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nationale que la Catalogne et l'Espagne demandent; mais même avant ce temps-là, il leur avait été refusé des passeports, et je crois pouvoir répondre que ceux du moins avec lesquels j'ai quelques rapports, que ceux-là seraient charmés d'y retourner, maintenant que l'aurore de la liberté parait luire sur l'Espagne.

M. le ministre de l'intérieur a dit une grande vérité, pourvu qu'elle ne se rapporte pas au nom qu'il a cité et sur lequel mon opinion est contraire à la sienne, mais en même temps je suis rès persuadé qu'il y a des provocateurs qui viennent de plusieurs parties de l'Europe pour engager les réfugiés à se compromettre eux

nêmes.

Je ne serais pas étonné qu'il y eût tel pensionhaire prussien qui se fût mêlé de ce métier; je e serais pas étonné qu'il y eût des agents russes qui parlent fort bien le polonais; je dis seulenent qu'on doit se mettre en garde contre cette spèce de provocateurs et de gens qui peuvent es conseiller de se compromettre. Quant à la loi n général, et je ne sais de quelle loi on veut arler, car les uns disent que l'ancienne loi de endémiaire subsiste, je ne comprends pas trop ourquoi elle subsisterait pour les étrangers uisqu'on en a demandé une nouvelle qui semble abroger, du moins autant que mon bon sens e l'a fait préjuger.

Mais enfin, quelle que soit cette loi, je citerai ontre le principe qui l'a fait admettre la belle ttre d'un membre du ministère actuel (1), orsqu'on voulut, sous la Restauration, faire renoyer un Piémontais très distingué. Il déclara ix ministres d'alors qu'il était contraire à l'hostalité française d'expulser les étrangers.

Je crois donc que le gouvernement ne peut pas ieux faire que de proposer elle-même la révotion de cette loi qui n'est en aucune manière harmonie avec nos mœurs; mais du moins ut-il espérer qu'elle ne se renouvellera plus, et e, si on la représentait à la Chambre, elle se ppellerait les droits et les devoirs de l'hospitaé. On nous a fait rétrograder par cette mesure. Je voulais donner ces explications pour que M. les ministres ne fussent pas trompés sur ce i se passe ailleurs, et pour qu'ils eussent à se fier des rapports de police qui pourraient leur re faits.

Je ne puis terminer sans exprimer encore une sma profonde douleur de ce que l'ordre du ir a été prononcé. Mais M. le ministre a déré qu'il permettait aux Polonais qui étaient Havre, de rester...

M. le comte d'Argout, ministre de l'intérieur des cultes. Ils ont demandé de rester au Havre squ'à ce qu'ils aient trouvé à se placer; nous fes empêcherons pas d'y résider. Il n'y aura xception à cette règle que dans le cas où elques-uns d'entre eux commettraient une acn répréhensible. (Marques d'adhésion.)

M. le Président. La Chambre a passé à l'ordre jour; c'est au gouvernement à faire ce qu'il idra, ensuite on lui en demandera compte si 1 veut.

1. le général Lafayette. Puisque tout est endu à cet égard, et en me réservant le droit ntionné par M. le Président, je termine ici s explications.

1. le Président. M. Havin a la parole.

!) M. Sébastiani.

M. Havin. M. le rapporteur me remet la pétition des habitants de Mortain.

M. Kératry, rapporteur. Remarquez que je n'ai point parlé de cette pétition.

M. Havin (à la tribune). M. le ministre de l'intérieur est entré dans beaucoup de détails sur la conduite de certains Polonais ou d'autres réfugiés. Il aurait dû rendre justice à la masse des Polonais qui se conduisent parfaitement bien. J'en trouvé la preuve dans une pétition des habitants de Mortain. Mon nom ayant été rappelé dans le rapport de M. Kératry, il me sera sans doute permis de donner quelques explications à ce sujet. Je demande à la Chambre la permission de lui en donner lecture.

Plusieurs voix : Il ne s'agit pas en ce moment de la pétition des habitants de Mortain.

