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Demandes des Catholiques anglois.

Le 8 mai, lord Donoughmore présenta à la chambre des pairs du parlement d'Angleterre deux pétitions des catholiques d'Irlande et d'Angleterre sur leur émancipation et les appuya avec force. Les catholiques, dit-il, offrent de donner au gouvernement un sujet de tranquillité; c'est que les évêques ne puissent être pris que parmi les indigènes. On ne peut donc plus craindre une influence étrangère. Je ne puis m'empêcher de rougir pour mon pays de l'exaltation que les demandes des catholiques ont excité dans certaines têtes. Dernièrement, dans un repas donné à Dublin, on a porté ce toast grossier et barbare: Le Pape au pilori, le pilori en enfer, et les diables le lapidunt avec des prétres! A ces excès honteux le comte Donoughmore a opposé la conduite calme et paisible des catholiques, et a annoncé qu'il feroit, le 16, une motion en leur faveur. Le comte de Darnley a annoncé qu'il l'appuyeroit de tout son pouvoir.

Le 9 mai M. Grattan fit, dans la chambre des communes, la motion qu'il avoit annoncée, et prouva qu'il n'y avoit pas d'inconvénient à accorder aux catholiques les mêmes droits qu'aux protestans. M. Elliot appuya cette motion. M. Foster allegua que les catholiques n'étoient pas d'accord sur le veto à donner au roi, et qu'il falloit qu'ils reconnussent dans le gouvernement les mêmes droits que les autres Etats exercent à leur égard. M. Yorke parla avec éloge des dispositions du Pape à se prêter à un concordat. M. Webber et M. Bathurst se déclarèrent contre tout changement. Lord Castlereagh fit valoir les plus fortes considérations en faveur des catholiques : « On redoute, dit-il, l'influence du Pape, mais depuis longtemps Rome n'intervient plus dans la politique. Quel danger peut-il y avoir à introduire dans les chambres quelques membres catholiques? Par-là, au contraire, vous calmerez l'irritation des esprits en Irlande surtout, cette portion précieuse de l'empire britannique. Demandez d'ailleurs toutes les sûretés convenables, les catholiques ne s'y refuseront pas. J'ai été long-temps opposé à leurs vœux; mais dans les circonstances où nous nous trouvons, et avec l'esprit général qui règne en Europe, il me semble qu'il est injuste de ne pas accorder à une partie si nombreuse de notre population ce

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qu'elle a droit d'attendre ». M. Peel combattit la motion, que M. Canning, au contraire, appuya dans un discours long et éloquent. M. Grattan répondit encore aux objections, et fit voir combien, dans ces derniers temps, les catholiques avoient donné des preuves de leur attachement à l'Etat et à la constitution. On alla aux voix, et la motion fut rejetée par une majorité de 245 contre 221. Il y a quatre ans, la majorité contre les catholiques n'avoit été que de quatre voix. Nous ne savons ce que les libéraux du continent, qui prêchent la tolérance, diront de ce systême d'exclusion; on peut être sûr, qu'ils jetteroient les hauts cris si ce systême pesoit sur les protestans comme il n'est question que des catholiques, il, est probable qu'ils ne s'en plaindront pas,

AU RÉDACTEUR.

Monsieur, dans votre numéro 280, il a été question, en passant, de l'Essai sur les probabilités, par M. le comte de la Place, et de quelques principes posés dans cet ouvrage, d'où l'on pourroit déduire des conséquences contraires à la foi. Il me semble qu'il seroit possible de le juger moins sévèrement. Je voudrois pour cela qu'en rendant hommage aux talens distingués d'un géomètre renommé, on distinguât les choses qu'il traite sérieusement, de ce qui n'est dans son intention qu'une ironie assez piquante dirigée contre les géomètres, qui ont prétendu démontrer, par A plus B, qu'il y a mille à parier contre un que l'existence de Dieu est chimérique, ainsi que croyoit l'avoir prouvé La Metherie. Au nombre des objets traités sérieusement par M. de la Place, je mettrois tous ces phénomènes qu'il est vraiment donné au philosophe de calculer et dé prévoir avec

même précision que le lever ou le coucher du soleil, parce qu'ils sont soumis à des lois constantes et connues. Je tiens même pour très-sérieux les calculs de l'académicien sur les petits événemens qui peuvent avoir lieu au jeu de croix et piie, de blanches et de noires, ou de nos loteries, parce que sans paroître liés à aucune loi fixe, au moins ont-ils un cer tain nombre de chances qu'il importe aux joueurs de con

noître.

