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ne dernière considération, et je demande pardon la Chambre si j'avais ésité à la produire ; ais j'avoue que, quoique habitué aux interuptions de toute nature, il est impossible que je uisse me rappeler, au milieu du bruit qui se ait... (Parlez! parles!)

M. le Président. On a eu tort d'interrompre; nais les interruptions n'ont pas été telles qu'on uisse les remarquer comme une singularité. Il e faut pas qu'on croie au dehors que vous avez arlé au milieu d'une tempête. Vous avez été couté, vous le serez encore; parlez. (Très-bien! rès-bien!)

M. Garnier-Pagès. Je dis qu'il est de la plus aute importance pour la France qu'on sache à 'intérieur et à l'extérieur que l'ordre est tellenent dans les cœurs, qu'il ne suffit pas qu'un certain nombre d'hommes veuillent le troubler our qu'il le soit réellement; qu'il ne suffit pas qu'un seul ou que quelques étrangers aient 'intention de troubler l'ordre, pour que l'ordre soit troublé en effet. Or, je le demande, si invoquant en quelque sorte pour principe le salut de la nation, si sortant des règles ordinaires pour appeler la nécessité à son aide, le gouvernement parlait de la nécessité de chasser un ou deux étrangers du sol de la patrie, il en résulterait dans l'esprit des Français et des étrangers cette conséquence fâcheuse et funeste, qu'on croirait que l'ordre est si mal établi en France, qu'il suffit que quelques hommes veuillent le troubler pour que l'ordre soit troublé en effet. (Rumeur.)

Je dis que si vous ne voulez pas que cette conséquence résulte de vos actes, il ne faut pas, pour les justifier, alléguer la loi de la nécessité. Car, encore une fois, il faut qu'on sache qu'en France, si un ou plusieurs étrangers voulaient faire naître le trouble, ils ne sauraient réussir. Il faut qu'on sache que si pareille tentative était faite, le danger ne serait pas grand. Si vous dites que le danger est grand, l'étranger vous croira, il Vous croira faibles. Si, au contraire, vous ne faites pas appel à la nécessité, si vous laissez leur cours aux tribunaux ordinaires, l'étranger croira que l'ordre n'est pas menacé; il croira à votre force, et la France sera respectée comme elle doit l'être.

Voix nombreuses: Aux voix! aux voix!

M. Salverte. Le ministre a demandé la parole. M. le Président. Vous insistez pour lui, le ministre n'insiste pas. Je vais consulter la Chambre.

M. Odilon Barrot. Je demande la parole contre la clôture.

M. Charles Dupin. On a déjà parlé contre la clôture.

M. le Président. On n'a pas encore parlé contre la clôture.

M. Odilon Barrot. Je m'oppose à la clôture, et ce n'est pas pour abuser des moments de la Chambre, qui me parait avoir consacré à cette pétition autant de temps qu'elle paraissait en exiger. Mais il me semble que la question est mal posée. S'il ne s'agissait que d'intervenir dans les débats des tribunaux, je serais étonné que la discussion se fut prolongée aussi longtemps pour arriver en résultat à un ordre du jour qui me parait inevitable.

Mais il s'agit d'autre chose : il y a dans la discussion et le débat autre chose que la question judiciaire extrêmement importante, actuellement

soumise aux tribunaux. Il y a une question de convenance politique, une question de modération, de réserve dans l'exécution de la mesure exorbitante dont il s'agit. Eh bien! c'est à vous que le pétitionnaire s'adresse, pour que vous le recommandiez au ministre dans vos rapports avec lui et dans l'exécution de la loi, en supposant que les tribunaux ne déclarassent pas le droit absolu du pétitionnaire de rester sur le territoire français, d'avoir égard à sa position, et de le traiter avec bienveillance.

Si en 1830, après la Révolution de Juillet, un député eût proposé à cette tribune de conférer les droits de cité, les droits de citoyen français à l'étranger qui avait combattu avec nous, versé son sang pour consacrer notre Révolution de Juillet, si à cette époque une pareille proposition eût été faite, je ne crois pas qu'elle eût été sérieusement combattue.

