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Art. 1er. Les propriétaires ont le droit d'opérer eux-mêmes le dessèchement de leurs marais, en se conformant aux plans approuvés, sous la condition d'en faire la déclaration dans les 15 jours qui suivront la dernière décision du préfet, dont il est parlé dans l'article précédent.

Ils devront rembourser préalablement aux entrepreneurs le montant de toutes les dépenses faites, et payer en sus une indemnité montant au tiers de ces frais.

Art. 2. Un propriétaire ne pourra exercer ce droit d'option que s'il possède moitié au moins des terrains compris dans le périmètre du marais. Une réunion de propriétaires possédant la moitié des terrains aura le même droit d'option.

Art. 3. Si, parmi ces propriétaires de marais, il y a une ou plusieurs communes, leur option ne sera définitive qu'après l'autorisation de l'autorité supérieure, et faute de présenter cette déclaration dans le délai d'un mois, l'option sera nulle.

TITRE VII. Réception des travaux et partage des terrains.

Art. 1er. Après la réception des travaux faite par un ingénieur des ponts et chaussées délégué par le préfet, il sera procédé au partage.

Art. 2. Des lots égaux en valeur seront faits par les entrepreneurs.

Les propriétaires auront le droit de choisir entre ces lots, et devront notifier leur choix, dans le délai d'un mois, à dater du jour où le partage aura été affiché dans les communes intéressées.

A défaut de faire connaître leur choix, le sort en décidera en présence du maire.

Art. 3. L'acte de partage devant constituer le titre de propriété des terrains acquis aux entrepreneurs, sera homologué au tribunal de première instance du chef-lieu, inscrit au bureau des hypothèques, et ne sera soumis qu'au droit fixe d'un franc.

Art. 4. Les droits hypothécaires seront restreints, et ne pourront porter que sur la part revenant au débiteur. L'exercice de ces droits restera dans le droit commun.

TITRE VIII. Entretien et conservation
des travaux de dessèchement.

Art. 1er. Durant le cours des travaux de dessèchement, les canaux, fossés, rigoles, digues et autres ouvrages, seront entretenus et gardés aux frais des entrepreneurs de dessèchement.

Art. 2. A compter de la réception des travaux de dessèchement, l'entretien et la garde seront à la charge des propriétaires, taut anciens que

nouveaux.

Art. 3. La conservation des travaux de dessèchement, celle des digues contre les torrents, rivières et fleuves, et sur les bords des lacs et de la mer, est commise à l'administration publique. Toutes réparations des dommages seront poursuivies par voie administrative, comme pour les objets de grande voirie. Les délits seront poursuivis par les voies ordinaires, soit devant les tribunaux de police correctionnelle, soit devant les cours criminelles, en raison des cas.

Art. 4. Pour la répartition de la cotisation annuelle à payer pour subvenir aux entretien et

conservation dont il vient d'être parlé, il sera formé un syndicat choisi parmi les propriétaires.

Ce syndicat sera composé de 3 syndics au moins et de 9 au plus, suivant l'importance et l'étendue des terrains desséchés. Le préfet en décidera, et, en cas de réclamation de la part des propriétaires, il en sera référé à l'autorité supérieure.

Les propriétaires réunis, sous la présidence et à la diligence du souspréfet, procéderont sur-lechamp à la nomination des syndics, qu'ils choisiront parmi les 30 plus imposés d'entre eux.

TITRE IX. Dispositions générales.

Art. 1er. Si les entrepreneurs, propriétaires ou communes chargés du dessèchement d'un marais, venaient à manquer à l'ordre des travaux indiqués au chapitre IIl du titre III de la présente loi ils deviendront passibles de tous les dommages qui pourraient être demandés; ils seront, en outre, déchus de tous leurs droits à la continuation de leur entreprise, et perdront toutes les dépenses qu'ils auraient déjà faites.

Si c'étaient des communes ou propriétaires en possession de l'exécution par le droit d'option qui encourussent cette déchéance, le dessèchement adviendrait de droit aux entrepreneurs auteurs du projet.

Art. 2. La déchéance sera prononcée par le préfet un mois après une mise en demeure préalable. Art. 3. Toute mutation de propriété de terrains desséchés ne sera soumise, pendant les 3 premières années, qu'au droit fixe d'un franc pour l'enregistrement des actes de propriété.