M. Kératry, rapporteur. Cette affaire est finie. M. le Président. La pétition est-elle comprise dans le rapport?

M. Kératry, rapporteur. Elle est comprise dans la partie du rapport qui concerne la demande des habitants du Havre en faveur des Polonais. C'est une affaire jugée.

M. le Président. Vous avez d'abord répondu que la pétition de Mortain n'était pas comprise dans la première partie; elle l'est donc dans la seconde.

M. Havin. Voici cette pétition :

"Messieurs les députés,

<< Permettez-nous d'élever la voix vers vous en faveur des malheureux réfugiés polonais.

«La sympathie que nous éprouvions pour la cause sacrée de l'héroïque Pologne s'est accrue, s'il est possible, de tout l'intérêt que nous ont inspiré ses dignes enfants; car nous devons nous håter de rendre à ceux que nous possédons parmi nous cet éclatant témoignage que personne ici ne démentira. Une conduite pleine de sagesse, de mesure et de convenance leur a conquis l'estime et l'affection générales, et cette résignation courageuse qui prend sa source dans le dévouement patriotique le plus pur et le plus élevé, a commandé le respect de tous pour une si grande infortune si noblement supportée.

Aussi n'est-ce pas sans un profond sentiment de douleur que nous avons vu peser sur eux cette disposition exorbitante de la loi du 21 avril 1832 qui les livre sans garantie et sans défense à l'arbitraire ministériel. Vous le savez, en effet, Messieurs, une sentence rendue dans l'ombre, par un pouvoir occulte, à la fois juge et exécuteur, et dispensé même d'imaginer des prétextes, peut arracher inopinément ces malheureux jeunes gens du sein de la France, de cette France que, dans la naïve effusion de leurs sentiments de reconnaissance, ils appellent leur seconde mère !...

"

Le gouvernement, qui peut leur assigner une résidence, accorder ou retirer des secours, n'a-t-il pas assez de moyens de surveiller et contenir 2 ou 300,000 infortunés dispersés à son gré dans toute l'étendue du royaume?

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« Représentants d'une nation généreuse dont le sol hospitalier ne fut jamais stérile pour le malheur, vous comprendrez ses sympathies et ses vœux; vous effacerez de la législation une disposition devenue contraire à son honneur et à sa dignité, et qui semblerait l'associer à la politique si cruellement ombrageuse du cabinet

russe.

• Vous n'oublierez pas que c'est du haut de votre tribune que descendit cette promesse solennelle La nationalité polonaise ne périra pas!... Hélas! cette nationalité glorieuse, étouffée par le despotisme au sein de la Pologne, ne respire plus que dans le cœur de ses enfants expatriés; eux seuls en conservent le germe précieux; vous ne souffrirez pas qu'il aille s'éteindre à jamais sur une terre étrangère qui, peut-être moins hospitalière que la France, aurait bientôt dévoré les nobles restes de ce peuple de héros.

« C'est au nom de la cause sacrée de l'humanité, de l'indépendance et de la liberté que nous vous implorons en faveur de ses généreux martyrs.

« Mortain, 20 décembre 1832. »

(Suivent les signatures qui sont celles des membres du tribunal, du commandant et des officiers de la garde nationale, des avocats, de toutes les personnes les plus distinguées de Mortain.)

Je m'étais, dans la vivacité du débat, servi d'une expression que je me suis empressé de retirer. J'avais dit que, par une espèce de perfidie, on avait mêlé les noms de ces signataires à ceux des signataires d'autres pétitions. Je voulais dire que M. le rapporteur aurait dû citer ces noms-ci, puisqu'il avait cité les autres : il y avait toujours inexactitude.

M. Kératry, rapporteur. Je viens répondre... (Aux voix! la clôture!)

(La Chambre, consultée, ferme la discussion.) M. le Président. La partie en discussion est la question relative à la non-continuation de la Joi concernant les étrangers. La commission a proposé l'ordre du jour. Je le mets aux voix.

(L'ordre du jour est adopté à une très grande majorité.)

