Images de page
PDF
ePub

Projet présenté par le gouvernement.

M. le Président. La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et du projet de loi.

La Chambre, aux termes de son règlement, ne peut entrer en délibération que 24 heures après le rapport. Ce rapport est très long, et ne pourra être imprimé et distribué que lundi. Je proposerai donc à la Chambre d'ouvrir la discussion générale du projet de loi dont elle vient d'entendre le rapport, mercredi. La séance publique aurait lieu mercredi à une heure, et à midi la Chambre se réunirait dans ses bureaux pour l'examen du projet de loi sur l'organisation du conseil municipal de Paris.

(La Chambre adopte la proposition de son président.)

M. le Président. La Chambre va entendre un rapport de pétitions; après elle se retirera dans ses bureaux pour la nomination des présidents, vice-présidents et secrétaires.

La parole est à M. Besson, rapporteur du comité des pétitions.

M. Besson, rapporteur. Messieurs, votre comité des pétitions m'a chargé d'avoir l'honneur de vous présenter le rapport des trois pétitions suivantes :

-M. Mettemberg, ancien officier de santé, réclame contre une décision de M. le ministre dé l'intérieur, en date du 30 novembre 1826, qui a prohibé la vente de son remède antipsoríque, précédemment autorisé par un décret impérial❘ du 6 février 1810.

En 1794, à l'époque où un grand nombre de soldats étaient atteint de la gale, le gouvernement français invita les officiers de santé à rechercher le moyen le moins dangereux de la guérir; et en même temps celui qui pourrait être employé sans soustraire les soldats à leur service.

Le pétitionnaire composa alors une eau à laquelle il a donné le nom de quintessence antipsorique. Ce remède, après de nombreux essais, a été employé dans divers hôpitaux et régiments, et M. Mettemberg jouissait du fruit de son invention, dont le bénéfice, d'ailleurs, lui avait été assuré par le décret impérial du 6 février 1810, lorsque intervint le décret du 18 août de la même année, qui ne laissait plus cours aux remèdes

Amendements proposés par la commission.

bérative qui auront composé l'assemblée générale lors de la délibération du conseil.

Art. 25. Les membres du conseil qui font partie des comités administratifs ne peuvent participer aux délibérations du conseil d'Etat relatives aux recours dirigés contre une décision d'un ministre, lorsque cette décision aura été préparée par une délibération spéciale du comité auquel ils appartiennent.

Art. 26. Dans le cas où les dispositions du § 2 de l'article 21, de l'article 22 et de l'article 25 de la présente loi n'auraient point été observées, l'ordonnance qui aura été rendue pourra être l'objet d'une demande en revision.

Art. 27. Les dispositions des décrets des 11 juin et 22 juillet 1806, et des ordonnances royales du 18 janvier 1826 et du 1er juin 1828, relatives à l'instruction et aux frais et dépens des affaires contentieuses qui ne sont point contraires à la présente loi, continueront d'être exécutées.

secrets que jusqu'au 1er janvier suivant, et qui réglait que la recette de composition des remèdes secrets serait examinée par une commission nommée par le ministre de l'intérieur.

Des expériences ont été faites par plusieurs commissions; et enfin, sur un rapport de l'Académie royale de médecine, M. le ministre de l'intérieur a défendu au pétitionnaire, par sa décision du 30 novembre 1826, de continuer à vendre son remède.

M. Mettemberg attaque cette décision, comme ayant été prise sur un rapport partial de l'Académie royale de médecine, à qui l'examen de cette affaire avait été renvoyé par le ministre, conformément aux lois; et il prétend que pour que ce rapport méritât quelque confiance, il faudrait qu'il y eût eu un examen contradictoire. Le pétitionnaire demande en conséquence que la décision ministérielle qui le concerne soit regardée comme nulle et non-avenue, et que de nouvelles expériences soient faites en sa présence, pour constater l'efficacité de sa découverte.

Trois pétitions ont été successivement présentées par M. Mettemberg à la Chambre des députés, et la Chambre a statué sur chacune d'elles, les 28 février, 26 novembre 1830 et 15 octobre 1831 elle a passé à l'ordre du jour sur celle rapportée le 26 novembre 1830, et renvoyé les deux autres à M. le ministre de l'intérieur.