Art. 4. Tout terrain desséché ne sera pas augmenté d'impôts les 25 premières années.

Art. 5. Si, pour opérer les travaux de dessèchement, il faut exproprier un immeuble, usine, terrain, ou toute autre propriété hors du périmètre du dessèchement, cette expropriation se fera avec les formalités et sous le régime de la loi d'expropriation forcée du 8 février 1833.

Toutefois, si les terrains à exproprier sont dans le périmètre du marais, les entrepreneurs devront en faire compensation aux proprietaires, lors du partage après la réception des travaux, en proportion de la quantité de terrains prisé sur les propriétés de chacun, et selon la classe du marais.

Art. 6. Si les travaux causent des chômages ou des diminutions dans le volume des eaux d'une usine, ces dommages seront estimés contradictoirement à dire d'experts nommés de part et d'autre. En cas de désaccord de ces deux experts, un ingénieur nommé par le préfet les départagera, et sa décision sera sans appel.

M. le Président. Les développements de la proposition de M. Laffitte auront lieu à la séance de mardi.

M. Bavoux a la parole pour présenter sa proposition de loi sur le divorce.

M. Bavoux. « Les dispositions du Code civil sur le divorce sont rétablies. »

Voilà ma proposition. Je ne crois pas être dans la nécessité de la développer. Il n'est pas de question sur laquelle l'opinion de la Chambre soit plus arrêtée; je me réfère aux développements qui ont été présentés à la dernière session. Il faut donner à l'autre Chambre un temps suffisant pour qu'elle soit dans la nécessité de se pro

noncer.

La Chambre indiquera le jour qu'elle voudra pour procéder à la nomination d'une commission,

si, comme elle l'a déjà fait trois fois, elle prend ma proposition en considération.

Voix diverses: A mardi!

M. le Président. La parole est au rapporteur de la commission (1) chargée d'examiner divers projets de loi concernant des pensions à accorder à mesdames veuves Jourdan, Decaen, Daumesnil et Gérard.

M. Vatout, rapporteur.

1er RAPPORT.

(Pension demandée pour la veuve du maréchal Jourdan).

Messieurs, c'est toujours pour un peuple un acte de haute importance que de décerner une récompense nationale. Dignement placé, ce gage de la reconnaissance publique excite parmi tous les citoyens une salutaire émulation; trop légèrement prodigué, il perdrait de sa valeur, il ne remplirait plus le vœu de la patrie. Il faut donc s'en montrer avare pour lui conserver pur tout son éclat. Telle est la pensée qui a guidé votre commission dans l'examen de la vie et des titres du maréchal Jourdan.

Né à Limoges en 1762, Jourdan avait à peine atteint l'âge de porter un fusil, qu'il partit enrôlé volontaire pour la guerre d'Amérique. De retour, après 12 ans, dans sa ville natale, à l'époque où commençait ce grand mouvement national qui devint la Révolution, il embrassa la cause de la liberté avec toute la chaleur des principes qu'il avait puisés aux Etats-Unis. Mais c'était sur les champs de bataille qu'il était appelé d'abord à la servir. Elevé dans l'espace de 3 mois du commandement d'un bataillon de volontaires au grade de général de division, il signala, pour la première fois, avec éclat, à la journée d'Hondschoote, ces talents militaires qui présagent les victoires aussi la bataille de Watignies qui força le prince de Cobourg à lever le siége de Maubeuge, ne tarda pas à couronner ses armes. Le Comité de salut public, jaloux sans doute d'une gloire qui commençait à lui faire ombrage, le rappela; mais cette disgrâce ne fut que passagère. Les députés de la Convention vinrent bientôt, à Limoges, lui offrir un nouveau commandement ils trouvèrent Jourdan, livré aux habitudes paisibles du commerce; son épée et son habit étaient suspendus dans son modeste asile. Un mois après, il était à la tête de cette jeune et belle armée de Sambre-et-Meuse qui comptait dans ses rangs les Moreau, les Lefebvre, les Kléber, les Championnet, les Marceau; et il chassait devant lui 20,000 Autrichiens, mis en déroute au combat d'Arlon; et Charleroi lui ouvrait ses portes, et, le 26 juin 1794, il gagnait dans les plaines de Fleurus cette bataille mémorable qui a immortalisé son nom.