Plusieurs voix: Parlez sur la clôture!

M. Odilon Barrot. Je demande, Messieurs, si, pour un homme de Juillet, un homme décoré, un homme qui pourrait prétendre que, par son dévouement à notre cause, il a un droit absolu aux égards du gouvernement, si c'est trop de vous demander pour lui un simple renvoi, une simple recommandation à MM. les ministrés. Je m'oppose de toutes mes forces à l'ordre du jour.

M. le comte d'Argout, ministre de l'intérieur et des cultes. Vous ne dites pas que le pétitionnaire s'est battu en juin!

M. le Président. Plusieurs propositions de renvoi ont été faites; la commission propose l'ordre du jour. L'ordre du jour pur et simple a la priorité.

(L'ordre du jour, mis aux voix, est adopté à une très-grande majorité.)

M. Kératry, rapporteur, continue: Messieurs, 158 Polonais, en station dans le port du Havre, vous adressent une pétition par laquelle ils demandent à prolonger leur séjour en France; ils attestent que leurs compatriotes de tous les autres dépôts s'empresseront de partager avec eux le pain de l'hospitalité que vous leur accordez.

Une seconde pétition, connexe à la précédente, et revêtue d'environ 60 signatures, apposées par des habitants de la ville du Havre, réclame, en faveur des mêmes Polonais, votre intervention. pour qu'il leur soit accordé un asile en France,

Enfin une troisième pétition, en rapport avec les deux autres, a été déposée sur le bureau de la Chambre par le général Lafayette; elle est souscrite par l'ex-capitaine Borkienzèz et deux lieutenants, au nom de tous les Polonais réfugiés, résidant dans le Calvados. Son but est d'obtenir de vous un asile pour 600 de leurs compatriotes, nombre qui n'est pas en rapport avec le chiffre de 158, mais dont la différence va bientôt s'expliquer.

Certes, Messieurs, la commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe n'a pu qu'être sensible aux douleurs d'une nation brave, généreuse, qui a mêlé son sang avec le nôtre sur divers champs de bataille, et qui, après un partage déchirant, auquel, si vous ne l'avez empêché, le ciel, au moins, ne vous reprochera pas d'avoir pris part, semble recueillir de temps à autre ses forces et se survivre à elle-même, pour affliger les cœurs honnêtes de sa longue et cruelle agonie. Le cri des Polonais trouvera toujours de l'écho en France, et ce n'est pas votre commission qui cherchera à l'étouffer. Il nous semble même qu'il

a assez fortement retenti parmi nous, puisque ces hommes, tristes orphelins d'une patrie qui n'est plus (Voix à gauche: Ah! oh!) forment à eux seuls les trois cinquièmes des 4,500 réfugiés subventionnés par la munificence française.

Il nous est donc permis, avant de rien prononcer sur ces pétitions, de les examiner sous le rapport de leurs signatures, du nombre de réfugiés qu'elles annoncent, des déboursés qu'ils coûteraient à notre Trésor public, et des circonstances qui ont accompagné leur arrivée dans nos ports.

La Prusse, d'après la demande d'un grand nombre de Polonais, qui, suivant leur propre expression, préféraient la captivité sur le territoire prussien à la clémence impériale, la Prusse fréta trois navires, chargés de transporter, conformément à leur vou, 600 Polonais aux EtatsUnis de l'Amérique. De ces trois navires, l'un a passé le détroit, et paraît marcher vers sa destination; le second, par suite des vives sollicitations que les passagers ont adressées à leur capitaine, a pris relâche dans le port anglais d'Harrich, pour y vaquer à la réparation de quelques avaries, heureusement fort peu considérables.

A peine entrés dans le port, les Polonais, au nombre de 216, se sont adressés à l'ambassadeur français près de S. M. britannique et au président du conseil des ministres du roi des Français, pour en obtenir la faculté de changer leur destination, et de se diriger vers la France. Ceci donne le vrai sens de la pétition déposée par l'honorable général Lafayette, et dont le but est d'obtenir une autorisation de séjour pour 600 Polonais.

