

La fermeté est nécessaire aux magistrats, mais elle l'est davantage aux jurés, car le jury est assailli à la fois et par les bonnes et par les mauvaises passions. Il trouve dans les sentiments d'humanité même quelque chose qui vient combattre la nécessité de la condamnation. Ainsi, la fermeté et l'indépendance sont les conditions essentielles pour l'exercice des fonctions du juré rappelons-lui ces difficiles devoirs. Le magistrat à son tour y trouvera une excitation à accomplir les siens. Je vous conjure de remarquer (et les rumeurs que j'entends m'avertissent de vous donner de nouveau cet avis) qu'il ne s'agit pas de tout louer, de tout approuver, qu il ne s'agit pas non plus ici du passé, du présent, mais de l'avenir car c'est à l'avenir que nous demandons de consolider nos institutions monarchiques et libérales. Le projet d'adresse allie la garde nationale et la magistrature: cependant il est des points du royaume où la garde nationale, à Colmar, par exemple, a mérité d'être dissoute. Ce n'est donc pas un panégyrique universel pour la garde nationale que contient l'adresse; je dirai à ceux qui veulent juger le jury: il en de même pour le jury; mais après que des amendements ont proposé d'en intercaler le nom à côté de celui de la magistrature, refuser de les unir dans un même sentiment, ce serait une imprudence qui blesserait mes devoirs, comme député et comme magistrat, mes affections comme citoyen, et ma confiance comme mandataire, car songez que c'est de la plus grande partie des jurés que nous tenons nos mandats. (Très bien! très bien !)

M. le Président. Ainsi c'est du consentement de tout le monde que le sous-amendement de M. Gillon...

M. Charles Dupin. Non! non! (Bruit..) Je demande à répondre à l'honorable M. Gillon, et à m'expliquer sur la manière dont la question se présente.

Je déclare que lorsque M. Dumon est monté à la tribune, j'ai trouvé qu'il avait dit des choses parfaitement raisonnables et auxquelles j'adhère pleinement; j'irai plus loin: il a dit des choses auxquelles la majorité de la Chambre adhère. (Exclamation aux extrémités.) Un moment, Messieurs; si j'ai tort, le vote le prouvera. Permettez-moi de complèter ma pensée.

La nouvelle proposion qui vous est faite n'est autre chose qu'un faux-fuyant pour reproduire

la première. Je demande pardon à notre honorable collègue je ne veux rien dire d'offensant, je veux seulement exprimer mon opinion. On vous présente une rédaction qui, couvrant des mêmes éloges deux institutions également respectables sans doute, mais qui ne sont pas dans la même position sociale, qui ne remplissent pas des fonctions de la même nature... (Nouvelle interruption.)

Puisque vous êtes partisans de la liberté, laissez-moi donc expliquer ma pensée.

Que voulez-vous dire en assimilant la magistrature au jury? Voulez-vous déclarer que vous êtes complètement satisfaits de la manière dont se sont passées toutes choses, et pour ce qui concerne la magistrature et pour ce qui concerne le jury?.. Ceux qui le voudront, pourront dire : Oui! Quant à moi, je le dirai dans mon âme et conscience, sans passion, sans prévention, j'ai vu des choses qu'il m'est impossible de louer comme des actes de fermeté et d'indépendance; j'en ai vu, j'en ai vu beaucoup... (Bruit aux extrémités.)

Je parle ici en honnête homme, Messieurs, et je ne crois pas avoir dit rien qui soit déraisonnable.

Eh bien, quand nous sommes en présence de faits, lorsque la majorité de la Chambre, prononçant dans le fond de sa conscience, sait que telle est la vérité, je dis que vous ne devez pas accepter un amendement qui est une manière détournée de donner à votre vote une acception qui ne serait pas dans votre opinion sincère. A présent, vous voterez comme vous voudrez (On rit à gauche); moi je vote contre.

M. Gillon (Jean-Landry). J'ai parlé assez clairement pour que personne ne doute que vous dénaturez entièrement ma pensée et mes désirs.

M. le Président. Les auteurs de l'amendement et du sous-amendement sont d'accord de vous proposer la rédaction suivante: "... L'indépendance et la fermeté de la magistrature et du jury. »

Je consulte la Chambre.

