Images de page
PDF
ePub

nos lois coutumières ne furent pendant tant d'années qu'une simple tradition.

Si la nécessité de substituer la navigation à la culture sur le Nil débordé, rendit la mer moins effrayante aux Égyptiens devenus dès-lors les premiers navigateurs', il faut aussi penser qu'ils durent avoir les premières lois sur la marine. Ce peuple ayant excellé avant tous les autres dans les sciences qui servent à la navigation, celle de la législation maritime pouvait-elle lui échapper! Sans cet avantage, l'eût-on vu étonner l'univers par l'appareil alors nouveau d'une réunion de vaisseaux destinés au combat et à la conquête, à travers un élément sur lequel les Grecs n'avaient pas même encore osé voyager! Une flotte de quatre cents voiles, équipée par Sésostris, est la preuve la plus convaincante d'une législation nautique dans la patrie de ce conquérant.

2

L'exemple des Egyptiens fut bientôt suivi par les autres nations 3. Les flottes nom

breuses de Sémiramis ne furent pas rassemblées sur le fleuve Indus pour combattre l'armée navale de Stratobatès, sans qu'il existât des lois et un régime de mer en Asie.

Minos, le législateur des Crétois, fut aussi leur premier conquérant. Dans ses lois, il n'oublia point celles qui lui valurent l'empire de la mer grecque et des îles Cyclades, dans lesquelles il envoya le premier des colonies après en avoir chassé les Cariens 4.

Neuf siècles avant l'ère chrétienne, on voit paraître sur la scène du monde un peuple qui, renfermé dans une île assez étroite, mais heureusement située, appelle insensiblement à lui le commerce de toutes les nations. L'amour des sciences et des arts, de nombreuses colonies, de grandes richesses, une longue prépondérance et le respect des États voisins tels sont les avantages dont Rhodes fut redevable à sa marine, qui dut elle-même une existence si brillante aux lois qui la régirent. L'authenticité des lois

:

rhodiennes, telles qu'elles sont parvenues jusqu'à nous, a trouvé, je le sais, plus d'un contradicteur; mais ce n'est pas ici le lieu de discuter cette matière, ni de vouloir concilier entre eux les savans. Je dirai seulement que les Cujas, les Leunclave, les Marquard Freeher, Jacques Godefroy, Vinnius, et enfin Gravina, ont employé toutes les ressources de leur érudition pour fixer sur ces lois l'attention et la confiance générales. Montesquieu les cite sans la moindre remarque et sans énoncer le plus léger doute'. Enfin, l'auteur d'Anacharsis s'exprime ainsi par la bouche de son jeune et savant voyageur : « Des hommes » de génie soumirent les Rhodiens à des lois » dont la sagesse est généralement reconnue. » Celles qui concernent la mer ne cesseront » de les maintenir dans un état florissant, et » pourront servir de modèle à toutes les na» tions commerçantes. Les Rhodiens pa» raissent avec assurance dans toutes les mers, » sur toutes les côtes : rien n'est comparable

>>

a

A

à la légèreté de leurs vaisseaux, à la discipline qu'on y observe, à l'habileté des com» mandans et des pilotes. Cette partie de l'ad» ministration est confiée aux soins vigilans » d'une magistrature sévère. Elle punit de » mort ceux qui, sans permission, pénètrent » dans les arsenaux 6. »

Le texte de ces lois, tiré de la bibliothèque de François Pithou, fut imprimé dans le XVI. siècle, mais d'une manière extrêmement défectueuse 7. En 1814, M. le docteur Coray, à la prière de M. Firmin Didot, chez lequel je faisais imprimer le Répertoire de l'administrateur de la marine, a bien voulu revoir ce texte, qui, après deux siècles, reparaît aujourd'hui plus correct 8.

Ces lois célèbres, dit M. Pastoret, monu» mens éternels de la sagesse des Rhodiens, » tour-à-tour adoptées par les Grecs et par » les Romains, sont venues ensuite se fondre » dans les ordonnances maritimes des peuples » de l'Europe, et jouissent encore par con

[ocr errors]

séquent aujourd'hui de la gloire de présider, au moins en partie, au commerce de

» l'univers 9. >>>

L'histoire ne nous fournit aucun document sur la manière dont ces lois reçurent leur application en Grèce ; mais à Rome, ce fut au temps de sa plus grande splendeur, et après avoir accepté l'appui de ces illustres insulaires, que les maîtres du Monde reconnurent la législation rhodienne comme souveraine de la mer, et surent l'approprier à la forme de leur gouvernement 1°

On doit puiser dans le Digeste la connaissance des lois romaines sur la marine, qui, selon l'ordre des temps, suivent immédiatement les lois grecques". J'en ai donné l'analyse raisonnée dans le répertoire déjà cité. Il est évident, comme je l'ai dit à la fin de cette analyse, d'après la loi de Classicis et celle de Hereditatibus decurionum naviculariorum, &c. que c'est dans les lois anciennes qu'on a pris l'idée des deux plus belles

« PrécédentContinuer »