L'œil fixé tristement sur l'onde fugitive, Se taisait, attentive aux vœux de son amour. Oh! lorsque sur le bord je le verrai descendre, Mais, cette fois, je ne m'abuse pas; Oui, sous la rame, au loin, j'entends l'onde se fendre. Et vous, nymphes, témoins de ma douleur extrême, Elle ne put finir. D'un froid mortel saisie, Echos de ces roches sauvages, Dans ces bois et sur ces rivages!.... Un bateau renversé flottait dans le lointain. Elle meurtrit son sein. De sourds et longs sanglots Daphnis, mon cher Daphnis ! et soudain, à ces mots, Echos de ces roches sauvages, Les nymphes veillaient sur ses jours. L'onde n'engloutit point cette tendre bergère. Le fleuve secourable, accélérant son cours, La pose aux bords fleuris d'une île solitaire. Son berger à la nage avait gagné ces bords. Mais cent baisers l'ont bientôt ranimée. Qui pourrait exprimer sa joie et ses transports? Le malheureux! dans sa douleur muette, Echos de ces rochers sauvages, Dans ces bois et sur ces rivages!.... BERQUIN, LE RUISSEAU. RUISSEAU, nous paraissons avoir un même sort D'un cours précipité nous allons l'un et l'autre, Mais, hélas ! que d'ailleurs je vois peu de rapport Entre votre course et la nôtre ! Vous vous abandonnez sans remords, sans terreur, Point de loi parmi vous ne la rend criminelle. Vous êtes plus fort et plus beau Que vous n'êtes à votre source; Vous retrouvez toujours quelque agrément nouveau. La fraîcheur de vos eaux augmente les appas, Par de délicieux ombrages Ils embellissent vos rivages. Sur un sable brillant, entre des prés fleuris, Mille et mille poissons, dans votre sein nourris, Taisez-vous, ruisseau; c'est à nous A nous plaindre de la nature. De tant de passions que nourrit notre cœur, Qui ne traîne après soi le trouble, la douleur, Elles déchirent nuit et jour Les cœurs dont elles sont maîtresses. Mais de ces fatales faiblesses La plus à craindre, c'est l'amour; Ses douceurs même sont cruelles : Elles font cependant l'objet de tous les vœux ; Devient tranquille, ou passe à des amours nouvelles. Il n'est point parmi vous de ruisseaux infidèles ! De l'Être indépendant qui gouverne le monde Font qu'un autre ruisseau se mêle avec votre onde, Quand vous êtes unis vous ne vous quittez plus. A ce que vous voulez jamais il ne s'oppose : Dans votre sein il cherche à s'abîmer; Vous et lui jusques à la mer Vous n'êtes qu'une même chose. De toutes sortes d'unions Que notre vie est éloignée ! De trahisons, d'horreurs et de dissentions, Qu'on ne me vante point ces biens imaginaires, Qu'inventa notre orgueil pour masquer nos misères: Id. et Egl. 12 |