Il a aussi adressé une pétition à la Chambre des pairs, dans la session de 1832, mais à une époque qui n'a pas permis d'en faire le rapport.

Le 4 juillet 1832, le pétitionnaire s'est adressé au roi, qui a renvoyé l'affaire à M. le ministre de l'intérieur; et M. le ministre, par sa lettre du 21 du même mois, lui a répondu que comme remède contre la gale, sa quintessence était jugée, au moins en ce qui concernait l'administration; que comme remède au choléra, il ne pouvait être considéré que comme un remède nouveau rentrant dans la catégorie des remèdes secrets, et qu'il n'était pas possible de s'écarter de la marche tracée par les règlements qui commettent à l'Académie royale de médecine le soin de les examiner.

Par une lettre adressée à M. le ministre de la guerre le 25 décembre 1832, et apostillée par beaucoup de personnes honorables, M. Mettemberg a proposé d'établir successivement, dans

chaque caserne, et sans frais, ce qu'il appelle | une piscine prophylactique régulière, pour prévenir dans les régiments, non seulement la gale, mais encore le choléra. M. le ministre lui a répondu, le 21 mars dernier, que le conseil de santé militaire consulté avait été d'avis de ne point accueillir sa proposition, en se fondant principalement d'une part, sur ce que la médecine militaire possédait des moyens de guérir la gale, aussi favorables aux malades qu'économiques pour l'administration; et d'une autre part, sur ce qu'il partageait entièrement l'opinion de l'Académie royale de médecine.

Après avoir examiné avec attention les nombreux documents annexés à la pétition, votre comité des pétitions a pensé que l'Académie royale de médecine et le conseil de santé militaire étaient compétents pour juger du mérite du remède antipsorique de M. Mettemberg, et que le comité ne pouvait que vous proposer de passer à l'ordre du jour. (Adopté.)

Les membres du conseil municipal de la commune de Teuilliac, canton de Bourg, arrondissement de Blaye, département de la Gironde, réclament avec instance la construction du pont de Saint-André-de-Cubzac, sur la Dordogne.

La construction de ce pont intéresse essentiellement les cominunes voisines, et se rattache à la question de savoir si la grande route de Paris à Bordeaux continuera de passer par Cubzac, ou si on la fera passer par Libourne: dans le premier cas, le pont demandé devient indispensable; dans le second cas, il pourrait en être autrement.

Le gouvernement éclairé par ses enquêtes, les demandes des conseils généraux et d'arrondissement, celles des conseils municipaux et des chambres de commerce, peut seul juger en connaissance de cause ce qu'il convient de faire dans les intérêts communs.

Votre comité vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre du commerce et des travaux publics.

M. le duc Decazes. 11 n'y a plus aujourd'hui d'opposition. Tout le monde reconnaissait que le pont à établir à Cubzac ne devait être construit qu'autant qu'il n'intercepterait pas le passage supérieur. On a adopté un mode de pont suspendu qui permet le passage des bâtiments de mer au moyen d'une ouverture de 200 mètres élevée à 70 pieds au-dessus des plus hautes eaux ce projet satisfait à tous les intérêts, et lève tous les obstacles nés des intérêts de localité. J'appuie donc le renvoi au ministre du commerce, il ne peut avoir que de l'utilité.

M. le comte Molé. Le projet dont il est question est très ancien. L'exécution de ce projet avait été arrêtée en 1813, sous mon administration. Il y avait alors de grandes difficultés d'exécution on avait trouvé le moyen de les surmonter, et l'exécution du projet paraissait assurée; les fonds même étaient faits, l'empereur en avait déjà accordé une portion qui était sur mon budget, lorsqu'un changement de gouvernement arriva, et fit abandonner le projet.

J'appuie le renvoi au ministre des travaux publics: ce renvoi peut avoir beaucoup d'utilité. (La Chambre adopte l'avis de la commission.) M. Besson, rapporteur. M. Félix Mercier, propriétaire à Rougemont, département du Doubs, appelle l'attention de la Chambre des pairs, sur un acte récent de l'autorité supérieure, qui a fait détruire par la force une des deux salines

exploitées au hameau de Gouhenans, département de la Haute-Saône.

