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exercé, sont les tentations, par lesquelles Dieu | revenir à la méditation, ni à ses actes méthojaloux veut purifier l'amour en ne lui faisant diques'. voir aucune ressource, ni aucune espérance pour son intérêt propre, même éternel'.

VIII. Tous les sacrifices que les ames les plus désintéressées font d'ordinaire sur leur béatitude éternelle sont conditionnels... Mais ce sacrifice ne peut être absolu dans l'état ordinaire. Il n'y a que le cas de ces dernières épreuves, où ce sacrifice devient en quelque manière absolu2.

IX. Dans les dernières épreuves une ame peut être invinciblement persuadée d'une persuasion réfléchie, et qui n'est pas le fond intime de la conscience, qu'elle est justement réprouvée de Dieu 3.

X. Alors l'ame, divisée d'avec elle-même, expire sur la croix avec Jésus-Christ, en disant: O Dieu! mon Dieu! pourquoi m'avez-vous abandonné? Dans cette impression involontaire de désespoir, elle fait le sacrifice absolu de son intérêt propre pour l'éternité".

XI. En cet état une ame perd toute espérance pour son propre intérêt; mais elle ne perd jamais, dans la partie supérieure, c'est-à-dire, dans ses actes directs et intimes, l'espérance parfaite, qui est le desir désintéressé des promesses 5.

XII. Un directeur peut alors laisser faire à cette ame un acquiescement simple à la perte de son intérêt propre, et à la condamnation juste où elle croit être de la part de Dieu9.

XIII. La partie inférieure de Jésus-Christ sur la croix ne communiquoit pas à la supérieure son trouble involontaire 7.

XIV. Il se fait, dans les dernières épreuves, pour la purification de l'amour, une séparation de la partie supérieure de l'ame d'avec l'inférieure... Les actes de la partie inférieure dans cette séparation, sont d'un trouble entièrement aveugle et involontaire; parceque tout ce qui est intellectuel et volontaire est de la partie supérieures.

XV. La méditation consiste dans des actes discursifs qui sont faciles à distinguer les uns des autres.... Cette composition d'actes discursifs et réfléchis est propre à l'exercice de l'amour intéressé 9.

XVI. Il y a un état de contemplation si haute et si parfaite, qu'il devient habituel; en sorte que toutes les fois qu'une ame se met en actuelle oraison, son oraison est contemplative et non discursive. Alors elle n'a plus besoin de

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XVII. Les ames contemplatives sont privées de la vue distincte, sensible et réfléchie de Jésus-Christ en deux temps différents :... Premièrement, dans la ferveur naissante de leur contemplation... Secondement, une ame perd de vue Jésus-Christ dans les dernières épreuves2.

XVIII. Dans l'état passif..... on exerce toutes les vertus distinctes, sans penser qu'elles sont vertus: on ne pense en chaque moment qu'à faire ce que Dieu veut, et l'amour jaloux fait tout ensemble qu'on ne veut plus être vertueux (pour soi), et qu'on ne l'est jamais tant que quand on n'est plus attaché à l'être3.

XIX. On peut dire en ce sens que l'ame passive et désintéressée ne veut plus même l'amour en tant qu'il est sa perfection et son bonheur; mais seulement en tant qu'il est ce que Dieu veut de nous".

XX. Les ames transformées... en se confessant doivent détester leurs fautes, se condamner et desirer la rémission de leurs péchés, non comme leur propre purification et délivrance, mais comme chose que Dieu veut, et qu'il veut que nous voulions pour sa gloire3.

XXI. Les saints mystiques ont exclu de l'état des ames transformées, les pratiques de vertu®.

XXII. Quoique cette doctrine (du pur amour) fût la pure et simple perfection de l'Évangile marquée dans toute la tradition, les anciens pasteurs ne proposoient d'ordinaire au commun des justes que les pratiques de l'amour intéressé proportionnées à leur grace".

XXIII. Le pur amour fait lui seul toute la vie intérieure, et devient alors l'unique principe et l'unique motif de tous les actes délibérés et méritoires.

