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{Mercredi 4 juin 1817.)

(N. 294.)

Sur les congrégations des missionnaires du Saint-Esprit et des Filles de la Sagesse, établies à Saint-Laurent sur Sèvre.

La Providence, qui permet qu'il s'élève dans l'Eglise des abus et des scandales, lui suscite aussi des consolations et des appuis. Elle fait naître dans tous les siècles des hommes pleins de foi et de charité, qui honorent Dien par leur piété, qui le font connoître à d'autres par leur zèle, et qui se vouent avec ardeur à toute sorte de bonnes oeuvres. Tel a été, dans le 17o. siècle, saint Vincent de Paul, ce prêtre animé de l'esprit de Dieu, à qui il fut donné d'enfanter taut de prodiges, de gagner tant d'ames, de soulager tant de malheureux, d'édifier et de servir l'Eglise avec tant de gloire et de succès, et qui sut perpétuer le bien qu'il avoit fait, en laissant, après lui, deux congrégations, l'une de prêtres destinés à tenir des séminaires, et à donner des retraites et des missions, et l'autre de filles vouées au soin des pauvres et des malades. Les vertus et les travaux de cet homme apostolique lui ont mérité les honneurs d'un culte solennel, et ont forcé même le monde à l'admirer. Depuis lui, des imitateurs de son zèle, sans atteindre à la même célébrité, ont honoré et servi la religion par le même genre à peu près de bonnes œuvres. Tel fut, au commencement du 18e. siècle Louis-Marie Grignion, dit de Montfort, parce qu'il étoit né dans ce lieu, auprès de Rennes, d'un père qui tenoit une place honorable dans le parlement de Bretagne.

Sa première jeunesse et son enfance même avoient été marquées par une piété tendre, quand il entra au séminaire de Saint-Sulpice, école où régnoit alors, Tome XII. L'Ami de la Religion et du Ror. G

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comme aujourd'hui, le véritable esprit sacerdotal. II y puisa, sous M. Tronson, un des plus distingués et des plus vénérables ecclésiastiques de ce temps-là, une foi vive et un désir ardent de servir Dieu et d'édifier le prochain. S'étant consacré aux missions, il parcourul avec succès la Bretagne, le pays d'Aunis et le Poitou, accompagné de quelques prêtres qui avoient embrassé le même ministère. Etant à Poitiers, dans ses courses apostoliques, il eut occasion de voir une fille, qui, quoiqu'encore jeune, avoit un tel amour pour les pauvres, qu'elle s'étoit vouée à les servir dans l'hôpital de cette ville, où elle étoit logée, nourrie et vêtue comme eux. M. Grignión jeta dès-lors les yeux sur elle pour l'associer à l'oeuvre qu'il méditor!, mais il crut devoir lui donner le temps d'acquérir plus d'expérience, et de fortifier sa vocation; et ce ne fut qu'après dix ans d'épreuves, que, retournant à Poitiers, et retrouvant cette sainte fille dans les dispositions où il la souhaitoit, il lui fit part de ses vues, ou plutôt des desseins qu'il croyoit que Dieu avoit sur elle, et l'engagea à le seconder dans la formation d'une congré gation de filles vouées an soin des pauvres et des malades. Mlle. Trichet, à qui son directeur fit prendre le nom de Marie-Louise de Jésus, eut peine à vaincre les résistances de sa famille d'abord, puis de l'évêque luimême, qui désiroit la garder dans son diocèse. Mais elle put céder enfin aux désirs de son vénérable instituteur, et se rendit d'abord à La Rochelle, où l'on voulut aussi la retenir, puis à Saint-Laurent sur Sèvre, ville peu importante du même diocèse, qui devint bientôt le chef-lieu de la congrégation nouvelle.

Lorsque Marie-Louise de Jésus y arriva, elle n'y trouva plus M. de Grignion, Il étoit mort le 28 avril 1716, à l'âge de quarante-quatre ans, consumé de travaux, et n'ayant pas eu le temps de voir consolider son oeuvre. Mais il avoit donné de si solides instructions à son élève, il l'avoit si bien pénétrée de son esprit, qu'elle

n'eut qu'à suivre ses traces pour voir prospérer son association, qui prit le nom des Filles de la Sagesse. Elle établit en personne plus de vingt maisons, en se renfermant à peu près dans le même cercle qui avoit servi de théâtre aux missions de M. de Montfort.

La mort de ce vertueus prêtre n'avoit pas non plus fait cesser l'oeuvre des missions. Il s'étoit donné uy successeur dans la personne de M. René Mulot, prêtre, né à Fontenai-le Comte, au diocèse de La Rochelle, et qui ne s'étoit attaché à lui que depuis quelques années. D'un tempérament foible et d'un naturel timide, M. Mulot ne paroissoit pas destiné à devenir missionnaire. Mais ayant eu un extrême désir de connoître M. de Montfort, et étant allé le trouver pour le prier de donner une mission à Saint-Pompain, celui-ci lui inspira tant de respect et de confiance, qu'il le décida à prendre part à ses travaux; et le jeune prêtre se trouva, à son grand étonnement à lui-même, en état, soit au moral, soit an physique, de suivre cette pénible carrière.