Cet acte lui paraît abusif et étrange dans temps où l'on annonce vouloir donner de grands développements à la liberté du commerce, e abolir les privilèges industriels le pétitionnaire invite la Chambre à examiner s'il ne co viendrait pas que le gouvernement permit k libre exploitation du sel, et d'émettre son op nion relativement à l'action de vive force qu vient d'anéantir l'une des deux salines de Goube

nans.

Dès l'année dernière le gouvernement avar présenté à la Chambre des députés un projet d loi destiné à remédier aux graves difficultes auxquelles donne lieu l'exploitation des mine de sel, des sources et des puits d'eau salée € d'appeler la plus sérieuse attention sur le donmage croissant que le Trésor éprouve de cet éta de choses. Cette loi n'a pas été discutée.

Les désordres signalés n'ont point cessé depuis lors; des contestations ont été élevées au sujet des sources d'eau salée, que l'on a prétendu devoir point être régies par les mêmes lois et re glements que les mines de sel. Le gouvernement a cru devoir prescrire des mesures énergiques pour protéger les revenus de l'Etat; M. le ministre des finances vient de le déclarer dans son exposé des motifs, en présentant ces jours derniers, à la Chambre des députés, une nouvelle loi sur les exploitations du sel.

Cette loi, Messieurs, vous sera renvoyée, après avoir été votée dans l'autre Chambre; et, dans cette situation, votre comité des pétitions a pensé qu'il convenait de renvoyer la pétition de M. Felix Mercier à la future commission que vous chargerez d'examiner la loi dont il s'agit; et il m'a chargé de vous le proposer. (Adopté.)

M. le Président. La Chambre va se retirer dans ses bureaux pour procéder à leur organisation, et à la séance de mercredi le résultat de cette opération sera proclamé.

(La séance est levée à quatre hures.)

Ordre du jour de la séance du mercredi 29 janvier 1834.

A midi, réunion dans les bureaux.

Examen du projet de loi relatif à l'organisa tion du conseil général de la Seine et du conse municipal de Paris.

A une heure, séance publique :

1° Discussion ou nomination d'une commission pour l'examen du projet de loi relatif à l'or ganisation du conseil général de la Seine et du conseil municipal de Paris;

2° Discussion en assemblée générale du proje de loi relatif à l'organisation du conseil d'Eta!

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. DUPIN.

Séance du samedi 25 janvier 1834.

Le procès-verbal de la séance du 24 janvier est lu et adopté.

Il est fait hommage à la Chambre des ouvrages intitulés :

Histoire de la ville de Vienne, de l'an 438

l'an 1039; offert à la Chambre par M. Mermet aîné.

Cérès française; offert par l'auteur, M. Gautier. La Chambre en ordonne la mention au procèsverbal et le dépôt en sa bibiothèque.

Trente pétitions sont renvoyées à la commission compétente, lecture faite des noms de pétitionnaires.

M. le Président. L'ordre du jour est le rapport de la commission des pétitions.

Le premier rapporteur est M. Gaillard de Kerbertin; mais le pétitionnaire, le sieur Muller, capitaine de cavalerie à Paris, dont il devait rapporter la pétition, m'a écrit qu'il la retirait, par suite de la nomination d'une commission d'officiers généraux qui vient d'être faite par M. le ministre de la guerre.

M. Kératry, autre rapporteur, a la parole.

M. Kératry, rapporteur. Messieurs, la pétition du sieur Vecchiarelli (Salvator), réfugié napolitain, ancien chef de bataillon dans l'insurrection napolitaine, et actuellement professeur de littérature italienne à Paris, nécessite des explications assez étendues, qu'au nom de votre commission nous essaierons de rendre concises, et toutefois sans négliger aucun des détails par lesquels peut s'éclairer la question soulevée devant

vous.

Dans les journées de juillet 1830, le sieur Vecchiarelli entra dans le mouvement généreux qui portait la population parisienne à défendre ses lois les plus chères contre les tentatives d'un pouvoir parjure et infidèle à toutes ses promesses. La commission des récompenses nationales jugea que la part qu'il y avait prise était assez grande pour lui mériter la décoration de Juillet; celle-ci lui fut accordée.

