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Son fils fut proclamé Roi, & la douceur de fe voir revivre dans un autre lui-même, le rendit infenfible à la dure néceffité de mourir. Dès que le Monarque eut les yeux fermés, les principaux officiers de l'Etat déférerent la régence à la Reine, dont ils ignoExcès de la roient les atrocités. Ses couches Reine.

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qu'elle ne pouvoit tenir fecrettes, révélerent fes impudicités; mais familiarifée avec le crime, elle montra un visage tranquille, qui annonçoit une ame inacceffible aux remords, & pour comble de fcandale, elle réfolut de faire entrer dans fon lit le complice de fa débauche. Après ce premier pas, qui excita des murmures fans faire encore des rebelles, elle conçut le projet de le placer fur le trône, & de fe défaire du jeune Roi par le même moyen qu'elle avoit employé contre le pere. Les plaintes des grands & du peuple l'arrêterent dans le chemin du crime, & le cri de la nation favorifa fa po

que cruelle.

litique. Elle affecta de craindre des sa politiattentats contre fon fils, dont elle feule étoit l'ennemie, & ce fut pour les prévenir qu'elle demanda une garde qui pût mettre fa tête facrée à couvert des complots facriléges dont elle difoit être inftruite. Ön lui accorda deux mille hommes de pied & cinq cens cavaliers, pour veiller à fa fûreté. C'étoit une innovation que cette milice fubfiftante dans un Etat qui jamais n'entretenoit des troupes que lorfque la patrie étoit menacée d'une invasion étrangere: mais c'est le moyen employé dans tous les âges pour attenter aux priviléges du citoyen qui paye encore fes oppreffeurs.

Dès qu'elle fut armée du pouvoir, elle ne s'en fervit que pour immoler à fa vengeance ceux qui pouvoient l'arrêter dans fa marche, & qui murmuroient des défordres de fa vie. Ses premiers coups tomberent fur les citoyens les plus diftingués. Deux des principaux Sei

gneurs périrent dans les fupplices fur des allégations frivoles. Cette Princeffe effrénée dans fes amours & fes vengeances, croyoit retenir dans le devoir par l'appareil des châtimens; mais tant de fang répandu étoit une femence dont renaiffoient de nouveaux ennemis de fa tyrannie. La confifcation des biens de ces innocentes victimes lui fervit à fe faire des complices: mais ceux dont il faut acheter l'amitié ne perféverent dans leur attachement qu'autant qu'on fournit fans ceffe des alimens à leur baffe cupidité. Elle s'apperçut bientôt qu'au lieu d'avoir acquis des amis, elle n'avoit acheté que des traîtres dévoués à fervir ceux qui fauroient mieux les payer. Ce fut alors qu'elle plaça

fur le trône fon amant adultere dont elle avoit fait fon époux, perfuadée qu'un homme en impoferoit davantage aux murmurateurs qu'une femme qui avoit donné des exemples multipliés de la fragilité de fon fexe.

Roi fon fils,

Le jeune Roi, fantôme placé fur Elle emle trône, en fut précipité par fa poitoane le marâtre impitoyable, & le funefte breuvage qu'elle lui préfenta de fa propre main prévint les vengeances qu'elle devoit en attendre; mais elle ne recueillit pas long-temps le fruit de fon parricide: au moment qu'elle fe félicitoit d'avoir acquis des fujets, elle fit l'expérience que le crime n'enfante que des ennemis. Les grands enhardis par la haine dont elle étoit chargée, & fecondés par le Roi de Cambaye, confpirerent, pour délivrer le royaume d'un monftre qui ne pouvoit fe raffafier du fang de fes victimes. Ils l'inviterent avec Elle eft affaffinée. fon époux à un feftin, où tous deux furent maffacrés. Le trône qu'ils avoient fouillé fut rempli par un frere naturel du pere du dernier Roi, qui paffa de la tranquillité de la vie religieufe dans le tumulte des affaires.

Roi eft un

Ce nouveau Monarque avoit con- Le nouveau tracé dans la retraite des moeurs tyran.

Des Bramas.

dures & fauvages, qui lui firent négliger le foin de fe faire aimer. Sa politique barbare lui fit croire que pour être obéi il falloit fe faire craindre, & qu'il étoit plus facile de contenir les peuples par des châtimens, que de les captiver par des bienfaits. La molleffe où il fe plongea ne put adoucir fa férocité naturelle, & du fein des voluptés il dica des ordres fanglans qui remplirent l'Etat de troubles & de mécontens. Son ineptie dans les affaires réveilla l'ambition d'un voifin puiffant. Le Roi des Bramas envifagea comme facile la conquête du royaume. Ce peuple a tant d'influence fur les deftinées des Siamois, que je ne puis me difpenfer de le faire connoître.

On confond ordinairement les royaumes du Pégu, d'Ava & des Bramas, parce qu'ils obéiffent au même Souverain. Ce pays uni & découvert n'a de montagnes que fur fes frontieres. L'air qu'on y refpire eft pur, & le fol produit tou

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