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Et Madonte qui croit qu'Iris ne la vaut pas,
Et Stelle qui jamais n'a loué ses appas,
Y briller en sa place, y triompher de joie?
Goûtez bien le bonheur que le sort vous envoie,
Bergères; jouissez de mille vœux offerts;

Dans l'absence d'Iris les momens vous sont chers.
Qu'elle eût orné les jeux! que d'yeux tournés sur elle!
Et qu'on m'eût rendu fier en la trouvant si belle !
Elle eût mis cet habit qu'elle-même a filé,
Chef-d'œuvre de ses doigts qu'on n'a point égalé.
Souvent à cet ouvrage un peu trop attachée,

Il semblait de mon chant qu'elle fût moins touchée;
Il est vrai cependant que, pour mieux m'écouter,
La belle quelquefois voulait bien le quitter.
Elle aurait mis en noeuds sa longue chevelure;
La jonquille à ces nœuds eût servi de parure:
Elle est jaune, Iris brune, et sans doute l'emploi
De cueillir cette fleur ne regardait que moi.
Peut-être dans les jeux elle eût bien voulu prendre
Le moment d'un regard mystérieux et tendre
Qu'avec un air timide elle m'eût adressé,
Et de tous mes tourmens j'étais récompensé.
Peut-être qu'à l'écart si je l'eusse trouvée
D'une troupe jalouse un peu moins observée,

Elle m'eût, en fuyant, dit quelques mots tout bas,
Avec sa douce voix et son doux embarras;

Elle l'a déjà fait aux noces de Silvie :

Ce plaisir imprévu pensa m'ôter la vie....

Id. et Egl.

19

Mon cœur se trouble encore à ce seul souvenir :
Quel moment! ah! grands dieux, s'il pouvait revenir !
Alcandre, que dis-tu? La bergère est absente
Peut-être pour long-temps, peut-être peu constante;
Et jusqu'à ses faveurs tu portes ton espoir!
Tu serais trop heureux seulement de la voir.

FONTENELLE.

DAPHNIS.

DAPHNIS, le beau Daphnis, l'honneur de ces hameaux,

Qui, dans la tranquille Ausonie,

De Pan conduisait les troupeaux,

Accablé sur ces bords d'une peine infinie,
Négligeait ses moutons, brisait ses chalumeaux;
Ses charmes n'avaient plus leur éclat ordinaire.
L'enjoué Lysidor, dont le doux entretien

Si souvent avait su lui plaire,

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Conduit par le hasard dans ce lieu solitaire,
Ne l'eût pas connu sans son chien.
Surpris, à grands pas il s'approche

De l'endroit où Daphnis poussait de longs soupirs ;
Et, touché de ses déplaisirs,

Il lui fit ce tendre reproche:

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LYSIDOR.

Lorsque vous formez le dessein

D'aller prendre des tourterelles;
Quand, pour parer d'Iris et la tête et le sein,
Vous cherchez les fleurs les plus belles,
Vous confiez toujours vos secrets à ma foi.

Puisque dans ces bois, dans ces plaines,
Vous partagez vos plaisirs avec moi,
Que n'y partagez-vous vos peines?

Ah!

DAPHNI S.

prenez moins de part à mon sort rigoureux. Sur ces bords, où j'attends la mort que je souhaite, Agréable berger, laissez-moi, je le veux;

Et, pour vous souvenir d'un ami malheureux,

Gardez mon chien et ma houlette.

LYSIDOR.

Ciel! de quoi peut se plaindre un berger si parfait? De sa douleur sachons la cause.

Quand les arbres sont rajeunis,

Quand tout rit, d'où vient, cher Daphnis,
Qu'un affreux chagrin vous dévore?

DAPHNI S.

LYSIDOR.

Fait exprès pour jouir du destin le plus doux,
A quelle erreur votre âme est-elle abandonnée ?

Vous méritez vos maux. Pourquoi conservez-vous Une tendresse infortunée ?

De cette conduite obstinée

Vous n'avez point trouvé d'exemple parmi nous.
Du siècle où nous vivons il faut suivre l'usage.
Croyez-moi, les vieux goûts ne sont plus applaudis.
Serait-il beau d'user du barbare langage

Que nos pères parlaient jadis?

DAPHNIS.

Sur ces bords mouillés de mes larmes, En proie à mes douleurs, à mes jaloux transports, J'ai fait, pour n'aimer plus, d'inutiles efforts. Malgré mes dépits, mes alarmes,

Je ne suis pas moins enflammé.

Un amour malheureux est un tourment bien rude!
Mais, hélas! Lysidor, quand on a bien aimé,
Quand le cœur s'en est fait une douce habitude,
Ce n'est point par l'inquiétude
Qu'il en est désaccoutumé.

LYSIDOR.

Cependant, lorsqu'une âme est une fois saisie

De ces inquiètes fureurs

Que fait naître une juste et forte jalousie,

La gloire éteint l'amour dans les plus tendres cœurs: Daphnis, écoutez-la quand elle vous appelle.

Méprisez votre injuste Iris.

Ce n'est que par un vrai mépris
Qu'on se venge d'une infidèle.

DAPHNI S.

A mon cruel destin nul destin n'est égal;
On ne m'arrache point le cœur de ma bergère.
Si quelque heureux rival l'avait rendu légère,
Hélas! j'aurais du moins le plaisir de mon mal,
D'aller percer le cœur de cet heureux rival!
Mais, sans être infidèle, ô Dieux ! le puis-je croire ?
Iris manque de foi! Iris ne m'aime plus!

Tandis que vos moutons paîtront ces prés herbus,
Écoutez de mes maux la déplorable histoire.
J'aimais, j'étais aimé; je passais de beaux jours;
L'aimable Iris et moi nous nous voyions sans cesse,
Et nos feux s'augmentaient toujours.
Rien ne devait, hélas! alarmer ma tendresse.
On maltraitait tous mes rivaux;

Et cependant l'excès de ma délicatesse
Me livrait tous les jours à d'incroyables maux.
Je m'en plaignais à ma maîtresse,

Et mes jaloux soupçons se trouvaient toujours faux.
Enfin, moins tendre, et rebutée

Des importuns chagrins de mon cœur amoureux, Ma belle bergère irritée

Résolut d'éteindre ses feux.

Averti d'un dessein à mes jours si funeste,
Je tremblai, je pâlis; je courus pour la voir....
Mon effroyable désespoir,

Lysidor, vous apprend le reste.

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