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(Mercredi 9 juillet 1817.)

(N°. 304.)

Détails sur les missions de la Chine et des Indes.

Les lettres de la Chine, de l'an 1815, annoncèrent le martyre de M. Gabriel-Taurin Dufresse, évêque de Tabraca, et vicaire apostolique du Su - tchuen. Nous avons fait mention, l'année dernière, de ce triste et glorieux événement. Ce prélat fut arrêté, le 18 mai 1815, conduit dans la capitale de la province, et mis en prison; cependant on le traita avec des égards. Le viceroi, qui montre beaucoup d'animosité contre les chrétiens, le condamna, le 14 septembre 1815, à être décapité, et la sentence fut exécutée le même jour, quoique T'usage et les lois de la Chine ne permettent pas l'exécution des sentences de mort portées contre des criminels avant qu'elles aient été ratifiées par l'empereur. On fit une exception pour un chrétien, et pour un évêque. L'empereur a même donné des éloges à la conduité du vice-roi; il a confirmé et approuvé tout ce que ce mandarin à fait et ordonné contre les chrétiens, et particulièrement la condamnation et le supplice de l'évêque.

Les lettres écrites de Macao et du Su-tchuen, en 1816, confirment cet événement, mais n'en donnent point encore toutes les circonstances qu'il en faut recueillir pour l'honneur de la religion. Le missionnaire françois qui est chargé provisoireinent de la mission du Su-tchuen comme pro- vicaire, n'a pu encore se procurer tous les renseignemens que nous pouvons désirer. Lorsque la mission jouira d'une plus grande tranquillité, il fera 'les informations accoutumées, et en enverra le résultat. Il paroît qu'en 1816, la persécution s'est un peu rallentie dans la plus grande partie de la province, et les prêtres du pays ont repris le cours de leurs visites pour porter aux fidèles les secours de la religion. Il n'en est

Tome XII. L'Ami de la Religion et du Ror. R

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pas de même dans la province de Yun-nan. Les perquisitions et les vexations y sont continuelles contre les chrétiens, et M. Fontana, qui s'y est tenu caché depuis le commencement de la persécution, y a couru de grands dangers.

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Au milieu des alarmes qui ont agité la mission du Sutchuen, un assez bon nombre d'infidèles ont embrassé le christianisme. Dans le district même du mandarin qui a fait arrêter M. l'évêque de Tabraca, il s'est formé une nouvelle chrétienté dout voici l'origine. Un chrétien aveugle, mais doué d'une excellente mémoire, est parvenu à savoir et à réciter par coeur plusieurs livres de religion, et il les explique avec beaucoup de sens et de netteté, se faisant écouter avec intérêt et avec plaisir. En passant par ce district, il s'est arrêté quelque temps dans un lieu où il n'y avoit pas de chrétiens, il y a trois ans, et il y a prêché avec tant de succès qu'on y compte maintenant cinquante prosélytes, dont six ont été haptisés. Parmi ces six, il y en a un plus fervent encore que le premier, et qui explique la parole de Dieu avec la même facilité. Il a été l'instrument de la conversion de plusieurs païens, et entr'autres de deux femmes dont la conduite n'avoit pas été fort régulière, mais qui mènent une vie si édifiante aujourd'hui qu'on les cite comme des modèles. Le fils de l'une d'elles étoit absent quand sa mère se fit chrétienne, et profondément affligé de ce qu'elle venoit d'ajouter aux scandales passés une démarche qu'il regardoit comme un nouveau crime, il se proposoit de porter une accusation contre les chrétiens; mais ayant été témoin du changement opéré en sa mère, il fut touché de respect pour la doctrine qui avoit produit cet effet inattendu, et il s'est fait chrétien avec toute sa famille. Ces conversions donnent lieu d'es pérer que Dieu a encore des vues de miséricorde sur la mission du Su-tohueu; le sang des martyrs y deviendra sans doute, comme dans les premiers âgés de l'Eglise, une semence abondante de chrétiens.

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M. l'évêque de Tabraca n'est pas le seul missionnaire ›européen qui ait remporté la couronne du martyre dans cette persécution. Le P. Jean de Triora, religieux de P'ordre de saint François, et missionnaire italien dans le Chen-si, a aussi versé son sang pour la foi. Un chrétien, nommé André Lo, a écrit la relation de son mar#tyre, qui a été traduite et envoyée en Europe par M. Marchini, procureur de la Propagande à Macao, Le P. Jean de Triora fut arrêté, le 28 juillet 1815, dans un vil-lage de la province de lio-nan, avec le chrétien chez lequel il étoit logé. Tous les effets sacrés et profanes de ce religieux tombèrent entre les mains des soldats venus pour le prendre. Le missionnaire et le chrétien furent conduits dans les prisons de Heng-cheou, et chargés de tant de fers aux pieds et aux mains, qu'ils ne pouvoient se remuer. Le 29 août suivant, on les conduisit à la capitale Chang-xa. Dans un des interrogatoires qu'ils y subirent, on les tint à genoux pendant plus de quatre heures; une autre fois, le mandarin commanda au missionnaire de fouler aux pieds la croix. Celui-ci s'y étant refusé avec horreur, on le saisit, et on le fit passer sur la croix, pendant qu'il résistoit en vain, et qu'il protestoit de la violence. Il fut ensuite condamné à être étranglé, et la sentence exécutée le 13 février 1816. On dit qu'avant de mourir, il demanda qu'on donnât as bourreau son habit et le peu d'argent qu'il y avoit dans sa bourse. Son corps resta exposé pendant un jour entier, jusqu'à ce que le mandarin le fit transporter à trois hieues de là. Mais an mois de mai suivant, quelques chrétiens gagnèrent les gardes, et transportèrent le corps dans le cimetière des chrétiens de Heng-cheou. M. Lamiot, missionnaire à Pékin, dit, dans une lettre du 20 janvier 1816, que le gouverneur de la province avoit paru vouloir sauver le saint religieux, et avoit écrit en sa faveur à l'empereur; la réponse fut au contraire qu'il falloit étrangler aussitôt le missionnaire.