Tel fut le capitaine. Si nos regards se portent sur l'homme d'Etat, nous le voyons administrer le Piémont avec autant de sagesse que d'intégrité; (2) nous le voyons au conseil des CinqCents, plus tard à la Chambre des pairs, éclairer

(1). Cette commission est composée de MM. le comte Jaubert, Félix Réal, André, Barbet, Vatout, Dubois (Loire-Inférieure), Auguis, le genéral Sémélé, le vicomte Cornudet.

(2) Seize ans après, le roi de Sardaigne rentré dans ses Etats, envoya au maréchal Jourdan, comme gage de sa satisfaction, une boite enrichie de diamants.

de son expérience les hautes questions militaires et défendre les institutions chères à la liberté. Aussi Jourdan salua-t-il avec joie la Révolution de Juillet, heureux de lui prêter, comme ministre des affaires étrangères, l'autorité de son nom et de ses souvenirs; c'était dire à l'Europe que la France voulait faire respecter les couleurs de Fleurus.

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Napoléon qui, sur le trône, avait eu quelque peine à lui pardonner sa résistance au 18 brumaire (1), lui rendait plus de justice à SainteHélène Jourdan, disait-il, a toujours montré cette élévation d'âme qui honore et classe les gens; c'est un vrai patriote. En effet, Jourdan avait ces vertus antiques qui font les grands citoyens. Simple et modeste, il aimait å reporter ses pensées et ses affections vers la ville qui l'avait vu naître et partir comme volontaire. Dans son salon, un tableau qui représentait les magistrats de Limoges venant annoncer à sa famille la victoire de Fleurus, rappelait l'humble retraite où il avait reçu le jour; et celui qui avait commandé des armées et gagné des batailles, accepta de ses concitoyens, comme un honneur, en 1830, le titre de premier grenadier dans les rangs de leur garde nationale. Le courage civil égalait en lui le courage militaire. Ainsi, sous la Restauration, appelé à présider le conseil qui devait juger un illustre accusé, il imita l'exemple et partagea la disgrâce du maréchal Moncey; une probité sans tache rehaussait encore une gloire si chaste et si pure, et sa pauvreté n'est pas son moins bel éloge.

Cette pauvreté, Messieurs, ne lui causa qu'une seule fois un moment d'inquiétude ce fut au lit de mort, en songeant qu'il laissait sans fortune la compagne de toute sa vie. Mais il dut être promptement rassuré, si le souvenir de Fleurus se mêla à ses dernières pensées. Il dut croire que la France ne laisserait pas dans l'oubli la veuve de celui qui avait gagné cette grande bataille... Cette noble confiance ne sera point trompée! Oui, la bataille de Fleurus fut grande par l'énergie du chef qui, l'épée à la main, entraîna ses soldats à la victoire au cri de " Point de retraite!» Grande par ses résultats, car elle déjoua les projets de Pilnitz et de Coblentz, protégea le berceau de nos libertés, affermit notre indépendance, enrichit notre territoire des con. trées arrosées par la Meuse et par le Rhin, prépara la conquête de la Hollande, révéla aux Français le secret de leur force, et apprit à l'Europe à redouter le drapeau tricolore: triomphe vraiment national, qui place la veuve du vainqueur de Fleurus dans l'honorable exception prévue par la loi de 1831, et qui la rend digne de la reconnaissance de la patrie.

Tel est, Messieurs, l'avis unanime de votre l'adoption du projet de loi. commission qui m'a chargé de vous proposer

PROJET DE LOI.

« Article 1. Il est accordé, à titre de récompense nationale, à la veuve du maréchal comte Jourdan (née Jeanne Nicolas, à Limoges (HauteVienne), le 5 juillet 1760) une pension annuelle et viagère de 12,000 francs, dans laquelle sera confondue celle de 6,000 francs qu'elle est

(1) Jourdan s'était écrié dans le conseil des Cinq-Cents:

« Jurons qu'on ne nous enlèvera de dessus nos chaises « curules qu'après nous avoir donné la mort. » Le soir même il fut exilé dans la Charente-Inférieure.

susceptible d'obtenir en vertu de la loi du 11 avril 1831.

«Art. 2. Cette pension sera inscrite au Trésor public, avec jouissance du 23 novembre 1833, jour du décès du mari. »

2° RAPPORT.

(Pension demandée pour la veuve du général Decaen.)

Messieurs, la demande formée en faveur des veuves des 3 lieutenants-généraux a soulevé dans la commission plusieurs questions préjudicielles.

