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On désigne, dans certains départemens sous le nom de colonie partiaire, le traité qu'on nomme ailleurs bail à moitié ; espèce de société qui rentre sous les règles communes aux contrats de société, et qui n'offre rien de particulier dans la législation rurale. Voyez tome 1 page 416.

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CHAPITRE QUATRIÊME.

De la coalition entre fermiers.

Après avoir parcouru les obstacles qui viennent journellement contrarier la jouissance du propriétaire, quelque mode d'exploitation qu'il ait adopté, il nous reste à parler d'une autre contrariété qui est aussi pernicieuse pour le propriétaire que pour l'intérêt de l'agriculture; il s'agit d'une espèce de complot entre fermiers, qui ne tend pas moins qu'à ruiner le propriétaire, et à livrer les terres au plus dangereux abandon.

I. Un des moyens qu'ils emploient à cet effet est d'écarter, par des menaces ou de mauvais traitemens, tous les fermiers étrangers qui se présenteroient pour prendre la ferme. Par-là, les terres restent sans culture jusqu'à ce que le propriétaire, rebuté, se résigne enfin à subir la loi de son précédent fermier ou de ceux du voisinage.

Des exemples multipliés d'une pareille manœuvre ont, sous l'ancien régime, provoqué là surveillance du gouvernement, qui prit des

mesures efficaces pour prévenir l'abandon des fermes.

II. Pour l'intelligence de ces dispositions, il est nécessaire de rappeler les circonstances qui les ont amenées, et d'autant plus exactes qu'elles sont puisées dans la loi même. (Arrét du conseil d'Etat du Roi, du 25 mars 1724.)

« Le Roi étant informé que les longues guerres que les > rois ses prédécesseurs ont été obligés de soutenir sur »les frontières de Picardie, ayant privé la plus grande » partie des propriétaires des terres qui y sont situées, » de la liberté de sortir des villes où ils faisoient leur » résidence, pour veiller à leurs biens de campagne, » les fermiers, pendant tout ce temps et même depuis,

surtout dans la partie de Picardie appelée Sangterre, » du côté de Péronne, Mont-Didier, Roye et Saint» Quentin, se sont maintenus, de père en fi's, dans » feurs anciennes exploitations, en payant seulement >> aux propriétaires de modiques redevances, telles » qu'elles étoient établies pendant les anciennes guerres, » où les biens n'étoient pas en valeur, et se sont insen»siblement accoutumés à en jouir comme de leur pro» pre bien, sans vouloir ni renouveler leurs baux, ni >> en proportionner le prix aux circonstances des temps, >> ni mênie souffrir leur dépossession, suivant une an» cienne tradition et une espèce de convention qu'ils » ont eu la témérité de faire entre eux, de se maintenir » réciproquement dans l'induc possession des biens » qu'ils avoient à ferme, sans qu'aucun pût prendre le » bail de l'autre, ni le déposséder de sa jouissance, » que ceux qui contreviendroient à cette prétendue lo » méritoient la mort ; ce qui auroit eu la force de les » persuader que leurs anciens et modiques fermages ne » sont que de simples reconnoissances qu'ils doivent aux « propriétaires pour être maintenus héréditairement « dans leurs exploitations, avec faculté d'en disposer : >> en sorte que, les regardant comme de véritables pa>>trimoines, ils les vendent par-devant notaires à qui >> bon leur semble, et à des prix qui égalent presque la » valeur des fonds; les donnent en mariage à leurs enTOME II.

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et

>> fans, en tout ou en partie; les partagent en succes»sion en autant de portions qu'ils sont de cohéritiers, »ou, en cas de difficultés sur le partage, les font ad» juger à cri public au plus offrant, et, par un interat commun, se soutiennent mutuellement dans leur in>> juste possession, au préjudice des véritables propriétaires, qui, par la division de leurs fonds en petites > portions dont les possesseurs leur sont inconnus, se trouvent,exposés à des prescriptions de propriete par » des occupeurs dont ils ne peuvent prouver la qualité » de fermier, et privés de l'usage et de la disposition de » leurs propres biens.

