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De ma dame, et de son sein Toujours plein

De mille et mille fleurettes;

Avril, la grâce et le ris
De Cypris,

Le flair et la douce haleine;

Avril, le parfum des dieux, Qui, des cieux,

Sentent l'odeur de la plaine;

C'est toi, courtois et gentil, Qui d'exil

Retires ces passagères,

Ces hirondelles qui vont,
Et qui sont

Du printemps les messagères.

L'aubépine, et l'aiglantin,
Et le thym,

L'œillet, le lis et les roses,
En cette belle saison,

A foison,

Montrent leurs robes décloses.

Le gentil rossignolet

Doucelet

Découpe, dessous l'ombrage, Mille fredons babillards,

Fretillarts,

Au doux chant de son ramage.

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Qu'ils mussent en leurs cuissettes:

Mai vantera ses fraîcheurs,

Ses fruits meurs,

Et sa féconde rosée,

La manne et le sucre doux,

Le miel roux

Dont sa grâce est arrosée ;

Mais moi je donne ma voix

A ce mois,

Qui prend le surnom de cellé
Qui de l'écumeuse mer

Voit germer

Sa naissance maternelle.

Les églogues que l'on va lire appartiennent à des poëtes qui sont venus après Racan, leur maître et leur modèle en ce genre.

L'ABSENCE.

MISERABLE troupeau, qui, durant la froidure,

Vois ces champs sans moisson et ces prés sans verdure,
Sache que pour jamais l'espoir nous est ôté
D'avoir en ce climat de printemps ni d'été.
L'astre par qui les fleurs émaillaient les campagnes,
Par qui le serpolet parfumait les montagnes,
Et par qui finissait cette froide saison,

A porté sa lumière en un autre horizon,

Et dans ces tristes lieux n'en reste aucune flamme,
Que celle que l'Amour en conserve en mon âme.
Combien en ce malheur je bénirais les cieux
Si, quand leur tyrannie éloigna de mes yeux
Celle dont la présence est mon heur et ma gloire,
Ils eussent de mon âme éloigné sa mémoire !
Soit que le jour renaisse au sommet des rochers,
Et commence à dorer la pointe des clochers,
Ou soit que dans les eaux sa lumière finisse,
Je ne pense jamais qu'aux beautés d'Artenice.
Quand les plus douces nuits assoupissent les corps,
Et font que les vivans sont semblables aux morts,

Que toutes les couleurs sont réduites en une,
Mon esprit, délivré de la foule importune,
Se forme sa figure aussi belle qu'elle est,
Lorsque, ne voyant rien, il voit ce qui lui plait,
Et, par les mêmes vœux dont je l'ai réclamée,
Adore cette image en mon âme imprimée.
Pourquoi n'usez-vous pas, ô mon divin soleil,
Des flammes de vos yeux comme votre pareil ?
Lorsqu'il nous quitte au soir, il remporte dans l'onde
Ses rayons éternels dont il éclaire au monde,
Et souffre que les corps et les esprits lassés
Accordent le repos à leurs travaux passés.
Mais en quelque climat où le ciel vous emmène,
Je ne trouve jamais de relâche à ma peine.
Dieux! que ma passion a de témérité !

Que les conseils d'Amour sont pleins de vanité,
De m'adresser à vous, dont la race divine
Du sang même de Pan a pris son origine,
Et de qui les appas, trop chastement gardés,
Par le seul Alcidor ont été possédés;
Celui de qui la mort, si digne de la vie,
Fit moins aux braves cœurs de pitié que d'envie,
Et que l'on estimait tant, qu'il fut parmi nous
Le salut des troupeaux et la terreur des loups!
Ai-je des qualités qui ne semblent petites
Lorsque je les compare à ses moindres mérites?
Il le faut avouer avecque vérité,

Il me passait en tout, hors en fidélité :

Mais cela ne m'est pas une grande louange;

A quelle autre beauté pourrais-je aller au change?
Quelle autre a des appas plus charmans et plus doux,
Ou quelle autre a l'esprit plus aimable que vous?
Certes, bien que ma foi n'eût jamais de seconde,
Qu'elle soit, comme vous, la meilleure du monde,
N'est-ce pas être injuste au prix de vos beautés,
De croire vous aimer comme vous méritez?
Pour moi, toutes les fois que je pense aux merveilles
Dont votre bel esprit ravissait mes oreilles,
Ou que je me souviens des aimables appas
En qui mes yeux trouvaient la vie et le trépas,
Repassant à loisir en ma triste mémoire

Ce bienheureux état du comble de ma gloire,
En ce grand changement je reconnais assez
Que les plus doux plaisirs sont les plus tôt passés.
Lorsque je me retrouve en ces belles demeures
Où les jours les plus longs ne m'étaient que des heures,
Cela ne sert de rien qu'à me ramentevoir

Que je n'y verrai plus ce que j'y soulais voir.

Cet agréable pré, cette fertile plaine,

Qui paraient à l'envi les rives de la Seine;
Ces jardins où la grâce étalait ses appas,

Alors que tant de fleurs y naissaient sous vos pas;

Tous ces lieux où l'Amour, plein d'attraits et de flamme, Donnait par vous ses lois à tant de belles âmes,

Et tout ce qu'a Paris de plus délicieux,

Est ce qui maintenant m'est le plus ennuyeux.

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