Enfin, Messieurs, le troisième navire, ayant à son bord 158 Polonais, a demandé à relâcher au Havre pour y obvier à des dommages qu'une vérification exacte a jugés être de peu d'importance.

Sur l'avis de l'entrée dans le port de ce navire, l'ordre a été intimé, par les autorités administratives, aux passagers de ne point descendre à terre. Il faut le reconnaître avec douleur, cet ordre a été méconnu. Nos lois de conservation de la santé publique, nos lois d'administration intérieure ont été violées par des étrangers, qui invoquaient notre hospitalité, et il est remarquable que, pendant que ces torts graves se commettaient au Havre, ils avaient lieu à Marseille. Dans l'un de ces ports comme dans l'autre, les réfugiés polonais refusaient obéissance aux autorités locales; de leur propre volonté, ils exigeaient que l'on changeât une destination dont ils étaient convenus, soit avec notre gouvernement, soit avec ceux d'Autriche et de Prusse; ils fraternisaient, dans des banquets, avec les sociétés populaires des deux villes, et s'accordaient dans la détermination de ne point quitter le territoire français; tellement qu'à Marseille, contre le texte du traité conclu avec eux sur leur propre demande, 29 Polonais refusaient de se prêter à leur transbordement sur le brick la Malouine, qui devait les transporter à Alger, quoique, par condescendance, le général commandant leur eut donné sa parole d'honneur que leur engagement de servir à Alger dans la légion étrangère resterait sans exécution. Au Havre, 158 Polonais, refusant aussi la destination d'Alger, d'abord acceptée, et se constituant en résistance ouverte contre les autorités, se sont également répandus dans la ville, que leur pré

sence a livrée pendant quelque temps à une cheuse agitation.

Votre commission, Messieurs, s'est entouré documents, et son devoir est de vous en faire par Son premier soin a été de s'informer de l'acthenticité des signatures de la pétition qui ves est adressée par les habitants du Havre en i. veur des Polonais demandant à résider en Frans Cette pétition a été déposée sur le bureau de v tre président par l'un de nos honorables colgues, M. Cabet. Des 56 signatures dont elle revêtue, très-peu appartiennent au commer de cette ville; plusieurs à la Société dite patr tique, affiliée àcelle des Droits de l'homme; et iautres signataires, quelque e-timables d'aille qu'ils puissent être, sont inconnus.

Une voix à gauche : Qu'est-ce que cela fait? M. le Président. N'interrompez pas For

teur.

M. de Corcelles. Je veux répondre à une epression scandaleuse!

M. Kératry, rapporteur. Il n'y a de scanda que celui que vous causez.

Nous remarquerons que quelques jours aut ravant, notre honorable collègue, M. Havin, faisa parvenir à votre commission (sous le n° 101 deux pétitions, l'une à la date d'Alençon (5 javier 1834); l'autre à celle de Mortain, par le quelles 60 citoyens environ de chacune de o communes vous demandent l'abolition de l'aticle 2 de la loi du 21 avril 1832, qui autoris le gouvernement du roi à assigner une réside aux réfugiés étrangers, et même à les éloig du territoire français, si leur présence venit: y troubler l'ordre et la tranquillité publiq Nous vous inviterons également à statuer sur deux pétitions, comme sur celle que des habe tants de Blois viennent de vous adresser (n° **« dans un sentiment d'humanité auquel nous re dons justice, mais qui ne doit pas exclure de vues d'ordre et de sécurité publique.

Tels sont les faits, Messieurs; votre comm sion a cru devoir les placer exactement sous V yeux, afin qu'il ne manquât aucun des éléments nécessaires à la maturité de votre délibération

En qualité de rapporteur, nous avons termin la première partie de notre tâche; la plus pe ble nous reste à remplir. Croyez, Messieurs, q notre cœur a compâti, comme le vôtre, aux & fortunes de la Pologne (Interruption à gauek croyez que nos vœux ont accompagné ses e fants sur les champs de bataille où leur san coulant à flots, eùt dû leur rendre une patrie. L ciel ne l'a pas voulu; mais le courage, mais patriotisme malheureux n'en auront pas moins droit à notre intérêt, et cet intérêt, nous le pre clamons ici, à la face de la France et de l'un vers, ne doit pas être stérile.