Au reste, nous n'entendons point, par la condamnation expresse de ces propositions, approuver aucunement les autres choses contenues au même livre. Et afin que ces présentes lettres viennent plus aisément à la connoissance de tous, et que personne n'en puisse prétendre cause d'ignorance, nous voulons pareillement, et ordonnons par l'autorité susdite, qu'elles soient publiées aux portes de la basilique du prince des apôtres, de la chancellerie apostolique, et de la cour générale au Mont-Citorio, et à la tête du Champ-de-Flore dans la ville, par l'un de nos huissiers, suivant la coutume, et qu'il en demeure des exemplaires affichés aux mêmes lieux :

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EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX, ETC.

en sorte qu'étant ainsi publiées, elles aient envers tous et un chacun de ceux qu'elles regardent, le même effet qu'elles auroient étant siguifiées et intimées à chacun d'eux en personne; voulant aussi qu'on ajoute la même foi aux copies, et aux exemplaires même imprimés, des présentes lettres, signés de la main d'un notaire public et scellés du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, tant en jugement que dehors, et par toute la terre, qu'on ajouteroit à ces mêmes lettres représentées et produites en original.

Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau du pêcheur, le douzième jour de mars M. DC. XCIX, l'an huitième de notre pontificat. Signé J.-F. CARD. ALBANO.

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Et plus bas :

L'an de N. S. J.-C. 1699, indiction septième, le 13 de mars, et du pontificat de notre saint Père le Pape par la Providence divine Innocent XII l'an huitième, le Bref susdit a été affiché el publié aux portes de la basilique du prince des apótres, de la grande cour d'Innocent, à la tête du Champ-de-Flore, et aux autres lieux de la ville accoutumés, par moi François Perino, huissier de notre très saint Père le Pape.

Signé Sébastien VASELLO, maître des huissiers.

Une censure si claire et si solennelle a eu tout l'effet qu'on en pouvoit espérer; le même esprit de la tradition, qui a fait parler le chef visible de l'Église, lui a uni les membres : toutes les provinces ecclésiastiques de ce royaume ont reçu et accepté la constitution avec le respect et la soumission ordinaire; et nous avons eu la consolation tant desirée et tant espérée, de voir monseigneur l'archevêque de Cambrai s'y soumettre le premier, simplement, absolument, et sans aucune restriction': en ajoutant même depuis, quelque pensée qu'il ait pu avoir de son. livre, qu'il renonçoit à son jugement, pour se conformer simplement à celui du souverain Pontife.

Ainsi on ne songe plus à défendre un livre avec lequel on auroit à craindre, selon la constitution, d'induire les pieux lecteurs à des erreurs déja condamnées par l'Église catholique; et on renonce en termes exprès à toute pensée

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de l'expliquer, après que le Saint-Siége en a condamné les propositions en toutes manières : soit dans leur sens naturel, soit dans la liaison de leurs principes.

Les ennemis de l'Église, si attentifs aux divisions qui sembloient s'y élever, peuvent voir, par cet exemple, que ce n'est pas en vain qu'elle se glorifie en notre Seigneur du remède qu'il a opposé aux dissensions, en donnant un chef aux évêques et à l'Église visible, avec lequel tout le corps garde l'unité.

Nous rendons grace à Dieu d'avoir inspiré à notre saint père le pape Innocent XII, digne successeur de saint Pierre, une censure qui prévoit si bien les inconvénients des nouvelles spiritualités, tant dans la spéculative que dans la pratique, avec une si ferme volonté de surmonter les travaux d'un examen si pénible: et adhérant à son jugement, nous condamnons le livre susdit, intitulé Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, etc., et lesdites vingt-trois propositions, avec les mêmes qualifications de la constitution apostolique, sans approuver les autres.

A ces causes, nous vous mandons de publier, dans vos prônes et prédications, la constitution ci-dessus traduite, avec notre présent mandement, pour être suivie et exécutée dans tout notre diocèse, selon sa forme et teneur ordonnons qu'elle sera enregistrée au greffe de notre officialité, pour y avoir recours et être procédé par les voies de droit contre les contrevenants:

défendons à toutes personnes de lire ledit livre, même de le garder, sous toutes les peines portées par la constitution; enjoignant sous les mêmes peines à ceux qui en auroient quelque exemplaire, de nous le remettre incessamment

entre les mains.

Nous vous mandons pareillement, d'envoyer et signifier ces présentes à tous curés et vinotre diocèse, et autres qu'il appartiendra, soicaires, communautés séculières et régulières de disant exempts et non exempts, pour être lues, publiées et exécutées dans la même forme.

Donné à Meaux, dans notre palais épiscopal, le seizième jour du mois d'août, l'an mil six cent nonante-neuf.

Signé J.-BÉNIGNE, év. de Meaux.

