Images de page
PDF
ePub

bien calculé, font exactement un million huit cent vingt-si mille deux cent quatorze jours, notre géomètre en conclut démonstrativement qu'il y a, tout juste, huit cent vingt-six mille deux cent quatorze à parier contre un, que le soleil se tevera encore demain (pag. 23 et 85); d'où l'on pourroit conclure, avec la même évidence, que du temps d'Abraham en pouvoit parier l'inverse, et qu'il y avoit infiniment plus de probabilités que le soleil ne se leveroit pas le lendemain matin."

Je voudrois aussi dire comment s'y prend l'habile géomètre pour corriger la fureur des systèmes de tous nos faiseurs d'étoiles, de planètes, de mondes. D'abord il semble vouloir que toutes nos planètes aient été formées par la condensation de l'atmosphère du soleil, et la lune par celle de la terre; mais il y prévoit tant de difficultés, qu'il aime mieux dire que les planètes et les étoiles mêmes, et surtout les pléiades, ont été formées par la matière nébuleuse qui se trouvoit plus loin ou plus près des limites de l'atmosphère solaire, à mesure que celle-ci se condensoit, se retiroit vers son astre. Il lui resteroit à nous expliquer comment, de cette matière nébuleuse, étoient sorties tantôt des étoiles fixes et lumineuses, tantôt des planètes vagabondes et sans lumières, condamnées à parcourir la même sphère. On trouveroit bien d'autres difficultés à opposer, si l'on ne voyoit pas très-clairement avec quel art l'académicien recourt à sa matière nébuleuse pour se jouer de la matière striée, crochue ou globuleuse de Descartes. D'ailleurs ne faut-il pas laisser toujours quelques objections à résoudre pour mieux montrer que nos faiseurs de mondes ne s'avisent jamais de tout? C'est donc encore pour cela que M. de la Place se met fort peu en peine de répondre à toutes celles qu'on lui feroit sur la prétendue activité de la matière ou nébuleuse ou autre, sur la sensibilité des végétaux, d'un chou, d'une rose ou d'un chardon.

Voilà, ce me semble, Monsieur, la manière la plus simple la plus plausible et la plus honorable pour un savant distingué d'envisager et d'expliquer des assertions que plusieurs ont eu la bonhomie de prendre au pied de la lettre, faute de bien se pénétrer du sens profond et des intentions secrètes de

l'auteur.

J'ai l'honneur d'être.....

Paris, 5 mai 1877.

L'abbé BARRUEL.

(Mercredi 21 mai 1817.)

(N°. 290.)

Mission de Bordeaux.

Le succès que les missions avoient obtenu dans plusieurs villes depuis quelques années, en faisoit encore plus sentir les avantages et la nécessité dans une de ces grandes cités où le luxe, le commerce, le tumulte, la dissipation et les facilités pour le vice entraînent plus de corruption. C'est-là surtout qu'il faut ramener un peuple insouciant et endormi sur ses intérêts spirituels, et qu'il faut frapper par l'annonce des grandes vérités de la religion des pécheurs ensevelis dans de longues habitudes. On attendoit donc avec impatience à Bordeaux ces hommes respectables et vertueux dont la vie est déjà une prédication, et dont la conduite prépare si bien les succès; et ce que la renommée avoit appris de l'heureux résultat de leur ministère, augmentoit le désir de les voir et de les entendre. Ils arrivèrent, précédés du récit du bien qu'ils avoient fait à Beauvais, à Caen, à Poitiers, à Rennes et à Tours. Leurs divisions réunies formoient seize ecclésiastiques, et quatre missionnaires étoient en outre venus de Toulouse pour les seconder. La mission commença, le 16 mars au matin, par une procession solennelle, à laquelle assistèrent toutes les autorités, et au retour de laquelle M. l'archevêque fit, dans la cathédrale, un discours sur les avantages des jours de salut qui alloient s'ouvrir. La voix de ce pontife vénérable, que cinquante ans de travaux et de vertus rendoient plus imposante, ne fut pas entendue en vain, et ses prières auprès de Dieu achevèrent ce qu'avoient commencé ses exhortations paternelles. Le soir, la mission s'ouvrit dans quatre églises, à la Métropole, à Saint-Louis, à SaintMichel et à Saint-Seurin. Elle y a continué jusqu'à la fin. Les autres paroisses ont eu en outre des instructions Tome XII. L'Ami de la Religion et du Ror.

[ocr errors]