Quelques mois plus tard, le sieur Vecchiarelli exprima, auprès du gouvernement, le désir d'établir son domicile en France. Sa conduite à une époque récente, et la distinction qu'elle lui avait méritée parlaient en sa faveur. Une ordonnance d'autorisation de domicile, insérée au Bulletin des lois, lui fut accordée sous la date du 13 février 1831.

Plus tard, il demanda à jouir des droits civils dont est en possession tout citoyen français. Une ordonnance, à laquelle le sieur Vecchiarelli donne une extension qu'elle n'a pas, et qu'elle ne pourrait avoir, déclara son aptitude à se pourvoir devant le garde des sceaux pour obtenir des lettres patentes de naturalisation.

Cette seconde ordonnance n'était pas de nature à être insérée au Bulletin des lois, les lettres patentes, à l'obtention desquelles elle pouvait conduire, n'étant pas encore signées par le roi. Celles-ci devaient être précédés ou suivies de conditions toutes essentielles à remplir.

La première (et elle est indiquée par l'article 2 de l'ordonnance précitée) était de se retirer par devant le garde des sceaux pour obtenir ces lettres signées du sceau de l'Etat ;

La seconde, d'en acquitter le droit;

La troisième, d'en présenter une expédition au maire de la commune du domicile de l'impétrant;

La quatrième, de prêter, entre les mains de ce magistrat, le serment d'obéissance à la Charte constitutionnelle, aux lois du royaume et de fidélité au roi.

L'insertion de ces lettres au Bulletin des lois est encore de rigueur.

L'exigence de ces conditions se justifie par ces

T. LXXXV.

conditions elles-mêmes. En effet, l'adoption politique d'un étranger par la patrie est un acte de souveraineté dont l'exécution est confiée au roi or, l'autorisation du roi ne peut se manifester que par sa signature, sous le contre-seing d'un ministre.

L'acquittement du droit attaché au retrait des lettres de naturalisation n'est point une mesure purement fiscale: c'est une justification des moyens d'existence assurés à l'impétrant; c'est une garantie que son séjour ne sera point onéreux au pays par lequel il est adopté.

L'inscription de ces lettres sur des registres publics est indispensable, puisque seule elle peut, sinon conférer, au moins constater des droits civils.

Enfin ces lettres, pour acquérir toute leur valeur, doivent être immédiatement suivies de la prestation, devant le magistrat municipal, du serment d'obéissance à la Charte constitutionnelle, aux lois du royaume et de fidélité au roi. Vous sentez, Messieurs, que tout Etat, en s'agrégeant de nouveaux citoyens, a le droit de s'assurer de leur volonté de vivre fidèles à la loi qui gouverne le pays, à cette loi dont tous les individus régnicoles sont les sujets, depuis le roi lui-même jusqu'au plus obscur laboureur.

Toutes ces dispositions sont commandées par l'article 13 du Code civil, l'avis du conseil d'État du 18 prairial an XI, l'article 3 de la loi du 22 frimaire an VIII, le sénatus-consulte du 19 février 1808, article 1, 2, 3, 4 et par le décret du 17 mai 1809, article 1er.

Il est encore remarquable que l'observation de ces diverses formalités, quand nous consultons la lettre et l'esprit de l'article 13 du Code civil, ne peut assimiler exactement le Français nouvellement reconnu tel, au Français d'origine, puisque, en vertu de cet article, le premier perdrait ses droits en cessant de résider, tandis qu'une absence de l'autre ne les lui enlèverait pas.

De là, il serait peut-être permis de conclure que, l'étranger ayant le droit de renoncer à sa patrie adoptive par le plus simple effet de sa volonté, le gouvernement, dans certains cas, ne devrait pas être privé d'un pouvoir équivalent; mais, dans l'espèce, la discussion de ce point de droit nous semble superflue.

Le sieur Vecchiarelli n'a rempli aucune des conditions prescrites pour arriver à une naturalisation.

Il devait se présenter à la chancellerie pour obtenir des lettres scellées du sceau de l'Etat; il ne l'a point fait.

Il ne saurait exhiber de la signature du roi, signature sans laquelle elles seraient invalidées. Il n'a point acquitté le droit de sceau; si c'est impuissance, nous en gémirons; mais il n'en serait pas moins vrai qu'alors même il manquerait à une des garanties destinées à justifier des lettres de naturalité.

