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Est-il possible de penser que l'on ne voudra pas prendre pour gage d'une seconde créance de dix mille francs, un domaine de quarante mille qui n'est hypothéqué qu'à une première créance aussi de dix mille francs, surtout quand, par la spécialité de l'hypothèque, les concurrences des droits sont restreintes, et quand l'expropriation, le paiement et la distribution du prix doivent se faire sûrement, promptement, failement et sans frais? Est-ce une chose au-dessus de la pénétration des gens qui ont de l'argent à placer, de sentir qu'une telle affectation en second ordre, évidemment utile, est aussi une hypothèque spéciale? Sera-t-on long-temps à concevoir qu'un placement ainsi appuyé vaut mieux que la transaction vivifiante, signée par l'imprudence, qui vous met en concours avec une foule de prétendans et de leurs avoués, conseils et gens d'affaires ; qui fait naître tant d'examens, de vérifications, de contestations sur les titres de chacun; qui ne vivifie que les agens de la justice; qui tue si souvent les contractans, et dont l'usage a été jusqu'ici signalé par tant de désordres, de ruines et de brigandages, qui sont de nature à n'être de long-temps oubliés?

Qui peut croire qu'offrir un moyen de traiter avec certitude, soit un motif de ne plus traiter; que si l'on se dégoûte de ces transactions vivifiantes, dont déjà on n'est pas trop content, on ne se portera pas vers une forme parfaitement sûre et pleinement tranquillisante?

Il n'y a donc plus de raison, pas même de calcul d'intérêt parmi les hommes. On craint de livrer son argent sans une sûreté suffisante; de là tant de malheurs sans secours, avec une solvabilité réelle. La loi offrira une sûreté entière et l'on veut nous faire accroire qu'on aura moins de confiance quand on n'aura plus rien à craindre; qu'on prêtera moins que quand on risquait, de toutes les manières, de perdre ses fonds; et que lorsque tous les gens sages et raisonnablement intéressés feront couler sans inquiétude leurs fonds dans les canaux de la circulation, il faudra regretter les temps où, par une confiance insensée qu'on appelle loyale et franche, un petit nombre d'imprudens les li→ vraient au hasard d'en être dépouillés par la fraude d'un débiteur ou par les hommes de loi! Non, je ne puis concevoir une telle objection, à laquelle il est plus aisé de sourire que de répondre en règle, parce que la vérité, que l'on sent, n'a souvent d'autre arme contre le sophisme, que de se remontrer une seconde fois, et de se taire.

ONZIÈME OBJECTION.

On prétend que la règle de spécialité a d'autant moins d'applica tion, que toutes les créances, ou conventionnelles, ou éventuelles, ou non déterminées quant à la somme, doivent avoir, même dans le systême de spécialité, une hypothèque générale, un droit d'inscription sur tous les biens présens et même à venir; d'où il suit, dit-on, qu'ajoutant aux hypothèques légales des femmes, des mineurs et de la république, les hypothèques judiciaires résultant des condamnations

et des reconnaissances par jugement, tous les actes, même volontaires, dans lesquels on contracte des obligations éventuelles, telles que des garanties en matière de vente ou de partage, ou indéterminées, comme celles qui résultent soit d'une gestion plus ou moins fidèle, plus ou moins scrupuleuse, plus ou moins sage, soit d'une indemnité non liquidée pour dommages, les quatre cinquièmes de tous les genres d'obligations emportent cette hypothèque indéfinie, et que c'est à la fois une bigarrure importune et une législation inutile d'ordonner la spécialité pour les obligations présentes, certaines, déterminées et liquides, qui ne forment pas le cinquième des divers engagemens entre les hommes; et qu'il dépend encore des contractans, avec une formalité simple et facile, de s'acquérir, même pour ces dernières obligations, l'avantage d'une hypothèque générale.

J'ai déjà prouvé que, ni les obligations appuyées d'hypothèque légale, ni celles qui sont reconnues ou prononcées par jugement, ne forment, dans chaque discussion de bien, ni une aussi grande concurrence de droits qu'on se l'imagine, ni une difficulté sérieuse contre la règle de la désignation des héritages hypothéqués aux engagemens par actes volontaires. J'éviterai de me répéter; mais j'ajoute ici que c'est une erreur de croire que dès qu'il s'agira de créances conditionnelles et éventuelles ou indéterminées, la généralité de l'hypothèque doive être admise.

La garantie des évictions, dans les partages faits devant notaire ou dans les ventes authentiques, est l'une de ces obligations éventuelles,

et non moins indéterminées pour le temps de l'action que pour l'éten

due de l'indemnité: mais il n'en résulte pas que les héritages qui composent les lots, et qui doivent répondre de cette garantie, ne doivent pas être désignés à l'hypothèque ; et qu'en s'inscrivant pour l'acquérir, les copartageans ne doivent pas déterminer l'évaluation qu'ils donnent à ce droit certain; sauf aux possesseurs des biens affectés à cette obligation, à faire réduire l'estimation qu'on y donne. Les lots sont bien chargés de droit de la garantie, de même que l'héritage vendu est débiteur par privilège du prix de la vente : ces deux hypothèques sont légales et même privilégiées, mais sur des biens particuliers. Le conservateur doit inscrire d'office l'héritier créancier d'une soulte sur les biens du lot qu'il doit, comme il inscrit le vendeur pour son prix sur l'héritage qu'il a vendu : mais c'est au copartageant à requérir, pour sa garantie, l'inscription sur les biens partagés, ainsi que sur ceux qui lui seraient indiqués par l'acte, si l'on en a hypothéqué d'autres; ce n'en est pas moins une hypothèque et une inscription spéciale. Il en est de même de toutes les créances soit éventuelles, soit indéterminées : la règle de la spécialité subsiste à leur égard. L'objection pèche donc par son principe; ainsi, elle ne prouve rien contre la législation qu'elle attaque.

