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Lorsque Boileau exhorta les poëtes des différens genres à célébrer le monarque du grand siècle, il dit :

Que Segrais dans l'Eglogue en charme les forêts.

C'était, en un seul vers, faire un juste éloge de ce chantre des bergers. Nous en donnerons trois Eglogues.

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« Le principal mérite de Segrais, dit La

Harpe, est d'avoir bien saisi le caractère et » le ton de l'Eglogue. Il a du naturel, de la >> douceur et du sentiment. Imitateur fidèle » de Virgile, il a fait, comme lui, rentrer » dans ses sujets les images champêtres qui » lui donnent un air de vérité; mais il ne sait » pas les colorer comme lui; il donne à ses »bergers le langage qui leur convient; mais »ce langage manque souvent de cette élégance » et de cette harmonie qu'il faut allier à la simplicité.

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En citant avantageusement plusieurs passages des Eglogues de Segrais, La Harpe ajoute « Ces endroits et plusieurs autres, Id. et Egl.

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>> prouvent que Segrais n'était pas un poëte

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bucolique à mépriser. Il faut songer qu'il » écrivait avant les maîtres de la poésie fran»çaise, et n'ayant encore d'autres modèles » que Malherbe et Racan. »

L'auteur du Cours de Littérature est un peu plus sévère à l'égard de M.me Deshoulières et de Fontenelle. Nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs les bucoliques de ces deux poëtes auxquelles il semble donner la préférence.

Le législateur du Parnasse donne en quelques vers la meilleure définition de l'Idylle; après l'avoir comparée à une bergère, il ajoute :

Telle, aimable en son air, mais humble dans son style,
Doit éclater sans pompe une élégante Idylle.
Son tour simple et naïf n'a rien de fastueux;
Il n'aime point l'orgueil d'un vers présomptueux :
Il faut que sa douceur flatte, chatouille, éveille,
Et jamais de grands mots n'épouvante l'oreille.

Gresset s'exprime ainsi sur la poésie pastorale en général :

La nature sur chaque image

Doit guider les traits du pinceau;
Tout y doit peindre un paysage,
Des jeux, des fêtes sous l'ormeau :
L'oeil est choqué s'il voit reluire
Les palais, l'or et le porphyre,
Où l'on ne doit voir qu'un hameau.

Il veut des grottes, des fontaines,
Des pampres, des sillons dorés,
Des prés fleuris, de vertes plaines,
Des bois, des lointains azurés.
Sur ce mélange de spectacles
Ses regards volent sans obstacles,
Agréablement égarés.

Là, dans leur course fugitive,
Des ruisseaux lui semblent plus beaux
Que les ondes que l'art captive
Dans un dédale de canaux ;
Et qu'avec faste et violence
Une sirène au ciel élance

Et fait retomber en berceaux.

« Ces sortes de compositions, dit La Harpe, » demandent une main très-légère et très-exer» cée, parce que l'essentiel est de n'y mettre

» qu'autant d'esprit qu'il en faut au sentiment; » et cette mesure-là ne se donne pas ; >> l'avoir. >>

il faut

Les nuances qui existent entre l'Eglogue et l'Idylle des anciens sont très-difficiles à saisir. Plusieurs Eglogues de Virgile ressemblent aux Idylles de Théocrite, et vice versá. On éprouve le même embarras en lisant les Eglogues de Fontenelle et les Idylles de Berquin.

Nous pensons néanmoins qu'une simplicité élégante doit caractériser l'Idylle, et que c'est par cette élégance ennoblie qu'elle se distingue de l'Eglogue, plus naïve et moins aprêtée.

A tout ce que nous venons de dire sur la poésie postorale, nous croyons devoir ajouter les stances suivantes :

LE SIÈCLE PASTORAL.

PRÉCIEUX jours dont fut ornée

La jeunesse de l'univers,

Par quelle triste destinée

N'êtes-vous plus que dans nos vers?

Votre douceur charmante et pure
Cause nos regrets superflus,
Telle qu'une tendre peinture
D'un aimable objet qui n'est plus.

La terre, aussi riche que belle,
Unissait, dans ces heureux temps,
Les fruits d'une automne éternelle
Aux fleurs d'un éternel printemps.

Tout l'univers était champêtre,
Tous les hommes étaient bergers;
Les noms de sujet et de maître
Leur étaient encore étrangers.

Sous cette juste indépendance,
Compagne de l'égalité,

Tous, dans une même abondance,
Goûtaient même tranquillité.

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