M. le Président. Y a-t-il d'autres rapports à l'ordre du jour?

Plusieurs voix : Non, à demain!

M. Larabit. Messieurs, la Chambre m'avait fait l'honneur, dans la précédente séance (1), de me permettre d'adresser aujourd'hui une interpellation à M. le maréchal ministre de la guerre; mais l'heure étant avancée et la Chambre paraissant pressée... (Une grande partie des membres qui avaient quitté leurs places se disposent à les reprendre.)

M. Larabit. Messieurs, la Chambre paraît pressée de lever la séance.

Voix nombreuses: Non! non!

M. Larabit. Alors je vous prierai de vouloir m'accorder un peu de silence. (Le silence se rétablit.)

Il m'est pénible de monter de nouveau à cette tribune pour me plaindre d'illégalités commises par M. le ministre de la guerre; mais c'est un devoir, et je saurai le remplir. Je suis député pour voter des lois, pour veiller à leur exécution. Je ne suis pas ici le subordonné de M. le ministre de la guerre. Autant je serais heureux de lui obéir sur un champ de bataille, autant il est de mon devoir d'attaquer aujourd'hui ses actes. (Ah! ah!) J'entends des ah! qui sont très

(1) Voy. ci-dessus, séance du 24 janvier 1834, p. 721.

inconvenants; vous avez voulu rester en sear veuillez donc m'accorder un moment dan tion.

M. le Président. La question est très gr j'invite la Chambre au silence. Je vois des z raux hors de leur poste; la question po les concerne.

:

Voix à droite Il n'y a pas ici de généraux n'y a que des députés.

M. Larabit. L'on doit s'étonner, après l sur l'avancement de l'armée, présentée par ministre de la guerre lui-même, de voir rec mencer les illégalités qu'il avait commises co les lois qu'il n'avait pas faites.

L'article 3 de cette loi porte:

Nul ne pourra être sous-lieutenant, 1° S'il n'est âgé au moins de 18 ans;

2° S'il n'a servi au moins 2 ans comme s officier dans un des corps de l'armée, ou s'i été pendant 2 ans élève des écoles militaire polytechnique, et s'il n'a satisfait aux exac de sortie desdites écoles.

Il s'agit de l'armée de terre qu'on ne pas ici d'interprétations indignes de la b foi qui doit régner dans cette Assemblée. nous avons une loi particulière pour l'arme

mer.

L'article 5 de la même loi porte :

« Nul ne pourra être lieutenant, s'il n'a au moins 2 ans dans le grade de sous-liesnant. »

Il s'agit toujours de l'armée de terre.
L'article 12 porte :

« Les deux tiers des grades de lieutenant de capitaine seront donnés à l'anciennete grade; savoir:

«Dans l'infanterie et la cavalerie, pour officiers de chaque régiment.

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Dans le corps d'état-major, sur la tota des officiers du corps.

« Et dans l'artillerie et le génie, parmi les ciers susceptibles de concourir entre eux.

Notez bien ces mots, susceptibles de concos entre eux; ils sont encore répétés à l'article = vant ils ne signifient pas seulement parm. officiers de ces armes; ils signifient plus enc et, entre autres choses, que les officiers du g ne pourraient pas concourir avec ceux de la tillerie, ni réciproquement; et, cependant, reçoivent dans la même école à peu près même instruction.

A plus forte raison, les officiers des aut armes ne peuvent-ils pas concourir avec a de l'artillerie, à plus forte raison des officiers l'armée de mer.

Cependant, au mépris de ces dispositions claires et si positives de la loi, M. le ministr nommé, il y a un an, 2 lieutenants de freg lieutenants dans l'artillerie de terre.

Messieurs, il ne s'agit pas seulement ici droits méconnus dans l'artillerie, mais des dr de toute l'armée.

Car on pourrait, par la même raison, nom des officiers d'infanterie dans la cavalerie, officiers de la garde nationale dans l'infante et MM. les officiers généraux eux-mêmes ne raient plus assurés de leur position; car on t verait bientôt que tel colonel de la garde na: nale est né général, et par faveur on le nommer général dans l'armée.

