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La nature libérale le vengea de Pavarice de la fortune. L'élévation de fes fentimens fe manifefta dès qu'il put fe connoître ; & fa fierté ne pouvant fupporter un féjour où tout lui rappeloit la baffeffe de fon origine, il fit voile, à l'âge de douze ans, pour l'Angleterre, où il ne tarda pas à faire connoître des difpofitions pour le commerce. Son imagination vive & féconde favoit tout embellir. Sa converfation facile & intéreffante atteftoit qu'il étoit né dans cette terre fortunée,

qui

forma autrefois les précepteurs des nations. Il fe vit recherché des plus grands Seigneurs de la cour; & fon efprit, riche fans culture, lui donnoit une entrée chez les courtifans les plus délicats, & les favans les plus profonds. M. Vithe, riche négociant Anglois, démêla festalens; & voyant les avantages qu'il en pouvoit tirer, il l'emmena avec lui dans les Indes, où le fuccès juftifia l'idée qu'il en avoit conçue. Après avoir paffé par tous les

Ses talens pour le com

merce.

ges.

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degrés de la milice Angloife, il fe trouva affez riche pour jouir de fon indépendance, & il fe mit à trafiquer pour fon compte. Ses effais ne furent point heureux. Deux fois il mit en mer, & deux fois il fit naufrage vers l'embouchure de Ses naufra- la riviere de Siam. Ses mauvais fuccès ne furent pas capables de rebuter fon induftrie commerçante. Il remit en mer, & fit un troifiéme naufrage fur la côte de Malabar. Il eut peine à fouftraire fa vie à la fureur de la tempête, & il ne put fauver que deux mille écus, qui étoient les feuls débris de toute fa fortune. Refté feul fur un rivage défert & inconnu, il fut provoqué au fommeil par l'excès de fes fatigues & l'épuifement de fes forces. Son fonge. Son imagination ébranlée par le malheur, lui peignit en dormanț une perfonne belle & majestueufe, qui, jetant fur lui un regard tendre & affectueux, lui dit de retourner à Siam, où il jouiroit d'un meilleur fort. Ce fonge, que dans

la fuite il regarda comme une infpiration de la Divinité, lui fit rechercher les moyens d'exécuter ce qui lui étoit preferit. Ainfi ce fut fur un fonge frivole que cet homme, dont on exalte le génie, régla fa marche, qui le conduifit au faîte de la grandeur; mais il reffentoit alors des maux encore récens. Bien des infortunés font parvenus à leur but, en fuivant des guides auffi infideles.

Le lendemain, comme il fe pro- Rencontre menoit trifte & rêveur fur le riva- inopinée. ge, où il contemploit l'élément redoutable qui avoit englouti fa fortune, il fut abordé par un homme qui offroit le fpectacle de la triftelle & de la plus affreufe mifere. C'étoit un ambaffadeur Siamois, qui, en revenant de Perfe, avoit fait naufrage fur la même côte. Ce miniftre, dénué de tout, ne croyoit s'être fauvé des flots que pour expirer fur le rivage. Il fut agréablement furpris d'y trouver un homme humain & compatif

fant, qui daigna le confoler. Le récit qu'ils firent réciproquement de leur défaftre, leur fit éprouver l'un pour l'autre cette tendre émotion inconnue à ces ames flétries par une profpérité trop conftante. Faulcon, qui étoit fort riche, comparé à fon compagnon qui manquoit du néceffaire, ufa de l'argent qui lui reftoit pour lui fournir des 31 retourne vivres & des habits. Il acheta enfuite une barque, & fit voile avec lui pour Siam. Il trouva un afile dans le Séminaire, où il vécut des libéralités de l'Evêque de Beryte, qui vivoit pauvre pour fubvenir aux befoins d'autrui.

à Siam.

Cet ambaffadeur, touché d'un procédé fi généreux, en fit l'éloge au Barcalon, qui voulut voir ce bienfaiteur. Faulcon déploya devant le miniftre toute l'étendue de fes talens. La confiance qu'il infpira le rendit bientôt nécessaire au Barcalon, qui, ennemi du travail, aimoit plus les plaifirs que les affaires. Il crut devoir fe repofer du

veur.

fardeau de l'adminiftration fur un fubalterne, dont les opérations bien dirigées relevoient la gloire du Monarque & de fon premier miniftre. Il fut choifi pour aller en Il s'infinue ambaffade dans un royaume voi- dans la fafin: il y parut avec éclat, fans qu'il en coûtât beaucoup au Roi qui l'avoit envoyé. Les Mores, exacteurs infatiables, épuisoient le tréfor public: c'étoient eux qui fe chargeoient de toutes les entreprifes. Faulcon réprima leur avarice. Cette économie le rendit cher au son éléva Roi, qui, après la mort du Bar- tion. calon, le déclara héritier de cette dignité; mais le Grec fut opiniâtre à la refufer, parce qu'il prévoyoit que fa qualité d'étranger lui attireroit la jaloufie, des grands, qui afpirent toujours aux honneurs, fans jamais travailler aux moyens de s'en rendre dignes. Mais s'il n'eut pas l'éclat du pouvoir, il en eut toute la réalité. Il eut foin de fe tenir caché derriere la machine dont il dirigeoit tous les refforts;

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