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(Samedi 26 juillet 1817.)

(No. 309.)

Vies des dames françoises les plus célèbres dans le 17. siècle par leur piété et leur dévouement pour les pauvres; précédées de trois dialogues et trois lettres sur les services que les femmes peuvent rendre à la religion dans l'exercice des bonnes œuvres (1).

J'ai toujours été frappé de l'aspect religieux et moral que présente le 17. siècle pendant la plus grande partie de son cours. L'esprit général de la société étoit tourné vers la religion et les bonnes œuvres. C'est alors qu'on a vu le plus se former d'institutions pieuses, de fondations charitables. Il y avoit une disposition favorable à toutes les entreprises chrétiennes et bienfaisantes. Ici s'élevoient des asiles pour l'indigence, là des hospices pour les malades. On établis soit des missions, on réformoit des congrégations anciennes, ou bien on en créoit de nouvelles qui sè signaloient par leur ferveur et par leurs services. Des séminaires s'ouvroient de toutes parts, et des monumens de zèle et de charité embrassoient tous les genres de bien. Des hommes éminens en sainteté ou puissans en œuvres dirigeoient cette impulsion que l'on s'honoroit de suivre, et des femmes, plus distinguées encore par leurs vertus que par leur rang, servoient la religion et l'humanité avec un dévouement et une persévérance au-dessus de tout éloge. Le tableau de cette époque, considérée sous ce rapport, formeroit

(1) 1 vol. in-12; prix, 2 fr. 50 c. et 3 fr. 50 c. franc de port. A Lyon, chez Rusand, et à Paris, au bureau du Journal. : Tome XII. L'Ami de la Religion et du Roi.

Y

le morceau d'histoire le plus attachant, et je ne pardonne point à d'Avrigny d'avoir gardé là-dessus, dans ses Mémoires, un silence profoud. Ces détails n'eussent-ils pas été d'un intérêt plus général que le récit de quelques disputes de son corps, auxquelles il attache une excessive importance? Aussi j'aspire depuis long-temps, je l'avoue, à réparer cet oubli, et si Dieu me donne du loisir ou de la santé, j'espère montrer le 17°. siècle dans tout son éclat, et retracer tout ce que l'esprit de religion y opéra de grand et de beau. On y admireroit tant d'exemples de vertu, tant d'établissemens utiles, tant de prodiges de zèle et de charité, et peut-être seroit-on forcé de convenir qu'un siècle qui vit éclore tant de fondations respectables vaut bien celui où on en détruisit tant, et les libéralités effectives et immenses de nos pères avoient un résultat plus sûr que nos idées libérales.

que

En attendant qu'il ne soit permis de travailler à ce tableau, dont la pensée m'a souvent occupé, voici un ouvrage qui présente du moins une partie de ce beau sujet; c'est la vie des dames françoises de ce temps-là. qui prirent plus de part au mouvement général dont nous avons parlé, et qui se vonèrent avec plus d'éclat à toutes sortes de bonnes oeuvres. Ces dames sont: Mme, de Chantal, fondatrice de la Visitation, canonisée depuis; Mme. Acarie, béatifiée, en 1791, sous le nom de Marie de l'Incarnation, qui étoit son nom de Carmélite; la princesse des Ursins, duchesse de Montmorency; Mlle. de Melun, princesse d'Epinoy; Antoinette d'Orléans, marquise de Bellisle; Mme, d'Arbouze, abbesse du Val-de-Grâce; Mme. le Gras; Mme. de Pollalion; la marquise de Magnelais; la du chesse d'Aiguillon, nièce du cardinal de Richelieu;

la comtesse de Joigny, chez laquelle saint Vincent de Paul passa plusieurs années; Mlle. de Lamoignon; Mme. Hélyot; Mme. de Miramion; Mme. du Houx; Mme. Martin et Mlle. d'Epernon, fille du duc de ce nom, et petite-fille de Heuri IV par sa mère. Est-il rien de plus glorieux pour le christianisme et de plus consolant pour l'humanité mes généreuses qui, bravant la foiblesse de leur sexe que l'histoire de ces femet les répugnances de la nature, oubliant les prérogatives de leur rang et les séductions de la fortune, donnoient elles-mêmes des soius aux pauvres, alloient chercher le malheureux dans sou réduit obscur, visitoient le malade sur sou lit de douleur, et en même temps fondoient des hôpitaux, distribuoient des aumônes immenses, plaçoient des enfans abandonnés et des vieillards sans ressources, et étoient sans cesse occupées à consoler l'affligé, à soulager la douleur, à ranimer la foiblesse? Où avoient-elles puisé ce no ble dévouement? qui leur avoit inspiré un zèle si agissant et si efficace? La religion sans doute, et la religion seule. C'est la religion qui les avoit instruites à regarder les malheureux comme des frères. Eiles voyoient Dieu dans le prochain, et leur charité prenoit sa source dans les sentimens d'une piété tendre.