Et que dirait M. le ministre de la marine l'on voulait donner le commandement de frégates à des officiers de l'armée de terre.

Les lieutenants de l'artillerie, vivement blessés le cette infraction aux lois et règlements miliaires, ont cependant attendu avec patience le noment de réclamer régulièrement.

Ils ont attendu pendant six mois les inspecions générales, et ont remis leurs réclamations MM. les inspecteurs généraux de l'artillerie, vec prière de les transmettre à M. le ministre le la guerre.

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La plupart de MM. les inspecteurs généraux se ont refusés à transmettre ces justes et légales éclamations.

N'est-il pas permis de regretter ici que les hommes qui, à tant de titres, font honneur à 'armée, se montrent si peu jaloux de la légaité, si indifférents sur les droits de leurs inféérieurs, et comprennent si peu nos institutions constitutionnelles?

M. le général Laidet. Très bien!

M. Larabit. De là est venu tout le mal. Les lieutenants de l'artillerie, et il ne s'agit pas ici d'un seul régiment, d'une seule garison, mais de 6 régiments au moins à ma conaissance, blessés de nouveau de ne pas recevoir de réponse à leurs justes et légales éclamations, ont pris le parti d'écrire des ettres collectives aux 2 officiers de marine pour les inviter à quitter le corps de l'artillerie. Ces lettres furent livrées, je ne sais comment, à l'autorité militaire supérieure.

Aussitôt circulaires et menaces ministérielles; ordre d'exiger des rétractations.

Les jeunes officiers sentirent qu'ils avaient eu tort d'écrire des lettres collectives, et ils en témoignèrent leurs regrets, mais seulement sur la forme; car aucun d'eux n'eut la pensée de transiger sur la question de légalité; ils rétractèrent donc leurs lettres collectives, en faisant toutes réserves pour leurs droits.

Il parait qu'on crut voir dans cette demi-rétractation une preuve d'humilité, et on devint aussitôt plus exigeant; on crut que ces jeunes officiers avaient tremblé; et un nouvel ordre ministériel exigea des marques d'un profond repentir, la reconnaissance des 2 officiers étrangers, et la promesse de ne plus réclamer ni devant le ministre, ni devant les Chambres.

Défendre les réclamations devant les Chambres contre une illégalité, c'est enjoindre de renoncer au droit sacré de pétition établi par la Charte, c'est enjoindre de renoncer au titre et aux droits de citoyen; c'est un nouvel outrage à la charte vérite.

La lettre qu'on leur prescrivit de signer me parait outrageante pour les officiers.

Je vais avoir l'honneur de vous en donner lecture; mais je n'en garantis pas l'authenticité, je la trouve dans un journal de Strasbourg qui m'a été envoyé par un officier de cette garnison.

Si elle n'est pas exacte, M. le ministre de la guerre voudra bien me le dire, et si, au lieu d'être menaçante et de porter atteinte à l'honneur des officiers, elle est conçue en des termes convenables, je serai le premier à le reconnaitre et à en remercier M. le ministre de la guerre.

Voici le texte de cette lettre: « Les lieutenants d'artillerie de la garnison de Strasbourg rétracteront et le fonds et la forme de leur démarche; exige qu'ils témoignent de leurs regrets et de leur profond repentir pour l'illégalité de leur conduite... »

Remarquez, Messieurs, le mot d'illégalité, il est bien vrai que les officiers ont eu tort d'adresser

des lettres collectives, mais ils avaient le droit de procéder par voie de pétition, et l'illégalité vient du fait de M. le ministre.

Je continue: «Ils feront ainsi amende honorable. J'exige qu'ils reconnaissent explicitement les droits des deux officiers de marine, c'est-à-dire ils exprimeront qu'ils renoncent à toute voie de rétractation, même légale, contre l'acte ministériel qui les introduits dans l'artillerie. En cas de refus tout officier récalcitrant doit être mis en état d'arrestation, et traduit devant un conseil de guerre. »

Ainsi, Messieurs, d'après cette lettre, il est défendu, sous peine d'être traduit devant un conseil de guerre, à ces officiers, de réclamer même par les voies légales. Ainsi, ils sont placés en dehors du droit des citoyens, ils sont privés du droit de pétition garanti par la Charte à tous les Français.