La première était relatíve à la théorie adoptée par le ministre de la guerre sur les pensions à titre de récompenses nationales.

En effet, nous lisons dans l'exposé des motifs : « L'article 23 de la loi du 11 avril 1831 sur les " pensions de l'armée de terre porte dans les << cas non prévus par la présente loi, où il y aura lieu de récompenser des services éminents ou extraordinaires, les pensions ne pourront être « accordées que par une loi spéciale. Cette dis« position, dit le ministre, reste étrangère à la « proposition que nous avons l'honneur de vous

soumettre. Mme Decaen se trouve dans l'un « des cas prévus par l'article 19 de la loi précitée, « qui lui ouvre des droits à une pension de " 1,500 francs.

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Le principe sur lequel repose le projet de loi réside dans la faculté dévolue à la puis"sance législative de décerner des récompenses nationales.» Ainsi vous le voyez, Messieurs, le ministre lui-même n'a pas invoqué l'article 23 de la loi du 11 avril 1831; il crée un principe nouveau sur les pensions. Cependant, si la loi du 11 avril 1831 a prévu, par son article 19, le taux de la pension que la veuve d'un lieutenant général recevrait dans les cas ordinaires, elle donne aussi, par son article 23, la faculté d'augmenter cette pension pour des services éminents ou extraordinaires, reconnus par une loi spéciale. C'est ce que votre commission, d'accord avec le gouvernement, vous a proposé pour la veuve du maréchal Jourdan. Quel est donc ce droit, en dehors de la loi qui régit les pensions, que l'exposé des motifs attribue à la Chambre? Sans doute, la puissance législative conserve toujours le droit de décerner des récompenses nationales au grand citoyen, au général illustre, pendant sa vie ou après sa mort, s'il a bien mérité de la patrie; mais lorsqu'il s'agit d'une pension pour sa veuve, la commission a pensé que la Chambre ne devait pas s'écarter de la législation sur les pensions, législation qui, d'ailleurs, a prévu les circonstances où la munificence du pays peut ajouter aux conditions établies dans l'application régulière et stricte de la loi.

Ici la majorité de votre commission a présenté une seconde objection sur la haute juridiction morale dont la Chambre serait investie. Elle a dit Pour accorder une pension à titre de récompense nationale en dehors des dispositions de l'article 19 de la loi du 11 avril 1831, il ne suffit pas d'avoir combattu vaillamment, d'avoir versé son sang pour la patrie; il faut encore lui avoir rendu des services éminents, extraordinaires, de ces services qui, comme la bataille de Fleurus, mettent un guerrier en dehors de la ligne de ses frères d'armes, de ces services placés assez haut dans l'opinion générale pour réunir, sans contradiction, l'unanimité des suffrages. »

Tel est le texte et l'esprit de l'article 23, et

c'est une précaution sage. En effet, comment choisir dans une armée de héros? Chaque famille d'ailleurs, par un sentiment qui l'honore, est aisément disposée à exalter la gloire du chef qu'elle a perdu, à lui faire même un titre de ses regrets; cependant, il peut arriver que la Chambre soit forcée de rendre sur l'un d'eux une décision négative croyez-vous alors que ce refus ne porterait pas un nouveau deuil au cœur de sa veuve ou de ses enfants, car ce serait une sorte de protestation publique contre sa mémoire!

Cet inconvénient ne se présentera pas si l'on veut se renfermer dans le cercle tracé par la loi, si l'on veut attendre, pour accorder, à titre d'exception, une récompense nationale, ces grandes actions qui seules peuvent la justifier aux yeux de tous; notre tâche alors sera facile et douce, car elle sera juste; mais si l'on ouvre la porte à l'arbitraire, à la faveur, à l'indulgence, enfin à toute autre considération que celles qui sont spécifiées par la loi, qui sait où nous pourrons nous arrêter, et quel trésor suffirait à toutes les exigences?

Votre commission s'est demandé si la situation de nos finances n'imposait pas à la Chambre l'obligation d'être plus sévère qu'indulgente, plus économe que libérale; elle s'est demandé si en même temps que nous devions faire un discret usage des honneurs accordés au nom de la patrie, nous ne devions pas aussi mettre les deniers de l'Etat à l'abri de ce généreux entraînement qu'inspire toujours la gloire; et malgré ses vœux pour l'infortune, malgré son admiration pour d'illustres dévouements, elle a jugé que son premier devoir était de s'arrêter devant les limites posées par la loi, et de mettre ainsi le présent en garde contre l'avenir.