Et plus bas :

Par le commandement de mondil seigneur,

Lu et publié en synode, le jeudi troisième jour de septembre, l'an mil six cent nonante-neuf.

RELATION

DFS

ACTES ET DÉLIBÉRATIONS

CONCERNANT LA CONSTITUTION EN FORME DE BREF DE N. S. P.
LE PAPE INNOCENT XII,

Du douzième mars 1699.

Portant condamnation et prohibition du livre intitulé: Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, par messire François de Salignac-Fénelon, archevêque de Cambrai, etc.,

Avec la délibération prise sur ce sujet le 23 juillet 1700, dans l'assemblée générale du clergé de France, à Saint-Germainen-Laye.

EXTRAIT du procès-verbal de l'assemblée du clergé de France du jeudi vingt-deuxième juillet 1700, du matin, monseigneur l'archevêque-duc de Reims président.

pureté de leurs sentiments. Mondit seigneur l'éèque de Meaux a ajouté qu'on trouvera, vers la fin de la Relation, une analyse des procès-verbaux des assemblées provinciales, avec des remarques pour en faire observer la parfaite uniformité; et que surtout on y verroit éclater la piété du Roi, attentive à conserver les droits des évêques dans l'acceptation de la constitution apostolique, S. M. n'ayant pas voulu en ordonner l'enregistrement et l'exécution, qu'après qu'elle auroit été reçue par toutes les provinces ecclé→ siastiques; qu'enfin après avoir représenté toutes ces cho. ses à l'assemblée, il croyoit ne pouvoir mieux finir que par ce passage de saint Augustin, par lequel l'indifférence des nouveaux spirituels est si précisément réfutée1: Quomodo est beata vita quam non amat beatus ; aut quomodo amatur quod utrùm vigeat, an pereat, indifferenter accipitur?

Après quoi monsieur l'abbé de Louvois a fait la lecture de la Relation; laquelle étant achevée, monseigneur l'évêque de Meaux a supplié l'assemblée d'ordonner qu'elle demeuråt sur le bureau, afin que chacun de messeigneurs et messieurs les députés eût le loisir de l'examiner, et de faire ses réflexions sur ce qu'elle contient; mondit seigneur ajoutant que la commission la soumettoit avec un profond respect au jugement de la compagnie et des particuliers qui la composent.

L'assemblée, suivant l'avis de la commission, a ordonné que la Relation demeureroit sur le bureau.

EXTRAIT du procès-verbal de l'assemblée du vendredi vingt-troisième juillet 1700, du matin, monseigneur l'archevêque-duc de Reims président.

MESSEIGNEURS les commissaires nommés par la compagnie pour dresser la Relation de ce qui s'est passé dans 1 Église de France au sujet de l'affaire de monseigneur l'archevêque de Cambrai, ont pris le bureau; et monseigneur l'évêque de Meaux, comme le plus ancien de messeigneurs les commissaires, a dit, qu'en exécution des ordres de la compagnie, messeigneurs de la commission et lui avoient examiné le plan qu'on pouvoit se former pour faire cette relation; qu'on étoit convenu de suivre le même ordre qu'avoit suivi l'assemblée de 1655, dans la Relation qu'elle avoit fait dresser de ce qui s'étoit passé en France MESSEIGNEURS les commissaires nommés par la compaau sujet de la doctrine condamnée par la constitution d'In- gnie pour la relation de l'affaire de monseigneur l'archenocent X, et de l'acceptation qui en avoit été faite; que sur vêque de Cambrai, ayant pris le bureau, monseigneur ce plan on s'étoit proposé, dans la commission, de diviser l'évêque de Meaux a dit, qu'il avoit seulement à ajouter à Ja relation en deux parties, dont la première contiendroit ce qu'il avoit dit le jour précédent, ce que messeigneurs de sommairement ce qui avoit précédé le livre intitulé: Ex- la commission avoient observé sur la conduite que l'assernplication des Maximes des Saints, qui avoit donné lieu à la blée de 1655 avoit tenue par rapport à la Relation qui fut constitution en forme de bref de notre saint Père le Pape, 'faite alors par ses ordres: savoir, que ladite Relation ayant du douzième de mars 1699; et la seconde contiendroit les été approuvée, on ordonna qu'elle seroit signée par tous actes, tant ceux qui ont saisi le Saint-Siége de la connois-les députés, insérée dans le procès-verbal, et imprimée sance de cette affaire, avec le jugement qu'il en a porté par celte constitution, que ceux qui regardent l'acceptation de la même constitution: que la procédure qu'on avoit observée pour cette acceptation avoit été si régulière, qu'elle pourroit servir de modèle à la postérité, et qu'aussi elle avoit été précédée par les exemples de l'antiquité, et dès le temps du pape saint Léon le Grand; qu'à l'égard des exemples de pareilles Relations faites pour conserver aux siècles futurs la mémoire des faits importants à l'Eglise, on en remarquoit plusieurs dans les écrits de saint Athanase, de saint Hilaire et de saint Augustin; qu'au reste il ne pouvoit dissimuler à la compagnie la peine qu'il ressentoit de se voir contraint, par ses ordres, à rappeler dans son souvenir une affaire si douloureuse, non plus que de se dispenser de remarquer dans le fait que la Déclaration que monseigneur l'archevêque de Paris, aujourd'hui cardinal, monseigneur l'évêque de Chartres, et lui, avoient publiée de leurs sentiments sur le livre de monseigneur l'archevêque de Cambrai, ne fut pas donnée pour faire à l'Église une dénonciation de ce livre, comme il semble, par un procèsverbal, que l'a cru une province ecclésiastique, mais que ce fut par l'indispensable nécessité de justifier leur foi et la