Messieurs, beaucoup de ces officiers ayant regardé cette forme de protestation, exigée d'eux, comme un outrage, ont refusé de la signer, aussi ils ont été incarcérés et doivent être traduits devant un conseil de guerre.

Je demande comment M. le ministre de la guerre n'a pas reculé devant un acte qui devait humilier de braves et généreux officiers, de jeunes officiers, dont la fierté et la générosité sont nécessaires pour l'honneur du drapeau. M. le ministre de la guerre devrait savoir qu'on n'oublie pas facilement un outrage, et que plus on menace, plus on résiste. (Murmures au centre... Interruption prolongée.)

M. le président me fait observer qu'on doit obéir, je le reconnais; mais quand on est dans son droit, et qu'on veut vous faire reculer, Messieurs, on renonce à l'obéissance.

Voix nombreuses: Jamais! jamais!

M. le général Bugeaud. On obéit d'abord! (Bruits divers.)

M. Larabit. M. le général Bugeaud me dit qu'on obéit d'abord. On obéit aux règlements militaires, mais quand on vous dit: « Vous devez signer une lettre. » on est libre de ne pas obéir; car il n'y a pas d'autorités qui puissent faire signer une lettre qui entache l'honneur de l'homme dont on demande la signature.

Voix aux extrémités : Très bien !

M. le général Bugeaud. Il faut d'abord obéir aux règlements militaires.

M. Larabit. Il ne s'agissait pas de règlements militaires; quand on a incarcéré ces officiers, on a été les saisir dans leur domicile; ils n'ont pas résisté alors, ils ont obéi et ils sont dans les cachots où ils obéissent.

Messieurs, parmi ces jeunes gens il y en qui sont aussi du bois dont on fait les maréchaux. Napoléon a été aussi lieutenant d'artillerie; et si on eût demandé à Napoléon de faire amende honorable, croit-on qu'il l'eût faite ? Non, Messieurs.

Voix au centre: Napoléon savait se faire obéir, mais il a commencé par obéir lui-même.

M. Larabit. Je dis que des officiers, dans un certain nombre de régiments, ont été saisis et incarcérés. Il y en a en prison, pour être traduits devant les conseils de guerre, à Rennes, à Metz, à Strasbourg, etc., et toutes les populations prennent un vif intérêt à leur cause.

Il y a plus, quelques officiers qui doivent faire partie de ces conseils de guerre sont inquiets

sur eux-mêmes, car ils redoutent les vengeances... (Oh! oh!... Violents murmures.)

Messieurs, j'ai reçu des lettres de beaucoup d'officiers; on me les envoie par des moyens détournés, parce qu'on craint un cabinet noir qui, j'espère, n'existe plus.

M. le ministre de la guerre, je vous le dis franchement, les premiers torts sont de votre côté. Voix nombreuses: Parlez à la Chambre!

M. Larabit. Puisqu'on m'avertit que je dois m'adresser à la Chambre, je dirai que les premiers torts sont du côté de M. le ministre de la guerre. C'est lui qui a commis la première illégalité; qu'il veuille donc être généreux et grand, et reconnaître noblement ses torts. Qu'il renonce à ces conseils de guerre, qu'il rende la liberté aux officiers incarcérés, qu'il rende à la marine les deux officiers qu'on n'aurait pas dû en faire

sortir.

M. le Président. La parole est à M. le ministre de la guerre.

M. Larabit. Mais je n'ai pas fini! Je connais l'esprit d'ordre et de régularité qui anime tous ces jeunes gens, et je suis persuadé que lorsque M. le ministre de la guerre leur aura donné cette preuve de bienveillance et de justice, ils s'empresseront de reconnaître le mérite de M. le ministre de la guerre. (Hilarité au centre.)