D'où il résulte qu'aucune transcription de ces lettres sur les registres publics, ni aucune inscription au Bulletin des lois, n'ont eu lieu. Ainsi point de serment prêté devant le magistrat civil, à la Charte, aux lois du royaume et au roi.

Peut-être serions-nous autorisés à nous arrêter à cet exposé et à vous proposer un ordre du jour fondé, d'une part, sur l'inobservation de l'article 2 de l'acte du 28 janvier 1833, acte dans lequel on chercherait vainement le caractère qui constitue des lettres patentes de naturalisation, d'autre part, notre proposition de l'ordre du jour

47

s'appuierait avec succès sur le libre arbitre du roi dans la collation des droits civiques à des étrangers; ce libre arbitre, en vertu de la souveraineté déléguée pour cet objet, lui permettant d'appeler, de sa volonté du moment, à sa volonté mieux éclairée, surtout lorsque ses ordonnances n'ont été accompagnées d'aucune des formalités sans lesquelles elles ne sont jamais exécutoires.

L'affaire qui est aujourd'hui soumise à votre examen impartial a continué sa marche. Quelque irrégulière qu'elle soit, du fait du pétitionnaire, nous allons l'y suivre.

Le gouvernement du roi, après un laps de temps assez considérable, a cru devoir révoquer l'ordonnance non publiée, non exécutée par l'impétrant, au moyen d une troisième ordonnance qui n'a pas dû être insérée au Bulletin des lois, mais qui été notifiée au sieur Vecchiarelli, sans qu'il l'ait attaquée devant le conseil d'Etat.

Il ne nous appartient pas de rechercher les motifs d'un acte de souveraineté exercé par un des grands pouvoirs de l'Etat et que nos lois n'ont assujetti à aucun contrôle, dès qu'il ne s'agit pas de lettres de grande naturalité soumises à l'approbation des Chambres. A Dieu ne plaise que nous voulions aggraver la situation d'un étranger obligé de fuir le sol natal, et qui vit encore sous le poids d'un proscription ! Il porte devant vous une plainte contre le gouver nement français; vous jugerez de votre sagesse si elle est fondée. Notre devoir est seulement d'éclairer votre religion, et nous allons achever de le remplir.

Subséquemment une ordonnance royale, que nous n'avons pas à discuter, a retiré au sieur Vecchiarelli l'autorisation de domicile; elle a été insérée au Bulletin des lois. Voyant que sa conséquence imméditate serait de le soumettre aux lois de police, applicables à tous les réfugiés résidant temporairement en France, et faissant s'écouler certains délais pendant lesquels il a constamment touché les secours pécuniaires accordes par la générosité française aux condamnés politiques, circonstance que nous vous prions de ne pas perdre de vue, le sieur Vecchiarelli s'est pourvu contre la dernière ordonnance devant le tribunal de première instance du département de la Seine; ou plutôt, en qualité de Français, il a réclamé le bénéfice de la precédente qui n'avait reçu aucune exécution, puisque la la délivrance des lettres patentes de naturalisation n'avait pas eu lieu.

Le gouvernement du roi pouvait élever le conflit et appeler l'affaire au conseil d'Etat: il a mieux aimé laisser le tribunal de la Seine prononcer sur sa propre compétence. Celui-ci, dans son audience du 12 octobre 1833, après les conclusions et plaidoiries de maîtres Faure et Comte, avocats, lecture faite d'une lettre de M. le prefet de la Seine, du 4 du même mois, ayant pour objet le renvoi de la cause à l'autorité administrative, s'est déclaré incompétent, et a condamné le sieur Vecchiarelli aux dépens. (Voy. le Moniteur du 13 octobre 1833.)

Le considérant de cette sentence, prononcée par l'un de nos honorables collègues, président de la chambre des vacations, nous paraît si décisif, que nous croyons devoir le placer sous vos yeux, tel qu'il est reproduit:

« Attendu que l'état de l'étranger ne cesse d'être provisoire, pour devenir definitif, qu'en vertu d'une naturalisation régulière;

• Attendu que si le sieur Vecchiarelli produit

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'incompétence, s'il en est.

