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Le style de cet ouvrage surprendra plusieurs lecteurs, qui ne s'attendent pas à trouver les plus graves sujets de la religion, de la théologie et de la philosophie, traités avec verve et imagination. De semblables écrits, qui ne sont pas rares en Allemagne, sont un éclatant démenti à l'accusation que tous les catholiques français font au protestantisme, d'être froid, sec, prosaïque. Mais l'auteur allemand donne à ses pensées une forme qui est parfois si nouvelle pour les lecteurs français, et il considère la vérité d'un point de vue si différent du leur, que plusieurs d'entre eux nous sauront gré, sans doute, d'avoir en quelque sorte expliqué cet ouvrage en le comparant à des ouvrages analogues, composés dans leur langue. Nous avons cherché nos points de comparaison parmi les écrits sur le christianisme, qui ne sont ni d'édification proprement dite, ou de dévotion, ni de théologie, et qui unissent la science à la foi, ainsi que le fait Tholuck. Notre choix s'est arrêté sur l'Essai de Diodati, et sur les Pensées

de Pascal, auxquels nous avons fait de nombreux renvois dans le cours de l'ou

vrage.

En comparant ces deux écrits à celui de Tholuck, nous ne pouvons pas être désapprouvés par ce dernier. Il se plait lui-même dans tous ses ouvrages à établir, par de nombreuses citations, que lui rend faciles son érudition immense, l'identité de sa foi et de ses vues théologiques avec celles de l'église universelle. On le verra, dans le présent livre, citer fréquemment Augustin et Chrysostome, Thomas d'Aquin et Anselme de Cantorbury (*), Luther et Calvin, Claudius et

(*) Tholuck a rappelé l'attention des fidèles sur un petit écrit d'Anselme: Cur Deus homo, qui est en effet fort remarquable, et dont il a paru récemment en Allemagne une édition latine et une traduction allemande. La sainteté de la loi divine, l'impossibilité absolue où l'homme est de se sauver par lui-même et de racheter ses péchés, et la nécessité d'un rédempteur qui soit Dieu fait chair, y sont exposées avec une puissance de logique et une conviction de cœur, qui expliquent la grande influence que cet écrit a exercée dans l'église, mais qu'on est surpris de trouver chez ces scholastiques oubliés du moyen-âge. Anselme est en effet le plus ancien et peut-être le plus distingué des scholastiques ; on l'a nommé le Leibnitz de son temps. Il était né à Aoste,

Hamann. Il nous a d'ailleurs appris luimême (dans ses OEuvres mêlées, 1ovol., sur les Apologistes) la haute estime qu'il fait des Pensées de Pascal: micat tanquam luna inter stellas minores, dit-il de leur auteur, et il le nomme avec les auteurs de la Biographie universelle, «un philosophe sublime et le plus éloquent apologiste de la religion chrétienne.

Les trois écrits que nous avons mis en regard l'un de l'autre semblent, au pre

en 1033, et mourut archevêque de Canterbory en 1109., II a, dans cet écrit, jeté les bases théologiques de la doctrine de la rédemption, telle qu'elle est conçue et expliquée de nos jours, tant chez les protestans que chez les catholiques. Thomas d'Aquin, qui naquit en 1224, peut revendiquer contre Anselme le titre du plus grand des scholastiques. Sa Summa theologiæ a été le premier essai d'un système complet de théologie et de morale; elle jouit de nos jours encore, parmi les théologiens catholiques, de la plus haute considération, et elle sert en plusieurs contrées pour l'instruction du jeune clergé. Thomas a consolidé l'existence encore douteuse de plusieurs des doctrines les plus erronées de l'église romaine; cependant il se rattachait à Augustin plus intimément que la plupart des docteurs de cette époque, et dans la grande lutte entre les Thomistes et les Scotistes (disciples de Duns Scot), les nominalistes et les réalistes, c'est chez les premiers que nous trouvons les plus saines doctrines sur la nature de l'homme, la mesure de sa liberté, la satisfaction et l'honneur dû à Marie.

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mier abord, n'avoir que peu de points de contact, tant est grande la différence de la forme. Mais il suffit d'un court examen pour reconnaître qu'ils ont non seulement un fonds commun de croyances, mais un but commun. Les trois défendent la vérité chrétienne, en la présentant dans son ensemble et en attaquant ou repoussant ses ennemis.

Diodati, dans son Essai sur le christianisme, envisagé dans ses rapports avec la perfectibilité de l'être moral (Genève et Paris, Ab. Cherbulier, 1830), part de l'état de péché pour arriver à l'état de sainteté, par la régénération qu'opère l'amour de Dieu en Jésus-Christ, notre rédempteur: Tholuck suit à peu près la même marche. Ils se sont l'un et l'autre approprié par le cœur et par l'intelligence la religion révélée, qui est pour eux non une abstraction, un système, mais une réalité, une chose éprouvée, et par cela même ils l'ont saisie tous les deux d'une manière individuelle. L'homme tombé, dégénéré, pécheur, condamné, mort dans son état naturel; dé

couvrant sa misère et son éloignement de Dieu, et se repentant; recevant avec le pardon de ses péchés le don de la vie nouvelle par la foi en Jésus-Christ, et éprouvant dans son cœur une transformation complète, une nouvelle naissance par le saint et divin amour qui est versé au dedans de lui; telle est la croyance commune de Tholuck et de Diodati, la croyance de la véritable église à toutes les époques de son histoire et dans tous les pays de la chrétienneté. Mais on peut considérer sous des points de vue trèsdifférens les vérités chrétiennes, qui tiennent de la nature infinie du Dieu qui les a révélées, et qui produisent leur effet dans les individualités les plus diverses. Ainsi Diodati, dont l'esprit est essentiellement analytique, a pris le christianisme par son côté humain et moral; il en étudie avec calme la nature et les effets dans son propre cœur; il suit pas à pas les progrès de l'œuvre merveilleuse qui s'opère chez le vrai chrétien; il s'adresse à la volonté et à la conscience, il persuade le cœur par des raisonnemens qui

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