Une voix à gauche Les conclusions de commission!

M. Kératry, rapporteur. Il nous semble sous ce rapport le gouvernement du roi des Fra çais peut se présenter hardiment à la générat présente de l'Europe et au jugement de l'h toire.

Quoique plusieurs des réfugiés politiques a mis sur notre territoire aient été rendus à les foyers, vous en avez encore plus de 4,000sidant en France, nourris et entretenus l'Etat; car il en est très peu qui soient utilem occupés. Par votre dernier budget, vous av alloué, pour cette dépense, 2,500,000 francs;

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ont été insuffisants. Le ministre de l'intérieur doit vous demander un supplément qui ne sera pas moindre d'un million et demi; pardonneznous ces détails, Messieurs, puisque la question qui nous occupe, indépendamment de son côté politique, se présente aussi avec une face financière, dans une année où votre budget offre un déficit alarmant. Or, si vous recueillez sur le sol français, sans leur donner une destination que sollicitent pour eux-mêmes vos propres compatriotes, que les pétitionnaires ont demandée primitivement pour leur compte, vous aurez à consentir à une nouvelle allocation de fonds, et certes elle sera considérable; nous allons même jusqu'à la croire indéfinie, l'encouragement donné par vous à tous les hommes qui se trouvent mal chez eux, ou qu'importune le joug des lois de leur propre pays, étant de nature à appeler sur le sol français une foule de réfugiés qui prendront à vos yeux une couleur politique. Isi, en effet, il est bon de remarquer que cette couleur ne peut être réclamée que par le plus petit nombre des 400 Polonais pour lesquels on vous demande un droit de séjour et de domicile; à l'exception d'une trentaine de chefs militaires, ils appartiennent à la classe des laboureurs et des artisans qui ne sont sous le coup d'aucune proscription étrangère.

Le gouvernement de France, oubliant généreusement que ces Polonais étaient à la charge de la Prusse et de l'Autriche, qui, sans autre droit que celui de la force, se sont partagés les A dépouilles de leur patrie, est venu au secours des réfugiés de Marseille, du Havre, et même de ceux d'llarrich; il leur a permis en France une résidence provisoire, ce dont votre commission lui rend grâces au nom de l'humanité, au nom du respect que les hommes civilisés de tous les pays ne cesseront d'accorder au courage malheureux. Mais il s'agit de savoir si ces étrangers soutenus par vous, si ceux qui nouvellement ont touché vos rivages, non seulement changeront leur première destination, mais se refuseront à la seconde qu'ils avaient plus tard =acceptée et resteront oisifs en France à l'aide de vos subsides, tandis que des familles françaises se trouveraient heureuses d'obtenir, du gouvernement de leur propre pays, les moyens de fonder des établissements sur la côte d'Afrique. (Très bien! aux centres.)

Messieurs, quoique les finances françaises soient les moins engagées de toutes celles de l'Europe, les charges du pays n'en sont pas moins accablantes. Si quelques pétitions, dans un sentiment d'humanité que nous ne repoussons pas, vous demandent indirectement un accroissement de dépenses pour 600 nouveaux réfugiés, dont se soulagent deux Etats voisins, nous ne saurions oublier que nos départements de l'Est et de l'Ouest attendent. avec un légitime espoir, le dégrèvement de la taxe du sel (Exclamations et rires aux extrémités), taxe la plus inégale, puisqu'elle pèse sur la population la moins aisée du royaume, sans qu'aucun individu puisse s'y soustraire, l'objet imposé entrant par nécessité dans la plus modeste préparation d'aliments. Au milieu des demandes de fonds qui se multiplient chaque jour, vous n'oublierez pas davant ge, Messieurs, que votre commission d'examen d'accroissement de pensions au profit des veuves des généraux Daumesnil, Gérard et Decaen, se voit, à son grand regret, condamnée à leur refuser les 1,500 francs dont il eût été à désirer que la génerosité nationale pût doter des femmes

qui portent des noms chers à la France. (Marques d'approbation au centre.)