Telle a été, Messieurs, l'influence de ces questions générales qu'en présence d'un officier qui a conquis tous ses grades par des actions d'éclat, qui a commandé en chef deux armées, qui a été persécuté en 1815, et qui n'a pas laissé de quoi payer ses funérailles, le respect dù à la loi du 10 avril 1831, n'a rien perdu de son empire. La commission faisant taire ses regrets devant de plus hautes considérations, m'a donc chargé de proposer à la Chambre de rejeter le projet de loi exceptionnel en faveur de la veuve du lieutenant général Decaen.

3o RAPPORT.

(Pension demandée pour la veuve du lieutenant général Daumesnil.)

Messieurs, je n'ai pas reçu la mission de raconter devant vous les exploits du soldat de Saint-Jean-d'Acre, de la jambe de bois de Wagram, du défenseur de Vincennes d'ailleurs, des voix plus éloquentes que la mienne ont déjà rendu, dans cette enceinte, un juste hommage à sa mémoire. Je suis uniquement chargé de faire connaitre à la Chambre que les considérations développées à l'occasion de la demande pour la veuve du général Decaen, ont également prévalu aux yeux de la commission sur la glorieuse popularité qui se rattache au nom de Daumesnil. Organe de son avis et de ses regrets, je viens donc proposer à la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession d'une pension extraordinaire à sa veuve.

4o RAPPORT.

(Pension demandée pour la veuve du lieutenant général Gérard).

Messieurs, Gérard aussi faisait partie de cette grande armée qui a visité l'Europe. L'Espagne, Fitalie, l'Allemagne, la Russie ont tour à tour vu briller son courage. Il avait déposé son épée, lorsque le 28 juillet 1830, il la ressaisit à la voix de la patrie et de la liberté pour marcher un des premiers sur l'Hôtel-de-Ville; mais, Messieurs, lorsque votre commission a eu, je dirai presque le courage de ne point admettre les veuves de Decaen et de Daumesnil à une pension extraordinaire, c'était déjà vous faire pressentir qu'elle adopterait la même opinion pour la veuve du général Gérard. Elle m'a chargé en conséquence de vous proposer le rejet de la loi exceptionnelle qui la concèrne.

M. le Président. Les rapports seront imprimés et distribués: la discussion est fixée à lundi. M. le garde des sceaux a la parole pour des communications du gouvernement.

1 COMMUNICATION.

(Projet de loi concernant les crieurs publics d'écrits.)

M. Barthe, garde des sceaux, ministre de la justice. Messieurs, depuis que le gouvernement, ne de la Ré volution de Juillet, s'est affermi en France, et que l'assentiment des classes éclairées, en consolidant nos institutions, a désespéré toutes les tentatives anarchiques, les factions ont réuni leurs efforts pour corrompre cette partie utile de la population, qui vit du travail de ses mains; se meprenant sur le bon sens national, elles ont espère pouvoir rencontrer, là, des hommes plus facilement exposés à la seduction des sophismes, par lesquels on essaie de les égarer. L'emeute vaincue s'est retiree de nos rues et de nos places publiques ; mais l'esprit d'anarchie s'efforce d'y conserver une position; il ne neglige rien pour y faire encore entendre sa voix, s'il est tombé dans l'impuissance d'y agir à force ouverte il veut du moins y proclamer hautement la diffamation, Foutrage et la provocation à tous les desordres, en sy tenant aux aguets de toutes les esperances de trouble, afin de profiter des mouvements populaires après les avoir provoques,

Il n'est personne de vous qui n'ait été témoin de ce débordement de honteux pamphlets, auxquels un honnête homme rougirait de repondre. et qui, chaque jour, scut cries et distribues dans nos villes et dans nos campagnes. Les lois, la Constitution du pays, la personne du prince, la morale publique, rien n'est res ecte dans ces ecrits, Liresses aux plus mauvaises passions et distribues avec un cynisme égal à leur immora lite. Ce sont presque toujours les manifestes de ces associations politiques, dont Texistence est ua complet permanent contre les institutions forda mentales du pays. Cet opprobre ne peut durer pas longtemps, i, imperte, sous peine des de sondres les plus graves, de fure cesser un scandale qui penêtre les bons citoyens d'indignation et de douleur. Le mepris ne suit pas pour dc2Der Sansaction à la morale publique outrave.