Oui, Messieurs, ils reconnaîtront un nouveau mérite à M. le ministre de la guerre; car il y en a à reconnaître ses torts, et c'est une gloire nouvelle que M. le ministre de la guerre ajouterait à celle d'avoir vaincu l'ennemi sur divers champs de bataille. (Assez! assez !)

Il est impossible à l'avenir de faire du despotisme par l'armée ni sur l'armée. Veuillez reconnaître cette vérité plus on fera peser sur l'armée le joug du despotisme et de l'arbitraire ministériel, moins elle sera disposée à l'obéissance.

:

M. le maréchal Soult, président du conseil, ministre de la guerre. Messieurs, parmi les assertions un peu étranges de l'honorable orateur qui descend de la tribune, j'ai remarqué l'accusation d'illégalité, de violation des lois dont le ministre de la guerre se serait rendu coupable. C'est à celle-là d'abord que je dois répondre, et je le fais avec d'autant plus d'empressement que ma conscience me dit que je n'ai pas manqué à la loi, qu'au contraire je l'ai observée, et que, dans tout ce qui a été fait à l'égard des lieutenants d'artillerie dont il s'agit, je suis resté exactement dans les principes de la loi. Nous allons voir tout à l'heure jusqu'à quel point elle s'étend à leur égard.

L'article 3 de la loi sur l'avancement détermine en effet le mode qui doit être suivi à l'égard des sous-lieutenants d'artillerie. Je prie la Chambre de remarquer qu'il ne s'agit ici que des souslieutenants. L'application que je veux faire de cette remarque trouvera sa place.

L'article 5 ne parle que des lieutenants et des grades au-dessus. A l'égard des sous-lieutenants, la loi a déterminé, comme elle devait le faire, les propositions d'après lesquelles les sous-officiers d'artillerie, comme les sous-officiers provenant des écoles d'application, seraient pourvus des places de sous-lieutenants dans l'armée. Elle dit qu'un tiers appartiendra aux sous-officiers, que les deux autres tiers appartiendront aux écoles militaires et polytechnique; c'est l'expression de la loi.

Il est arrivé qu en raison des circonstances

qui avaient porté l'armée, et notamment le c de l'artillerie, à un effectif fort élevé, le g de sous officiers avait dépassé, dans une p tion fort considérable, le contingent qui lu venait pour l'avancement.

Les sous-lieutenants qui provenaient des e: d'application n'auraient pas reçu ce qui leur revenir, par une raison assez natu c'est qu'il n'y aurait pas eu de sujets; c'est l'étoffe aurait manqué; les écoles n'auraier: pu fournir le nombre d'élèves qui, réunissa qualités acquises, et admis à l'examen, pus être pourvus des places de sous-lieutenants sorte qu'il y avait déficit. Il n'y avait don à l'égard des sous-lieutenants lésion de dr aucun titre.

A l'égard des lieutenants, dont la loi net mention que pour régler le mode à suivre leur avancement ultérieur, il n'y avait point plus lésion de droit, puisque les 2 officiers } marine, admis dans l'artillerie, sont #{ prendre place immédiatement à la gau quoiqu'ils eussent une ancienneté de grad: 1 térieure à celui des officiers qui étaient date corps.

M. le général Demarçay. Je demande l role.

M. le maréchal Soult, président du con ministre de la guerre. Ainsi, sous ce rappor n'y a pas eu violation de la loi dans les cas.de l'article 3, soit de l'article 5. Personne n'a à se plaindre, légalement au moins.

2 officiers de marine ont en effet passe y a 10 mois, dans l'artillerie. L'un d'eux, cier de mérite, fut jugé très bon pour être ployé dans le corps des pontonniers. C'était, st faire de tort aux pontonniers, leur procurerutile acquisition. Lorsqu'ils arrivèrent, l'un le 1er de l'artillerie, et l'autre dans les port niers, ils y furent accueillis avec empressem ils y ont passé 8 mois, fraternisant avec ! leurs camarades dans le service et dans les t bitudes de la vie, comme le font les militaire sans qu'aucune réclamation, qu'aucune pla se soit élevée contre eux. Je dois ajouter dans cette permutation il n'y a pas non plus lation de là règle; car le roi, chef suprême l'armée, a toujours été considéré comme ava le droit de faire passer un officier d'une ar dans un autre. (Dénégations.)