Ici se place encore une question préjudicielle : nous avons un gouvernement constitué dans les 3 branches du pouvoir qui se composent. Une seule est chargée de l'exécution des lois et de l'administration du royaume. Sil y a quelque part infraction des lois, ou si le temps y appelle une réforme, le droit de pétition près des 2 Chambres est là pour obvier au mal ou pour redresser les griefs. Resterait à savoir si des étrangers ont le droit de vous envoyer des pétitions collectives en matière d'administration intérieure, et si vous devez constitutionnellement en connaître? Ne leur suffisait-il pas de s'adresser au gouvernement, sur lequel vous exerceriez toujours votre action légale par la voie des subsides? Le ministère de Sa Majesté n'est-il pas à portée, plus que tout autre pouvoir de l'Etat, de connaître en quel nombre le sol français peut donner asile à des étrangers, sans que leur présence compromette la tranquillité publique? Ces étrangers eux-mêmes, à la loyauté desquels votre commission se plaît à croire, ne se trompent-ils pas dans leurs vues, sans doute innocentes, en se prêtant aux projets de quelques prétendus patriotes exclusifs, en guerre permanente avec le gouvernement de leur pays, et qui, probablement à tort, chercheraient en eux des auxiliaires?

Cette erreur cependant, Messieurs, quelque préjudiciable qu'elle soit devenue, dans certaines localités, à l'ordre public, nous semblerait digne d'excuse, le propre de la nature humaine atteinte par le sort étant de sympathiser avec tout ce qui lui offre aide et assistance, si ceux qui ont recours à votre intervention n'avaient pas commencé par enfreindre les lois du pays dont ils venaient invoquer l'hospitalité.

Par tous ces motifs, plutôt indiqués que développés, votre commission, après un mur examen des quatre pétitions relatives aux réfugiés embarqués sur navires prussiens et aux deux pétitions qui vous demandent le rapport de la loi du 21 avril 1832, Joi plus nécessaire que jamais au maintien de notre ordre intérieur, sans vouloir atténuer en rien l'interêt qu'un gouvernement, fidèle au caractère national, accordera toujours aux véritables réfugiés politiques, en juste satisfaction de nos lois méconnues, comme dans le désir de conserver celles qui garantissent le repos de l'Etat; votre commission, dis-je, à l'unanimité, vous propose l'ordre du jour.

Au centre: Très bien! très bien !

M. Havin. Je prie M. le rapporteur de vouloir bien donner lecture de la pétition des habitants de Mortain, déposée par moi. Je ne veux pas me servir d'un mot qui pourrait le choquer; mais par une espèce de perfidie...(Rires et exclamations.) il a rappelé le nom des signataires d'une pétition.....

M. Kératry, rapporteur. Ce n'est pas la vôtre.

M. Havin continuant... comme faisant partie des affiliés à la Société des Droits de l'homme.

M. Kératry, rapporteur. Vous êtes dans l'erreur! J'ai parlé de la pétition du Havre, et non de celle que vous aviez déposée.

M. Havin. Vous les avez rapprochées. (Non! non!)

M. le Président. Vous êtes pleinement dans l'erreur. La pétition dont vous parlez n'a pas été rapportée. C'est donc mal à propos que vous

avez cherché une expression pour rendre votre pensée, et vous avez mal rencontré; vous vous êtes servi d'une expression inconvenante à l'égard de M. le rapporteur. Votre pétition viendra à son tour et d'après son numéro, mais maintenant vous n'avez pas la parole. (Bruit.)

M. Havin. Je demande pardon à M. le Président. On a cité la pétition déposée par moi, et ensuite on s'est livré à une espèce d'inquisition sur le nom des signataires.

M. Kératry, rapporteur. Pas du tout!

M. Havin. Je prie M. le Président de me maintenir la parole.

M. le Président. Vous ne l'avez pas.

M. Havin. Je la demande pour un fait personnel.

M. le Président. Il n'a été rien dit de personnel contre vous. C'est vous qui avez rendu la question personnelle en intervenant mal à propos.

Quelques voix Mais il a été nommé, il a droit de parler! (Non! non! Agitation.)