Le bon ordre des places publiques et des rues De saurait être maintena, tant que des ezis soditieux, obscènes et diffamatoires continueront

à y être annoncés à haute voix. Si ces publications sont un mal véritable, même dans les temp ordinaires; si cette audace des ennemis de l'orde social entretient l'inquiétude parmi les gens de bien, que serait-ce donc, Messieurs, si quelque circonstance imprévue, si quelque calamité publique venaient au secours des agitateurs et leurs projets? De toutes les parties de la France dans les grandes cités, dans les villes manufac turières, dans la capitale, les réclamations sont fait entendre; et la notoriété publique d nonce au législateur un principe de perturbatio auquel il importe de porter remède.

Deux garanties d'ordre public nous ont part nécessaires. La première consiste à soumettre à une autorisation préalable de l'administranc municipale les crieurs, vendeurs et distributeurs d'écrits sur la voie publique; la seconde assujettit à la formalité du timbre tous les pamphlets qu se répandent par ce mode de publication.

La police de la voie publique appartient essen tiellement à l'administration municipale. C'esti cette autorité qui, à Paris, est placée pour tout ce qui tient à l'ordre public dans les mains da prefet de police, et ailleurs dans les mains des maires, qu'est imposé le devoir d'assurer à tous, une paisible circulation; d'empêcher que, par des cris obscènes, séditieux ou diffamatoires, on fasse de la voie publique un lieu de desordre et de scandale; que la liberté des communications soit entravée, le commerce troublé, la pudeur publique offensée : c'est à elle à ne pas laisser les hommes du désordre prendre position dans des attroupements, provoqués à l'avance pour lear servir de rendez-vous et annoncés par les naux, à jour et à heures fixes, comme des spec tacles.

L'autorité municipale ne saurait plus longtemps demeurer désarmée contre de si affligeants désordres; le Gouvernement manquerait à s devoir, s'il hésitait à vous proposer, pour y met tre tin. l'adoption des moyens dont l'expérience ne lui a que trop démontre la nécessite.

Il n'existe aucun motif pour dispenser les panphlets qui se crient et se distribuent dans les rues, de la formalite du timbre, à laquelle les journaux et les publications périodiques sont as sujetties, ainsi que les avis et annonces. Plusieu arrets avant juge qu'une disposition explicite de la legislation est necessaire pour les y soumettre. il devenait indispensable de déférer cette que tion à votre examen. Certes, la liberté de la presse et la maturité des discussions qu'elle pro voque ne sont en rien intéressées à ce que l'oc accorde un encouragement spécial à ce mode de publication. Les veritables amis du peuple savent bien que ce n'est pas là qu'il puise cette instruction salutaire, què le devoir comme l'iaterêt de tout Gouvernement est de répandre.

Tels scat, en peu de mots, les motifs qui oat dicte le projet de loi que nous avons l'honneur de soumettre à vos deliberations. Amis sincères de nos institutions, vous savez que l'ordre est récessaire a lear developpement et au progrès de la prosperde publiquè. Aussi, vous n'hesiterez pas à mettre un terme à des écarts si per compatibles avec la veritable liberté et avec

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imprimés, lithographiés, gravés ou à la main, sans l'autorisation préalable de l'autorité municipale. Cette autorisation pourra être retirée.

Toute contravention à la disposition ci-dessus sera punie d'un emprisonnement de 6 jours à 2 mois. Les contrevenants seront traduits devant les tribunaux correctionnels.

Art. 2. Tous écrits de deux feuilles d'impression et au-dessous, de quelque nature ou espèce qu'ils soient, et quel qu'en soit l'objet, qui se crient, se vendent ou se distribuent dans les rues et lieux publics, sont assujettis au droit du timbre, tel qu'il est établi pour les avis et annonces par les articles 66 de la loi du 28 avril 1816, et 66 de celle du 15 mai 1818.

Art. 3. Toutes personnes, qui en contravention à l'article précédent, auront crié, vendu ou distribué, ou qui auront coopéré d'une manière quelconque à faire crier, vendre ou distribuer des écrits de feuilles, ou au-dessous non timbrés, seront punies des peines et amendes prononcées par l'article 79 de la loi du 28 avril 1816.