(L'amendement est mis aux voix. Les extrémités se lèvent pour; les membres des centres se lèvent contre.)

M. le Président, après avoir pris l'avis des secrétaires: Le bureau est divisé sur le résultat du vote.

M. Odilon Barrot. Voilà le jury blâmé. (Bruits divers.)

M. le Président. L'épreuve va être renouvelée. M. Gillon (Jean-Landry). Songez donc qu'il ne s'agit pas d'éloges, mais de conseil, d'espoir, d'encouragement; ne divisez pas deux institutions qui ne peuvent pas plus être divisées que les deux mains.

M. Odilon Barrot. C'est un blâme contre le jury. (Vives réclamations au centre.)

Quelques voix: A l'ordre! à l'ordre!... (Agitation prolongée.)

M. le Président.. On va renouveler l'épreuve. Ayez, Messieurs, je vous prie, un peu de ce calme, de cette égalité qu'on souhaite à la magistrature et au jury. (Le silence se rétablit.)

(L'amendement est mis de nouveau aux voix. M. le Président, après avoir consulté le bureau, déclare que l'amendement est rejeté.

(Le paragraphe 4 de l'adresse est mis aux voix et adopté.)

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

« Signé: SENNÉ,

Député de la Charente-Inférieure. » Marennes, 4 janvier 1834. »

La Chambre s'occupe de la validation de pouvoirs.

M. Pons, au nom du 9° bureau, propose et la Chambre adopte l'admission de MM. Prunelle, élu dans le département de l'Isère, et Hovius (de Saint-Malo), élu par le 3e arrondissement électoral d'Ille-et-Vilaine.

(MM. Prunelle et Hovius sont proclamés membres de la Chambre.)

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet d'adresse au roi.

Paragraphe 5. - «Dans notre sincère amour du bien public, Sire, nous seconderons avec empressement vos efforts pour ouvrir à notre industrie, à notre commerce et à notre agriculture de nouvelles sources de prospérité. Tout ce qui intéresse les classes laborieuses, tout ce qui a pour but de répandre et d'honorer le travail,

sera accueilli par nous avec la plus vive sollicitude; ainsi la nouvelle législation sur les douanes, impatiemment attendue, sera de notre part l'objet des plus sérieuses méditations et du plus consciencieux examen. »>

Sur ce paragraphe, M. Caumartin propose un amendement qui s'applique à la première partie. Je vais en donner lecture:

« Dans notre sincère amour du bien public, Sire, nous seconderons avec empressement vos efforts pour ouvrir de nouvelles sources de prospérité à notre industrie, à notre commerce, et surtout à notre agriculture, pour laquelle il reste beaucoup à faire. »

La parole est à M. Caumartin.

M. Caumartin. Messieurs, l'amendement que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre a pour objet d'attirer d'une manière plus particulière l'attention du gouvernement sur les intérêts de l'agriculture. Le commerce prospère en France, et tous les amis du pays se réjouissent de sa situation actuelle sous ce rapport. L'industrie manufacturière a fait des progrès immenses, obtenu d'heureux développements; mais l'industrie agricole est loin d'avoir recueilli les mêmes avantages. L'industrie agricole est restée en arrière de toutes les autres, je pourrais dire qu'aujourd'hui elle est dans un véritable état de souffrance.

Cependant, Messieurs, cette industrie est depuis longtemps reconnue comme la plus utile. L'industrie agricole occupe la majeure partie des habitants du pays; elle est, de toutes, la plus pénible, la plus laborieuse, la plus exposée aux risques, aux mécomptes, parce qu'elle est soumise à l'influence capricieuse des saisons. Elle est aussi la moins lucrative relativement aux avances qu'elle exige, aux peines, aux inquiétudes auxquelles elle expose ceux qui s'y adon.

nent.

Sous tous ces rapports donc, l'industrie agricole est de toutes, celle que le gouvernement devrait le plus encourager et protéger. Eh bien, Messieurs, c'est tout le contraire qui arrive : la plupart de nos lois d'économie politique, qui ont plus ou moins de rapport avec l'agriculture, sont loin d'être favorables à ses progrès, à ses développements. Les lois spéciales, les mesures administratives qui devraient avoir particulièrement pour objet l'encouragement et la protection de l'agriculture, sont toujours ajournées, et notre législation, sous tous ces rapports d'un si haut intérêt, est encore dans un état d'imperfection véritablement déplorable.