Je vais le prouver.

M. le général Demarçay et un autre mi bre demandent la parole.

M. le maréchal Soult, président du cons ministre de la guerre. Cela est si vrai qu'il tous les jours des permutations de la marisl'armée de terre et de l'armée de terre à la c rine.

Cela a été constamment pratiqué et se pr tique encore sans réclamations. Je crois m que dans cette Chambre on compte des offici de terre qui ont été dans la marine. Des r ments de l'artillerie de terre se trouvent auj d'hui commandés par des colonels qui sort de la marine. Beaucoup d'autres exemples p raient être cités. Je me borne à ceux-ci, et je qu'ils n'ont excité aucune réclamation dans. mée; au contraire, on a toujours regardé s c'était des acquisitions utiles. Par contre l'ars de terre donne souvent à la marine des office qui lui sont utiles. Il y en a beaucoup emplo en ce moment dans la marine, et cela se pas sans plainte ni réclamation.

Il y a 2 mois, tout à coup a éclaté un complot, une rébellion constante, produite par des Pactes. J'en fus averti, et je trouvai le cas assez grave pour m'en occuper directement. Les lieutenants de huit régiments, car il y en a trois dans l'armée qui heureusement s'en sont dispensés, s'avisèrent de trouver mauvais ce qu'ils avaient trouvé bon jusque là, et firent des pétitions colElectives, non dans les corps, à leurs chefs, mais de régiment à régiment, du midi de la France au nord, de l'est à l'ouest. Ces pétitions, je les ai toutes en original, revêtues des signatures, au nombre de 12 à 14, bien que dans chaque régiment les lieutenants soient au nombre de 32.

T

La loi a prévu ce cas; je l'ai dit, c'est un complot. C'était une révolte. La loi de 91 le dit expressément; voici les termes :

"Seront considérées et punies comme mouvements combinés contre l'ordre et la discipline en général, toutes réunions, soit de militaires de différents grades, soit d'officiers ou de sousofficiers ou soldats, pour délibérer entre eux, dans d'autres circonstances que celles permises ou prescrites par la loi. »

A plus forte raison, toute délibération formée, et toute émission de vœux collectifs.

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La pénalité établie par cette loi est celle-ci : « Tout officier convaincu de s'être mis dans l'un des cas prévus par la loi, doit être traduit devant un conseil de guerre. >>

« Et la moindre peine, » dit la loi, « qui puisse lui être infligée, c'est d'être cassé de son grade et déclaré indigne de servir la patrie.

Dans cette situation, je demande ce que devait faire le ministre de la guerre. Il y avait évidemment complot, rébellion, manifestation répréhensible, et le nombre des lieutenants qui s'étaient mis dans ce cas-là étaient, dans les divers régiments, de 165, répandus, les uns à Toulouse, les autres à Strasbourg, à Metz, à Rennes. Je ne crois pas qu'on puisse caractériser mieux ce que la loi à prévu.

J'en fus profondément affligé et je le serai longtemps; car un acte de cette nature, éclatant dans l'armée alors qu'elle donnait dans toute la France des témoignages de bonne conduite, de son bon esprit, de son zèle à se renfermer dans ce que la loi prescrit, et de faire régner partout l'ordre lorsqu'il était troublé, cet acte ne pouvait que m'affliger profondément.

Cependant la loi m'imposait aussi des devoirs à remplir; je ne pouvais pas me dispenser, sinon de sévir, au moins de faire entendre son langage.

Toutefois, avant d'en venir à cette pénible extrémité, je voulais que tous les officiers qui s'étaient mis dans ce cas, fussent bien avertis de la situation où ils s'étaient placés, et je leur fis demander des rétractations.

