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Leur bouche sous l'énigme annonce le mystère,
Mais tu nous en fais voir le sens le plus caché :
Ils nous prêchent tes lois, mais ton secours fait faire
Tout ce qu'ils ont prêché.

Ils montrent le chemin, mais tu donnes la force
D'y porter tous nos pas, d'y marcher jusqu'au bout;
Et tout ce qui vient d'eux ne passe point l'écorce,
Mais tu pénètres tout.

Ils n'arrosent sans toi que les dehors de l'âme,
Mais sa fécondité veut ton bras souverain;
Et tout ce qui l'éclaire, et tout ce qui l'enflamme
Ne part que de ta main.

Ces prophètes enfin ont beau crier et dire:
Ce ne sont que des voix, ce ne sont que des cris,
Si pour en profiter l'esprit qui les inspire
Ne touche nos esprits.

Silence donc, Moïse! et toi, parle en sa place,
Éternelle, immuable, immense vérité;

Parle, que je ne meure enfoncé dans la glace
De ma stérilité.

C'est mourir en effet, qu'à ta faveur céleste
Ne rendre point pour fruit des désirs plus ardents;
Et l'avis du dehors n'a rien que de funeste
S'il n'échauffe au dedans.

Cet avis écouté seulement par caprice,
Connu sans être aimé, cru sans être observé,
C'est ce qui vraiment tue, et sur quoi ta justice
Condamne un réprouvé.

Parle donc, ô mon Dieu! ton serviteur fidèle
Pour écouter ta voix réunit tous ses sens,
Et trouve les douceurs de la vie éternelle
En ses divins accents.

Parle pour consoler mon âme inquiétée ;
Parle pour la conduire à quelque amendement ;
Parle, afin que ta gloire ainsi plus exaltée
Croisse éternellement.

22.

JEAN DE LA FONTAINE.

Invocation.

O DOUCE Volupté, sans qui, dès notre enfance, Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux; Aimant universel de tous les animaux,

Que tu sais attirer avecque

violence!

Par toi tout se meut ici-bas.

C'est pour toi, c'est pour tes appas,
Que nous courons après la peine :
Il n'est soldat, ni capitaine,
Ni ministre d'État, ni prince, ni sujet,
Qui ne t'ait pour unique objet.

Nous autres nourrissons, si, pour fruit de nos veilles,
Un bruit délicieux ne charmait nos oreilles,
Si nous ne nous sentions chatouillés de ce son,
Ferions-nous un mot de chanson?

Ce qu'on appelle gloire en termes magnifiques,
Ce qui servait de prix dans les jeux olympiques,
N'est que toi proprement, divine Volupté.
Et le plaisir des sens n'est-il de rien compté?

Pour quoi sont faits les dons de Flore,
Le Soleil couchant et l'Aurore,
Pomone et ses mets délicats,
Bacchus, l'âme des bons repas,
Les forêts, les eaux, les prairies,
Mères des douces rêveries?

Pour quoi tant de beaux arts, qui tous sont tes enfants?
Mais pour quoi les Chloris aux appas triomphants,
Que pour maintenir ton commerce?
J'entends innocemment : sur son propre désir
Quelque rigueur que l'on exerce,
Encor y prend-on du plaisir.

Volupté, Volupté, qui fus jadis maîtresse
Du plus bel esprit de la Grèce,

Ne me dédaigne pas, viens-t'en loger chez moi;
Tu n'y seras pas sans emploi :
J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique,
La ville et la campagne, enfin tout; il n'est rien
Qui ne me soit souverain bien,

Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique.
Viens donc; et de ce bien, ô douce Volupté,
Veux-tu savoir au vrai la mesure certaine ?
Il m'en faut tout au moins un siècle bien compté;
Car trente ans, ce n'est pas la peine.

MOLIÈRE.

23. A Monsieur Le Vayer, sur la Mort de son Fils.

AUX larmes, Le Vayer, laisse tes yeux ouverts, Ton deuil est raisonnable encor qu'il soit extrême,

Et lorsque pour toujours on perd ce que tu perds,
La sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même.
On se propose à tort cent préceptes divers
Pour vouloir d'un œil sec voir mourir ce qu'on aime;
L'effort en est barbare aux yeux de l'univers,
Et c'est brutalité plus que vertu suprême.

pas

On sait bien que les pleurs ne ramèneront
Ce cher fils que t'enlève un imprévu trépas,
Mais la perte par là n'en est pas moins cruelle:

Ses vertus d'un chacun le faisaient révérer,
Il avait le cœur grand, l'esprit beau, l'âme belle,
Et ce sont des sujets à toujours le pleurer.

24.

NICOLAS BOILEAU DESPRÉAUX.

Chanson.

VOICI les lieux charmants, où mon âme ravie Passait à contempler Sylvie

Ces tranquilles moments si doucement perdus. Que je l'aimais alors! Que je la trouvais belle! Mon cœur, vous soupirez au nom de l'infidèle: Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus?

C'est ici que souvent errant dans les prairies, Ma main des fleurs les plus chéries Lui faisait des présents si tendrement reçus. Que je l'aimais alors ! Que je la trouvais belle' Mon cœur, vous soupirez au nom de l'infidèle : Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?

25.

Hymne tirée du Bréviaire.

TANDIS que le sommeil, réparant la nature,
Tient enchaînés le travail et le bruit,
Nous rompons ses liens, ô clarté toujours pure !
Pour te louer dans la profonde nuit.

Que dès notre réveil notre voix te bénisse ;
Qu'à te chercher notre cœur empressé
T'offre ses premiers vœux ; et que par toi finisse
Le jour par toi saintement commencé.

L'astre dont la présence écarte la nuit sombre
Viendra bientôt recommencer son tour:

O vous, noirs ennemis qui vous glissez dans l'ombre,
Disparaissez à l'approche du jour.

Nous t'implorons, Seigneur : tes bontés sont nos

armes:

De tout péché rends-nous purs à tes yeux; Fais que, t'ayant chanté dans ce séjour de larmes, Nous te chantions dans le repos des cieux.

Exauce, Père saint, notre ardente prière,
Verbe, son Fils, Esprit, leur noeud divin,
Dieu qui, tout éclatant de ta propre lumière,
Règnes au ciel sans principe et sans fin.

26. Hymne tirée du Bréviaire.

L'OISEAU vigilant nous réveille;

Et ses chants redoublés semblent chasser la nuit :

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