Mais quand M. de la Place applique son algèbre à un monde tout intellectuel, moral et religieux, alors ses calculs

se sont, à mes yeux, qu'une dérision adroite de certains philosophes, dont l'objet étoit réellement celui qu'on lui prête à lui-même. Je citerois en preuve le soin qu'il a d'énoncer d'abord leur grand principe avec tant de clarté qu'il est impossible de ne pas en sentir toutes les conséquences. Tous les événemens, dit-il, ceux mémes qui, par leur petitesse, semblent ne pas tenir aux grandes lois de la nature, en sont une suite aussi nécessaire que les révolutions du soleil, tous, et même nos pensées, et les choix de notre volonté que nous croyons les plus libres, tous, sans en excepter les mouvemens et la volonté du brigand qui vous vole et vous assassine. (Pages 4 et 5). Pour reconnoître ici l'intention de M. de la Place, observez, je vous prie, que sa grande preuve de la nécessité de toutes nos actions et pensées, c'est que l'axiome connu sous le nom de principe de raison suffisante, s'étend aux actions les plus indifférentes; sans quoi lè philosophe se trouveroit réduit à reconnoître des effets sans cause. N'est-il pas évident que M. de la Place se joue de Leibnitz en faisant semblant de croire que suffisant et nécessaire ne sont qu'une même chose, et que des actions produites par le choix d'une volonté libre, et munie du pouvoir d'agir, seroient autant d'effets sans cause? Comment d'ailleurs se persuader qu'un philosophe revêtu de tant de titres imposans, et membre de tant de sociétés savantes, ait voulu nous apprendre que tout son mérite se véduit à celui d'une machine à calcul, aussi nécessairement soumise aux lois du mouvement, que l'aiguille l'est au ressort de la pendule?

Je répugne également à croire, quoiqu'il en fasse sem¬ blant, que sa grande raison de soumettre irrésistiblement toutes nos actions aux grandes lois de la nature, soit la crainte de se voir obligé de recourir à ces causes finales, preuve si triomphante de l'existence d'une première cause, qui est, Dieu. H faudroit supposer un philosophe tout-à-fait absorbé dans son algèbre pour ne pas réfléchir que toute loi suppose un législateur dont la volonté devient par cela seul cause de tous les effets que produisent ses lois. Bien moins encore me laisserois-je persuader qu'un homme si célèbre, et que je me représente comme moral et vertueux, ait consenti à donner trop d'avantages aux fatalistes et aux athées, et à dé-, truire, comme eux, toute idée de la moindre distinction à faire entre le vice et la vertu, entre le scélérat et l'honnête komme. Le ton sérieux qu'il affecte, en mettant au jour ce

principe, n'est donc qu'une dérision des sophistes qui ont voulu soumettre nos pensées et nos actions à leurs calculs, en supposant qu'elles se suivent aussi nécessairement que les nombres un, deux, trois, quatre, dans la série des nombres. Prêter la même intention à M. de la Place, seroit supposer ce que certainement il n'est pas, c'est-à-dire, bien persuadé que si nous sommes maîtres d'appeler A ou B'ce que nous appelons vérité ou mensonge, vice ou vertu, comme nous le sommes de désigner, par ces mêmes lettres, les nombres 3 ou 4, lorsque le géomètre aura extrait la racine carrée ou cubique d'A plus B, il aura aussi la racine carrée ou cubique de la vérité ou de la probité, qu'il trouvera de même le logarithme d'un témoin vrai ou faux, la moyenne proportionnelle entre possible et impossible. Il faudroit même supposer qu'il croit à mille possibilités dans le même genre, bien qu'il soit évident que dans le systême de la fatalité, il n'y a de possible que ce qui arrive réellement, puisqu'autrement toute la chaîne des grands et des petits événemens pourroit être rompue, ce qui impliqueroit contradiction.