L'agriculture, Messieurs, est un art difficile qui a besoin d'enseignement, comme toutes les sciences et tous les arts qui tendent au bien-être général. Eh bien! de tous les enseignements, celui de l'agriculture est le plus négligé. Nous possédons bien pour l'enseignement théorique et pratique de cet art quelques fermes-modèles d'une utilité généralement reconnue, mais leur influence ne s'étend que dans un rayon rétréci, et tous les conseils généraux de départements, convaincus depuis longtemps de leur utilité, ont presque tous demandé à être dotés d'établissements semblables. Cependant le nombre des fermes-modèles ne s'est pas augmenté.

Dans une de vos dernières séances, un honorable membre de cette Chambre a proposé l'allocation de quelques fonds, pour l'établissement de comices agricoles qui offrent quelques-uns des avantages des fermes-modèles, en propa

geant les résultats les plus certains de leurs expériences et leurs procédés les mieux éprouvés. Eh bien! ces fonds ont été refusés.

Des communications faciles, des exploitations rurales avec les marchés publics, seraient pour l'agriculture d'une immense utilité. La plupart des cultivateurs sont séparés des routes départementales par des distances plus ou moins considérables, et pour arriver à ces grandes voies de communication, ils sont exposés à des transports presque impraticables dans les saisons où ils doivent avoir lieu; ils sont ainsi obligés de vendre, au lieu de production, leur récolte, et trop souvent à vil prix.

L'élève des chevaux, des bestiaux, des bêtes à laine, qui est une des principales branches de notre industrie agricole, et qui est susceptible de tant d'accroissement, n'a pas reçu jusqu'à présent les encouragements dont le besoin se fait généralement sentir. Sous tous ces rapports, nous payons encore à l'étranger un tribut qui, réparti sur l'industrie agricole du pays, produirait les résultats les plus avantageux.

Enfin, Messieurs, une nouvelle culture s'est introduite en France depuis quelques années. Je veux parler de la culture de la betterave. Les produits précieux qu'on en extrait n'ont été obtenus qu'au prix d'immenses sacrifices, qu'à force d'essais dispendieux, ruineux même pour la plupart de ceux qui s'y sont adonnés les premiers. A peine cette industrie commencet-elle à prospérer, et déjà l'année dernière la fabrication du sucre de betterave a été menacée d'un impôt. Les eaux-de-vie, les alcools, qu'on en obtient, ont été jusqu'à présent exempts de tout droit. Mais depuis cette année, si je suis bien informé, sans que la législation soit changée, quelques produits de la betterave sont frappés d'un droit, par pure analogie, qui double la valeur de ces produits, et porte la perturbation dans cette industrie naissante, d'un si grand intérêt pour nos départements du Nord et pour toute la France.

Vous voyez, Messieurs, que, sous tous ces rapports, nous ne saurions trop appuyer dans l'adresse sur la nécessité de ces améliorations, que réclament les intérêts dé l'agriculture.

Ainsi qu'on le disait dans une de nos dernières séances, nos ouvriers industriels ont recueilli des avantages immenses de notre situation actuelle. Mais, Messieurs, le laboureur est loin d'être dans une position aussi favorable. L'existence de nos agriculteurs, de cette classe si nombreuse, si intéressante, si digne de notre sollicitude, est encore aujourd'hui la plus misérable sous le rapport du logement, de la nourriture et des premières nécessités de la vie. Il est bien temps, Messieurs, de s'occuper d'une classe d'hommes qui tant de droits aux encouragements, à la protection du gouvernement. Ces développements suffisent sans doute, Messieurs, pour vous faire sentir l'intérêt de l'amendement que je propose, et pour en déterminer l'adoption.

Je crois donc, Messieurs, que ces considérations seront suffisantes pour nous déterminer à adopter mon amendement qui a seulement pour but d'appeler d'une manière plus spéciale sur une des classes les plus importantes de la société l'attention du gouvernement. (Appuyé!)

M. Duboys (d'Angers). Je ne pense pas que l'amendement de notre honorable collègue rencontre d'adversaire dans cette Chambre. Nous

« PrécédentContinuer »