On a à regretter la perte des lettres écrites des mis

sions du Tonquin et de la Cochinchine, en 1815. Le vaisseau qui les portoit de la Cochinchine à Macao a fait naufrage. Celles de 1816 sont parties de Macao, mais ne sont point encore arrivées en France. On a seulement appris, par une lettre de M. Marchini, écrite de Macao, le 6 octobre 1816, qu'au mois de mai précédent, la mort a enlevé à la mission du Tonquin occidental, M. Charles Lamothe, évêque de Castorie et coadjuteur du vicaire apostolique. Ainsi dans cette mission, qui compte près de 200,000 chrétiens, il ne reste plus d'autres missionnaires européens que l'évêque vicaire apostolique, et trois prêtres françois âgés et infirmes.

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La mission françoise du Carnate, dans les Indes orientales, autrement dite mission des Malabares, à la côte de Coromandel, est peu connue. Elle fut commencée, en 1691, par les Jésuites, qui furent chargés de la direction de quelques Indiens déjà chrétiens et demeurant à Pondichery, et qui travaillèrent dans cette ville à la conversion de ceux qui étoient encore idolâtres. Quelques années après, Louis XIV autorisa, par des lettres patentes, les Jésuites à s'établir à Pondichery, et enjoiguit aux gouverneurs des colonies françoises dans l'Inde. de les protéger, et de leur fournir les secours, dont ils auroient besoin. Les missionnaires ne se bornant plus à la conversion des idolâtres de Pondichery, annonce, rent aussi l'Evangile aux peuples des royaumes de Maduré, de Mayssour, du Carnale, et autres situés le loug de la côte de Coromandel. Dien bénit leurs travaux, les gentils se convertirent en foule, et en moins de trente. ans, cette mission s'étoit étendue jusqu'à deux cents lieues des côtes dans l'intérieur. Outre deux églises bâties dans Pondichéry, pour les chrétiens malabares, il y en avoit seize autres dans les différens districts des missionnaires. Quelques-uns de ces districts n'avoient pas moins de 10,000 chrétiens; mais la guerre ayant éclaté dans ces pays, les ravages, les révolutions et les fléaux qui les suivent désolèrent celte mission. Un grand nom

bre de chrétiens périrent, d'autres prirent la fuite, et celte chrétienté, qui prospéroit si bien, se trouva réduite à 20,000 commùnians au plus.

Tel étoit à peu près l'état de la mission du Carnale quand, en 1777, elle fut réunie aux Missions-Etrangères de la rue du Bacq. M. Brigot, évêque de Tabraca, et ci-devant vicaire apostolique de Siam, fut autorisé par un bref du Pape, et par des lettres - patentes du Roi, à en prendre possession; ce qu'il fit la même année. Les ex-Jésuites se joignirent aux prêtres du séminaire des Missions-Etrangères, et depuis cette époque ils ont travaillé de concert dans cette mission. Depuis la prise de Pondichery par les Anglois, en 1793, la mission du Carnate a fait quelques pertes, mais lie a gagné dans le Mayssour. Elle est maintenant divisée en dix districts, Pondichery, Karical, Karvependy, Altipakam, Tiroupattour, Vellour, Pounganour, Darmapouri, Benguelour, Seringam et Candavir. La chrétienté de Pondichéry avoit, avant la révolution, à peu près 20,000 ames; sous les Anglois, il n'y en avoit pas la moitié; mais il y a lieu de croire que beaucoup de chrétiens qui avoient quitté la ville, y reviendront. Le nombre des chrétiens dans l'intérieur des terres est d'environ 52,000. Ils sont disséminés sur une étendue de plus de cent lieues en tout sens, de sorte que les missionnaires qui administrent ce pays, sont presque toujours en voyage.

En 1802, il y avoit encore dans cette mission un évêque, quinze missionnaires européens, la plupart âgés et hors d'état de desservir les districts de l'intérieur, et quatre prêtres indiens. Maintenant il ne reste plus, ou tre l'évêque supérieur de la mission, que sept mission. naires européens, accablés d'années et d'infirmités, et huit prêtres indiens. Pondichery est le chef-lieu de la mission du Carnate, et la résidence de Tévêque. Les chrétiens malabares de cette ville sont desservis par ceux des missionnaires qui ne peuvent plus voyager dans les terres. Cette chrétienté a une grande église, où les of

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