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» Cet abus, qui, dans les premiers temps, se bornoit » aux héritages des particuliers, auroit passé et se se>roit étendu jusqu'aux ouvriers et serviteurs de la cam→ >pagne, tels que moissonneurs, batteurs en grange, » bergers, gardes de bois et autres de même nature » qui sont également regardés comme heredita res; de >> manière qu'i n'est plus possible de leur associer ou

substituer personne, que les associés ou substitués no >> soient aussitôt exposés aux derniers excès de la part » des anciens : en sorte que toutes les fois que les propriétaires ont entrepris d'augmenter leurs redevances >> ou de changer leurs fermiers, ils n'ont pu y parvenir sans s'exposer, et leurs nouveaux fermiers, aux der»nières violences, dans leurs personnes et dans leurs » biens, de la part des fermiers dépossédés, qui ne >> manquent point de se venger par meurtres ou incen» dies, etc. »

III. Les mesures prises à ce sujet par le gouvernement ne sont plus aujourd'hui appli cables à l'état actuel, dans tous les points; mais il n'est pas inutile de les consigner ici, au moins comme un monument historique de la législation rurale de cette époque.

IV. Défense à toute personne de s'immiscer à l'avenir dans l'exploitation des biens d'autrui, à titre de loyer, ́sans baur par écrit passes

nommément à leur profit par les véritables · propriétaires.

Défense expresse à tout notaire de passer et recevoir entre fermiers aucun acte et contrat, portant transport, cession, vente, échange, permutation, donation, même par contrat de mariage, partage et sous-partage, de baux à ferme, en tout ou partie, sous quelque prétexte que ce soit. (Arrét du conseil d'État du Roi, du 25 mars 1724, suivi de lettrespatentes du même jour.)

V. Injonction à tout propriétaire qui n'auroit pas été pourvu d'un nouveau fermier, dix-huit mois avant la dernière dépouille des baux à expirer, de faire publier et afficher à la porte des églises paroissiales, à l'issue de la messe, par trois dimanches consécutifs, l'état des objets à donner à bail. (Ibid. art. 7.)

VI. Dans le cas où, depuis la publication, quatre moisse seroient écoulés sans qu'il se fût présenté aucun fermier pour prendre le bail au même prix que les précédens fermiers, ou au même prix que les terres voisines, ou sur le prix de l'estimation qui en seroit faite d'office, alors le gouvernement prenoit une pareille, inaction comme l'effet et la preuve d'une coupable coalition entre les gens du pays.

Or, pour mettre un terme à cette odieuse manœuvre, il rejetoit sur la communauté même d'habitans la charge du bail, et rendoit les quatre plus imposés garans personnelle.nent du prix et des conditions du bail.

Les habitans les p us hauts cotisés à la taille de

>> chaque paroisse où lesdits biens se trouvent situés, >> seront tenus de les faire valoir par un ferm.er; de la » so vabilité duquel fermier et de l'entretien des terres : » en bon état, les communautés de chaque lieu demeu«reront responsables et garans envers les proprić»taires.» (Arrêt du conseil d'Etat du roi, du 25 mars 1724, art. 8.)

VII. Les mesures sont prises en même-temps pour mettre les propriétaires et les nouveaux fermiers à l'abri du ressentiment et de la vengeance des coalisés, ou contre tous ceux qui cherchent à écarter les fermiers.

« Défenses à tous habitans,, fermiers, laboureurs et autres, de molester les propriétaires et nouveaux >>> fermiers en leurs personnes et b.ens, ou de leurs en» funs et domestiques, même d'empêcher ou détour» uer, par menaces ou autrement, ceux qui pourront se >> présenter pour l'exploitation desdits biens, le tout à peine d'être procédé extraordinairement contre eux, » et d'être punis comme séditieux et perturbateurs du » repos public. » (Ibid. art. 9. )

VIII. La sollicitude de la loi va encore bien plus loin en faveur des nouveaux fermiers, et même des propriétaires, en les mettant les uns et les autres, ainsi que leurs familles, sous la sauve-garde particulière des fermiers dépossédés et des communautés des villages et paroisses de chaque lieu.

«S. M. a mis et met les personnes et biens des propriétaires et des nouveaux fermiers, de leurs » femmes, de leurs enfans, domestiques et autres exp oi»tans, sous la sauvé-garde particulière des anciens fer» miers, même des communautés des villages et pa>> roisses des lieux.

»Enjoin très-expressément auxdits anciens fermiers, » spécialement aux plus hauts cotises, de veiller à la > conservation et garde desdites personnes et biens, à

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