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On se déguise en vain ces tristes vérités ;

Les terreurs, les infirmités,

De la froide vieillesse ordinaires compagnes,
Font sur nous ce que font les Autans irrités
Et la neige sur les campagnes.

Encor si, comme les hivers

Dépouillent les forêts de leurs feuillages verts,
L'âge nous dépouillait des passions cruelles,
Plus fortes à dompter que ne le sont les flots,
Nous goûterions un doux repos

Qu'on ne peut trouver avec elles.

Mais nous avons beau voir détruire par le temps
La plus forte santé, les plus vifs agrémens,
Nous conservons toujours nos premières faiblesses.
L'ambitieux, courbé sous le fardeau des ans,
De la fortune encore écoute les promesses;
L'avare, en expirant, regrette moins le jour
Que ses inutiles richesses;

Et qui jeune a donné tout son temps à l'Amour,
Un pied dans le tombeau, veut encor des maîtresses.
Il reste dans l'esprit un goût pour les plaisirs,
Presque aussi dangereux que leur plus doux usage.
Pour être heureux, pour être sage,

Il faut savoir donner un frein à ses désirs.
Mieux qu'un autre, sage Timandre,

De cet illustre effort vous connaissez le prix.
Vous en qui la Nature a joint une âme tendre
Avec un des plus beaux esprits;

Vous qui, dans la saison des grâces et des ris,
Loin d'éviter l'amour, faisiez gloire d'en prendre,

Et qui, par effort de raison,

Fuyez de ses plaisirs la folle inquiétude,

Avant que l'arrière-saison

Vous ait fait ressentir tout ce qu'elle a de rude.

M.me DESHOulières.

LE BONHEUR.

HEUREUX

EUREUX qui, des mortels oubliant les chimères,
Possède une compagne, un livre, un ami sûr,
Et vit indépendant sous le toit de ses pères !
Pour lui le ciel se peint d'un éternel azur,
L'innocence embellit son front toujours paisible;
La vérité l'éclaire et descend dans son cœur ;
Et, par un sentier peu pénible,

La nature qu'il suit le conduit au bonheur.
En vain près de sa solitude

La Discorde en fureur fait retentir sa voix;
Livré dans le silence au charme de l'étude,
Il voit avec douleur, mais sans inquiétude,
Les états se heurter pour la cause des rois ;
Tandis que la veuve éplorée

Aux pieds des tribunaux va porter ses clameurs,
Dans les embrassemens d'une épouse adorée
De la volupté seule il sent couler les pleurs.

Il laisse au loin mugir les orages du monde:

Sur les bords d'une eau vive, à l'ombre des berceaux,
Il dit, en bénissant sa retraite profonde :

C'est dans l'obscurité qu'habite le repos.
Le sage ainsi vieillit, à l'abri de l'envie,
Sans regret du passé, sans soin du lendemain ;
Et quand l'Etre éternel le rappelle en son sein,
Il s'endort doucement pour renaître à la vie.

Si le ciel l'eût permis, tel serait mon destin:
Quelquefois éveillé par le chant des fauvettes
Et par le vent frais du matin,

J'irais fouler les prés semés de violettes;
Et, mollement assis, un La Bruyère en main,
Au milieu des bosquets humectés de rosée,
Des vanités du genre humain
J'amuserais en paix mon oisive pensée:
Le regard fixé vers les cieux,

Loin de la sphère étroite où rampe le vulgaire,
J'oserais remonter à la cause première,

Et lever le rideau qui la couvre à mes yeux :
Tandis que le sommeil engourdit tous les êtres,
Ma muse au point du jour errante sur des fleurs,
Chanterait des bergers les innocentes mœurs,
Et frapperait l'écho de ses pipeaux champêtres.

Coulez avec lenteur, délicieux momens !

Ah! quel ravissement égale

Celui qu'un ciel serein fait naître dans nos sens!
Quel charme prête à nos accens

L'éclat majestueux de l'aube matinale !

Quel plaisir sur la mousse, à l'ombre des bois verts,
De respirer le baume et la fraîcheur des airs;
D'entendre murmurer une source tombante ;
Bourdonner sur le thym l'abeille diligente;
Ici du rossignol résonner les concerts,
Là soupirer d'amour la colombe innocente!

Souvent la douce paix qui règne dans les bois
Elèverait ma muse à des objets sublimes;
J'oserais consacrer mes rimes

A chanter mes héros, les vertus et les lois;
De la nuit des tombeaux écartant les ténèbres,
Souvent j'invoquerais ces oracles célèbres
A qui l'enthousiasme a dressé des autels;
Ces esprits créateurs, ces bienfaiteurs du monde,
Qui, par des écrits immortels,

Ont chassé loin de nous l'ignorance profonde.
Rassemblés devant moi, les grands législateurs
Offriraient à mes yeux leur code politique
Précieux monument de la sagesse antique;
D'autres des nations me décriraient les mœurs,
Et l'affligeant tableau des humaines erreurs,
Et les faits éclatans consignés dans l'histoire.

Aux pieds des tribunaux va porter ses clameurs,
Dans les embrassemens d'une épouse adorée
De la volupté seule il sent couler les pleurs.

Il laisse au loin mugir les orages du monde:

Sur les bords d'une eau vive, à l'ombre des berceaux,
Il dit, en bénissant sa retraite profonde :

C'est dans l'obscurité qu'habite le repos.
Le sage ainsi vieillit, à l'abri de l'envie,
Sans regret du passé, sans soin du lendemain ;
Et quand l'Etre éternel le rappelle en son sein,
Il s'endort doucement pour renaître à la vie.

Si le ciel l'eût permis, tel serait mon destin:
Quelquefois éveillé par le chant des fauvettes
Et par le vent frais du matin,

J'irais fouler les prés semés de violettes;
Et, mollement assis, un La Bruyère en main,
Au milieu des bosquets humectés de rosée,
Des vanités du genre humain
J'amuserais en paix mon oisive pensée:
Le regard fixé vers les cieux,

Loin de la sphère étroite où rampe le vulgaire,
J'oserais remonter à la cause première,

Et lever le rideau qui la couvre à mes yeux :
Tandis que le sommeil engourdit tous les êtres,
Ma muse, au point du jour errante sur des fleurs,
Chanterait des bergers les innocentes mœurs,
Et frapperait l'écho de ses pipeaux champêtres.

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