M. Odilon Barrot. Il faudrait pourtant distinguer entre les expressions de M. le rapporteur. Il a confondu la pétition relative aux Polonais, et celle relative à la loi; l'une est une pétition individuelle, et l'autre une pétition législative. Il est impossible de confondre dans une même discussion deux pétitions d'un ordre aussi différent.

M. Kératry, rapporteur. Le rapporteur a été obligé de faire ce que l'honorable préopinant appelle une espèce de confusion, parce que la pétition qui demandait le rapport de la loi d'avril 1832 demandait au nom des Polonais...

M. Odilon Barrot. I importe peu, c'est dans la nature des pétitions qu'il faut prendre l'ordre à suivre. Je demande formellement que la discussion s'établisse sur le terrain particulier où se placent les pétitionnaires.

M. le Président. En se conformant à cet ordre, la Chambre adopte-t-elle qu'on discute purement et simplement la question relative aux Polonais débarqués au Havre, et que l'on réserve pour plus tard ce qui concerne la discussion générale de la loi? (Oui! oui!) Dans ce cas, la discussion est ouverte seulement pour ce qui concerne les Polonais débarqués au Havre.

M. le général Lafayette. Messieurs, le rapport de votre commission a réuni toutes les considérations grandes et petites qui pouvaient influencer l'opinion de la Chambre. Quant à moi, je me dispenserai de cette tactique parlementaire; j'irai droit au but, me réservant de demander la parole sur la seconde discussion qui va venir à l'ordre du jour.

Messieurs, il n'y a pas longtemps que la Chambre, dans son adresse au roi, non contente de ce qui avait été déjà dit, par la commission, des explications données en son nom par l'honorable M. Bignon, a voulu, d'une manière spéciale, consigner dans l'adresse sa protestation contre tout ce qui se passait en Pologne; elle s'est souvenue, la Chambre, qu'elle avait dit que la nationalité polonaise ne périrait pas.

Aujourd'hui, Messieurs, il s'agit des Polonais qui sont débarqués au Havre, et vous me permettrez quelques courts détails sur la situation de ces victimes de leur fidélité à la patrie.

Vous savez que lorsqu'un corps de Polonais fut

obligé de passer sur le territoire prussien. furent désarmés; tous les moyens imagica moyens de ruse et de brutalité, furent empl pour les repousser sur le territoire polosa russe, où ils tombèrent dans les mains des saques et des Russes qui les attendaient... vous rappelez ce qu'il leur arriva.

Vous avez entendu parler (et s'il le fallait j rais des preuves de ce qui avait été l'objet doute pour la Chambre, parce que heureuserelle croyait impossible ce qui s'est pratiq cette époque) que des Polonais furent mis t deux lignes de gens armés de bâtons. On ordonna de prêter serment au bourreau de pays; ils refusèrent d'obéir. Plusieurs sont Sous les coups de cette exécrable troupe. S voulait douter de ces faits, je pourrais vous ner des renseignements qui ne permettri aucun doute. Ainsi, on peut se dispenser de ces vérités.

Séparés de leurs officiers, laissés seuls S territoire prussien, ces Polonais ont été tr en galériens, soumis à tous les travaux des condamnés aux galères. Les mauvais track ments qu'ils ont eu à subir, la mauvaise no ture qu'on leur a donnée, tout cela a été au de toute expression. Je ne sais si à l'égard nourriture on a agi comme le roi de Ba qui, dit-on, et je crois en être sûr, a as. pour les trois jours de Juillet une diéte pl goureuse aux prisonniers politiques. (Mou) d'hilarité.)

600 de ces malheureux ont survécu à tot les brutalités et les mauvais traitements. leur a demandé s'ils préféraient aller en Ar rique. Ils ont accepté sans doute; et lors dans leur voyage ils se sont trouvés à lat teur de France, une partie de ces Polonais été assez heureux pour que des avaries t constatées les aient forcés de relâcher au Ha quoique le consul prussien du Havre eût donné, m'a-t-on dit, au capitaine du navire partir sur-le-champ.