Art. 4. Il n'est rien innové aux dispositions des lois relatives au timbre des avis et annonces, affiches, journaux et écrits périodiques. Paris, le 24 janvier 1834.

Signé: LOUIS-PHILIPPE.

Par le roi :

Le garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la justice, Signé : BARTHE.

M. le Président. La Chambre donne acte au ministre du roi de la présentation de ce projet de loi, ensemble de la remise de l'exposé des motifs, dont elle ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à l'examen des bureaux.

2o COMMUNICATION.

(Demande en autorisation de poursuites contre M. Cabet, député, formée conformément à l'article 44 de la Charte constitutionnelle).

M. Barthe, garde des sceaux, ministre de la justice. Messieurs, je viens remplir devant vous un pénible devoir; je viens vous demander d'autoriser des poursuites contre un membre de cette Chambre.

Vous connaissez l'existence d'un journal qui a pour titre Le Populaire, journal des intérêts politiques, matériels et moraux du peuple, fondé par une association patriotique, et dirigé par M. Cabet, député.

Ce journal, qui se publie à Paris, est surtout distribué à bas prix dans la classe ouvrière. Le numéro du 12 janvier 1834 contient un article qui a pour titre : La République est dans les Chambres. (Rire général.) Le numéro suivant, du 19 janvier, contient un article intitulé: Crimes des rois contre l'humanité. Ces deux articles sont signés par M. Cabet. Ils ont éveillé, à Rouen et à Paris, la sollicitude des organes de la loi. Je vais me borner, Messieurs, à vous donner lecture des passages qui nous ont paru caractériser un délit. Vous jugerez si le gouvernement pouvait, sans manquer à la défense de nos institutions et à l'ordre public, dont le maintien lui est confié, s'abstenir de réclamer de vous l'autorisation de de poursuivre leur auteur.

Plusieurs voix: La lecture est inutile; il faut renvoyer ces articles dans les bureaux!

M. le Président. N'oubliez pas qu'il s'agit d'une autorisation à fin de poursuites. Ce n'est pas du tout une question politique; c'est un commencement de question judiciaire. (Le calme se rétablit.)

M. Barthe, garde des sceaux, ministre de la justice, continue:

POPULAIRE DU 12 JANVIER 1834.

De la République dans les Chambres.

« Et cette vérité, qu'elle est-elle ?

« C'est que la cause de tout le mal est ailleurs que dans le ministère, ailleurs que dans la Charte, ailleurs que dans la Chambre;

« C'est qu'elle est dans Louis-Philippe, dans son immuable pensée, dans son système;

« C'est que, pour faire triompher son système et comprimer tous les mécontentements qu'il doit infailliblement exciter, Louis-Philippe est dans la nécessité d'adopter des systèmes secondaires de divisions entre les citoyens, de calomnies, de corruption, de violences, de poursuites contre la presse, d'attentats à la liberté individuelle; d'arbitraire et d'illégalités;

« C'est qu'il se fera piler dans un mortier plutôt que de reculer, et qu'il place ainsi les patriotes dans l'alternative de choisir la monarchie absolue ou la République.

• Voilà la vérité, voilà des faits que tous les discours et toutes les déclamations ne parviendront pas à détruire.

Voilà ce qui a mécontenté et ramené à la République tous les hommes de Juillet; voilà ce qui rend républicains tous les hommes généreux et clairvoyants.

a Oui, c'est Louis-Philippe qui fait la République et qui lui rend une nécessité.

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Vous tous qui voulez conserver la monarchie, forcez donc Louis-Philippe à changer de système.

« Vous espérez y parvenir, vous qui ne voulez la monarchie qu'avec la sincérité du gouvernement représentatif, et qui reconnaissez que nous n'en avons que l'ombre aujourd'hui. Eh bien! faites-donc, dépêchez-vous; car c'est là le seul remède.

«Mais depuis trois ans vous le tentez; depuis trois ans vous avez épuisé tous vos efforts; et qu'avez-vous obtenu? Avez-vous empêché le système du 1er août de se développer tous les jours davantage; de passer des illégalités à la violation de la Charte, de l'état de siège au renvoi sans jugement de la duchesse de Berry et à l'incroyable projet d'entourer Paris de bastilles?

"Impuissants à changer l'immuable volonté de Louis-Philippe, vous êtes impuissants à arrêter la République...

«Elle avance à grands pas, elle envahit tout, elle est à la tribune.

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