[ocr errors]

Faisant droit aux réquisitions du procureur du roi,

«Vu la loi du 16 fructidor an III, art. 3. «Se déclare incompétent, et condamne Vecchiarelli aux dépens. »

Le sieur Vecchiarelli s'est-il pourvu contre ce jugement? Oui; mais certes ce n'est pas au gotvernement qu'il doit l'imputer, si la Cour royale n'a pas prononcé un arrêt. Depuis qu'il a dù ètre mieux éclairé sur sa situation personnelle, s'est il adressé au conseil d'Etat, dont la compéten lui était formellement indiquée par la sentent qui le condamnait? Non; mais continuant à toucher les secours accordés aux réfugiés par li munificence française, suivant sa propre demande, en date du 18 mai 1833, c'est-à-dire poste rieurement à l'ordonnance de simple aptitud qu'il avait obtenue, et qui est restée sans suites, il s'est rangé de fait dans la classe des étranger soumis, par droit de surveillance spéciale, à li juridiction administrative. Il a donc accepté, pr continuation, toutes les conditions de réfug toutes les obligations attachées à ce titre.

En nous résumant, peut-il encore invoquer !. seconde des ordonnances rendues en sa faveur Non, puisqu'il ne s'est pas conformé aux disp sition de l'article 2 de cette ordonnance, def voici le texte formel:

« A cet effet (le sieur Vecchiarelli) se retirera par-devant notre garde des sceaux, ministr secrétaire d'Etat au département de la justice pour obtenir ses lettres de naturalisation."

Aujourd'hui, nonobstant l'oubli dans lequel il a laissé la clause principale de cette ordonnance. le sieur Vecchiarelli, usant de son droit de petition, s'adresse à vous, Messieurs, pour se plaindre d'un déni de justice. Vous pouvez apprécier ses griefs sur l'exposé exact des faits que nous venons de placer sous vos yeux; mais a-t-il épuisé

auparavant tous les degrés de la juridiction administrative, à laquelle il est renvoyé par un jugement, dont il n'est pas relevé? Nous ne le pensons pas.

Réunie une troisième fois pour délibérer sur cette affaire et sur la consultation signée de plusieurs avocats, dont le sieur Vecchiarelli nous a fait l'envoi, votre commission a cru, Messieurs, que toute l'argumentation de cette consultation repose sur une erreur. Elle a confondu l'ordonnance royale qui permet à un étranger de résider en France avec les lettres patentes qui confèrent les droits de citoyen. Or, ces dernières n'ayant pas été obtenues par le sieur Vecchiarelli, il ne reste plus qu'à examiner si l'ordonnance portant autorisation de domicile est révocable par la volonté royale. Cette question a été décidée par le conseil d'Etat, sous la date du 9 juin 1803, c'est-à-dire alors même qu'il venait de mettre fin à cette belle entreprise du Code civil qui est peut-être le plus grand bienfait de notre Révolution envers les peuples de l'Europe.

"

Le conseil d'Etat disait expressément alors (20 prairial an II) que, dans tous les cas où un étranger veut s'établir en France, il est tenu d'obtenir la permission du gouvernement; que ces admissions pouvant être, suivant les circonstances, sujettes à des modifications, à des restrictions, et même à des révocations, ne sauraient être déterminées par des règles générales. »

Ce texte est précis, et votre commission l'oppose à la consultation avec succès; du moins telle est notre pensée. En effet, l'étranger admis à établir son domicile en France, est lui-même si peu lié par cette admission, que si, après un laps de 10 ans, il n'a pas obtenu des lettres de naturalisation, il reste tellement étranger que, par sa seule volonté, il peut s'éloigner du pays = et se soustraire à tout devoir et à toute allégeance envers l'autorité souveraine.

| Enfin, Messieurs, il est un dilemme qui a semblé décisif à votre commission. L'affaire du sieur Vecchiarelli est pendante en appel devant la Cour royale de Paris. Si le gouvernement n'élève pas de conflit, le jugement du tribunal de première instance sera confirmé ou annulé; si, par suite de conflit, elle est portée au conseil d'Etat, elle y trouvera encore des juges intègres. Dans tous les cas, votre commission croit

vous êtes inhabiles à prononcer sur la plainte du sieur Vecchiarelli ou à la renvoyer à aucune autorité qui puisse en connaitre à l'exclusion d'un tribunal administratif ou judiciaire.