Ils sont entrés dans un port français. Des moment-là, Messieurs, il leur est arrivé ce I arrive à l'esclave qui met le pied sur le sol fr çais. On dit qu'ils sont entrés sans en a l'ordre; mais je vous le demande, si vous v échappiez d'une caverne homicide, est-ce q vous feriez écrire à nos portes pour deman asile? Non certainement. Ils sont entrés tout suite, et ils ont été adoptés par cette brave p lation havraise, celle qui la première est accour au premier danger de la liberté, pour comba avec la population parisienne. Les renver vous? Aurez-vous le courage de renvoyer ce a résisté comme par miracle aux mauvais tra ments qu'ils ont éprouvés? Non, sans doute. Chambre ne le voudra pas; la Chambre pres sous sa protection les Polonais qui ont écha à la Prusse, et la France les recevra dans > sein.

On nous a dit que les populations frança le trouveraient mauvais. Messieurs, je vous demande, partout où les Polonais se sont p sentés, sont-ce les populations ou les agents gouvernement qui ont eu des torts envers eui Et dernièrement encore, vous avez vu ce q s'est passé à Marseille. Les détails qui ont donnés sur les mauvais traitements que les lonais ont éprouvés ont été, ce me semble, avo par tous les journaux du pays, moins le jours. de la préfecture, qu i s'est contenté d'en accus

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le militaire au lieu d'en accuser le civil; mais cela revient à peu près au même.

Eh bien, lorsque les Polonais sont débarqués ici comme par miracle, je le répète, il serait indigne de la loyauté de cette Chambre qui s'est si bien exprimée dans son adresse sur la cause polonaise, il serait indigne d'elle de céder au vœu de votre commission; et je vous demande pour eux de ne point passer à l'ordre du jour, mais de renvoyer leur pétition au président du conseil et au conseil du roi.

Aux extrémités Appuyé! appuyé!

M. le comte d'Argout, ministre de l'intérieur et des cultes. Messieurs, la commission a proposé l'ordre du jour à l'unanimité. L'honorable général qui descend de la tribune a demandé au contraire que la pétition fût renvoyée au gouvernement. Il s'est fondé sur des considérations d'humanité, sur des sentiments de sympathie, que le gouvernement est loin de repousser; mais sous ce point de vue, le renvoi serait parfaitement inutile, car le gouvernement a déjà fait tout ce que commandait la situation particulière de ces Polonais; et s'il y avait encore quelque chose de plus à faire, il ne le pourrait faire qu'avec le concours de la Chambre, lorsqu'elle s'occupera de votes qui bientôt lui seront demandés. Mais cet ordre du jour réclamé par la commission, je dois le dire, est nécessaire dans un intérêt public, nécessaire dans l'intérêt du maintien de l'ordre; car, tout en manifestant pour les Polonais et pour les réfugiés des autres nations tous les sentiments d'humanité que leur position exige, il importe de leur prouver en même temps qu'ils ne sont pas au-dessus des lois, et qu'ils doivent respecter celles du pays qui leur donne asile.

Dans le cours de cette discussion, et dans celle à laquelle a donné lieu la pétition rapportée tout à l'heure, celle du sieur Vecchiarelli, on a souvent attaqué le gouvernement pour la dureté de sa conduite envers les réfugiés. pour la brutalité de ses décisions, pour la manière, pour ainsi dire barbare, avec laquelle il les transporte tantôt d'une région de la France à une autre, et tantôt les expulse du territoire.

Je suis enchanté, Messieurs, de trouver cette occasion d'expliquer à la Chambre, et à toute la France, le système que nous avons suivi à l'égard des réfugiés; et j'ose dire qu'il obtiendra non seulement votre assentiment, mais encore l'assentiment universel.

Avant d'entrer dans ces détails, qu'il me soit permis de repousser une allégation qui a été avancée par un honorable député. C'est que le gouvernement s'était conduit, à l'égard des réfugiés, d'après l'impulsion, d'après les demandes des puissances étrangères. Messieurs, il n'en a pas été ainsi; et si elles avaient formé de pareilles demandes, nous les aurions repoussées.