dans un recueil séparé; qu'ainsi l'avis de la commission étoit qu'on suivit cet exemple, si la compagnie l'avoit agréable.

Délibération prise par province, l'assemblée a approuvé la Relation de ce qui s'est fait dans l'affaire de monseigneur l'archevêque de Cambrai, et a ordonné, suivant l'avis de la commission, qu'elle sera signée par tous messeigneurs et messieurs les députés, insérée dans le procès-verbal, et qu'il en sera fait incessamment une édition particulière.

RELATION.

La décision prononcée avec tant de poids et de connoissance par N. S. P. le pape Innocent XII, le 12 mars 1699, est si importante, et la manière de la recevoir et de l'exécuter dans le royaume,

Lib. de Trinit. cap. 8.

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res

1

Cependant il se falloit élever au-dessus de cet
amour que nous devons à Dieu comme notre: il
avoit par cet endroit-là trop de liaison avec
nous. Pour achever de poser l'état de la question
et la matière des décisions ecclésiastiques, on
ne doit point oublier que Jésus-Christ, comme
Jésus-Christ et Sauveur, avoit trop de rapport à
nous, pour être le digne objet d'une ame con-
templative, animée du pur amour. Il ne falloit
plus le regarder que comme Dieu béni au-des-
sus de tout, sans s'occuper volontairement de
ce qu'il avoit voulu être fait pour nous : c'est-à-
dire, notre sagesse, notre justice, notre sancti-

si sage et si canonique, qu'on n'en peut trop
soigneusement recueillir les actes, qui se per-
droient en demeurant dispersés. Les saints Pè
nous ont laissé plusieurs semblables re-
cueils, où, pour l'instruction des fidèles, tant
de leur âge que des siècles futurs, ils ont réduit
les actes publics dans la suite d'un récit. La Re-
lation de l'assemblée générale du clergé de
France en 1655, composée sur ces beaux modè-
les, nous a été en cette occasion d'une si grande
utilité, qu'il n'est pas permis de douter que
celle qu'on aura dressée à cet exemple ne soit
également profitable à la postérité. C'est aussi
ce qui a porté l'assemblée générale de la pré-fication, notre rédemption 2; en un mot, notre
sente année 1700, à nommer messeigneurs les
évêques de Meaux, de Montauban, de Cahors
et de Troyes, avec messieurs les abbés de Cau-
martin, de Pomponne, Bossuet et de Louvois,
pour disposer cette affaire, et lui en faire le
rapport.

La nouvelle spiritualité ou la nouvelle oraison,
qu'on a voulu introduire dans ces dernières an-
nées en Italie et en France, a son fondement |
principal sur un prétendu amour pur ou amour
désintéressé bien différent de l'amour de Dieu,
que l'Ecriture et la tradition reconnoissent.