C'est sous lui que les deux congrégations des missionnaires et des Filles de la Sagesse se consoliderent. M. Malot obtint du pape Benoît XIII un bref, en date au 20 octobre 1728; et en 1732, M. de Maurepas, ministre et secretaire d'Etat, écrivit, au nom du Roi, aux intendans de Poitiers et de La Rochelle, pour les engager à protéger un si utile établissement. M. Mulot (1) étoit, en même temps, supérieur des missionnaires et des Filles de la Sagesse, à peu près comme dans les réglemens

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(1) C'est à cause de lui que, dans quelques écrits, on a désigné les missionnaires du Saint-Esprit sous le nom de Mulotins. Cette dénomination, dans l'intention de ceux qui s'en servirent pour la première fois, étoit un sobriquet destiné à tourner les missionnaires en ridicule. On attribue les honneurs de l'invention à l'abbé Dinouart. Rendant compte, dans son journal, d'une mission qui se donnoit à Nantes, et voulant égayer la petite église de ce temps-là, il disoit d'un ton qu'il croyoit plaisant: Quels prodigieux succès ne doivent pas résulter de cette mission admirable, quand ce sont des Oliers, des

de saint Vincent de Paul, le supérieur des prêtres de la mission l'est aussi des Soeurs de la Charité; car M. de Montfort avoit eu le dessein de former ses deux familles sur le même modèle et dans le même esprit que saint Vincent. Seulement, on auroit pu croire qu'il avoit mis un obstacle à leur multiplication, en les fixant dans une ville très-petite et peu connue, où elles servient comme ensevelies. Mais ce n'étoit pas sans dessein que M. de Montfort avoit choisi Saint-Laurent sur Sèvre pour le chef-lieu de ses deux congrégations. Il voulut les former, loin du monde, aux vertus de leur état, et il crut qu'une humble et paisible retraite conserveroit mieux l'esprit qu'il vouloit maintenir parmi ses disciples. L'obscurité du chef-lieu n'a pas empêché qu'une des deux congrégations au moins ne se soit fort répandue, et n'ait franchi les bornes des provinces qui sembloient d'abord devoir être l'unique théâtre de son zèle.

Après trente-six ans de travaux et de missions, M. Mulot mourut, le 12 mai 1749, à Questemberg, dans le diocèse de Vannes, où il donnoit encore alors une mission. Il étoit âgé de soixante-six ans, et avoit dignement suivi les traces de son vertueux prédécesseur. Les missionnaires rapportèrent son coeur à Saint-Laurent, et le déposèrent dans le mur de la chapelle des Soeurs. 11 fut remplacé par M. Audubon, né aux Sables d'Olonne, et qui fut le troisième supérieur. Celui-ci mourut, le 16 décembre 1755, au Poiré, diocèse de La Rochelle, où il donnoit une mission. Le 28 avril 1759,

Mulotins et des Picpus qui en sont les ouvriers! Les révolutionnaires du pays ont adopté ce sobriquet en haine de la religion et de ses ministres; mais le peuple et tous les gens honnêtes ignorent l'usage de cette dénomination, et les missionnaires n'ont d'autre nom que ceux de missionnaires du Saint-Esprft. Il ne faut pourtant pas les confondre avec les prêtres du séminaire du Saint-Esprit, établis autrefois à Paris, rue des Postes, qui furent chargés des missions de Cayenne, et sur lesquels nous avons dernièrement donné quelques détails.

les Filles de la Sagesse perdirent leur fondatrice, la soeur Marie-Louise de Jésus, On remarqua qu'elle mourut le même mois, le même jour du mois et de la semaine, et à la même heure que M. de Montfort, et on mit leurs tombeaux à côté l'un de l'autre. Ils y étoient souvent visités par la piété des habitans du pays, et ils ont échappé, comme par miracle, aux dévastations révolutionnaires.

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M. Besuard, de Rennes, fut le quatrième supérieur, et gouverna les deux établisemens jusqu'au 22 avril 1788, qu'il mourut dans la maison chef-lieu de Saint-Laurent. Ce fut sous lui que les progrès de la congrégration des Filles de la Sagesse attirèrent l'attention du gouvernement. M. Bertin, évêque de Vannes, prélat pieux et zèlé, avoit été témoin par lui-même du bien que faisoient ces Sœurs. Il avoit un frère ministre; il le sollicita en leur faveur, et le Roi Louis XV leur accordà, au mois de mars 1773, des lettres-patentes, qui furent enregistrées au parlement de Paris, le 11 août suivant, et qui reconnurent les deux congrégations, sous les noms de Missionnaires du Saint-Esprit et de Filles de la Sagesse. Celles-ci avoient déjà plus de cinquante établis semens. Les Missionnaires, beaucoup moins nombreux, donnoient cependant des missions fréquentes dans les villes et les campagnes environnantes.

A la mort de M. Besnard, M. Jean-Baptiste-Nicolas Micquignon, prêtre, né en Picardie, devint supérieur. Il en exerça peu les fonctions, étant mort le 31 janvier 1792. Il fut remplacé par M. René Supiot, né à Ancenis, en 1731. Mais la révolution avoit éclaté. On sait assez quels sentimens elle fit naître dans la Vendée, et quels courageux efforts firent les loyaux habitans de cette contrée pour la défense de la religion et de la monarchie, également atteintes et menacées par les novateurs. Les systêmes de licence et d'impiété n'avoient point fermenté parmi eux, et ils avoient conservé le même attachement pour leurs prêtres, et les mêmes

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