Nous avons pris toutes les mesures qu'exigeait le bon ordre, mais nous les avons prises de notre propre mouvement, d'après notre conscience, et jamais d'après des impulsions étrangères au gouvernement français; car le gouvernement saura, tout en maintenant la paix et la bonne harmonie avec les étrangers, maintenir en même temps sa dignité et son indépendance: c'est la maxime du gouvernement, et il saura y persévérer. (Marques d'adhésion.)

Voici ce qui a été fait pour les réfugiés : il y a un an, beaucoup de plaintes avaient été produites sur ce que les réfugiés, et particulièrement les Polonais, étaient réunis dans un trop

petit nombre de dépôts; que gênés par la concurrence qu'ils se faisaient à eux-mêmes, ils trouvaient de trop rares occasions d'utiliser leurs industries, et qu'une trop grande agglomération de réfugiés sur le même point, rendant les vivres plus chers, accroissait les inconvénients de leur situation, et que la réunion des Polonais dans un même lieu donnait trop d'influence à ceux d'entre eux dont la tête exaltée pouvait entraîner leurs camarades dans des actes répréhensibles. Eh bien le gouvernement a trouvé ces réclamations parfaitement justes; il a dissous ces dépôts et disséminé les réfugiés sur tous les points de la France; il les a colloqués dans des lieux où chacun d'eux, suivant la nature de ses études, de ses travaux, de ses habitudes pourrait trouver des ressources pour améliorer sa situation.

Le gouvernement a fait un tarif de secours. Mais il faut le dire, ce tarif est aussi large, aussi ample qu'il soit permis de le faire, car les réfugiés reçoivent à peu près le traitement des militaires français en réforme.

Par exemple, un lieutenant général français jouit d'un traitement de réforme de 3,000 francs; eh bien! les lieutenants généraux étrangers, les principaux fonctionnaires civils, et les dignitaires assimilés à ce grade, les nonces, reçoivent un traitement qui varie selon le nombre et l'importance de leur famille, et s'élève de 1,800 à 3,000 francs. Ainsi ceux qui ont de la famille reçoivent autant qu'un lieutenant général français en réforme. Certes, on ne peut rien demander de plus pour eux.

Je dirai plus, des décisions exceptionnelles avaient été prises pour quelques réfugiés et pour quelques veuves de réfugiés dont les malheurs particuliers semblaient indiquer la nécessité d'une mesure spéciale. Par exemple, je citerai la veuve du général Torrijos, à laquelle on a accordé, au commencement de la Révolution de Juillet, une pension de 1,000 écus, tandis que vous n'accordez qu'une pension de 1,500 francs à la veuve d'un lieutenant général français. Il est vrai que j'ai fait réduire cette pension il y a 6 mois à 1,800 francs, mais c'est encore plus que ce que nous accordons aux veuves de nos plus illustres généraux. (Mouvements divers.)

Il faut bien répondre aux accusations. (Oui! oui!) Voulez-vous que je passe rapidement en revue les autres grades? (Parlez! parlez!)

Les maréchaux de camp en réforme ont, en France, 2,000 francs de traitement. Tous les réfugiés, qui ont été assimilés au grade de maréchaux de camp, soit qu'ils fussent dans l'ordre militaire avec des fonctions analogues, soit que ce fussent des chefs politiques, des intendants de provinces ou des présidents de cours souveraines, qui, dans l'ordre civil, devaient y être assimilés; tous ces réfugiés, dis-je, reçoivent, suivant l'importance de leur famille, des traitements gradués depuis 1,200 francs jusqu'à 2,400 francs. Ainsi, il en est qui touchent plus que les maréchaux de camp français.

Si vous voulez passer aux grades inférieurs, vous saurez que les officiers supérieurs jouissent d'un traitement de 750 francs par an; mais il faut remarquer que, presque toujours, on leur accorde quelques secours extraordinaires, soit parce qu'ils tombent malades, soit parce qu'ils se trouvent dans un état de détresse.

Le gouvernement est assailli de supplications, depuis le premier jour de l'année jusqu'au dernier, et presque toujours le tarif est dépassé.

Pour les grades inférieurs, il est alloué

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