Dans cette nouvelle spiritualité, on appeloit
intérêt non seulement les biens temporels, ou
même dans l'ordre des biens spirituels les graces
et les consolations sensibles, mais encore le sa-
lut que nous espérons en Jésus-Christ, la gloire
éternelle quoiqu'elle soit celle de Dieu plus que
la nôtre, la béatitude, la jouissance de Dieu, la
vision bienheureuse. Toutes ces choses parois-
sent trop basses pour toucher les ames parvenues
à ce prétendu pur amour. Tout ce qu'on avoit à
chercher en Dieu, devoit être tellement détaché
de nous, qu'il n'y eût aucun rapport. On ou-
blioit que dès la troisième parole du commande-
ment de l'amour divin, il étoit dit: Vous aime-
rez le Seigneur votre Dieu, au même sens qu'il
fut dit à Abraham, Je serai ton Dieu, et celui
de ta postérité après toi 2; au même sens que
David disoit si souvent: 0 Dieu, mon Dieu!
pour marquer qu'il étoit à nous, et nous à lui,
de cette façon particulière que saint Paul après
Jérémie explique en disant: Je leur serai Dieu,
et ils me seront peuple 3; et dont encore il est
écrit dans l'Apocalypse: C'est ici le tabernacle
de Dieu avec les hommes, et il habitera avec
eux, et ils seront son peuple, et Dieu demeu-
rant avec eux sera leur Dieu ".

Athanas. Apol. ad Constantium. Apol. 11 cont. Arian.
Epist. ad solitar. de Synodo Arimin. Hilar. de Sgnod.
August. de gestis Pelagii. Brevic. Collat, etc.- Gen. xvII.
7. Jer. xxxI. 33, Hebr. vIII. 10. Apoc. xxI. 5.

Emmanuel, Dieu avec nous. Tout cela nous
devenoit comme indifférent : on ne se soucioit
ni'd'être damné; c'étoit-là ce qu'on appeloit la
sainte et bienheureuse indifférence, dans un
sens bien opposé à l'intention de ceux qui s'é-
toient servi de cette expression. On sacrifioit ai-
sément, dans les dernières épreuves, ce qu'on
tenoit si indifférent on consentoit à sa damna-
tion, en présupposant que Dieu la vouloit d'une
volonté absolue, et on n'auroit pas voulu faire
la moindre action pour en détourner le coup.

Quelles illusions prenoient la place des solides
vérités qu'on laissoit en cette sorte au-dessous
de soi; les exemples des béguards dans les siè-
le
cles passés, et celui de Molinos en nos jours,
montrent assez. C'est là que venoient ces étran-
ges épreuves qui réalisoient le péché pour aussi
mieux réaliser la damnation; et on cherchoit un
repos funeste dans un acquiescement absolu à sa
perte.

La condamnation de Molinos, prononcée à
Rome le 20 novembre 1687, par la bulle d'In-
nocent XI, rendit l'Église plus attentive à ces
matières; et la France ne fut pas long-temps
sans s'apercevoir qu'on répandoit depuis quel-
que temps dans tout le royaume une infinité de
petits livres où les maximes du faux pur amour
et de la nouvelle oraison étoient établies d'une
manière si spécieuse, que, comme ceux de Mo-
linos, ils étoient comptés parmi les livres de dé-
votion. Ceux qui se firent le plus remarquer par
les gens instruits, furent les livres intitulés:
Moyen court, et une Interprétation sur le Can-
tique des Cantiques; une femme avoit composé
ces traités. Feu monseigneur l'archevêque de
Paris la mit dans un monastère, où il fit faire
contre elle quelques procédures dont il ne se
trouve aucun vestige. Comme elle parut très
obéissante, on se contenta de sa soumission; et
sur la promesse qu'elle fit de ne plus écrire ni

4 Rom. ix. 5.-21. Cor. I. 39.

dogmatiser, on lui laissa l'usage des sacrements.

Le mal se renouvelant et le bruit s'augmentant de plus en plus par les livres qu'on vient de nommer, qui se répandoient jusque dans les communautés, leur auteur demanda en particulier l'instruction de quelques évêques sur la nouvelle oraison et le prétendu amour pur car pour les abominations qu'on regardoit comme les suites de ses principes, il n'en fut jamais question, et cette personne en témoignoit de l'horreur. Sur le reste elle proposa elle-même messeigneurs les évêques de Meaux et de Châlons, depuis archevêque de Paris, et aujourd'hui cardinal, avec feu M. Tronson, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice. Il se tint à Issy, dans la maison de cette communauté, des conférences très secrètes sur la nouvelle spiritualité et sur les livres en question. Celle qui les avoit composés fut ouïe plusieurs fois; et s'étant retirée volontairement aux filles de Sainte-Marie de Meaux, elle et ses amis présentèrent divers écrits pour expliquer leurs sentiments, qu'ils soumirent à l'examen des juges qu'ils avoient choisis. Ce fut après les avoir examinés que les trois juges choisis crurent nécessaire d'opposer à la nouvelle oraison, et aux écrits qu'on présentoit pour la défendre, les trente-quatre Articles d'Issy, du 10 mars 1694. La suite des faits oblige ici à remarquer que M. l'abbé de Fénelon fut un de ceux qui écrivirent en faveur du prétendu amour pur, et de la nouvelle spiritualité, et qu'après avoir expliqué sur la matière ce qu'il trouva à propos, il souscrivit les Articles, étant déja nommé archevêque de Cambrai.