plusieurs fois la semaine, et l'on a donné, au collége royal, une retraite, qui a produit le plus grand bien. Les instructions ont été constamment suivies par des personnes de tous les rangs; et ceux mêmes qui avoient pu concevoir des préventions peu favorables aux missionnaires, out dû céder à l'impression générale que faisoient la pureté de leurs vues, la sagesse de leurs discours, et l'esprit de paix et de charité dont ils paroissoient animés. Saint-André, où l'instruction du soir étoit réservée aux hommes, offroit particulièrement, tous les soirs, la réunion de ce que la ville a de plus distingué par les talens et les emplois. On y voyoit même des protestans, et jusqu'à des juifs, écouter avec intérêt un des missionnaires qui avoit choisi pour son sujet l'exposition des preuves de la religion dans les gloses qui précédoient le discours. Ces instructions, à la fois graves et familières, ont éclairci bien des doutes, et triomphé de bien des résistances. Bientôt les tribunaux de la pénitence se sont trouvés assiégés, et les missionnaires, même avec le secours des prêtres de la ville, n'ont pu suffire à entendre les confessions. Leur petit nombre ne se trouvoit malheureusement pas en proportion avec la population de Bordeaux, et avec le mouvement général que leur zèle y avoit imprimé. Diverses cérémonies ne firent qu'augmenter ces heureuses dispositions. La retraite des hommes présenta le spectacle le plus consolant. L'amende honorable en expiation des scandalės de l'impiété produisit d'autant plus d'effet qu'elle concourut avec un temps de deuil et de pénitence, et que plusieurs personnes distinguées donnèrent en cette occasion l'exemple de s'humilier, an nom de tous les coupables, devant un Dien offensé, et de l'implorer pour tant de crimes et de désordres passés. La plantation de la croix se fit, le 25 avril, avec une pompe extraordinaire. Ce fut un jour de fête pour toute la ville. Les travaux avoient cessé, et les maisons étoient ornées de drapeaux et de tentures. La procession partit à deux

heures de Saint-André, et défila dans le plus bel ordre. On y voyoit réunis toutes les conditions et tous les âges, de jeunes demoiselles qui se faisoient remarquer par leur air de recueillement et de candeur, des dames qui pendant tout le cours de la mission avoient donné l'exemple de la piété, ces saintes filles vouées aux bonnes œuvres, qui ne se délassent que par la prière des soins qu'elles donnent à l'enfance et au malheur, les élèves des pensions, etc. La croix étoit portée par six divisions de gardes nationaux, de quatre-vingts hommes chacune, et par six autres divisions d'habitans en égal nombre. Tous avoient un Christ à leur boutonnière, et cette noble profession de foi, qui leur a valu, dit-on, quelques dérisions d'un journaliste irréligieux et arrogant, touchoit les spectateurs, et apprenoit à triompher du respect humain. Après la croix venoit la couronne d'épines, portée par de jeunes ecclésiastiques en aubes, et suivie du vénérable archevêque, du supérieur des missionnaires, et des magistrats et officiers supérieurs. On distinguoit dans ce groupe M. le comte de Loverdo, lieutenant-général commandant la division; M. le comte Lynch, pair de France; le premier président de la cour, Je préfet. On étoit touché de voir d'anciens militaires se joindre au chant des cantiques, et tous les ordres de citoyens concourir à l'ensemble de cette pieuse cérémonie. Le cortége fit une station sur la place Dauphine, sur ce même lieu qui, pendant la révolution, avoit été le théâtre de tant d'exécutions atroces. C'est-là que la croix fut bénie, et qu'un des missionnaires, M. Miquel, prononça un discours. Il exhorta les fidèles à la per- . sévérance, à la charité et au pardon des injures, et profitant des souvenirs que rappeloit le lieu où il parloit, il sollicita son auditoire de pardonner, au nom même des victimes immolées sur cette place pour leur Dieu et pour leur Roi, La procession, après avoir parcouru plusieurs quartiers de la ville, arriva, sur les six heures du soir, à la place Saint-André, où la croix fnt élevée, et

où M. Miquel parla encore avec autant de force que d'onction à la foule assemblée. La communion générale des hommes eut lieu le 20 et le 27 avril. Le premier de ces dimanches, trois mille hommes comniunièrent à la cathédrale seulement; M. l'abbé Guyon leur adressa, après la cérémonie, un discours fort touchant sur le bonheur d'être réconcilié avec Dieu. Le dimanche 27, huit cents hommes reçurent, à Saint-Louis, les sacremens de la Confirmation et l'Eucharistie des mains de l'archevêque, tandis que cinq à six cents autres communièrent à la cathédrale, et autant dans les autres · églises où se donnoit la mission. Ainsi le nombre des hommes qui ont communié s'élève à environ six mille. Ce même jour, M. l'abbé Rauzan, supérieur des missionnaires, prononça le discours d'adieux, à SaintAndré, devant un auditoire immense, tandis que les missionnaires faisoient aussi leurs adieux dans les autres églises, Dieu, le Roi, l'union des coeurs, tel fut partout le fond de leurs exhortations, et même leurs dernières pa roles. A la Métropole, M. l'abbé Fayette monta en chaire après M. l'abbé Rauzan, et sut encore intéresser et attendrir. Il adressa ses adieux à toutes les classes, et à ceux qui avoient écouté la voix de la grâce, et à ceux qui y avoient résisté. «Adieu, dit-il à ces derniers; nous étions venus pour vous seuls, et vous seuls, hélas! avez méconnu les jours de salut. D'autres prêtres, moins tièdes que nous, vous eussent ramenés sans doute à la vérité et à la vertu. Oui, ce sont nos péchés qui ont frappé notre ministère de stérilité par rapport à vous; e'est donc dans une humiliation profonde, dans l'amertume des regrets que nous vous disons adieu. O inon Dieu, que cette parole sortie de ma bouche ne soit l'adieu de vos miséricordes »! M. l'abbé Fayette a été contraint de s'arrêter à cette triste exclamation, et l'orateur et l'auditoire étoient également émus. Le missionnaire ayant repris son discours, dont nous ne pouvons reproduire toutes les images touchantes, a fait ses adieux

pas

« PrécédentContinuer »