Une autre preuve que l'Essai philosophique sur les Probabilités est en cette partie une dérision ingénieuse de l'application que certains géomètres ont faite de leurs calculs à l'histoire ou à la religion, c'est la règle vraiment neuve que l'auteur oppose aux lois d'une saine critique pour juger de la probité ou de la véracité des témoins, et pour apprécier sur tout les faits miraculeux ou extraordinaires. Suivant cette nouvelle regle « supposons qu'un fait qui, sans extraordinaire, n'a aucune probabilité par lui-même, nous soit transmis par vingt témoins, de manière que le premier l'ait transmis au second, le second au troisième, et ainsi de suite. Supposons encore que la probabilité de chaque témoignage soit égale à neuf dixièmes: celle du fait sera moindre qu'un huitième; c'est-à-dire, qu'il y aura plus de sept à parier contre un qu'il est faux (p. 15) ». Mais voulez-vous savoir à quoi cette probabilité se réduit, à mesure que le fait se transmet d'un témoin à l'autre? Supposez huit à dix morceaux ou lames de verre appliqués les uns contre les autres; la lumière qui aura pénétré la première, n'arrivera à la seconde et à celles qui suivent, qu'en s'affoiblissant graduellement jusqu'à extinction. Croyezvous à présent que M. de la Place parle bien sérieusement lorsqu'il nous assure qu'il en est de même de tous les faits que les historiens nous transmettent les uns après les autres et d'années

en années, en sorte qu'il nous soit impossible aujourd'hui de savoir bien certainement s'il exista jamais un Henri IV, à plus forte raison un Socrate, un César, et surtout un JésusChrist qui ait fait des choses extraordinaires? Croirez-vous bien sérieux le reproche que notre philosophe fait aux historiens, de n'avoir pas fait assez d'attention à cette manière de s'assurer des faits qu'ils racontent? Que j'aime bien mieux dire: M. de la Place connoît mieux que personne le côté risible de sa comparaison; il sait parfaitement que sa parole, en passant de sa bouche à l'oreille d'un honnête homme, ne s'altérera pas, ne s'affoiblira pas comme quelques rayons, de lumière passant d'un verre à l'autre ; il sait encore aussi bien que nous ce qu'il faut penser de la petite ruse qui suppose toujours le premier témoin incertain au moins d'un dixieme, tandis que pour les faits historiques et même pour les plus extraordinaires, on peut parfois citer un grand nombre de témoins contemporains et parfaitement certains de les avoir vus, et bien d'autres encore aussi certains de redire fidèlement ce qu'ils ont entendu des témoins oculaires; il sait même qu'il est pour nous des faits dont la tradition, au lieu de s'affoiblir, avec le temps, ne fait que se fortifier: telle est, par exemple, la certitude de certains prodiges, de certaines prophéties, comme celle de la dispersion des Juifs, ou de la perpétuité d'un premier siége, et d'une religion que rien encore n'a démentie depuis dix-huit siècles. Il n'imagine pas que jamais historien, tant soit peu jaloux de la vérité, donne comme certains des faits dont les premiers témoins, incertains eux-mêmes, annuleroient tout le témoignage des autres. Il se moque, enfin, tout comme nous, de certains auteurs qu'il fait semblant d'imiter en opposant des miracles obscurs, dont l'esprit de parti rougit au bout de quelques jours, à ces prodiges opérés par Moise ou par les apôtres en face d'un peuple nombreux. En preuve qu'il se joue également de nos grands calculateurs d'époques, je dirois comment il s'y est pris pour démontrer que l'écossois Craig n'entendoit rien aux probabilités, lorsqu'en 1699 il écrivoit que le christianisme devoit durer encore 1454 ans, et tantôt que M. de Buffon n'y entendoit pas davantage lorsqu'il faisoit périr le monde, par le feu ou par le froid, dans cinquante ou soixante mille ans. Pour rendre plus sensible le ridicule de tous ces calculs là, M. de la Place s'y prend bien autrement. Comme le soleil se lève exactement tous les matins depuis cinq mille ans, qui, tout

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