Par tous ces motifs, votre commission, d'un avis unanime, s'est déterminée à vous proposer l'ordre du jour.

M. Dulong. Messieurs, je viens m'opposer à l'ordre du jour proposé par la commission. Cet ordre du jour, où pour mieux dire cette proposition de la commission me semble reposer sur deux erreurs palpables.

En effet, la commission, tout en terminant par déclarer qu'elle ne croit pas devoir donner un avis sur la question qui nous occupe, a cependant fait ici un véritable plaidoyer, par l'organe de son rapporteur, contre les prétentions du pétitionnaire devant la justice. J'ajouterai que la commission s'est trompée également sur le but de la pétition.

En effet, si je ne me trompe moi-même, le but de la pétition n'est pas de saisir la Chambre de la question qui a été portée déjà devant le tribunal de première instance; personne ne peut

penser que la Chambre puisse décider une question encore soumise aux tribunaux, sur laquelle l'autorité judiciaire doit être incessamment appelée à prononcer.

L'intention du pétitionnaire a été, d'une part, d'obtenir les pièces qui lui ont été refusées; secondement, d'obtenir au moins de M. le garde des sceaux des explications, puisque celles qui ont été données par M. le chief de division du sceau n'ont pas paru suffisantes aux tribunaux. Voici en peu de mots les faits que je vais rapporter sur cette affaire :

M. Vecchiarelli a joué un rôle important dans la révolution de Naples, en 1820. Après les événements que vous connaissez, il fut obligé de quitter l'Italie. Il parcourut divers Etats, et vint enfin en 1824 (ne perdez pas cette date de vue) fixer son domicile en France. Là, il sut trouver dans ses talents des moyens honorables d'existence.

En 1830, ami de la liberté, il combattit avec ceux qui ont assuré la Révolution de Juillet. Il y joua un rôle assez important pour que la commission des récompenses nationales crût devoir lui conférer la croix de Juillet.

Vous voyez, Messieurs, qu'à cette époque on ne traitait pas M. Vecchiarelli comme un de ces réfugiés qui méritent l'animadversion publique, et doivent être ignominieusement chassés de la terre hospitalière de France.

M. Vecchiarelli fit plus alors : il ambitionnait une plus précieuse récompense. Il se présenta au ministère de la justice, et réclama l'admission à la jouissance des droits civils en France, aux termes de l'article 13 du Code civil. Une ordonnance du 13 février 1831 lui accorda la jouissance des droits civils, ainsi que l'explique le Code civil lui-même, pour le temps qu'il continuerait à y résider.

Enfin, usant alors du bénéfice du sénatus-consulte du 19 février 1808, M. Vecchiarelli réclama plus encore, il demanda à devenir citoyen français; en effet, ce sénatus-consulte décide que les étrangers qui sont domiciliés en France, qui ont obtenu la jouissance des droits civils (et ces droits avaient été accordés à M. Vecchiarelli par ordonnance de février 1831), peuvent, au bout d'une année, demander à être naturalisés français, quand ils ont apporté en France une industrie, des talents, ou qu'ils ont rendu des services importants au pays. Vous savez, Messieurs, que sous ce dernier point de vue, M. Vecchiarelli avait des droits à obtenir la faveur qu'il demandait.

Il a donc subi toutes les épreuves qui étaient exigées en pareil cas, c'est-à-dire que sa demande a été communiquée au préfet de la Seine et au préfet de police; que ces deux magistrats donnèrent, le 8 et le 22 octobre 1832, leur avis sur cette demande, et s'expliquèrent sur le compte de M. Vecchiarelli dans les termes les plus favorables.

La demande fut soumise au conseil d'Etat, car le conseil d'Etat est appelé à donner son avis dans les affaires de cette nature. Or, le conseil d'Etat, à l'unanimité, déclara qu'il y avait lieu à admettre M. Vecchiarelli à être naturalisé français. On n'avait pas oublié les services qu'il avait rendus dans la Révolution de Juillet.

A la suite du rapport du conseil d'Etat, le 28 janvier 1833, une ordonnance fut rendue, qui déclara que des lettres de naturalisation étaient accordées à M. Vecchiarelli; je dis que l'ordonnance portait que des lettres de natura

« PrécédentContinuer »