On ne pourra s'empêcher d'être touché en voyant cette réunion de modèles pris dans toutes les classes de la société. On admirera les progrès d'une dame de Chantal, d'une dame Acarie, d'une dame d'Arbouze dans les voies de la perfection. On sera étonné des largesses de mesdames de Montmorency, d'Aiguillon, de Magnelais. On bénira la mémoire des vertueuses coopératrices de saint Vincent de Paul, de mesdames de Joigny, le Gras, de Pollalion, de Lamoignon, etc. La Y

lecture de vies si pleines inspirera le désir de les imiter, et encouragera ces effusions d'une charité active qui sèche les pleurs de l'infortuné. Cette édition offre dix-sept vies. On auroit pu sans doute grossir cette liste sans sortir du même siècle et de notre patrie. Je n'ai point trouvé dans l'ouvrage que j'annonce les vies de Mme. d'Allemagne, de la marquise de Montferrand, des comtesses de Chévrière et de Chaligny, de Mme. de Combé, de Mme. de Sainte-Beuve, de Mme. de Villeneuve, de Mme. du Jardin, de Miles de Dampierre, de Bar, le Clerc, Martin, de Francheville, Bouquet, d'Armelle Nicolas. Je sais pourtant que ces vies avoient été aussi rédigées, et devoient accompagner les premières, et l'on voit qu'à la p. 357 le lecteur est renvoyé au second volume, où devoit se trouver la vie de Mile, de Francheville. Ce second volume n'a point paru, sans qu'on puisse deviner quelle raison a pu porter l'éditeur à changer le plan de l'ouvrage. Il semble qu'un plus grand nombre de modèles présentés à notre admiration n'eût pu qu'augmenter l'intérêt et l'utilité d'un pareil recueil. Mesdames de Villeneuve, de Combé, du Jardin, de Dampierre et les autres n'étoient pas moins dignes que les premières d'être proposées pour exemples. On a supprimé également de courtes notices qui devoient se trouver à la fin de l'ouvrage, sur dix ou douze femmes, que l'auteur avoit cru devoir faire connoître au moins sommairement.

Quant aux vies qui ont été conservées, elles paroissent rédigées avec soin. L'auteur a pris à tâche d'y rassembler beaucoup de faits, et il n'y a joint que les réflexions qui en découloient naturellement. Il a voulu surtout faire sentir l'esprit du siècle, et cette

disposition pour tout ce qui portoit un caractère de graudeur et d'utilité. Il a consacré un article particulier à la duchesse d'Aiguillon, dont on retrouve le nom à la tête de toutes les bonnes oeuvres de ce temps-là, et il a recueilli le peu de détails qui nous ont été laissés sur cette femme généreuse, sur laquelle il n'avoit encore paru aucune notice. La comtesse de Joigny, dont saint Vincent de Paul éleva les enfans, a aussi dans ce livre un article à part, et l'on verra qu'elle le méritoit bien. La vie de Mlle. de Lamoignon n'avoit pas été publiée; l'auteur a eu à sa disposition un manuscrit précieux, dont il a tiré des faits inconnus, et qui donnent une haute idée des vertus de cette généreuse et sainte fille. Enfin il a inséré dans son ouvrage des notices sur quelques personnages de ce temps, dont il étoit fait mention, en passant, dans les vies des dames. Telles sont les notices sur saint François de Sales, sur le cardinal de Bérulle, sur les premières Carmélites de France, sur Anne de Caumont, comtesse de Saint-Paul, sur Mile. de Longueville, sur le garde des sceaux de Marillac, sur saint Vincent de Paul, sur l'abbé Vachet, sur Mme. de la Peltrie, sur Mlle. de Guise, etc. En général, ces courtes notices, comme les vies elles-mêmes, présentent l'histoire du 17°. siècle sous un jour nouveau et intéressant. On y voit avec quel zèle les plus grands noms s'appliquoient à servir Dieu, et combien leur religion étoit noble, pure et efficace.

Il est à croire que l'auteur de cet ouvrage n'en a pas revu les épreuves, et il pourroit se plaindre des fautes qu'on a commises dans l'impression. Les noms propres sont étrangement défigurés. On appelle Condreu le second général de l'Oratoire, le P. de Condren.

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