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Car la Terre irritée, en guise de moissons,
Ne voulait plus donner qu'épines et chardons.
Mais un Bourbon, qui prend sa céleste origine
Du tige de nos rois et d'une Catherine,
A rompu le discord, et doucement a fait
Que Mars, bien que grondant, se voit pris et défait.
Cette nymphe royale, et digne qu'on lui dresse
Des autels, tout ainsi qu'à Pallas la déesse,
La première nous dit: Pasteurs, comme devant,
Dégoisez vos chansons, et les jouez au vent,
Et aux grandes forêts, si longuement muettes;
Rapprenez les accords de vos vieilles musettes,
Et menez désormais par les prés vos taureaux,
Et dormez sûrement sous le frais des ormeaux.

Aussi bien tous les ans, à certains jours de fêtes,
Donnant repos aux cbamps, à nous et à nos bêtes,
Lui ferons un autel, tel que ceux de Junon,
Et long-temps par les bois sera chanté son nom.

Il n'y aura berger, soit qu'au matin il mène, Soit qu'il ramène au soir son troupeau porte-laine, Qui, songeant à part soi que d'elle seulement Est provenue au moins la fin de son tourment, Ne lui verse du miel, et qui ne lui nourrisse A part, dans une prée, une blanchè génisse ; Ne lui sacre aux jardins un pin le plus épais, Un ruisseau le plus clair, un antre le plus frais; Et lui offrant ses vœux, hautement ne l'appelle La mère de nos dieux, la française Cybelle.

O bergère d'honneur! les saules ne sont pas
Aux aguelets sevrés si gracieux repas,

Ni le printemps n'est point si plaisant aux fleurettes,
Ni la rosée aux prés, ni les blondes avettes
N'aiment tant à baiser les roses et le thim,
Que j'aime à célébrer les honneurs de Catin.

ANGELOT.

Quand le bon Henriot, par fière destinée, Avant la nuit venue accomplit sa journée, Nos troupeaux, prévoyant quelque futur danger, Par les champs languissaient sans boire ni manger; Et bêlans et crians, et tapis contre terre, Gisaient comme frappés de l'éclat du tonnerre. Les nymphes l'ont gémi d'une piteuse voix; Les antres l'ont pleuré, les rochers et les bois ; Vous le savez, forêts, qui vîtes és bocages Les loups même le plaindre, et les lions sauvages.

Tout ainsi que la vigne est l'honneur d'un ormeau,
Et l'honneur de la vigne est le raisin nouveau,
Et l'honneur des troupeaux est le bouc qui les mène ;
Et comme les épis sont l'honneur de la plaine,
Et comme les fruits mûrs sont l'honneur des vergers,
Ainsi ce Henriot fut l'honneur des bergers.

Les herbes par sa mort perdirent leur verdure;
Les roses et les lis prirent noire teinture;
La belle marguerite en prit triste couleur,

Et l'œillet sur sa feuille écrivit son malheur.

Belle âme, qui au ciel noblement exhaussée,
Ris maintenant de nous et de notre pensée;
Et des appas mondains, qui toujours font sentir,
Après un plaisir court, un trop long repentir!
Tu vois autres forêts, tu vois autres rivages,
Autres plus hauts rochers, autres plus verts bocages,
Autres prés plus herbus, et ton troupeau tu pais
D'autres plus belles fleurs qui ne meurent jamais.
Sois propice à nos veux; je te ferai, d'ivoire

Et de marbre, un beau temple au rivage de Loire,
Où, sur le mois d'avril, aux jours longs et nouveaux,
Engageant des combats entre les pastoureaux,
Pour sauter et lutter sur l'herbe nouvellette,
Je pendrai sur un pin le prix d'une musette.
Là sera ton Janot, qui chantera tes faits,
Tes guerres, tes combats, tes ennemis défaits,
Et tout ce que ta main d'invincible puissance
Osa, pour redresser la houlette de France.

Or adieu, grand berger : tant qu'on verra les eaux
Soutenir les poissons, et le vent les oiseaux,
Nous aimerons ton nom, et par cette ramée,
D'âge en âge suivant vivra ta renommée.

NAVARRIN.

Que ne retourne encor ce bel âge doré,

Où l'acier, où le fer était comme ignoré!

Les bœufs, en ce temps-là, paissans parmi la plaine, L'un à l'autre parlaient, et d'une voix humaine,

Quand les malheurs venaient, prédisaient les dangers,
Et servaient, par les champs, d'oracles aux bergers:
Il ne régnait alors ni noise, ni rancune;

Les champs n'étaient bornés ; et la terre commune,
Sans semer ni planter, bonne mère, apportait
Le fruit qui de soi-même heureusement sortait;
Les procès n'avaient lieu, la guerre ni l'envie.

Les vieillards, sans douter (1), sortaient de cette vie
Comme en songe, et leurs ans doucement finissaient;
Ou, mangeant de quelque herbe, ils se rajeunissaient:
Jamais du beau printemps la saison émaillée
N'était, comme aujourd'hui, par l'hiver dépouillée.
Le sein de notre terre encor n'était maudit;

Son sein ne produisait encore l'aconit ;

Chacun se repaissait, sous le frais des ombrages,
Ou de lait, ou de glands, ou de fraises sauvages;
Car le bœuf laboureur, après avoir sué,
Comme il fait sous le joug, pour lors n'était tué;
Ni la simple brebis, qui nos vêtemens porte
Aux étaux des bouchers, au croc ne pendait morte;
Ni lors la vache mère, oubliant le séjour
Des ruisseaux et des prés, ne meuglait à l'entour
Des ministres sacrés, lamentant sa génisse;
Car les fleurs et les fruits servaient de sacrifice.
O saison gracieuse, hélas !
que n'ai-je été,
En un temps si heureux, dans ce monde allaité !

(1) Sans douter, sans crainte.

Maintenant l'univers n'est plus qu'une famille,
Qui aux moissons d'autrui a toujours la faucille.

Il me souvient un jour qu'aux rochers de Béart
J'allai voir une vieille ingénieuse en l'art
D'appeler les esprits hors des tombes poudreuses,
D'arrêter le soleil et les sources ondeuses,

Et d'enchanter la lune au milieu de son cours,
Et changer les pasteurs en tigres et en ours.
Or, elle prévoyant par magique figure,

Me prédit tous les maux de la saison future;

Mais prends cœur (se disait); tant qu'on verra nos rois
Aimer et secourir les pasteurs navarrois,

Toujours leurs gras troupeaux paîtront sur les montagnes,
Le froment jaunirá par leurs blondes campagnes,
Et n'auront jamais peur que leurs proches voisins
Emportent leurs moissons, ou coupent leurs raisins.
Pour ce, jeune berger, il te faut, dès l'enfance,
Charles aller trouver, le grand pasteur de France.
Ta force vient de lui; dès-lors, tout plein d'ardeur,
En France, je vins voir Charles, ce grand pasteur,
Charles que j'aime autant qu'une vermeille rose
Aime la blanche main de celle qui l'arrose,
Que les prés, les ruisseaux, les moissons, la verdeur;
Car de son amitié procède ma grandeur.

GUISIN.

Houlette, qui soulais ès plaines Idumées, Comme troupeaux rangés conduire les armées,

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