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Auprès de la cabane obscure
Tu nais, tu vieillis, et tu meurs;
Là, sont le calme et la nature :
Chercherai-je encor les grandeurs?

Du ruisseau, dans ma rêverie,
J'entends fuir et murmurer l'eau;
Il ne peut quitter la prairie,
Tu ne peux quitter le ruisseau.

Confident de ce doux mystère,
Tu caches leurs jeux, leurs détours;
Crains-tu qu'une jeune bergère
Ne remarque trop les amours?

Ah! que ta feuille est douce et tendre!
Combien sa pâleur m'a charmé!
Lisette alors pouvait m'entendre ;
Ce n'est plus le temps d'être aimé.

İl est un Saule pour le sage,

Il est un Saule pour l'amant;
Le premier convient à mon âge,
Mais, hélas! que l'autre est charmant !

Adieu, Saule de la tendresse ;

J'eusse à tes pieds voulu mourir.

Voilà celui de la sagesse,

C'est donc lui que je dois choisir !

Par LE MÊME.

LE SAULE PLEUREUR.

QUAND les dieux prirent tous un arbre en apanage,

Alcide, nous dit-on, choisit le Peuplier;
Le Lierre pour Bacchus déploya son feuillage;
Apollon sourit au Laurier.

De la céleste cour le monarque suprêmë
Au Chêne décerna l'empire des forêts;
Minerve à l'Olivier dit : Tu seras l'emblême
De l'abondance et de la paix.

Le Myrte, dés Amours devint l'heureux symbolė,
Et fleurit, cultivé par la main des Plaisirs ;
Amans infortunés, il vous resta le Saule
Pour confident de vos soupirs.

Son feuillage, toujours cher à la rêverie,
Offre un réduit propice aux mortels malheureux ;
Il aime à les couvrir de sa mélancolie;

On dirait qu'il pleuré avec eux.

Les oiseaux, recueillis sous sa pâle verdure,
De son tranquille abri n'osent troubler la paix ;
Le ruisseau qui l'arrose adoucit son murmure,
Et semble exprimer ses regrets:

Oh! que j'aime à le voir, vers l'ombre rembrunie,
Incliner mollement ses flexibles rameaux,
Comme, en cheveux épars, on nous peint l'Élégie
Soupirant auprès des tombeaux!

Saule cher et sacré, le deuil est ton partage;
Sois l'arbre des regrets et l'asile des pleurs ;
Tel qu'un fidèle ami, sous ton discret ombrage,
Accueille et voile nos douleurs.

Des revers,

des chagrins l'homme est né tributaire ; Victimes à leur tour de la commune loi,

Ceux même à qui sourit le sort le plus prospère,
Viendront pleurer auprès de toi.

Sur la mort d'une sœur, d'une épouse et d'un père,
Qui de nous, à trente ans, n'a point encor gémi?
Quel est le froid mortel dont l'âme solitaire
Ne regrette point un ami?

Et toi, que du plaisir la voix flatteuse engage,
Crédule amant, jouis de ton bonheur d'un jour;
Le Myrte, en ce moment, te prête son ombrage;
Demain le Saule aura son tour.

CONSTANT DUBOS.

LES PEUPLIERS.

TRANQUILLES peupliers qui bordez ce rivage,
Où, sous les pures lois de l'amour paternel,
Les plaisirs innocens ont fondé leur autel,
Ne me verrai-je plus sous votre doux ombrage?
Me faut-il quitter pour jamais

Ces gazons émaillés, ces riantes terrasses,
Et ces délicieux bosquets

Qu'habitent les Vertus sous la forme des Grâces?
Oui, sans doute, il le faut, et le sort m'y réduit:
Comme un vautour cruel à la tranchante serre,
Sous vos berceaux qu'irais-je faire?
Hélas! serait-ce à moi, plaintif oiseau de nuit,
A venir des Amours attrister la volière ?
Quand sous votre ombre solitaire

Vos jeunes déités iront goûter le frais,
De vos rameaux touffus formez un toit épais
Pour garantir l'éclat de leurs naissans attraits
Contre les feux trop vifs de l'ardente atmosphère;
Et, tandis qu'éloigné de ce rivage heureux,
Mon âme languit désolée,

Puisse de son souffle amoureux

Ah! comme ton parfum, dont la suave odeur
S'exhale dans les airs sans dévoiler tes charmes,
Que ne puis-je du pauvre, en essuyant les larmes,
Lui dérober l'aspect du bienfaiteur!

Timide comme toi, je veux dans ma retraite
Et dans l'oubli passer mes jours;

Un peu d'encens vaut-il ce trouble qui toujours
Poursuit notre gloire inquiète?

Simple en mes goûts, de paisibles loisirs
Rendent mon âme satisfaite;

Mon nom contente mes désirs,.*

Puisque l'Amitié le répète.

L'avenir m'oublîra; mais, chère à mon époux,
Dans mon enfant trouvant mon bien suprême,
Bornant ce monde à ce que j'aime,

Je n'étonnerai point le vulgaire jaloux.
Oui, comme toi, cherchant la solitude,
Ne me plaisant qu'en ces vallons déserts,
J'y viens rêver, et soupirer ces vers

Qui ne doivent rien à l'étude.

M.me BEAUFORT-d'Hautpoul.

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