même esprit qui guidoit les autres prélats, condamna aussi, par son ordonnance du 21 novembre de la même année, les livres intitulés: Le Moyen court, et l'Interprétation sur le Cantique des Cantiques, avec un manuscrit du même auteur, qu'on répandoit dans son diocèse et ailleurs, sous le nom de Torrens, dont les fidèles extraits, insérés dans cette ordonnance, font assez voir les raisons de défendre et de censurer cet écrit pernicieux.

Le roi, touché à son ordinaire des intérêts de la religion, dont il est le protecteur, approuva ce que faisoient ces évêques; et tant de zèle, tant de précaution et de si justes mesures avec un si grand soutien, auroient étouffé le mal dans sa naissance, si, par un événement qu'on ne peut assez déplorer, monseigneur l'archevêque de Cambrai n'avoit mis au jour son livre intitulé : Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, qui a renouvelé les disputes, et a excité comme en un moment par tout le royaume le soulèvement qu'on a vu.

Une circonstance remarquable de la publication de ce livre, fut de déclarer, dès la préface, que deux grands prélats (ce sont les propres paroles de cette préface) « ayant donné au public >> trente-quatre propositions qui contiennent en >> substance toute la doctrine des voies inté»rieures, l'auteur ne prétendoit, dans cet ou» vrage, que d'expliquer leurs principes avec » plus d'étendue. » Ainsi on ne laissoit aucun doute, que la doctrine de ce nouveau livre ne fût celle de ces deux prélats, c'est-à-dire, de messeigneurs les évêques de Châlons, déja élevé à l'archevêché de Paris, et de Meaux. Il ne s'agissoit que d'étendre plus ou moins leurs principes. L'auteur leur attribuoit les propositions, et ne se laissoit à lui-même autre part, en cette affaire, que celle de développer plus au long leurs sentiments. Par-là ils se trouvoient enga

Pendant que l'on travailloit à ces instructions particulières, feu M. l'archevêque de Paris, qui veilloit de son côté contre l'erreur, publia son ordonnance du 16 octobre 1694, où entre autres livres les deux dont il a été parlé furent condamnés avec la nouvelle oraison. Pareille condamnation fut prononcée par mes-gés malgré eux dans cette cause; le livre étant seigneurs les évêques de Meaux et de Châlons dans leurs ordonnances des 16 et 25 avril 1695. Ces deux prélats insérèrent dans leurs ordonnances les trente-quatre Articles d'Issy pour l'instruction des fidèles. La dame retirée à Meaux, ainsi qu'il a été dit, les avoit déja souscrits, et souscrivit encore aux deux ordonnances où la censure de ses livres étoit contenue, et donna toutes les marques qu'on pouvoit attendre de sa soumission.

Monseigneur l'évêque de Chartres, qui le premier de tous les évêques du royaume avoit découvert dans son diocèse un commencement de l'introduction de la nouvelle oraison, et en avoit vu de ses yeux les mauvais effets; animé par le

public, imprimé en langue vulgaire, avec privilége, avec le nom d'un si grand auteur, il falloit en désavouer ou avouer la doctrine : et ces deux prélats se virent réduits à cette nécessité.

Elle leur parut encore plus fâcheuse, lorsque, examinant la doctrine qu'on leur attribuoit, loin de la pouvoir accorder avec les Articles d'Issy, ils trouvèrent qu'elle ne faisoit que les éluder, et la jugèrent d'ailleurs si opposée à la saine théologie, qu'ils se crurent obligés à déclarer sur cela leur sentiment.

Ils se flattèrent long-temps de l'agréable espérance que monseigneur l'archevêque de Cambrai rentreroit dans les premiers sentiments de con

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