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escrit un nouveau délai de trois mois, à partir du que pour les hypothèques anciennes qui n'auraient pas lon la loi précédente.

es ces inscriptions sont faites, et l'effet qu'elles ont dû puisé entièrement; les dommages qui ont dû en résulter aux créanciers spéciaux, sont pleinement opérés et soufut plus les considérer comme un obstacle à l'introducPilleure législation.

inconvénient dont on parle, je le considère à sa naissance principe, il n'est pas à beaucoup près aussi redoutable Pendant trois mois, et pendant les délais successifs qu'on lepuis la loi du 9 messidor an III, et pendant les noumois accordés par la loi du 11 brumaire an VII, la véin n'a pas pu connaître la véritable situation des débiteurs, ges auxquelles leurs biens étaient affectés, et que les noutractans ont traité avec eux dans la même ignorance où l'on fois sur les hypothèques existantes au moment de l'acte d'oCe n'est là qu'un temps d'obscurité très-court qui continue après des siècles de la même obscurité qui ont passé sous le l'ancienne législation. Or, on a peine à concevoir que la de laisser subsister quelques mois, même quelques années, très-nuisible, soit une raison pour ne pas le détruire et le corjamais après ces premiers délais expires. C'est une idée qui se it presque toujours dans la bouche des ennemis des nouveautés s utiles; ils se font un rempart des embarras du passage d'un 'autre : ils renoncent au bien perpétuel de la société humaine, éviter le mal momentané de la réformation; souvent même, e mal, après qu'il a passé, et qu'on en a subi tout le poids sans souvent, dis-je, attribuant à la loi nouvelle, quelque bonne e soit, les inconvéniens qui n'étaient attachés qu'à la fatigue et sordre passager du changement, ils voudraient en faire conclure faut en revenir à la loi qui était vicieuse en soi, subir de noupour un temps les maux semblables d'un second passage rétrole, et rentrer ensuite pour toujours sous le joug des anciennes

eurs.

Je suis fortement opposé à cette manière d'argumenter, dans laquelle s préjugés et l'intérêt seul agissent, sous le voile d'une philantropie himérique et prise à contre-sens.

Quel est donc le résultat des difficultés que le passage dont il s'agit présente? c'est que, durant le délai déterminé, et tant qu'a duré l'ignorance de la situation du débiteur, il a dû y avoir un intervalle de stagnation ou de refroidissement dans les transactions et dans les affaires. S'il avait été permis de prendre dans cet intervalle des hypothèques générales, je crois bien que les nouveaux contrats eussent été faits, à cette condition, avec tout aussi peu de sûreté et tout autant

DOUZIÈME OBJECTION.

Reste une douzième et dernière objection, sur laquelle on a fortement insisté; c'est celle qu'on tire de l'impossibilité prétendue de passer des lois et usages de l'ancien régime des hypothèques à ceux du nouveau, en établissant ou en conservant la règle de la spécialité des hypothèques.

Voici comment on pose l'objection. On convient que la généralite de l'hypothèque légale et judiciaire ne nuit pas aux droits qu'exercent les créanciers en vertu de l'hypothèque spéciale; on reconnaît qu'étant tous obligés à l'inscription, et l'hypothèque ne datant que du jour qu'elle est faite, le créancier hypothécaire légal ou judiciaire ne peut jamais, par l'inscription à laquelle il est tenu comme les autres, enlever le droit acquis par l'inscription antérieure de l'hypothèque spéciale.

Mais, dit-on, il en est autrement des créanciers généraux formés sous l'ancien régime des hypothèques. Il a fallu, pour ne pas donner à la nouvelle loi une rétroactivité inique, non-seulement autoriser ces anciens créanciers à s'inscrire, mais attribuer à leur inscription, lorsqu'elle est faite dans le délai prescrit par la loi, l'effet de conserver l'hypothèque précédemment acquise à sa date primitive.

Ainsi, tous les créanciers qui, depuis la publication de la loi jusqu'à l'expiration du délai dont je parle, auront pris inscription pour leur hypothèque spéciale, seront déplacés de leur rang, et rejetés dans une classe postérieure par toutes les créances anciennes inscrites le dernier jour du délai, si les créanciers intermédiaires n'ont pu obtenir et exercer qu'une hypothèque particulière sur tel ou tel autre domaine; et si tous les domaines sont frappés de l'inscription des hypothèques générales antérieures, ou si l'ancien créancier choisit pour s'inscrire le domaine frappé de l'inscription spéciale, il en résultera que le créancier qui aura obéi à la nouvelle loi de spécialité, sera exclu par un autre du gage qu'il avait stipulé, et n'aura, en remplacement, aucune autre hypothèque, ni générale, puisqu'il n'a pu la stipuler, ni spéciale, puisqu'il ne l'aura pas stipulée. Le voilà donc exposé à perdre sa créance, malgré la sûreté qu'il a pu et dû requérir, et qui ne lui servira de rien. Il en sera de même si l'ancien créancier général fait choix de l'héritage soumis à l'hypothèque spéciale, pour en poursuivre l'expropriation.

Je réponds que cette difficulté, qu'on présente comme invincible, n'a plus d'objet au moment actuel. En effet, la loi qui a établi le nouveau régime des hypothèques, est du 9 messidor an III; elle a subi différens changemens depuis; mais elle subsiste quant à l'inscription à prendre, dans un délai fixé, par les créanciers antérieurs. Ainsi le porte l'article 37 de la loi du 11 brumaire an vii, qui confirme l'effet des inscriptions prises en exécution de la loi du 9 mes

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