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Hélas! j'entends dire à nos mères
Qu'aucun poison n'est plus fatal.

CLYMÈNE.

Elles n'ont pas été toujours aussi sévères.

Rends-leur ces agrémens qu'ont les jeunes bergères,
Tu leur entendras dire aussi souvent qu'à moi :
Le doux poison qu'amour! Amour, il n'est que toi
De plaisir sensible en la vie :
On ne blâme que par envie

Les cœurs qui vivent sous ta loi !

ANNETTE.

Mais, Clymène, que veux-tu dire? Toi-même tu voulais tout-à-l'heure bannir Les doux transports de ce martyre.

CLYMÈNE.

Ah! je n'y pensais plus; tu m'en fais souvenir.
J'entends le son d'une musette!

Atis et Lisis paraissent.

LISIS, à Clymène.

Je confesse mon crime, et viens, plein de regret.... CLYMÈNE.

Je vous veux apprendre un secret.

Ne vantez que l'objet qui fait votre tendresse ;
Forcez vos amours d'avouer

Qu'un amant n'a des yeux que pour voir sa maîtresse,
De l'esprit que pour la louer.

ANNETTE.

Il suivra tes conseils; pardonne-lui, Clymène.

Si l'ami s'excuse aisément,

Il me semble qu'on doit avec bien moins de peine Pardonner à l'amant.

CLYMÈNE.

Ton ignorance me fait rire.
Pardonner à l'amant! Annette, y penses-tu?
Je vois bien qu'en effet l'amour t'est inconnu.
Atis, prends soin de l'en instruire.

Nous nous fàchons du mot d'amour:
Ce sont façons qu'il nous faut faire;
Et cependant tout ce mystère
Dure au plus l'espace d'un jour.
Nous soupirons à notre tour;

Un doux instinct nous le commande.
L'amant honteux fait mal sa cour:

Nous ne donnons qu'à qui demande.

ATIS.

Puisqu'on me le permet, je jure par les yeux
De la bergère que j'adore,

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Qu'il n'est rien si beau sous les cieux,

Ni la fraîche et riante Aurore,

Ni la jeune et charmante Flore.

Elle n'a qu'un défaut, c'est d'être sans amour. Ah! si je lui pouvais montrer ce qu'elle ignore, Nul berger plus heureux n'aurait pu voir le jour.

LISIS.

Annette est belle : qui le nie?
Mais Clymène emporte le prix;
Et moi j'emporte sur Atis
Celui d'une ardeur infinie.

Je sais languir, je sais brûler.

CLYMÈNE.

Savez-vous le dissimuler?

Si je le sais, cruelle !

LISIS.

CLYMÈNE.

Il est vrai, votre peine

Dura deux jours sans éclater.
Je n'osai d'abord m'en flatter:

N'étais-je pas bien inhumaine !

LISIS.

Deux jours? vous comptez mal: tout est siècle aux amans. Récompensez ces longs tourmens!

ATIS, à Annette.

Payez les transports de mon zèle!

CLYMÈNE.

Annette, qu'en dis-tu?

ANNETTE.

Mais toi? Je suis nouvelle

En tout ce qui regarde un commerce si doux.
Sachons auparavant ce qu'ils veulent de nous.

LISIS et ATIS.

L'aveu d'une ardeur mutuelle:

Tout le reste dépend de vous.

CLYMÈNE et ANNETTE.

Eh bien, on vous l'accorde.

LISIS et ATIS.

O charmantes bergères!

Allons sur les vertes fougères,

Au plus creux des forêts, au fond des antres sourds, Célébrer nos tendres amours.

TOUS ENSEMBLE.

Allons sur les bords des fontaines,
Le long des prés, parmi les plaines,
Mêler aux aimables zéphirs

Nos amoureux soupirs!

LA FONTAINE,

TIRSIS ET IRIS.

TIRSIS.

On aime en ces hameaux ; on songe assez à plaire ;
Cependant cherchez-y quelque berger sincère,
Et je veux bien, Iris, vous rendre votre foi,
Si vous en trouvez un sincère comme moi.

IRIS.

Il est quelques beautés que l'on trompe ou qu'on quitte,
Mais il en est plus d'une aussi qui le mérite.
Eh quoi voulez-vous donc qu'avec fidélité
On aime Cléonice, et son air affecté ?

Voulez-vous que l'on soit fidèle pour Madonte,
Qui toujours sur ses ans nous impose sans honte ?
Mais Climène, mais Lise ont de vrais agrémens,
Et je répondrais bien, berger, de leurs amans.

TIRSIS.

Ne vous y trompez pas; pour être jeune et belle,
On n'en a pas toujours un amant plus fidèle.

Vous parlez de Climène ! il n'est pas d'air plus doux ;
Et même elle a, dit-on, quelque chose de vous;
Mais si je vous disais que Climène est trahie ?
Ménalque, qui devrait l'aimer plus que sa vie,
Qui souvent la voit seul près d'un certain buisson,
Ménalque pour une autre a fait une chanson.

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