Je ne voulais pas qu'il fut dit qu'une arme qui s'était couverte de gloire partout où elle s'était montrée, et dont la discipline a toujours été citée comme exemple, avait eu à se faire le reproche d'avoir vu 165 jeunes gens se mettre dans un cas aussi fâcheux et laisser une tache dans le corps où une chose aussi déplorable avait pu se manifester.

Il y en a beaucoup qui reconnurent leur égarement, qui se rétractèrent. Leurs rétractations m'étant soumises, j'en trouvai de suffisantes; j'en trouvai aussi qui aggravaient la situation. Il y en avait entre autres qui, devenues individuelles, étaient menaçantes à tel point que le délit se trouvait beaucoup plus fort et qu'il

fallut alors faire parler à mon tour le langage de la loi.

Les informations se continuèrent. Lorsque ces jeunes officiers inexpérimentés se virent dans cette situation, ils déclarèrent qu'en effet il y avait eu de l'imprudence de leur part, qu'ils ne connaissaient pas tous leurs torts; mais en revenant toutefois toujours à prétendre que justice leur fût rendue, et annonçant même l'intention d'exercer des poursuites.

J'ai dù alors faire parler le langage de la loi. J'ai ordonné que les conseils de guerre fissent justice de ces faits. Il n'y a pas eu là passion de la part du ministre de la guerre; il n'y a eu de sa part autre chose qu'exécution de son devoir, qui lui ordonne de faire respecter la discipline.

Or, toutes les fois que les mesures à prendre dépassent mes attributions, mon devoir est alors de laisser à la loi son libre cours.

C'est ainsi que cela s'est pratiqué. Cependant tous, excepté 7 ou 8, ont reconnu leur égarement et sont venus à résipiscence; j'emploie à dessein ce mot pour faire voir qu'ils n'avaient pas compris toute l'étendue de leur faute; ils se sont repentis, quand on leur a fait voir la position affreuse dans laquelle ils s'étaient mis.

Mais tout n'était pas fini; il y en a encore quelques-uns qui ont persisté avec menaces, avec des manifestations plus répréhensibles que le premier acte n'avait pu l'être.

Dans cette situation, je le demande, le ministre de la guerre devait-il rester indifférent? les remercier par exemple? trouver bon ce qu'ils avaient fait (On rit.)? Où en serions-nous, Messieurs, si l'armée pouvait se conduire de la sorte; si chacun pouvait faire ce qu'il veut? Si, méconnaissant toutes les lois, on pouvait à tout propos braver avec menaces, avec manifestation, les ordres des chefs? Eh! Messieurs, il faudrait que nous missions la clef sous la porte. (Sensation.)

Non, Messieurs, en fait de discipline, je m'y connais comme les autres; en fait de légalité, vous pouvez m'attaquer, jamais vous ne me trouverez en faute. (Marques d'adhésion.)

Ici il n'y a rien eu d'innové: tous les officiers ont été reçus avec empressement, avec accueil; ils ont vécu pendant dix mois dans le meilleur accord, et constamment ensemble. Tout à coup la chose éclate, et cela est plus qu'une chose grave, c'est une rébellion ouverte. Y aurait-il une armée, y aurait-il une France, si l'on ne réprimait pas de pareils actes?

Il y a d'autres formes à observer, quand on se croit lésé dans son droit. Les inspecteurs généraux ont reculé, ils n'ont pas voulu admettre des observations; ils ont blåmé toutes les manifestations qui ont eu lieu.

L'honorable orateur a dit que la plupart des inspecteurs généraux s'étaient refusés à recevoir les justes plaintes qui leur étaient adressées. Je les ai tous blâmés très sévèrement de ce que des mesures de cette nature auraient pu être passées sous silence par eux, ils se sont expliqués.

Il y a eu des lettres collectives, des mesures ont été employées; on dit qu'on a traité ces officiers avec sévérité. Je le demande, la conduite dont je viens d'entretenir la Chambre annonce-t-elle de la sévérité ou de l'indulgence?

Ils étaient 165 qui s'étaient mis dans ce cas. A l'exception de 5 d'une part, de 8 de l'autre,

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